Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les jeux d'argent et de hasard sont incontestablement un élément de notre patrimoine national. Aux comptoirs des bars-tabac, dans les tribunes des hippodromes, ou encore dans les salles de jeu des casinos, des millions de Français goûtent, chaque année, au plaisir du jeu.
Les activités de jeu sont également une source de financement non négligeable pour l'État et les collectivités territoriales : c'est ainsi que la filière hippique et un grand pan de l'économie touristique dépendent directement des prélèvements effectués sur les jeux d'argent et de hasard.
En raison des risques qu'ils font courir aux individus et à la société, les jeux d'argent et de hasard ont toujours été strictement encadrés. Ils doivent impérativement le rester. Entre l'interdiction et le libre marché, il y a la régulation. Incontestablement, le secteur des jeux d'argent doit être encadré, régulé par l'État.
Or on constate aujourd'hui une situation qu'on ne peut plus tolérer, puisque, comme l'a souligné M. le ministre, le dispositif légal mis en place est largement détourné par une offre de jeu qui s'est développée sur internet sans contrôle des activités présentant des risques pour les joueurs et pour la société, et avec des pertes de recettes importantes pour les filières hippiques, sportives et touristiques.
Le projet de loi qui nous est présenté a pour but de mettre fin à cette situation de non-droit en proposant une régulation crédible et équilibrée du marché des jeux en ligne. C'est donc tout naturellement que la commission des affaires économiques en a soutenu le principe et approuvé la philosophie générale.
Le travail en commission a également permis d'enrichir le texte sur plusieurs points importants. Je tiens ici à remercier le ministre et le rapporteur de la commission saisie au fond pour leur écoute.
Nul doute que les débats que nous allons avoir dans cet hémicycle vont permettre d'améliorer encore le contenu du texte.
Pour ma part, je serai sensible à la fois aux moyens que nous allons nous donner de mieux lutter contre l'offre illégale et à l'encadrement de l'offre légale.
En ce qui concerne la lutte contre l'offre illégale, le projet de loi propose un certain nombre de mesures permettant de gêner l'activité des opérateurs non agréés : sanction pénale, blocage des flux financiers, suspension de l'accès aux sites internet, interdiction de la publicité.
Mais aucun de ces moyens ne suffit à lui seul. C'est l'addition de ces mesures – qu'il faudra d'ailleurs régulièrement actualiser – qui permettra, nous l'espérons, d'obtenir un résultat efficace.
À ces moyens techniques s'ajoute le développement d'une offre légale, au sujet de laquelle je voudrais faire trois remarques.
En premier lieu, dans le cadre de cette offre légale, il est impératif de protéger les joueurs contre eux-mêmes. Des amendements proposés par la commission des affaires économiques ont été retenus en ce sens, d'autres pourraient encore renforcer le dispositif proposé par la loi : il faudra y être attentif car, comme l'a souligné le rapporteur de la commission saisie au fond, le développement de comportements addictifs peut faire des ravages dans les familles et dans le corps social. C'est notamment pour cette raison que l'activité des jeux d'argent et de hasard a toujours été encadrée.
On peut même soutenir qu'elle doit l'être plus encore maintenant car, pour la première fois, se développe une offre permanente, accessible à tout moment, depuis le domicile personnel ou tout autre endroit, à partir d'un ordinateur portable.
Si rien n'est fait sérieusement pour protéger le consommateur contre lui-même, le risque est donc réel qu'une frange non négligeable de joueurs deviennent des joueurs pathologiques.
À ce sujet, si le plafonnement du taux de retour au joueur est susceptible de réduire l'addiction aux jeux, nous serons tous d'accord pour imposer aux opérateurs un encadrement strict du montant et de la fréquence des dépôts et des mises. Il faut que les opérateurs protègent les joueurs contre eux-mêmes.
Mais – et c'est ma deuxième remarque – le véritable danger pour le joueur-consommateur, c'est en réalité l'offre illégale. À cet égard, la loi n'atteindra son but que si l'offre légale est suffisamment attractive, faute de quoi il subsistera une offre illégale. Nous serions alors devant une situation paradoxale, puisque, en banalisant l'offre de jeu d'argent sur internet, nous aurions attiré de nouveaux joueurs, qui viendraient ensuite renforcer l'offre illégale, vers laquelle ils seraient attirés en raison de la promesse de gains bien supérieurs. Il nous faut donc veiller à ce que l'offre légale soit suffisamment attractive, pour les joueurs et pour les opérateurs, afin d'assécher l'offre illégale. Nous sommes ici au coeur du problème. Et le projet de loi n'est pas loin d'avoir trouvé l'équilibre fin que nous recherchions.
Ma troisième et dernière remarque concerne l'arrière-plan européen du texte. En effet, la Cour de justice des Communautés européennes a rendu en septembre dernier un arrêt important, qui reconnaît explicitement que les jeux d'argent sur internet « comportent des risques de nature différente et d'une importance accrue par rapport aux marchés traditionnels ». La Cour en déduit une plus grande liberté laissée aux États pour encadrer les activités des opérateurs, en particulier quand ceux-ci ont leur siège en dehors du territoire national.