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Intervention de Émile Blessig

Réunion du 25 mars 2009 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmile Blessig, rapporteur pour avis :

Ce chapitre vise en effet à concilier deux intérêts constitutionnels majeurs : la recherche des auteurs d'infractions et la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation.

La loi du 8 juillet 1998 avait posé trois grands principes: le juge ne tient pas du code de procédure pénale qualité pour connaître d'un secret de la défense nationale ; il peut seulement solliciter la déclassification d'un document par l'autorité administrative compétente ; enfin, cette dernière ne peut se prononcer qu'après avoir pris connaissance de l'avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale, saisie à cet effet. L'autorité administrative compétente est le ministre en charge du secteur concerné, sachant que le secret de la défense nationale peut porter non seulement sur des informations à caractère militaire, mais aussi économique ou financier, diplomatique, intéressant la sécurité intérieure….

L'article 94 du code de procédure pénale prévoit qu'une perquisition est possible dans tous les lieux où peuvent se trouver des éléments « dont la découverte serait utile à la manifestation de la vérité ». Mais en pratique, cela peut aller à l'encontre de l'interdiction faite à toute personne de prendre connaissance d'informations classifiées. Un magistrat qui irait à l'encontre de ce principe se rendrait coupable du délit de compromission.

Toutefois, étant de portée générale, l'article 94 prend le pas sur les dispositions de l'article 413-7 du code pénal, relatives à la pénétration sans autorisation dans des zones protégées au titre de la défense. Autrement dit, le juge peut entrer dans de tels lieux, mais il n'a pas le droit de prendre connaissance des informations classifiées qui s'y trouvent ! Et aucune règle de procédure ne permet de concilier les deux principes constitutionnels que je mentionnais à l'instant.

Notre droit prévoit pourtant, dans le cadre de la procédure de perquisition, la protection de certains intérêts légitimes, comme le secret médical, le secret professionnel ou les droits de la défense, s'agissant de perquisition dans un cabinet d'avocat. Mais en 1998, le législateur avait jugé inutile de prévoir des dispositions spécifiques concernant la saisie d'éléments classifiés dans la mesure où les magistrats n'étaient pas habilités à les connaître. Or, en 2006, lors de leur perquisition des locaux de la DGSE, les OPJ habilités qui accompagnaient les magistrats ont demandé l'accès à tous les documents afin de pouvoir opérer un tri. Ils ont donc pu consulter des documents étrangers aux faits poursuivis. Notons que les OPJ avaient ainsi un pouvoir supérieur au magistrat qui leur déléguait ses pouvoirs.

En l'état actuel du droit, le magistrat doit faire une demande à l'administration, qui procède au tri nécessaire avant de lancer la procédure de déclassification. Il est clair que ni l'une, ni l'autre de ces procédures ne sont satisfaisantes, une situation que dénonce d'ailleurs le Conseil d'État dans son avis du 5 avril 2007.

Ajoutons que la situation actuelle fragilise nos services spécialisés dans le renseignement et la protection des intérêts fondamentaux de la nation. La lutte contre le terrorisme international, en particulier, exige un travail en réseau et des échanges d'informations entre États, basés sur confiance, et qu'il convient donc de protéger.

La principale nouveauté du projet de loi est l'extension du domaine du secret de la défense nationale à des lieux. Il convient à cet égard de distinguer trois catégories. D'abord, les lieux dans lesquels le seul accès permet de prendre connaissance d'un secret de la défense nationale – c'est le cas, par exemple, de la base de sous-marins de l'Île Longue, ou d'un lieu d'écoutes ultrasensible. Il y a donc interdiction d'y pénétrer sans habilitation, et toute perquisition ne peut se faire qu'après déclassification préalable temporaire.

Ensuite, les lieux susceptibles de contenir des éléments classifiés. Comme l'a rappelé le président de la commission, l'endroit où se trouvent ces documents doit être déterminé précisément. On n'entre pas en de tels lieux sans une certaine procédure, qui permet notamment la traçabilité des consultations. Mais la grande crainte est qu'ils soient détournés de leur objet et que l'on y conserve des documents n'ayant rien à y faire. C'est pourquoi les documents sensibles et classifiés devront faire l'objet d'un traitement diversifié.

Il peut enfin se produire qu'au cours d'une perquisition un magistrat découvre fortuitement un document classifié. Je proposerai à ce sujet un amendement permettant que, contrairement à ce que prévoit le projet, la perquisition ne soit pas interrompue mais que les éléments couverts par le secret de la défense nationale soient mis sous scellés provisoires.

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