Nous ne pouvons travailler avec vous et avec l'ensemble de nos partenaires qu'en l'absence de jugements préconçus. Tous les problèmes ne peuvent être imputés à la grande distribution ! Nous ne pourrons aboutir à un constat commun et à une vision objective qu'à condition que l'on prenne le temps d'échanger et que la question ne soit pas réglée avant même d'être posée.
Dans le secteur de la distribution, contrairement à ce que l'on dit, la situation est grave : les marges sont en baisse de 20 à 30 %, nous sommes soumis à une contrainte de productivité très forte et nous avons vécu des événements inédits dans les magasins, avec des menaces sur les biens et les personnes.
S'agissant du prix du lait, nous sommes intervenus à plusieurs reprises. D'une part, nous avons proposé à l'Observatoire des prix et des marges de faire appel à des experts extérieurs pour étudier la formation des prix et des marges ; cela a déjà été fait dans d'autres filières, comme les produits de la mer ou la viande porcine, et aucune anomalie particulière n'a été relevée.
D'autre part, les producteurs doivent pouvoir vivre de leur production, nous en sommes bien d'accord ! Or les vrais problèmes ne proviennent pas, comme on le laisse accroire, des marges de la grande distribution, mais de la réglementation européenne et française, des identifications d'origine et de provenance de certains produits et des conditions de compétitivité différentes entre les pays. Nous sommes prêts à accorder à l'analyse de ces questions le temps qu'il faudra.
D'ailleurs, c'est notre secteur professionnel qui a fait le plus pour répondre aux questions concrètes des producteurs. Nous sommes ainsi les seuls à afficher sur la longe de porc et les marques de distributeurs le logo « Viande porcine française ». Il faut aussi prendre en considération les différentes étapes et venir en aide aux producteurs dont le prix de production est trop élevé ; pour le lait, par exemple, le prix de revient varie entre 20 et 45 centimes.
On évoque toujours la position de monopole des distributeurs, mais s'agissant du lait ou de la viande porcine, quatre ou cinq grands fournisseurs détiennent 80 % du marché – sans parler du marché de certaines boissons ni de celui des lames de rasoirs !
Par ailleurs, je trouve regrettable que certaines auditions se déroulent dans le secret. Il faut dépasser ce réflexe, tel est précisément l'un des objectifs de la CEPC. Toutefois, une fois certains sujets abordés, il faut également garantir un débat contradictoire et, comme dans tout procès, permettre à chacun de s'exprimer.
On dénonce fréquemment le « déréférencement ». Pourtant, il est naturel pour un commerçant de changer de fournisseur – à condition, bien évidemment, de respecter certaines règles. Cela fait partie de la vie normale des affaires ! Ainsi, nous ne souhaitons pas conserver certaines références, qui étaient imposées par des accords de gamme mais ne rencontraient aucun succès auprès des consommateurs.
En revanche, si des menaces de déréférencement sont proférées afin de peser sur les négociations, c'est un autre problème. Il faut donc prendre le temps d'aller au fond du débat. En affirmant que la grande distribution est en position de monopole et que, quel que soit le sujet, il faut lutter contre elle, on passe à côté des vraies solutions.
De même, la CEPC devrait parvenir assez facilement à un accord sur la renégociation du contrat : il peut y avoir négociation d'un avenant, mais pas remise en cause de l'ensemble du contrat.
S'agissant des tarifs, le délai du mois de mars se trouve en décalage par rapport à l'application de l'accord : il ne paraît pas logique d'accorder un délai de deux mois entre la mise en place et la signature de l'accord ! Pour clarifier les choses, il faudrait que la CEPC recommande aux acteurs une signature anticipée des contrats, ce qui suppose des délais réciproques, c'est-à-dire que les industriels transmettent beaucoup plus tôt leurs tarifs aux distributeurs, afin que l'ensemble du contrat soit signé pour le 31 décembre.
Enfin, nous ne sommes pas en situation de monopole : la concurrence reste très vive entre les différents acteurs, et nous essayons de gagner des parts de marché. Le problème, aujourd'hui, c'est davantage la faiblesse de certains prix, qui risque de déstabiliser les marchés, que les marges trop importantes.
Je le répète : s'il existe des comportements abusifs, notre intérêt est d'en parler, mais à condition que notre secteur ne soit pas systématiquement stigmatisé.