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Intervention de Michel Barnier

Réunion du 21 octobre 2008 à 17h00
Commission des affaires économiques

Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche :

Je suis moi aussi heureux de vous retrouver dans cette commission pour laquelle j'éprouve un sentiment tout particulier dans la mesure où j'y ai siégé lors de mon premier mandat parlementaire, en 1978.

La présente audition a pour objet les crédits de la seule mission Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales, et non l'ensemble du budget de mon ministère.

Le contexte mondial a beaucoup changé : réchauffement climatique, renchérissement du coût de l'énergie, fragilisation de la biodiversité, risques sanitaires qui vont de pair avec la mondialisation des échanges et la modification du climat… Autant de défis à relever, qui concernent au premier chef les agriculteurs et les pêcheurs. Ils appellent des réponses immédiates dans les situations de crise mais aussi l'élaboration d'un nouveau modèle agricole à plus long terme.

C'est tout le sens de ce projet de budget pour 2009. Bien qu'il s'inscrive dans le cadre contraint de la maîtrise des dépenses publiques, je me suis néanmoins attaché à ce qu'il permette à la fois de répondre aux crises, de manière aussi large et solidaire que possible, et d'aller vers un nouveau modèle agricole durable.

Les crédits de la seule mission Agriculture s'établissent en crédits de paiement à 3 489 millions d'euros, en hausse de 2,72 % -l'ensemble du budget de l'agriculture se monte, lui, à plus de cinq milliards d'euros, y compris l'enseignement et la recherche. Les autorisations d'engagement représentent, pour leur part, 4 801 millions d'euros en 2009, en diminution de 6,7 %, celle-ci étant principalement liée au calendrier de la prime herbagère agri-environnementale dont l'essentiel des contrats a été engagé pour cinq ans en 2008 pour un montant de 450 millions d'euros.

Conformément à l'engagement que j'avais pris devant vous, le budget 2009 réintègre la diminution de 50 millions d'euros des crédits des offices -montant qui avait été retiré en 2008 et compensé de manière exceptionnelle par la vente de l'immeuble de l'avenue Bosquet.

Les crédits d'intervention augmentent de 7,4 %. En regard, ne le perdons jamais de vue, les crédits européens de la PAC au profit de notre agriculture représentent chaque année dix milliards d'euros, dont neuf milliards au titre du premier pilier et un milliard au titre du deuxième -contre un milliard et demi dans le budget national.

Nous avons fait le choix d'une agriculture durable, écologiquement responsable et économiquement productive. Une agriculture durable, c'est d'abord une agriculture dont les générations se renouvellent. D'où la priorité donnée à l'installation des jeunes. En dépit des contraintes budgétaires, les dispositifs d'aide à l'installation augmentent de 13,3 % pour atteindre 149 millions d'euros, avec pour objectif la mise en place du nouveau plan de professionnalisation personnalisée (PPP), la garantie d'une enveloppe de prêts bonifiés et la stabilisation dans la durée de la dotation aux jeunes agriculteurs.

Deuxième clé d'une agriculture durable : l'enseignement et la recherche. Ainsi allons-nous regrouper les établissements de l'enseignement supérieur agricole au sein de quelques grands pôles. Ce sera le cas avec le transfert d'ici à 2012 du nouvel établissement AgroParisTech à Saclay, pour un coût total de 300 millions d'euros. J'ai également tenu, dans ce contexte contraint, à préserver l'enseignement agricole de tous niveaux et des moyens seront affectés à la réforme des diplômes ainsi qu'à l'élaboration de nouveaux programmes prenant en compte les priorités du Grenelle de l'environnement.

Celles-ci constituent la troisième clé d'une agriculture durable. Nous nous sommes dès le début fortement engagés dans le débat, en lien avec les experts et l'ensemble des organisations syndicales agricoles dans toute leur diversité. D'où le financement dans ce projet de budget de plusieurs plans dont certains font partie de la loi dite Grenelle 1, que vous venez d'adopter.

Tout d'abord, le plan Agriculture biologique Horizon 2012. L'objectif de tripler les surfaces consacrées à l'agriculture biologique pour les porter à 6 % d'ici à 2012 est ambitieux. Pour y parvenir, une enveloppe de 12 millions d'euros par an sera consacrée à la conversion. Nous avons également prévu de créer un fonds de structuration des filières, doté de trois millions d'euros par an pendant cinq ans au sein de l'Agence bio, et de mobiliser le Fonds d'intervention des industries agro-alimentaires pour soutenir la transformation en produits d'agriculture biologique.

Ensuite, le plan Ecophyto 2018, lui aussi extrêmement ambitieux, visant à réduire de moitié l'usage des produits phytosanitaires dans notre agriculture dans un délai de dix ans si possible -j'espère que ce sera également le cas dans les jardins privés et publics. J'ai moi-même piloté ce plan en confiant à une personnalité reconnue, Guy Paillotin, ancien directeur de l'INRA, le soin d'animer les réunions techniques. Après trois mois de travail, nous sommes parvenus à un consensus entre agriculteurs, consommateurs, écologistes, industriels et experts sur les moyens de parvenir à cet objectif. Ce plan sera financé par une majoration de la redevance prélevée auprès des distributeurs de produits phytosanitaires. Le produit de cette augmentation -33 millions d'euros en 2009- devrait être versé au nouvel office FranceAgriMer et reviendra aux exploitants par le biais des mesures du plan leur étant destinées.

Enfin, pour relever les défis énergétiques, le plan de performance énergétique. Nous allons lancer 100 000 diagnostics dans 100 000 exploitations afin de voir comment, dans chacune d'entre elles, il serait possible de consommer moins d'énergie, moins d'eau, moins d'intrants et d'encourager la production d'énergies renouvelables. Un dispositif de crédit d'impôt sera prévu à cet effet. Notre objectif est que d'ici à 2012, 30 % des exploitations ne soient plus qu'à "faible dépendance énergétique".

Une agriculture durable implique aussi une solidarité entre les générations. Même si les retraites agricoles ne font pas partie du budget de mon ministère, je souhaite rappeler les mesures prises par le Gouvernement, sur ma proposition, pour réduire les situations de pauvreté, des veuves en particulier, et donner à tous les mêmes droits, quelle que soit la date de départ en retraite. Le montant minimal des retraites agricoles ne pourra ainsi plus être inférieur au minimum vieillesse, et la retraite complémentaire acquise à titre gratuit par leur conjoint pourra faire l'objet d'une réversion aux veuves dès 2010. Enfin, le FFIPSA bénéficiera désormais de la garantie de l'État.

Aux côtés d'une agriculture durable, il nous faut aussi une pêche durable. C'est l'objet du Plan d'action pour une pêche durable et responsable que j'ai présenté en janvier dernier. Ce plan, qui comporte quinze propositions et qui devait initialement mobiliser 310 millions d'euros sur trois ans, a été accéléré en deux ans, à la suite de l'aggravation de la crise au premier semestre 2008. Cela explique la très forte progression des crédits de la pêche qui passent de 60 millions d'euros en 2008 à 162 millions en 2009. 129 millions d'euros seront consacrés l'an prochain au plan de sauvetage et de restructuration de la flotte, ainsi qu'aux contrats bleus, visant, entre autres, à améliorer la collecte des données scientifiques. Ce budget vise enfin à mieux coordonner les contrôles dans le cadre communautaire.

Une agriculture durable a aussi besoin d'outils. Au-delà de la PAC, l'agriculture et la pêche française s'appuient sur le ministère. Celui-ci a été profondément rénové, à tous les échelons, la révision générale des politiques publiques (RGPP) nous donnant l'occasion d'améliorer encore son action. L'administration centrale a été resserrée, avec la création d'une direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires (DGPAAT). J'ai également placé auprès du secrétaire général, un service d'études, de statistiques et de prospective -auquel je tiens beaucoup et dont nous vous adresserons les études. Ainsi ce service vient-il d'en réaliser une, très intéressante, comparant les différentes propositions de MM. Obama et Mac Cain en matière agricole, que je me propose de vous faire parvenir.

Au niveau territorial, j'attache la plus grande importance à l'échelon régional. Nous avons décidé de créer au 1er janvier 2009 une nouvelle direction régionale de l'agriculture, de l'agriculture et de la pêche, aux compétences transversales et élargies, qui sera un échelon de mutualisation, de concertation et d'évaluation. Je l'ai dit récemment au président de l'Association des régions de France qui m'accueillait à Limoges : une plus grande coopération est souhaitable à l'avenir avec les régions en matière de politique agricole.

A l'échelon départemental, la mutualisation des moyens des services de l'agriculture et de la forêt (DDAF) et de l'équipement (DDE) est en voie d'achèvement dans les directions départementales de l'équipement et de l'agriculture (DDEA). Celles-ci préfigurent les futures directions départementales des territoires (DDT), dont elles constitueront l'essentiel. Elles permettront d'apporter des réponses globales à des problèmes indissociables. Quant aux missions aujourd'hui exercées par les directions départementales des services vétérinaires, qui accomplissent un travail indispensable en matière de sécurité sanitaire et de prévention des épizooties, j'ai demandé aux préfets qu'elles soient maintenues dans leur intégrité et leur homogénéité, quelle que soit la direction future à laquelle seront rattachés ces services, vraisemblablement les directions des populations et de la cohésion sociale. Ainsi, les services du ministère constitueront l'ossature des deux directions placées sous l'autorité du préfet de département.

Nous avons également décidé de regrouper les cinq offices agricoles actuels, à l'exception de l'ODEADOM qui joue un rôle particulier pour l'outre-mer, en un seul établissement, FranceAgriMer. Nous avons aussi souhaité simplifier les démarches et accélérer le paiement des aides en regroupant l'Agence unique de paiement (AUP) et le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) dans une nouvelle Agence de services et de paiements (ASP).

Toutes ces mesures s'inscrivent bien sûr dans le contexte général du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite. Les fonctionnaires ont, je le crois, compris le sens de ces réformes, imposées par la RGPP, même si cela bouleverse des habitudes et peut créer des contraintes. J'ai réuni la semaine dernière à Arles les 600 cadres du ministère pour un séminaire de management de trois jours : c'était la première fois qu'une administration publique réunissait ainsi, à l'instar des grandes entreprises publiques ou privées, tous ses cadres.

Pour réussir la mise en oeuvre de ce nouveau modèle d'agriculture et de pêche durable, je souhaite approfondir la concertation avec les départements et les régions. Tout en respectant les compétences respectives de chacun, il est possible de créer davantage de synergies entre la politique agricole de l'État et les politiques agricoles territoriales.

Et il nous faut bien entendu compter, je l'ai dit, sur l'Europe. La politique agricole et de la pêche constituent les deux premières politiques européennes. Je présiderai lundi et mardi prochains un Conseil européen des ministres de l'agriculture à Luxembourg. Le Parlement européen, avec lequel nous travaillons en étroite liaison, doit se prononcer le 19 novembre sur le bilan de santé de la PAC, à l'issue de quoi je réunirai une nouvelle fois le Conseil des ministres à Bruxelles pour qu'il se prononce à son tour. Il s'agit d'évaluer la PAC et de la doter d'une « boîte à outils » permettant de répondre aux besoins spécifiques de chaque Etat membre, dans un cadre commun. Celle-ci doit nous permettre, comme je m'y suis engagé, de mettre en place des outils de prévention dans le cadre du premier pilier, avec notamment un dispositif d'assurance privé-public appelé à monter en puissance, de réorienter les soutiens en faveur de productions durables comme l'élevage sur système herbager et des filières aujourd'hui en très grande difficulté, comme la filière ovine.

Nous avons conduit ce bilan de santé en réfléchissant dès à présent à ce que pourrait être la future PAC après 2013. C'est dans cet esprit que j'ai réuni, à Annecy, de manière informelle mes homologues européens. Mon expérience de commissaire européen m'a en effet appris que si l'on ne débat pas assez tôt des aspects politiques au niveau européen, ce sont toujours les aspects budgétaires qui l'emportent.

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