Sur le fond, je rejoins les observations qui viennent d'être formulées par notre collègue Didier Quentin à la suite de notre mission à Mayotte. Je regrette toutefois que le débat dans l'hémicycle sur ce sujet ait eu lieu la semaine dernière, dès notre retour, et avant même que nous ayons pu informer notre commission, car la précipitation peut conduire au désintérêt. Or, la situation qui prévaut actuellement dans les DOM antillais montre bien que l'on ne pourra pas créer un cinquième DOM dans l'indifférence métropolitaine. Lorsque nous serons saisis de la future loi organique modifiant le statut de Mayotte, notre commission devra donc rechercher une formule adaptée pour permettre à nos collègues d'étudier ces enjeux et de prendre conscience de leur importance.
La situation de l'état civil demeure le problème central auquel cette collectivité est confrontée. La responsabilité historique de la France est, dans ce domaine, extraordinairement lourde, car l'état civil comorien a également été très mal tenu avant que ces îles n'accèdent, en 1975, à l'indépendance. À cet égard, le processus de départementalisation, qui avait été engagé avec l'Accord sur l'avenir de Mayotte du 27 janvier 2000, se présente assez mal aujourd'hui, car les propositions relatives à l'état civil formulées en 2006 par notre commission, dans le cadre d'une mission d'information sur la situation de l'immigration en Mayotte, n'ont pas été mises en oeuvre, contrairement à celles qui concernaient la répression de l'immigration clandestine. La situation de l'état civil s'est au contraire dégradée, puisqu'une organisation ubuesque a été mise en place, comme en atteste l'absence de compatibilité des logiciels et l'impression de documents et leur transport, avant que leurs données ne soient à nouveau saisies manuellement, ce qui génère de nouvelles erreurs. De même, les agents publics chargés d'instruire les demandes et de délivrer les papiers ne semblent soumis à aucun contrôle, alors même qu'ils peuvent être soumis à de fortes influences. La situation de l'état civil à Mayotte est exceptionnelle et ne ressemble en rien à celle de la métropole : elle impose bien sûr des moyens adaptés, mais aussi une organisation administrative transversale, beaucoup mieux coordonnée.
J'ajoute que la fiabilité des listes électorales dépend également de celle de l'état civil – vous comprenez les motifs de ma grande réserve lorsque nous avions évoqué la possibilité d'élire à l'avenir un second député à Mayotte. Si les mesures requises ne sont pas prises pour régler ce problème, Mayotte, devenue département français, pourrait connaître dans une dizaine ou une quinzaine d'années une évolution beaucoup plus dangereuse encore que celle de l'actuelle Guadeloupe. Chacun doit donc s'employer à mettre un terme aux dysfonctionnements de l'état civil à Mayotte, qu'il s'agisse de l'État ou des maires, qui devraient s'investir dans ce domaine bien plus qu'ils ne le font aujourd'hui.
La départementalisation ne me semble pas envisageable si ce problème de l'état civil n'est pas réglé dans des délais très courts, avec des procédures innovantes. Cela suppose que les administrations centrales aient bien conscience de la gravité de ce problème, mais nous avions constaté en 2006 que les magistrats en fonction au ministère de la justice n'avaient aucune idée des difficultés concrètes rencontrées sur le terrain à Mayotte, par exemple pour l'utilisation des logiciels et la maintenance informatique.