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Intervention de Michel Barnier

Réunion du 21 octobre 2008 à 17h00
Commission des affaires économiques

Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche :

MM. Herth, Vialatte et Chassaigne ont évoqué la plus grave crise sanitaire animale que nous traversons actuellement, celle de la fièvre catarrhale ovine : 14 millions d'euros y sont consacrés dans le budget 2009 pour des actions de surveillance et de recherche. En 2008, nous aurons au total mobilisé plus de 120 millions d'euros pour venir en aide à la filière, dont 77 millions pour des mesures sanitaires et 44 millions pour des mesures économiques - auxquels il convient d'ajouter 90 millions de crédits européens. J'ai annoncé il y a peu à Clermont-Ferrand le déblocage de 30 millions d'euros supplémentaires d'aides économiques début 2009 pour aider les exploitations à traverser cette passe difficile. Le financement communautaire a, depuis le début de la crise, fait l'objet d'intenses discussions. Lors du dernier Conseil des ministres européen, la France a demandé que soit définitivement adopté le principe d'une politique vaccinale communautaire, que soient révisées les conditions de circulation des animaux et que l'Union européenne prenne en charge 100 % des vaccins et 50 % de la vaccination. Dix-sept pays ont soutenu ces demandes. J'ai fait savoir il y a quelques jours à la Commission que nous souhaitions en 2009 la reconduction des crédits 2008.

Pour ce qui est de l'aide au maintien, les modalités en seront finalisées le 3 novembre prochain, en lien avec les professionnels. Les vaccins nécessaires à la vaccination de tous les broutards destinés à l'exportation sont immédiatement disponibles, en quantité suffisante pour vacciner tout le cheptel pendant l'hiver. A la fin septembre, nous avions utilisé 40 millions de doses pour la vaccination contre le sérotype 8. Nous lançons la même action pour le sérotype 1, en attendant que la recherche nous permette de disposer d'un vaccin mixte.

L'acte de vaccination lui-même est un sujet extrêmement sensible. Il faut pour pouvoir exporter respecter le cahier des charges européen des mouvements d'animaux, qui exige une vaccination par un vétérinaire. La pratique de la vaccination par les éleveurs eux-mêmes pourrait être envisageable pour les animaux non destinés à l'exportation. Je vais en discuter avec la profession vétérinaire, dont le mandat sanitaire ne doit pas se trouver remis en question, et avec les agriculteurs. Je confirme ce que j'ai dit le 3 octobre dernier à Clermont-Ferrand : nous allons reconduire, en l'adaptant, l'aide au maintien des animaux dans les exploitations à hauteur de 17 millions d'euros, prolonger le dispositif d'aide à l'engraissement et accorder des exonérations de charges pour tenir compte des difficultés de trésorerie des exploitations. Au-delà des conséquences de la FCO, je travaille actuellement à un plan d'accompagnement des éleveurs, qui connaissent tous de graves difficultés de trésorerie. Une enveloppe exceptionnelle d'un million d'euros a été ouverte pour renforcer la prise en charge de certaines cotisations sociales.

S'agissant de la filière bio, il sera possible de cumuler le crédit d'impôt, qui va être doublé, et l'aide à la conversion, qui sera financée dans le cadre du premier pilier à partir de 2010. Je suis très attentif au sort de l'élevage ovin, qui n'a jamais été équitablement traité dans le cadre de la PAC et est aujourd'hui en très grande difficulté. Les éleveurs ovins sont à bout : j'ai mis en place, avec les modestes moyens dont je disposais, deux plans successifs, l'un de 15 millions d'euros en 2007, l'autre de 17 millions en 2008 -d'où les redéploiements dont je comprends, Monsieur Peiro, qu'ils ne facilitent pas la lecture du budget ni les comparaisons d'une année à l'autre. Je souhaiterais pouvoir dégager un peu plus encore en 2009, de façon à permettre aux éleveurs de tenir jusqu'en 2010, et vais essayer pour cela de mobiliser les DPU dormants. La « boîte à outils » européenne sera connue en novembre. Nous aurons alors six mois pour décider comment nous l'utiliserons en déterminant à qui on prend pour donner à qui et pour quoi. Les décisions que nous prendrons au premier semestre 2009 seront applicables en 2010.

Monsieur Vialatte, les crédits prévus pour la lutte contre la grippe aviaire en 2009 sont du même ordre qu'en 2008. Pour la tuberculose bovine, aujourd'hui, un seul cas dans une exploitation oblige à abattre tout le troupeau : nous regardons s'il ne serait pas possible de gérer cette maladie de manière un peu plus fine, mais il faut bien entendu prendre toutes les précautions nécessaires. La dotation 2009 pour cette maladie est en augmentation, correspondant mieux au nombre de cas réels. En 2008, nous avons déjà versé près de 10 millions d'euros d'indemnisation - alors même que notre pays est officiellement considéré comme indemne. Hélas, la maladie n'a pas été éradiquée.

Monsieur Herth, la fusion entre le CNASEA et l'AUP donnera naissance à un outil stratégique clé -je précise qu'il n'est pas question de délocaliser le CNASEA. Il était de même très important de créer l'office unique FranceAgriMer. Pour ce faire, nous avons été obligés de faire adopter un amendement d'origine parlementaire à la proposition de loi relative à la simplification du droit : l'agenda parlementaire ne permettait pas en effet d'inscrire à l'ordre du jour avant le 1er janvier prochain le projet de loi relatif à ces fusions -que j'ai présenté au Conseil des ministres le 1er octobre. Les réformes doivent pourtant être réalisées à cette date. Je vous remercie de votre compréhension pour le biais de procédure que nous avons dû utiliser.

L'ONF lui aussi va se réformer pour gagner en productivité. 458 suppressions d'emplois y sont prévues sur la période 2009-2011 et l'Office va déménager à Compiègne, lieu prestigieux non loin de Paris, à proximité de la principale forêt domaniale de France. Je vois bien les problèmes qui peuvent se poser mais pourquoi tous les organismes devraient-ils être concentrés à Paris ?

Le budget forêt diminue de 13 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 9 millions d'euros en crédits de paiement. Cette baisse s'explique en partie par la fin des aides du Plan chablis, consécutives à la tempête de 1999, et aux efforts de productivité que je viens d'évoquer. Parallèlement, nous assistons à la montée en puissance de nouvelles mesures fiscales -défi contrats, défis travaux, aide à l'aval.

Le plan de modernisation des bâtiments d'élevage est doté de 46 millions d'euros, auxquels s'ajoute un financement européen de même montant. Je vous adresserai, si vous le souhaitez, Monsieur Herth, le bilan détaillé de ce plan qui en quatre ans a mobilisé 453 millions d'euros de crédits nationaux et européens. Nous avons réussi à résorber le retard accumulé puisqu'à mon arrivée au ministère, dix mille dossiers étaient en attente.

S'agissant du Plan végétal environnement (PVE) qui vise à accompagner les investissements à vocation environnementale, nos objectifs sont multiples : reconquête de la qualité des eaux, économies d'énergie, notamment dans les serres, réduction des pollutions par les produits phytosanitaires et par les fertilisants, diminution des prélèvements d'eau. En 2007, nous avons engagé 4,3 millions d'euros à ce titre -avec autant de financement européen. En 2009, ce seront cinq millions.

J'en viens aux suppressions d'emplois du ministère, de façon que les chiffres soient sans ambiguïté. 550 emplois de titulaires seront supprimés en 2009, y compris dans l'enseignement : 41 emplois dans l'administration centrale, 187 dans les directions départementales et régionales, 89 dans les directions des services vétérinaires, 88 emplois d'enseignants et 64 de non-enseignants dans l'enseignement public, 71 emplois d'enseignants dans l'enseignement privé et dix postes d'administratifs dans l'enseignement supérieur.

S'agissant de la fiscalité des biocarburants, le coût des exonérations s'élevait à 500 millions d'euros en 2007 et devrait être de l'ordre de 900 millions en 2008. Face au poids de cette dépense fiscale et à l'augmentation durable du prix du pétrole qui rend les biocarburants plus compétitifs, le Gouvernement propose de diminuer progressivement d'ici à 2012 cette défiscalisation. Tout en étant solidaire des arbitrages rendus dans le cadre du projet de loi de finances, mon souci est que ces mesures soient assez lissées pour ne pas décourager les investissements. La question n'est pas celle de la concurrence des biocarburants avec les productions alimentaires : seuls 7 % de la surface agricole utile leur sera consacrée à l'horizon 2012. Ce serait une faute que de décourager la production de cette source d'énergie, dont nous avons besoin pour diversifier nos sources d'approvisionnement énergétique, pour atteindre l'objectif de 20 % d'énergies renouvelables du plan Climat et pour mettre au point des produits de deuxième génération. Je serai très attentif aux décisions prises par le Parlement sur ce sujet.

La recherche est fondamentale pour promouvoir notre nouveau modèle d'agriculture et de pêche durable. Réduire les consommations d'énergie et de produits phytosanitaires est une obligation, mais nous ne pourrons progresser en ces domaines qu'avec l'aide de la recherche. Tel est l'objet notamment du Plan Ecophyto 2018. Un texte est en cours d'élaboration sur les produits phytosanitaires d'origine naturelle et au niveau européen, le nouveau paquet « pesticides » visera à mieux protéger la santé et l'environnement, tout en permettant d'harmoniser les pratiques autorisées ou non dans les différents pays de l'Union, de façon que nos agriculteurs ne subissent pas de concurrence déloyale. J'espère conclure sur le sujet avant la fin de la présidence française. M. Paillotin, ancien président de l'INRA, s'est beaucoup investi dans le plan Ecophyto, dont le succès est subordonné à un accroissement des efforts de recherche de l'INRA, ainsi que de tous les autres établissements.

Les risques sanitaires augmentent, sous le double effet du réchauffement climatique et de la mondialisation des échanges. Le frelon asiatique qui détruit actuellement une partie des abeilles est arrivé on ne sait comment à Bordeaux et s'est répandu partout en Europe, le sérotype 8 de la FCO aux Pays-Bas, le virus du chikungunya en Italie du Nord alors qu'il était initialement cantonné à Madagascar. La surmortalité qui a frappé les élevages d'huîtres est aussi, de mon point de vue, l'une des conséquences, que l'on n'a pas encore toutes mesurées, du réchauffement des mers. Nous travaillons sur cette question avec l'IFREMER et les autres instituts de recherche. Nous avons pu dégager dans l'urgence et de manière exceptionnelle 37 millions d'euros au profit des conchyliculteurs.

S'agissant des thoniers, il est important d'établir une règle du jeu respectée par tous. Nul ne peut nier qu'il y a eu des abus par le passé : je n'ai moi-même fait preuve d'aucune complaisance et engagé les procédures judiciaires nécessaires, et nous poursuivrons dans cette voie. J'avoue avoir été pris de court en juillet par la décision de la Commission européenne de fermer la pêche au thon rouge quinze jours avant la date prévue. Des bateaux n'ont de ce fait pas pu sortir, et je n'ai toujours pas trouvé les moyens juridiques d'indemniser les pêcheurs concernés. Une réunion de la CICTA est prévue en novembre : le débat y sera difficile, certains souhaitant un moratoire, c'est-à-dire l'interdiction pure et simple de la pêche au thon rouge. Nous proposerons, nous, plutôt de réduire la période de pêche ainsi que les quotas, et de mieux surveiller le respect par tous de ces mesures. Le rapport de M. Roncière est actuellement en discussion au Comité national des pêches mais vous pouvez d'ores et déjà en prendre connaissance. Mme Tanguy poursuit son travail sur l'aquaculture, qui intéresse beaucoup nos voisins européens, notamment ceux qui ne disposent pas de frontières maritimes. J'ai ouvert il y a un mois un premier débat au niveau européen sur l'avenir de la politique commune des pêches. Y a été réaffirmé le principe d'une responsabilité collective face à une ressource halieutique rare et fragile, reconnu l'intérêt des plans de reconstitution de la ressource, voire de certaines fermetures, -il faudra sans doute faire pour le thon rouge ce qui a été fait pour le cabillaud. J'ai moi-même proposé lors de cette rencontre, en quoi j'ai été suivi, qu'on améliore la coopération entre marins pêcheurs et scientifiques de façon à éviter des points de vue par trop très divergents. Nous sommes parvenus à un accord sur l'ensemble des mesures du plan Pêche durable, Monsieur d'Ettore. Je réunirai la profession et la filière le 30 octobre prochain : nous ferons le bilan de l'année écoulée, depuis Le Guilvinec, jusqu'à la mise en place du plan, auquel la Commission européenne a donné son accord. Je vous en rendrai compte par écrit dans les courriers que je vous adresse mensuellement.

M. Vialatte m'a interrogé sur l'importation de certains produits pouvant présenter des risques sanitaires comme l'huile frelatée en provenance d'Ukraine ou le lait chinois. Aucun lait en provenance de Chine n'est autorisé à l'importation dans l'Union européenne. Mais il existe sur le marché européen des produits pouvant contenir des ingrédients laitiers chinois. C'est pourquoi nous avons consigné les produits potentiellement concernés. Ce qui est arrivé en Ukraine et en Chine nous renforce d'ailleurs dans les positions que nous défendons dans le memorandum que j'ai déposé, visant à généraliser et à rendre plus rigoureux et plus transparents les contrôles de sécurité sanitaire sur tous les produits importés, à la fois pour protéger les consommateurs et éviter une concurrence déloyale pour nos producteurs.

S'agissant d'une fusion entre l'AFSSA et l'AFSSET, la réflexion est en cours. Rien n'a encore été décidé.

La baisse des crédits de l'action 05 s'explique par la politique volontariste du Gouvernement en matière d'élimination des farines animales. Le déstockage a été accéléré en 2007, ne restent plus que cinq sites à déstocker.

Sur le niveau plus élevé des crédits de paiement que des autorisations d'engagement qui peut en effet surprendre, Monsieur Peiro, il tient, d'une part, à ce que beaucoup des mesures de ce budget sont très anciennes, comme celles relatives aux prêts aux jeunes agriculteurs ou au plan de modernisation des bâtiments d'élevage. Et, d'autre part, nous avons fait un gros effort pour réduire les reports de charges en augmentant les crédits de paiement.

S'agissant de la filière équine, il a été décidé, dans le cadre de la RGPP, de fusionner l'Ecole nationale d'équitation et les Haras nationaux. La carte de nos haras date quasiment du 18ème siècle ! Nous pouvons, tout en préservant l'activité de l'établissement, la recentrer sur ses missions de service public, procéder à des rationalisations et réaliser des économies. Aucune décision n'a encore été prise : nous le ferons de la manière la plus objective, en regardant quels haras n'ont plus beaucoup d'activités, lesquels sont logés dans des locaux, souvent historiques, qui pourraient être utilisés à d'autres fins, y compris pour des activités équestres.

Pour ce qui est de l'hydraulique agricole, nous allons au terme de la logique des lois de décentralisation de 1982 qui ont confié l'aménagement rural, dont l'hydraulique agricole, aux conseils généraux. Vont donc être supprimés les quelques crédits qui subsistaient à ce titre dans le budget du ministère.

Monsieur Benoit, les crédits du programme Enseignement supérieur et recherche augmentent. Nous avons besoin de tirer vers le haut notre enseignement agricole à tous les niveaux. Nos grands établissements d'enseignement supérieur et de recherche, au premier rang desquels l'INRA, accomplissent un travail remarquable que nous devons soutenir. Je pense aussi à l'Ecole nationale vétérinaire de Maisons-Alfort où je me suis rendu hier et dont nous avons décidé, avec Mme Pécresse, de lancer la rénovation.

Je ne reviens pas sur l'installation des jeunes : c'est l'une de mes priorités, comme je l'avais indiqué lors du congrès du CNJA à Epinal 48 heures seulement après ma nomination au ministère. On dénombre chaque année 10 000 installations de jeunes de moins de 40 ans, dont 6 000 sont aidées. L'objectif est d'en porter le nombre de 7 000 à 7 500 par an.

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