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Intervention de Christophe de Margerie

Réunion du 30 avril 2009 à 10h00
Commission des affaires économiques

Christophe de Margerie :

Le dialogue avec la représentation nationale est d'une grande importance et je suis toujours prêt à venir m'exprimer devant elle. En l'occurrence, je serais même volontiers venu plus tôt, pour parler à chaud. Cela me semblait en effet nécessaire et souhaitable pour dissiper quelques difficultés de compréhension réciproques. Et si, en ces moments difficiles, on peut aider la presse à travers une communication diffusée dans les journaux, c'est très bien. D'une façon générale, j'observe que, trop souvent, l'on nous dit des choses contradictoires. Ainsi, pourquoi reprocher des séjours à Deauville au mois de mars, alors qu'autrement ces hôtels resteraient vides ? J'insiste, il faut que les élus évitent des déclarations intempestives aux conséquences inverses de ce qu'ils souhaitent : en période de crise, il est bien de soutenir l'économie avec l'argent dont on dispose.

J'insiste avec la plus grande fermeté sur le fait que lorsque Total investit à l'étranger et, face à la concurrence, parvient à y placer ses ingénieurs et ses équipes, c'est une bonne chose pour la France. C'est toujours ainsi que notre pays a été glorieux. Lorsque j'entends qu'investir en Arabie saoudite, c'est délocaliser, je me fâche ! Ceux qui pensent que prendre des marchés à des compétiteurs étrangers, c'est pratiquer la délocalisation ont franchement tort. Un site Total en Arabie saoudite crée aussi des emplois, mais il n'opère pas pour les mêmes marchés que les sites Total de France : il est destiné aux marchés de l'Est et de la Chine. Tous les parlementaires devraient être fiers quand une entreprise française gagne des contrats à l'étranger.

En ce qui concerne Marseille, ce n'est pas Total qui a investi dans un poste de stockage supplémentaire. Si cela vous pose problème, allez vous plaindre à son propriétaire qui, pour nous, est un concurrent. Ces nouvelles capacités de stockage ne nous réjouissent pas spécialement et, d'ailleurs, nous ne facilitons pas leur approvisionnement.

S'agissant du gazole, de l'essence et des restructurations nécessaires, il y a beaucoup à dire. La France a la chance d'avoir encore une industrie pétrolière. Celle-ci doit encore progresser, c'est vrai, et c'est pourquoi une bonne partie des investissements que nous avons engagés vise à remédier aux problèmes causés à l'environnement par nos installations. Nous avons ainsi mis au point un ambitieux programme de réduction des émissions des gaz à effet de serre et décidé d'y consacrer 250 millions d'euros, ce qui est considérable.

Je rappelle d'autre part que les décisions prises au terme du Grenelle de l'environnement tendent à réduire le plus possible la consommation individuelle d'énergie. Nous appuyons ces décisions. Nous savons qu'elles auront pour conséquence la réduction de la consommation énergétique en France et en Europe, et nous nous en félicitons. Non seulement on demande aux consommateurs de réduire leur consommation, mais on fabrique des produits qui consomment moins d'énergie. Que l'on ne vienne pas ensuite nous reprocher d'adapter notre outil industriel à cette évolution !

Je le dis fermement, nous nous devions d'adapter l'outil industriel à la capacité du marché. On a vu dans d'autres secteurs ce qu'il en coûte de conserver un outil surdimensionné. En revanche, on peut se doter d'un outil pérenne, adapté aux nouvelles normes environnementales, et compétitif. C'est notre devoir, c'est celui de toute entreprise telle que la nôtre. Nous avons d'ailleurs toujours dit au maire de Gonfreville notre volonté de pérenniser l'usine – et les salariés le savent. Contrairement à ce que certains ont prétendu, le dialogue social existe chez Total, et tous les employés sont convaincus de la nécessité de ce plan. N'en retenir que la suppression, à terme, de 555 postes, ce n'est pas sérieux. Ce que nous faisons n'est pas antisocial, mais responsable. L'irresponsabilité aurait été de se voiler la face et de ne pas bouger – ce que beaucoup m'ont conseillé. Je refuse cette attitude, et je considère que je ne suis pas payé pour ne rien faire.

Un autre point qui me fâche est la méconnaissance du droit du travail. Que plus de la moitié des députés ignorent que l'on n'a pas le droit de s'exprimer avant le comité central d'entreprise est extraordinaire. Dans cette affaire, la presse a été au courant bien avant qu'il ne se réunisse. Pour notre part, elle nous sollicitait depuis quinze jours et nous en étions de plus en plus irrités, mais nous avons résisté. Il serait temps qu'une réflexion sérieuse s'engage pour éviter la répétition de pareils errements, qui ne profitent à personne et surtout pas aux salariés. Permettez-moi de dire qu'il est anormal que cette communication ait été faite par un syndicat. Chacun, sans exception, doit respecter le droit du travail, les organisations syndicales comme le patronat.

Les choses ayant été dites, nous avons dû conjuguer nos efforts pour expliquer que le coeur de ce plan, c'est un investissement d'un milliard d'euros dans la pétrochimie et le raffinage. Cet investissement se fait sans conditions – personne, je le souligne, n'a brandi la menace assez habituelle consistant à dire : « Si vous n'êtes pas gentils, nous n'investirons pas »…

M. Lecoq a eu l'amabilité de dire ses bonnes relations avec la direction de la raffinerie, mais je voudrais lui dire que les termes de son communiqué ont fait beaucoup de mal à notre personnel, ont terriblement affecté les personnes qu'il dit respecter. Je sais néanmoins que nous continuerons à travailler avec l'ensemble des élus. J'observe d'ailleurs que, à Carling comme au Havre, nous avons reçu leur soutien ; en réalité, la presque totalité des attaques est venue de Paris. À Carling, les élus nous ont remerciés de nos efforts. Il faut dire que nous avons attendu jusqu'au dernier moment pour savoir si nous restructurerions le site et nous ne l'avons décidé qu'après avoir eu confirmation que Suez y construirait des panneaux solaires ; ainsi savions-nous que des emplois seraient créés en nombre égal à ceux que nous étions contraints de supprimer. Après quoi, nous avons entendu des phrases selon lesquelles « Le solaire, c'est vraiment beaucoup mieux que ce qu'il y avait avant »… Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'y a guère de soutien à l'industrie lourde en France ! Le soutien commence au moment des restructurations…

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