Quel gâchis ! Que de temps perdu ! Quel entêtement de la part du Gouvernement et, ce, malgré l'avis du Conseil constitutionnel ! Quelle absurde logique préside donc à cette succession de textes, alors que la loi « HADOPI 1 » se voulait un outil pédagogique et dissuasif et que le projet de loi « HADOPI 2 » se révèle, si j'ose dire, « banalement » répressif !
Le « troisième volet » qu'annonce M. le ministre de la culture aurait dû être le premier, et le seul... Nous sommes en effet face à un bouleversement des modes de diffusion culturels, s'agissant notamment, de la musique : la musique enregistrée sur des supports physiques est en effet condamnée au profit de nouveaux modes de « consommation culturelle » ; les Français seront de plus en plus nombreux à naviguer sur internet afin d'écouter de la musique et de visionner des films, en même temps qu'ils se rendront de plus en plus aux concerts et au cinéma.
Vous évoquez les artistes, mais lesquels ? Le Gouvernement a lui-même « avoué » lors de l'examen de la loi « HADOPI 1 » que le dispositif ne concernait que la surveillance de 1 000 films et 10 000 titres musicaux : il s'agit bien, avant tout, de protéger les artistes les plus médiatisés ! Parce que les problèmes qui se posent ne sont pas tant d'ordre juridique qu'économique, nous ne cessons de répéter qu'il convient de mettre en place de nouveaux modes de rémunération de la culture – nous proposons ainsi, pour la musique, l'établissement d'une « contribution créative » et, pour le cinéma et le secteur de l'audiovisuel, le reversement de la taxe visant les fournisseurs d'accès à internet (FAI) et les opérateurs de télécommunications créée par la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Vous-même, monsieur le ministre, entretenez la confusion ambiante lorsque vous prétendez que, selon certains, tout devrait être gratuit : ce n'est vraiment pas le problème ; vous confondez gratuité et illégalité alors que tout ce qui est gratuit est loin d'être illégal – il y a sur internet des contenus gratuits parfaitement légaux. Ce sont d'ailleurs les plus « gros » qui tirent profit des contenus gratuits diffusés légalement quand les plus « petits », les artistes, ne s'y retrouvent pas: or, depuis Beaumarchais, le droit d'auteur vise, précisément, à défendre les seconds contre les premiers.
Je me suis étonné, madame la garde des Sceaux, de vous entendre évoquer la suspension de l'accès à internet – dispositif selon nous inadapté – comme une peine «de substitution » alors qu'elle nous semble bien plutôt « complémentaire ». De même, arguer de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception pour insister sur le caractère préventif de la loi me semble sujet à caution dès lors qu'on ne peut être absolument certain que l'abonné la reçoive en personne.