Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de René Ricol

Réunion du 20 janvier 2009 à 20h00
Commission des affaires économiques

René Ricol, médiateur du crédit :

Avant d'être médiateur du crédit, j'ai rendu un rapport relatif à la crise financière. La seule question que nous devrions nous poser est de savoir si le système financier mondial va se tirer d'affaire ou s'effondrer. Le vrai risque est que plus rien ne fonctionne et ce risque n'a pas disparu, car il reste encore pour des centaines de milliards de CDO, CDS, CDO synthétiques et autres RMBS. Cela mérite qu'on y prête attention.

Par ailleurs, si les parlementaires et les citoyens ont le droit de reprocher à tous les patrons ici présents de n'avoir pas vu venir la crise et de les mettre en cause personnellement, il est dangereux de parler indistinctement des « banquiers ». Si l'on entretient cette confusion inadmissible entre les responsables et l'ensemble des collaborateurs des banques, de simples caissiers pourraient bien finir par se faire tuer ! Les collaborateurs des banques sont comme ceux de toute entreprise, et j'en rencontre qui sont désespérés. Gardons-nous donc des termes génériques.

De même, lorsque la médiation transmet un dossier à une banque, la question n'est pas de savoir qui a tort et qui a raison. Tout le monde devrait avoir recours à la médiation et nous devrions avoir pour seul souci de faire passer tous les dossiers. Toutefois, si les banques souscrivent à mes demandes, la question du soutien abusif – illégal – peut se poser. J'invite les parlementaires saisis par les chefs d'entreprise des difficultés qu'ils rencontrent avec leur banquier à prendre contact avec le préfet Nicolas Jacquet, qui travaille à mes côtés pour être votre correspondant, et à encourager les intéressés à nous transmettre le dossier. Monsieur le président, malgré le secret qui s'applique à ces dossiers, nous trouverons un moyen de vous informer, car la transparence s'impose pour éviter la manipulation. Nous voulons, je le répète, faire passer le plus grand nombre possible de ces dossiers.

Le 12 novembre, nous avons conclu avec les banquiers un accord aux termes duquel, pour l'ensemble des crédits en cours, l'enveloppe globale serait maintenue sans demande d'augmentation de garanties personnelles. Au vu du courrier que nous recevions, en effet, il semblait que de nombreux crédits étaient supprimés. Ces courriers ne donnent pas lieu à l'inscription de dossiers et, chaque fois que l'accord n'est pas respecté, un coup de téléphone à la banque règle instantanément la question. J'y insiste : envoyez-nous tous les chefs d'entreprise qui se plaignent qu'on leur ait retiré leur crédit. Il y va de l'emploi de femmes et d'hommes.

Les affrontements quotidiens que nous avons avec les banquiers ne sont possibles que s'ils sont loyaux. Je ne peux pas à la fois leur demander de faire passer de nombreux dossiers et leur reprocher la mauvaise qualité du travail de leurs collaborateurs qui ne les ont pas acceptés de prime abord. Il faut dépassionner ce sujet : ne critiquons pas les collaborateurs des banques sur le terrain, car j'ai besoin d'eux. Je le répète, il faut venir nous voir et, comme je l'ai demandé hier soir au Président de la République, renforcer encore les moyens de la médiation.

La médiation fonctionne parce que nous avons, par chance, désigné les bons médiateurs au niveau des départements, en la personne des directeurs départementaux de la Banque de France, qui se sont mobilisés sur le sujet. Ceux qui hésiteraient à appeler Nicolas Jacquet ou moi-même – qui sommes pourtant très accessibles – peuvent appeler ces interlocuteurs. Je rappelle que la médiation a reçu 3 800 dossiers, en a jugé 3 500 recevables et clôturé 1 500, dont 900 positivement. L'enjeu n'est pas d'améliorer le taux de succès de la médiation, mais de faire passer le plus grand nombre possible de dossiers.

Derrière ces dossiers, il y a des cas dramatiques, comme celui d'une personne qui entame sa neuvième journée de grève de la faim. Je profite de l'absence de la presse pour raconter son histoire : cet entrepreneur, dont l'activité traditionnelle s'est arrêtée, a décidé de produire une gamme de motos. N'ayant pas fourni à sa banque de comptes prévisionnels depuis le deuxième trimestre 2008, il a vu son crédit bloqué, alors que ses besoins s'élèvent à 180 000 euros. Nous avons obtenu de Philippe Dupont et François Drouin qu'ils s'engagent chacun à hauteur de 60 000 euros, soit un total de 120 000 euros, et avons fait établir un plan de sauvegarde par le tribunal de commerce pour geler les dettes, ce qui permet d'obtenir les 180 000 euros. Ce soir, cet homme, qui ne peut presque plus parler, m'a déclaré au téléphone qu'il refusait cet arrangement, le jugeant inacceptable. Faut-il que j'essaie de décider les deux partenaires à porter leur engagement à 90 000 euros, qui seront sans doute perdus, pour éviter d'avoir un mort sur la conscience ? Si je le fais, ne risque-t-il pas d'y avoir demain 500 cas identiques ? Au demeurant, en entrant dans la vraie crise économique, ces dossiers seront de plus en plus nombreux.

Je disais au 31 décembre que je n'avais pratiquement reçu aucun dossier lié à la crise. Aujourd'hui, ces dossiers commencent à arriver, car la baisse des carnets de commandes fait apparaître des entreprises qui, du fait de la diminution de leurs résultats – voire avec des résultats nuls, sinon même négatifs – ont besoin de crédits.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion