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Intervention de Androulla Vassiliou

Réunion du 8 octobre 2008 à 10h00
Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Androulla Vassiliou, commissaire européenne à la sant :

C'est un grand plaisir pour moi de vous présenter ce que je considère comme l'initiative la plus importante, dans le domaine de la santé, de la présidence de la Commission européenne par M. Manuel José Barroso. Ayant été parlementaire, je demeure convaincue de la nécessité de maintenir un débat avec les Parlements nationaux. C'est ce qui m'a poussée à me rendre au Bundestag, à rencontrer des membres du Bundesrat et à m'exprimer devant vous avant de me rendre à la Chambre des Lords, à la Diète polonaise et, si je le puis, dans d'autres Parlements encore. Ma pratique de la langue française n'étant pas aussi aisée que celle de l'anglais, je poursuivrai dans cette langue.

Depuis des années, dans une jurisprudence constante, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a confirmé que le Traité confère aux patients le droit de se faire soigner dans d'autres États membres que le leur puis d'obtenir, chez eux, le remboursement des frais engagés. Cependant les modalités d'application de ce principe ne sont pas bien définies. Aussi, après que les soins de santé ont été - à mon sens, à juste titre - exclus en 2006 du champ d'application de la directive relative aux services, le Conseil et le Parlement ont invité la Commission à élaborer une directive distincte, relative aux soins de santé transfrontaliers.

La proposition de directive adoptée par la Commission vise à assurer aux patients un meilleur accès aux soins, quel que soit leur lieu de résidence, tout en respectant strictement les compétences nationales en matière de système de santé. Dans le cadre de la jurisprudence de la Cour, le texte tend à faciliter l'exercice des droits que le Traité a conférés aux patients en garantissant une plus grande transparence et de meilleures garanties concernant la sécurité et la qualité des soins. La proposition tend aussi à préciser les conditions dans lesquelles les patients peuvent se faire soigner dans un autre État membre puis se faire rembourser. Elle vise enfin à renforcer la coopération entre les États dans certains domaines liés à la santé pour améliorer les synergies sans, j'y insiste, modifier le cadre des systèmes nationaux de sécurité sociale.

Actuellement, pour être remboursés, les traitements dispensés dans un autre pays de l'Union doivent avoir fait l'objet d'une autorisation préalable. Avec le nouveau dispositif, les patients pourront se faire soigner dans un autre État membre que le leur s'ils le souhaitent et être remboursés des frais engagés à concurrence de ce qu'ils auraient perçu si les soins avaient été dispensés dans leur pays d'origine, tout coût supplémentaire demeurant à leur charge. Admettons ainsi que la pose d'une prothèse de hanche soit remboursée à hauteur de 1 000 euros en France ; un Français qui déciderait de subir l'intervention en Espagne et à qui cela coûterait 1 200 euros se verrait rembourser 1 000 euros.

Toutefois, la proposition de directive prévoit, en son article 8, que l'État d'affiliation peut exiger une autorisation préalable pour la prise en charge de soins hospitaliers reçus dans un autre État membre. Il s'agit ainsi d'éviter que l'application de la directive puisse porter atteinte à l'équilibre financier d'un système de sécurité sociale.

La proposition réaffirme les principes communs à tous les systèmes de sécurité sociale de l'Union européenne : universalité, équité, accès à des soins de santé de qualité, solidarité. Elle rappelle que, pour que ces principes s'appliquent, chaque État doit définir des normes claires de qualité et de sécurité des soins dispensés sur son territoire. C'est un moyen supplémentaire de lutter contre les affections nosocomiales, singulièrement dans les pays qui n'ont pas encore mis au point de telles normes. Il le faut : des enquêtes récentes ont mis en évidence que 5% des personnes hospitalisées en Europe sont atteintes de maladies nosocomiales, soit 4,1 millions de personnes chaque année, dont 37 000 meurent des suites de ces pathologies.

La proposition de directive dispose également qu'un patient ressortissant d'un autre État membre ne peut souffrir aucune discrimination dans l'accès aux soins. En précisant les conditions de l'exercice du droit qu'ont les patients de recevoir des soins dans un autre État membre que le leur, le texte permet aux États membres d'appliquer la jurisprudence de la CJCE de manière équilibrée et facilite l'exercice de ce droit par les citoyens européens car, à ce jour, la jurisprudence est parfois mal comprise, souvent sciemment ignorée ou incomplètement appliquée. Comme je l'ai dit, nous avons cependant prévu, afin de ne pas risquer de mettre en cause l'équilibre des systèmes de sécurité sociale nationaux, que les États membres soient autorisés à limiter le remboursement de soins dispensés à l'étranger, par exemple en instaurant un système d'autorisation préalable pour les soins hospitaliers.

La proposition précise par ailleurs la définition des soins hospitaliers et des soins ambulatoires, ce qui simplifiera les procédures et les conditions d'accès aux soins transfrontaliers. Je souligne que nous avons maintenu l'extension de la notion de « soins hospitaliers » à des soins qui n'exigent pas nécessairement une hospitalisation mais qui sont particulièrement coûteux ou qui supposent une très lourde infrastructure - tomographie par émission de positons, radio-chirurgie par couteau gamma ou radiothérapie par exemple.

Enfin, la proposition de directive fixe le cadre de nouvelles coopérations à l'échelle européenne. Elle devrait donc conduire à la création de réseaux européens de référence pour les maladies rares, les nouvelles thérapeutiques ou les nouvelles technologies. Ces coopérations pourraient également concerner : l'évaluation des nouvelles technologies de santé qui, toujours plus coûteuses, doivent être utilisées de la manière la plus efficace possible ; les services de santé en ligne, concernant notamment la question de l'interopérationalité ; la collecte de données statistiques sur les soins de santé transfrontaliers, pour mesurer l'impact des décisions prises et pour améliorer la surveillance épidémiologique ; la reconnaissance de prescriptions établies dans les autres États membres, étant entendu que le remboursement des médicaments continuera de se faire en fonction des règles établies par l'État d'origine. Le cadre ainsi défini devrait contribuer à actionner le formidable potentiel de la coopération paneuropéenne en matière de santé.

En conclusion, notre objectif est d'aider les citoyens européens à recevoir les soins qui leur sont nécessaires sur tout le territoire de l'Union. Il ne s'agit pas de promouvoir la mobilité pour la mobilité mais de définir des règles précises, fondées sur les droits déjà consacrés par la CJCE. Je tiens à être claire : nous ne modifions pas les règles de fonctionnement des systèmes nationaux de santé. Il demeurera de la responsabilité des États membres de décider quelles prestations ils entendent servir à leurs ressortissants et quels traitements et médicaments ils rembourseront. Seulement, les droits conférés aux citoyens par le Traité seront précisés.

La proposition de directive est déjà débattue au sein du Conseil et du Parlement. Ce dernier a nommé deux rapporteurs, et ils souhaitent que la première lecture ait lieu rapidement. Je l'espère aussi, puisque notre démarche consiste à maintenir le patient au coeur du dispositif.

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