Je ne doute pas, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, et vous tous, de part et d'autre de cet hémicycle, que vous soyez ici dans le désir que vos paroles, vos actes, les textes que vous rédigez ou que vous votez soient utiles aux Français, améliorent leurs conditions de vie, bénéficient à notre pays et à son développement.
Comme moi, sans doute, vous vous interrogez sur le sens, la finalité de chacun des textes que nous examinons.
Le rôle du législateur n'est pas d'accompagner l'évolution de la société, ni même l'évolution des techniques, il est de leur donner un sens, d'en promouvoir le bon usage, d'en régir les abus, d'en pénaliser les contraventions.
De tous ces points de vue, le texte que nous examinons ce soir, monsieur le ministre, soulève pour vous comme pour moi, un certain nombre de questions, à l'examen desquelles je voudrais que nous procédions ensemble, posément, honnêtement.
Les jeux en ligne existent : il s'agit actuellement de sites illégaux. Où sont les pénalités, les amendes ? Où sont les cyberpatrouilleurs ? Où est le blocage des sites que vous nous promettez demain à l'encontre des sites illégaux ?
Permettez-moi de dire que votre attitude aujourd'hui laisse mal augurer de votre sévérité future. Si les moyens existent, que ne les avez-vous mis en oeuvre ? Quel aveu de les prévoir pour demain, et d'avoir laissé filer jusqu'à ce jour !
Le jeu existe, et il n'y a personne ici pour le condamner en lui-même. Il n'est ni bon ni mauvais, il est au sens pascalien un divertissement. Le bon ou le mauvais dépend de l'usage qu'on en fait et de l'exploitation qu'on en autorise.
Les jeux – c'est là une connaissance relativement récente, mises à part quelques figures de la littérature – sont à l'origine de maladies. Celles-ci, depuis 1980, sont répertoriées comme telles dans le DSM IV de la psychiatrie. Comme l'hyperactivité, les tics ou les TOC, ce sont des maladies comportementales ou sociétales. La société qui les a créées doit non seulement tenter de les soigner mais, bien plus – ce qui se fera à un coût moindre –, de les prévenir, car ce sont des maladies évitables. L'addiction aux jeux, qui a fait l'objet d'un rapport récent de l'INSERM, a un caractère spécifique.
Contrairement à l'alcoolisme, qui ne dépend pas du nombre d'épiceries ouvertes, ou de l'addiction au sexe, qui ne dépend pas du nombre de dames présentes dans cet hémicycle, elle est étroitement proportionnelle à l'offre. De plus, le risque est différent selon le type de jeux et le public ciblé : nous y reviendrons.
Le législateur ne doit en aucun cas méconnaître ces trois données : il pourra un jour être considéré comme responsable d'une augmentation de la prévalence de cette maladie, comme nous sommes aujourd'hui comptables des dégâts infligés à la planète.
Responsable, il l'est du reste d'ores et déjà, car cette prévalence a augmenté de manière significative à la suite d'actes législatifs qui, permettez-moi de le rappeler, ne furent pas le fait de Mme Parly, mais de la droite : je pense notamment à l'ouverture des casinos hors des lieux de villégiature ou au fait que les machines à sous, en 1987, y ont trouvé droit de cité.
Aujourd'hui, en raison notamment de ces deux mesures, le nombre des malades augmente et on estime, en s'appuyant sur les chiffres européens, que 1 à 3 % les Français sont des joueurs pathologiques ou problématiques.
S'il s'agissait de la diphtérie, ou simplement de la grippe, qui accepterait de voir atteints 1 à 3 % des Français ?