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Intervention de Didier Mathus

Réunion du 17 février 2009 à 16h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Mathus :

Ce qui me frappe, c'est que ce projet de loi soit étrangement inféodé aux intérêts d'une industrie musicale dont l'archaïsme n'est plus à démontrer. Souvenons-nous de la loi DADVSI : vous aviez refusé d'engager le débat sur la rémunération de la création, préférant vous concentrer sur d'autres questions : comment réprimer les internautes ? Comment les pénaliser ?

Il en est résulté un fiasco monumental, et les auteurs et créateurs ont perdu trois ans. Il est vrai que c'était peut-être autant d'années gagnées pour les industries musicales, qui sont parvenues à survivre en serrant énergiquement leurs coffres-forts contre leur corps, comme si l'on pouvait se prémunir contre le mouvement du temps et contre les évolutions technologiques en s'en remettant au pouvoir de la répression.

C'était bien sûr un choix stupide, dont l'origine n'est pas étrangère au rapport commandé à M. Olivennes. Il était d'ailleurs bien curieux de confier au plus gros marchand de disques de notre pays le soin de mener une réflexion sur le numérique. Autant demander au chef des dealers d'organiser la répression contre la toxicomanie.

Il y a quelques années, votre prédécesseur nous avait expliqué que la protection des DRM et le traçage des oeuvres constituaient l'alpha et l'oméga de toute solution. Un article de la loi DADVSI est allé jusqu'à réprimer pénalement le contournement des verrous numériques. Or les acteurs économiques ont eux-mêmes abandonné les DRM, car ils se sont rendus compte de la stupidité et de l'inefficacité de cette mesure, qui présente également un danger pour les libertés individuelles.

Pour ma part, je ne parviens pas m'expliquer pourquoi vous persistez dans un tel archaïsme : compte tenu des évolutions technologiques, chacun sait que votre pari est perdu d'avance. Au lieu de relever le défi qui consisterait à inventer un nouveau modèle économique pour la rémunération de la création à l'âge numérique, vous ne songez qu'à la taille du gourdin avec lequel vous voudriez frapper les internautes. Par incompréhension de notre époque, vous commettez un gigantesque contresens.

Comme l'a indiqué Patrick Bloche, les débats à venir seront pour nous l'occasion de militer en faveur d'une meilleure rémunération des auteurs et des créateurs, malheureusement oubliés par votre texte ; nous lutterons ensuite pour les libertés publiques, en nous opposant à cette loi liberticide, qui repose sur un flicage généralisé de l'Internet que nous ne saurions accepter. J'ai d'ailleurs sursauté, madame la ministre, lorsque vous avez suggéré que les collectivités territoriales sélectionnent les sites accessibles par l'intermédiaire de leurs bornes Wi-Fi. Allez donc jusqu'au bout de votre démarche : pourquoi ne pas restreindre l'éventail du choix aux seuls sites du Gouvernement et de l'UMP ?

Étant la proie de tels errements, le Gouvernement en vient à proposer des mesures dépourvues de rapport avec la véritable question : comment inventer un nouveau modèle économique adapté à l'ère numérique ? Il est vrai que certains des acteurs actuels, campant sur des positions héritées de l'âge analogique, ne peuvent pas s'adapter. Mais un tel constat ne saurait justifier que le Gouvernement prenne la défense des plus forts contre les plus faibles. Ce serait un contresens !

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