La Nouvelle-Calédonie ne constitue plus une collectivité territoriale de la République mais un pays sui generis, qui fait d'ailleurs l'objet d'un titre particulier de la Constitution, le titre XIII.
Nous nous situons en fait dans un processus de décolonisation pacifique et progressive, comme le rappelle le préambule de l'accord de Nouméa, d'un territoire qui a connu pendant longtemps une histoire heurtée. Toutefois, après les accords de Matignon, initiés par Michel Rocard, l'accord de Bercy, à l'initiative de Dominique Strauss-Kahn, et l'accord de Nouméa, signé sous l'égide de Lionel Jospin, la Nouvelle-Calédonie a connu une période de stabilité politique et de prospérité économique. Le dernier rapport de l'Institut français de l'outre-mer pourrait d'ailleurs susciter la jalousie de notre ministre des finances puisqu'il montre que le territoire a connu une croissance ininterrompue depuis les accords de Matignon ; qu'il a échappé à l'inflation ; que la croissance a été liée surtout aux investissements privés et non aux transferts publics ; que le taux de chômage officiel a été ramené au minimum, aux alentours de 4 ou 5 % ; que la collectivité n'est pratiquement pas endettée.
Aujourd'hui, nous en venons – enfin ! – aux transferts de compétences dont François Fillon avait dit en 2007 qu'ils étaient les véritables moteurs du processus de l'accord de Nouméa, sans lesquels ni la lettre ni l'esprit ne seraient respectés.
La loi organique avait d'ailleurs prévu un calendrier pour les premiers transferts qui n'étaient pas facultatifs, mais consubstantiels à l'accord de Nouméa et irréversibles dès lors que cet accord avait été constitutionnalisé. Ces transferts auraient dû intervenir en 2004, mais tel n'a pas été, hélas, le cas, faute pour les gouvernements successifs de les avoir préparés. Cinq ans après cette échéance manquée, nous assistons donc à une deuxième tentative puisque des transferts doivent automatiquement se faire dans les six mois suivant les élections et la constitution du gouvernement. Cette fois, le gouvernement s'est attaché à les préparer depuis 2006, même si le retard pris oblige à procéder d'un seul coup à des transferts très importants. Il paraît donc souhaitable de les étaler quelque peu dans le temps comme le propose le texte dans la version qui nous vient du Sénat. Je salue à ce propos l'excellent travail accompli par le rapporteur de la Haute assemblée, M. Christian Cointat, qui a su lever toutes les ambiguïtés porteuses de risques d'instabilité que comportait le projet initial.
Nous sommes donc rassurés et nous abordons ce débat avec un préjugé favorable, nous, qui avons été à l'origine des trois accords que j'ai mentionnés, ne cessant de porter une attention particulière à la situation de la Nouvelle-Calédonie.
Je ne puis toutefois que déplorer que nous soyons contraints d'examiner ces projets dans des conditions fort éloignées de ce qu'on a voulu appeler la « revalorisation » du rôle du Parlement. Les délais ayant été particulièrement brefs, le Sénat a travaillé dans des conditions déplorables et nous-mêmes n'avons pu disposer des textes que jeudi dernier alors que nous avions jusqu'à vendredi, dix-sept heures, pour déposer des amendements, délai que notre président a finalement reporté de vingt-quatre heures. Le débat en séance publique étant prévu lundi prochain, nous ne pourrons également déposer que très tardivement des amendements au texte de la commission.
Je regrette aussi qu'en dépit de mes demandes répétées aucune délégation de la Commission des lois ne se soit rendue depuis huit ans dans ce territoire éloigné de 19 000 kilomètres de la métropole pour voir comment les accords y étaient vécus, quelles difficultés ils posaient et quelles modifications il faudrait éventuellement apporter à la loi organique. Il est quand même très difficile de légiférer pour un territoire aussi éloigné et aussi spécifique sans rencontrer ses habitants !
En dépit de cela, nous ferons notre travail pour que vivent les accords de Nouméa !