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Intervention de François de Rugy

Réunion du 29 septembre 2009 à 21h30
Application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution — Projet de loi organique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

L'actualité nous offre un exemple criant de cette incohérence entre les principes affichés et la réalité des actes : je pense au remplacement en cours du président-directeur général d'EDF.

Depuis plusieurs jours, les journaux bruissaient de rumeurs concordantes sur le remplacement programmé du PDG actuel par un capitaine d'industrie connu pour ses sympathies politiques envers la majorité actuelle ; ce n'est certes pas une tare, mais cela ne constitue pas non plus une condition suffisante pour une telle nomination.

Dimanche soir, la confirmation tombait, sous forme d'un communiqué de presse de Matignon, communiqué qui, lui, n'a pas été retiré du site officiel quelques heures après sa mise en ligne, et dont l'auteur mériterait d'être félicité, tant il lui a fallu faire montre d'équilibrisme rédactionnel.

Jugez-en un peu. Sous le titre « Le Gouvernement souhaite consulter le Parlement sur la candidature de M. Proglio à la présidence d'EDF », le communiqué précise que, dans la perspective de l'assemblée générale du 5 novembre, « l'État soutient et recommande [...] la candidature de M. Henri Proglio ». De la proposition, on passe allègrement à l'affirmation. Et le tour est joué !

Et le communiqué de préciser : « Le Gouvernement entend, sans attendre l'adoption de la loi organique qui en fera une obligation, consulter les deux assemblées sur la candidature de M. Henri Proglio. » Vraiment, le Gouvernement est trop bon ! Peu importe que la procédure de sélection n'ait connu d'autre cadre, semble-t-il, que le bureau du Président de la République, et peu importe que la sélection de M. Proglio s'accompagne d'un corollaire non discutable : son intention de conserver une fonction, certes pas exécutive mais tout de même dirigeante, dans le groupe privé qu'il dirige actuellement.

Grâce à la bonne volonté gouvernementale, le Parlement, jusqu'ici contraint d'enregistrer, aura désormais le droit de regarder. C'est sans doute votre conception du droit de regard cher à votre prédécesseur. Décider, pour notre assemblée ou pour nos collègues du Sénat, ce sera pour plus tard.

Vous allez me dire qu'un cas ne fait pas la règle. Certes. Mais je vous fais grâce de la longue litanie des nominations de fait, directement dirigées depuis l'Élysée durant les deux dernières années. On se souvient des candidatures fortement suggérées, dès le lendemain de l'élection du Président de la République, au sein de la première chaîne de télévision. Elles concernaient des personnes directement issues de son équipe de campagne. Plus récemment, on a vu le transfert, si l'on peut se permettre l'emploi d'un terme que l'on rencontre plus souvent dans les journaux sportifs, de Stéphane Richard, directeur de cabinet de Mme Lagarde, ministre de l'économie, à la direction de France Télécom, où il est, paraît-il, promis au plus bel avenir, celui de PDG. Sans s'appesantir sur la proximité entre le Président de la République et M. Richard, une proximité affichée, dont témoigne le discours prononcé lors de sa remise de légion d'honneur, on peut s'interroger sur ce dangereux mélange des genres quand on sait le rôle que joue le ministère de l'économie dans les choix qui concourent aux règles du marché des télécoms. Quand on apprend que le Président de la République est désormais, paraît-il, réticent à l'émergence d'un nouvel opérateur de téléphonie mobile, on ne peut s'empêcher d'être pris d'un doute. Pour tout dire, le soupçon est évidemment présent.

Le respect de la séparation des pouvoirs n'est décidément pas la marque de fabrique du pouvoir actuel, un autre exemple en a malheureusement fait la démonstration d'une façon caricaturale, qui confine à l'abus de pouvoir.

Je veux parler des conditions de nomination de François Pérol à la tête du nouveau groupe bancaire issu de la fusion de la Banque populaire et des Caisses d'épargne. M. Pérol est passé sans transition du poste de conseiller pour les questions économiques auprès du Président de la République à ce poste de PDG de banque. Pour tenter de parer aux questions sur ce nouveau mélange des genres, le Gouvernement n'a pas hésité à inventer une saisine de la commission de déontologie. Les membres de ladite commission ont dû rappeler publiquement – ce qui n'est pas dans leurs habitudes – qu'ils n'avaient nullement été saisis et que le Gouvernement ne pouvait absolument pas se prévaloir d'un quelconque avis, et encore moins de leur aval. De l'art de s'asseoir sur les règles en tentant de démontrer le contraire.

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