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Intervention de Valérie Pecresse

Réunion du 30 octobre 2008 à 9h30
Commission des affaires économiques

Valérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Les budgets globaux des organismes de recherche publique augmenteront de 3,8 % en 2009. C'est plus que les prévisions d'inflation ; du fait de la baisse du prix du pétrole et des matières premières, celle-ci devrait être en 2009 de 2 %.

Il est vrai que les deux tiers de cette hausse concernent la hausse des frais de personnels des organismes de recherche, à la suite des négociations qui ont été conclues dans le cadre de la fonction publique. Cependant, le soutien de base des laboratoires pourra être maintenu au niveau de l'inflation. A ce soutien de base viendront s'ajouter le plan carrières et les crédits de l'ANR.

Nous allons aussi nous battre – avec le soutien des parlementaires, je l'espère – pour garder les taux de mise en réserve des crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche qui ont été ceux de l'année dernière. Mais la décision n'appartient pas au ministre chargé des dépenses.

J'en viens au non remplacement des départs à la retraite et à la suppression des postes d'allocataires non pourvus. En 2009, 900 emplois ne seront pas renouvelés, 450 dans le pôle recherche et 450 dans le pôle universitaire, soit 0,6 % des emplois du ministère.

Un emploi statutaire sur 12 ne sera pas renouvelé, au lieu de un sur deux dans les tous les autres ministères. Les 450 emplois statutaires non remplacés se répartissent en 225 dans les organismes de recherche et 225 dans les universités – soit, en moyenne, deux emplois par établissement universitaire.

Madame Fioraso, vous avez ajouté aux 225 emplois supprimés dans les organismes de recherche, ceux qui correspondent aux 130 chaires mixtes université-organisme de recherche prévues par le plan carrières. Or on ne peut pas considérer qu'il s'agit de postes supprimés puisque leurs titulaires vont être détachés dans les organismes de recherche pour y travailler.

Il est vrai que 225 postes d'allocataires de recherche non pourvus seront supprimés. Mais il faut savoir que les 600 emplois d'allocataires de recherche ne sont pas tous pourvus parce que certains candidats ayant présenté des candidatures multiples aux missions de recherche choisissent ensuite la bourse la plus intéressante – bourse ANR ou autre. On va voir si la suppression de ces 225 postes permet de mieux réguler les emplois d'allocataires de recherche non pourvus.

Quant à la suppression des 225 postes de post-doctorant non statutaires, elle est liée au fait que l'ANR devient désormais le principal financeur de contrats de post-doctorant, soit 1 000 contrats chaque année.

Depuis 2005, je rappellerai que nous avons créé 6 200 emplois dans la recherche et l'université, dont plus de 3 000 emplois d'enseignants-chercheurs et de chercheurs. Ces créations étaient nécessaires. Mais aujourd'hui, la priorité n'est plus la création d'emplois mais l'amélioration des carrières et des rémunérations. C'est une inflexion des ressources humaines que j'assume pleinement. Nous utilisons les emplois supprimés pour permettre cette amélioration : la totalité de la masse salariale que représentaient ces emplois va être transférée aux organismes de recherche et aux universités pour la revalorisation des carrières.

Le résultat de notre politique se traduit par une très faible diminution des postes statutaires – moins 0,5% – et par de bien meilleurs salaires.

Les non renouvellements de postes ne concerneront pas les enseignants-chercheurs. Nous ne voulons pas diminuer le potentiel d'enseignement des universités à un moment où nous lançons un plan de lutte contre l'échec en premier cycle.

Pour permettre le passage à l'autonomie, nous demandons aussi aux universités de nous rendre les emplois de catégorie C : pour deux postes de catégorie C rendus, nous créerons un poste de catégorie A. Nous souhaitons externaliser certaines tâches, comme celles de gardiennage ou d'entretien, beaucoup trop nombreuses. Nous voulons refaire la pyramide des universités, faire passer des postes de catégorie C en catégorie B et créer des postes de catégorie A. Les universités autonomes ont besoin de contrôleurs de gestion, de gestionnaires des ressources humaines, de spécialistes de l'insertion professionnelle. Nous voulons requalifier les emplois par une politique de gestion des ressources humaines, de formation professionnelle, de formation interne et de recrutement externe de talents.

Notre politique de revalorisation du doctorat est de faire du doctorat un contrat de travail de droit public, ouvrant droit à de l'ancienneté et constituant une première expérience professionnelle, à l'instar du PhD américain, et pas seulement un diplôme. Aujourd'hui, le doctorat est considéré par les entreprises comme une poursuite d'études, pas toujours justifiée.

Comment alléger les procédures de l'ANR ? Nous avons engagé le mouvement. Nous avons procédé à une enquête de satisfaction auprès des usagers de l'ANR. Elle est publique et disponible sur le site du ministère. Les usagers se disent très satisfaits, mais demandent l'allégement des procédures. Pour cela, nous avons supprimé, avec l'accord du ministère des finances, le rapport semestriel d'activité qu'il avait instauré au motif que les procédures de l'ANR sont dérogatoires, l'ANR travaillant par le biais d'avances sur paiement et non de remboursements sur factures. On demandait aux laboratoires le double de ce qui se fait dans tous les pays du monde : 4500 rapports vont ainsi être supprimés.

Nous allons aussi changer le calendrier d'appels d'offres de l'ANR, pour rapprocher ceux-ci de l'été. Actuellement, avec les appels d'offres lancés en janvier, les crédits sont attribués en novembre alors qu'ils doivent être dépensés avant fin décembre – ce qui est impossible. D'où les rapports de la Cour des comptes estimant que les reports de crédits des laboratoires atteignent un niveau inacceptable. Nous avons donc eu l'idée d'anticiper les programmes blancs dès 2008 et de lancer les appels d'offres en septembre de façon à ce que les laboratoires touchent des crédits en janvier ou février et disposent ainsi de la totalité de l'année budgétaire pour les dépenser.

Nous avons aussi lancé une politique d'allégement des dossiers ANR. Cependant, il y a une limite à ne pas franchir et on ne peut pas aller trop loin : il faut quand même produire les comptes financiers ! Nous allons donc mettre en place un numéro de téléphone où les usagers de l'ANR pourront appeler un interlocuteur en mesure de les aider.

En matière spatiale, je ne peux pas aujourd'hui vous parler des résultats de la ministérielle de l'ESA car nous négocions encore avec nos partenaires. Mais je peux vous dire que tous les engagements de la France jusqu'en 2010 seront intégralement tenus et que tous les paiements seront effectués rubis sur l'ongle.

S'agissant de l'apurement de la dette à l'ESA, il est repoussé de 2010 à 2015. Je m'en félicite. Si la dette n'est pas immédiatement remboursée, cela permet de financer davantage de programmes, ce qui est préférable pour les industriels dans la situation actuelle.

La France dépense dans le secteur spatial 2 milliards d'euros, alors que l'Allemagne dépense un milliard d'euros. Les emplois français représentent 40 % des emplois européens dans le secteur spatial ; l'industrie française y fait 2,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires et l'industrie allemande 800 millions. Le leadership français dans le spatial perdure et ne sera pas remis en cause par le Gouvernement. Certains industriels aimeraient faire jouer une saine émulation entre l'Allemagne et la France, mais il n'y a aucune raison de créer des antagonismes qui n'existent pas à l'heure actuelle.

Entre l'INSERM et le CNRS, la collaboration s'est mise en place dans les sciences du vivant Un rapport d'évaluation sur la stratégie de l'INSERM sera remis par l'AERES d'ici la fin de l'année et nous permettra de savoir si la stratégie que nous mettons en place est la bonne. Au ministère, un groupe de travail sur les sciences du vivant réunissant chercheurs de l'INSERM, du CNRS et des personnalités qualifiées du monde de la recherche a été mis en place pour trouver la bonne stratégie de collaboration.

Concernant le site de Bure, si le cahier des charges présenté par l'ADEME n'est pas bon, il faut le remettre en cause et relancer l'appel à projet. Je signale que nous avons affecté à l'ADEME 400 millions d'euros pour les démonstrateurs (c'est une part non négligeable du « Grenelle de l'environnement »). Le CEA ne peut pas demander une procédure dérogatoire pour financer son propre démonstrateur dans la mesure où ce n'est pas compatible avec la stratégie de l'Etat – il y a une compétition. J'ajoute que le rapport Jarry n'avait pas été très favorable au choix du site de Bure. Il serait préférable d'élargir le cahier des charges de l'appel d'offres de l'ADEME et de mettre en concurrence l'ensemble des organismes de recherche sur ce projet, plutôt que recourir à un financement pérenne, en l'occurrence les 15 milliards d'euros qui avaient été prélevés exceptionnellement en 2008 sur le dividende d'AREVA.

Concernant la possibilité de rendre les dotations du CEA fongibles entre programmes, cette possibilité existe et le CEA peut donc y recourir.

Il est par ailleurs effectivement envisagé d'évaluer l'utilisation qui est faite du crédit d'impôt recherche, notamment pour déterminer s'il y a eu un effet d'aubaine en la matière. On peut penser que la non délocalisation des laboratoires de recherche d'entreprises comme Alcatel, EADS, Rhodia, Latecoere ou Thales relève davantage de la stratégie industrielle que d'un effet d'aubaine. Mais on ne peut pas aujourd'hui évaluer un dispositif qui n'a pas encore un an d'existence, puisque l'ancien crédit impôt recherche était un dispositif très différent.

Nous évaluerons également l'action de l'ANR. Après l'enquête auprès des usagers, nous ferons une enquête de bilan. Mais on ne peut évaluer l'ANR avant qu'elle ait trois ans d'existence, c'est-à-dire avant 2009.

En ce qui concerne le rôle des pôles de compétitivité dans le financement de la recherche publique, j'estime que la recherche partenariale doit pouvoir être financée dans le cadre de ces pôles.

Il doit y avoir une dimension de recherche dans les pôles de compétitivité et un rapport plus étroit entre pôles de compétitivité, organismes de recherche et établissements d'enseignement supérieur. Pour autant, la loi ne doit pas prévoir des catégories trop rigides : des pôles de compétitivité peuvent être des pôles d'excellence sans qu'il soit forcément nécessaire d'y créer un grand nombre d'emplois de recherche. La souplesse est préférable. Je préfère me fier à l'intelligence des membres des pôles : ils comprendront que l'innovation est importante pour eux et qu'ils disposent pour cela d'un dispositif incitatif, à savoir un crédit d'impôt recherche de 30 %.

La question du pôle public financier de crédits, la fusion d'OSEO et de la Caisse des dépôts, même si cela pourrait avoir un impact fort sur le financement de l'innovation, n'est pas de mon domaine de compétence, mais de celui du ministre des finances.

La baisse des crédits transports n'est pas significative. Nous avons enlevé à la recherche aéronautique des crédits, mais elle les retrouve par le biais du crédit d'impôt recherche. En outre, nous avons changé les échéanciers de décaissement et d'encaissement des avances remboursables, ce qui a pour effet de produire une baisse de crédits artificielle.

Nous augmentons évidemment notre effort en matière d'habitat et de transports, notamment au travers des appels à projet de l'ANR et des fonds de démonstrateurs de l'ADEME. Le Président de la République a dit qu'il fallait affecter 1 milliard d'euros pour la recherche sur l'environnement sur quatre ans. Cela passe par des redéploiements de crédits en faveur des organismes qui s'orientent plus radicalement vers des politiques de développement durable, mais surtout par l'attribution de 400 millions d'euros pour les démonstrateurs de l'ADEME : véhicules propres, biocarburants de deuxième génération, captage et stockage du carbone. C'est la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement par son comité opérationnel. Je pourrais également citer un programme spécifique de l'ANR sur l'habitat, celui de la ville durable.

En ce qui concerne les pôles de compétitivité, l'évaluation est en cours.

En ce qui concerne les projets blancs et les projets thématiques, ainsi que les perspectives à moyen et à long termes de l'ANR, nous allons lancer début novembre une concertation, qui peut s'apparenter au « Grenelle de l'environnement » ou au « Livre blanc de la Défense » : la « stratégie nationale de recherche et d'innovation ». Elle réunira pendant six mois la communauté scientifique, des personnalités qualifiées de la société civile et des industriels, qui examineront les défis sociétaux et organisationnels que doit relever la recherche. L'objectif est de parvenir à établir, en mars 2009, un document de synthèse réaffirmant en les hiérarchisant nos priorités pour les cinq prochaines années. En effet, en matière de recherche, la puissance publique procède le plus souvent par focus successifs et thématiques – cancer, développement durable… –, ce qui constitue une source d'insécurité pour des chercheurs qui planifient leurs recherches sur 10 ou 15 ans. Il faut leur offrir une vraie sécurité en matière de financements publics. Ce document de prospective viendra également nourrir la programmation de l'ANR.

Je suis très attachée aux projets blancs. L'ANR a pour objets à la fois de financer les thématiques prioritaires du Gouvernement, notamment le développement durable et de faire émerger l'excellence ; l'excellence pure, la créativité pure, ce sont les projets blancs. C'est pourquoi j'ai souhaité que leur financement augmente de 25 %, ce qui est considérable. Le mouvement doit se poursuivre.

Dans les autres pays, madame Fioraso, il n'y a pas de soutien de base. Quant à l'idée de transférer l'ensemble du soutien de base des laboratoires publics à l'ANR, cela permettrait d'accroître le volume en matière de projets blancs. Ceci n'est pas à l'ordre du jour.

Dès que la crise financière sera terminée, le plan Campus correspondra à un volume global de 5 milliards d'euros de dotations ; le Président de la République l'a annoncé et se tiendra à cet objectif. Pour l'instant, 3,7 milliards d'euros ont été mobilisés mais nous n'avons pas besoin du complément tant que nous ne payons pas les premiers loyers des PPP, c'est-à-dire avant deux ou trois ans. Pour chaque opération, l'enveloppe s'élèvera entre 150 millions et 250 millions d'euros en fonction de la qualité du projet et de ses partenariats.

Pour répondre à la question de monsieur Goldberg sur le coût élevé des PPP, c'est une réalité. Mais il ne faut pas oublier qu'ils permettent de transférer à une entreprise privée ou à un professionnel du bâtiment le risque de non achèvement, ce qui est une vraie garantie ainsi que la maintenance : la gestion du chantier de Jussieu l'illustre à merveille. Ce dernier point est essentiel car nombre d'établissements publics administratifs se comportent comme des occupants sans titre et n'affectent pas à la maintenance les moyens nécessaires. Dans les PPP, la maintenance est intégrée sur 25 ans, ce qui crée une sorte de cercle vertueux : de ce fait l'entrepreneur a intérêt à construire du durable et du bien fait.

En matière de contrats de plan État-région, l'État respectera ses engagements : les CPER seront intégralement respectés et pas un euro ne sera retiré aux universités. Je n'en tire pas une fierté excessive, mais, pour la première fois dans le budget 2009, il est prévu en la matière un poste annuel d'un montant de 305 millions d'euros.

Nous allons par ailleurs dégager une enveloppe en faveur partenariat public-privé pour permettre aux campus les plus innovants et les plus prometteurs de développer, parallèlement à ce qui est prévu par les CPER, des projets supplémentaires. L'État n'a jamais fait un tel effort dans le domaine immobilier, et aucune université ne sera oubliée. Nous rapprochons des campus prometteurs et innovants pour qu'ils nous présentent les opérations qu'ils souhaitent financer et, d'ici à quelques semaines, nous serons en mesure de leur attribuer les financements nécessaires. Nous espérons que les parlementaires seront notre relais auprès des collectivités locales pour qu'elles aident l'État à financer de telles opérations.

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