Concernant mon parcours personnel, j'ai effectivement été pendant cinq ans, jusqu'en 2000, membre du comité scientifique de Transgene, une entreprise de biotechnologies dont les travaux ont permis le développement de vecteurs à destination des animaux et des humains. J'avais également, auparavant, été expert auprès d'Elf Biorecherche, et, plus récemment, auprès de Sanofi Pasteur pour des vaccins recombinants contre la grippe, mais je ne le suis plus depuis deux ans.
Mais j'ai également été expert auprès de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Dans le cadre de ces fonctions, j'ai d'ailleurs pu constater les limites de l'utilisation des OGM ou des micro-organismes génétiquement modifiés. Par exemple, dans le cas des « enfants bulles », que j'ai eu à connaître en tant qu'expert, l'apparition de leucémies, dont deux enfants sont morts, a ainsi conduit à l'arrêt des essais.
Il est exact que je ne suis pas médecin. J'ai néanmoins poursuivi mes études de médecine à Paris jusqu'à la cinquième année ; j'ai alors décidé, de mon plein gré, de me réorienter vers la recherche fondamentale en virologie.
S'agissant du comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM, celui-ci n'a pas toujours travaillé dans des conditions faciles car les experts étaient très nombreux et leurs avis très tranchés. J'ai essayé de raisonner les uns et les autres, de faire en sorte que les généticiens travaillent avec les environnementalistes, et les agronomes et les agriculteurs avec les scientifiques. J'estime en effet que si l'on parvient à réellement échanger les points de vue, on peut toujours arriver à un accord. Sur le rôle tenu par Jean-François Le Grand, j'estime que celui-ci a exposé l'avis général du comité ; pour ma part, je n'ai pas signé la prise de position publiée par certains collègues contre cet avis, d'abord parce que je voulais respecter mon devoir de réserve, ensuite parce que j'ai estimé que l'avis général devait prévaloir sur les avis personnels.
Quant à mon indépendance à l'égard des entreprises de biotechnologies, il va de soi que je ferai en sorte de l'assurer. Je suis bien conscient que ces grandes firmes sont en train d'acquérir une puissance redoutable, non seulement aux Etats-Unis mais également au niveau européen et mondial. L'indépendance du Haut conseil des biotechnologies est absolument essentielle. Toutefois, elle dépendra aussi des moyens qui lui seront accordés.
Concernant mes travaux dans le domaine végétal, j'ai été le premier à mettre au point, à Genève, des vecteurs de biotechnologie végétale. Mais je n'ai pas continué à travailler dans ce domaine parce qu'on ne peut pas explorer toutes les voies en même temps ; j'ai préféré me consacrer à la recherche sur les virus, lesquels concernent aussi bien les plantes que les animaux et les bactéries.
En ce qui concerne la dissémination en plein champ, je veux d'abord rappeler que les croisements impliquent l'adaptation de l'animal ou du végétal à son environnement – la terre, l'eau ou l'air. Ils ne datent pas d'aujourd'hui : on en parlait déjà du temps des Romains, et même des Egyptiens. Nous effectuons un saut technologique en introduisant dans des plantes ou des animaux des gènes qui vont les faire croître, le cas échéant aux dépens des autres organismes. J'ignore les conséquences qui en résulteront en matière d'alimentation humaine et d'environnement. Tout récemment, une Américaine qui défendait farouchement les organismes et les plantes génétiquement modifiés a totalement changé d'avis au vu de certains résultats. Pour ma part, j'étudie aussi les nouvelles publications, mais je reste persuadé qu'à titre expérimental, il faut autoriser des cultures en plein champ, bien encadrées, bien localisées, afin d'évaluer leur impact sur l'environnement.
Sur l'avenir de la recherche, j'estime que si le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche investissait davantage dans la recherche en biotechnologies, notamment dans le domaine des nanoparticules, qui peuvent véhiculer des médicaments ou de l'ADN, nous serions probablement bien plus avancés qu'aujourd'hui. Parallèlement, certaines firmes privées réalisent des efforts considérables, à l'image de Sanofi-Aventis et de Transgene, mais nous péchons au niveau des laboratoires, qui manquent de moyens. Néanmoins, la France est loin d'être en retard en matière de recherche sur les micro-organismes génétiquement modifiés et les OGM.
J'en viens aux progrès qui peuvent être attendus des OGM dans le domaine médical. Tout le domaine de la vaccinologie est concerné, mais je pense en particulier au sida et à l'hépatite C. Pour le HIV, des vecteurs recombinants ont déjà été expérimentés sur deux cohortes aux Etats-Unis et au Canada, mais la cohorte vaccinée s'est malheureusement révélée davantage exposée aux risques d'infection que l'autre. La question reste donc en suspens. Si l'on veut aboutir, je crois qu'il faut revenir à la recherche fondamentale en vaccinologie et en immunologie.
S'agissant de l'énergie, nous sommes en pleine incertitude, le coût du baril du pétrole étant passé de 150 à moins de 50 dollars. L'intérêt de l'essence « verte » varie avec ces fluctuations. Les constructeurs automobiles et les professionnels du bâtiment ont encore des efforts technologiques immenses à réaliser, mais ce sujet n'entre pas dans mon champ de compétences. Je peux néanmoins vous dire que le projet de moteur à basse consommation pour lequel mon fils a plaidé pendant bien longtemps chez Renault est aujourd'hui brutalement ressorti des cartons !
Pour ce qui est de l'usage des pesticides et des herbicides, il n'y a pas lieu d'opposer les cultures traditionnelles et les OGM. A cet égard, il faut rappeler que le MON810, par exemple, ne permet pas de se dispenser de ces produits.
La question de la consommation d'eau est en revanche très intéressante. Nous savons que certaines plantes d'Afrique sont très économes en eau et les recherches ont montré que cet état est lié à un facteur multigénique : c'est une série de gènes, commandant tant les racines que les feuilles et les fruits, qui intervient dans la moindre consommation. J'espère que grâce à la biotechnologie et aux croisements, on parviendra à utiliser à grande échelle ces plantes à moindre consommation d'eau, voire consommant de l'eau salée, comme il en existe en Afrique orientale. Mais il faut commencer par travailler en amont, pour trouver les gènes concernés, en vue de les cloner et de les introduire dans d'autres plantes. C'est un domaine de recherche qui me semble essentiel.
S'agissant enfin des appellations d'origine contrôlée, qui constituent un atout majeur pour notre économie, je pense qu'il faudrait en étendre l'utilisation, en particulier dans le secteur de l'élevage.