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Intervention de Aurélie Filippetti

Réunion du 7 octobre 2009 à 15h00
Ouverture à la concurrence des jeux d'argent en ligne — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélie Filippetti :

Le jeu n'est pas anodin. Il ne s'agit pas d'une activité commerciale comme une autre. L'Union européenne elle-même l'a exclu du champ de la directive « services ». Tragiquement lié à la destinée humaine, il revêt une dimension anthropologique.

Après la Révolution, le tribun Honoré-Marie-Nicolas Duveyrier, artisan du code civil, déclarait : « le jeu, ce ministre aveugle et forcené du hasard, ce monstre antisocial, bien qu'il affecte la figure et le maintien d'un contrat, ne mérite sans doute pas la protection que la loi doit aux conventions ordinaires ».

Le joueur est également une figure tragique dans la littérature. Alexis Ivanovitch, le joueur de Dostoïevski, après avoir perdu une grande partie de l'argent de Pauline au cours d'une soirée, s'explique : « C'était le moment de m'en aller mais un étrange désir s'empara de moi. J'avais comme un besoin de provoquer la destinée, de lui donner une chiquenaude, de lui tirer la langue. J'ai risqué la plus grosse somme permise et j'ai perdu. Alors j'ai mis tout ce qui me restait sur pair et j'ai quitté la table comme étourdi ». Et ce soir, monsieur le ministre, c'est nous qui quitterons la table…

Le tragique, c'est aussi l'enfer du jeu excessif. L'on sait bien que l'addiction soulève, outre des questions de santé publique, des questions sociales car les principales victimes en sont les populations les plus défavorisées. Le fait de jouer excessivement révèle la plupart du temps des problèmes professionnels, économiques, familiaux, des troubles psychologiques, autant de perturbations que viennent amplifier les pertes financières irrécupérables dues au jeu excessif.

L'INSERM a montré que le jeu entraînait « davantage de problèmes sociaux chez les populations les plus pauvres car le pourcentage des dépenses ludiques y est plus important, même quand les sommes consacrées au jeu sont plus réduites. » D'après le psychiatre Marc Valleur, chercheur à l'INSERM et membre du COJER, le comité consultatif pour la mise en oeuvre de la politique d'encadrement des jeux et du jeu mis en place par Jean-François Copé, « la première des préventions, c'est la limitation de l'offre ». L'ouverture à de nouveaux opérateurs et la lutte contre la dépendance sont donc des objectifs contradictoires.

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