On nous dit que cette proposition de loi est destinée à combler un vide juridique, mais il reste à le démontrer. Si l'on vise les bandes délinquantes, en quoi la notion de bande organisée, qui existe déjà, n'est-elle pas adaptée ? Si l'on vise des groupes spontanés, en quoi celle d'attroupement, qui existe également dans le code, ne l'est-elle pas non plus ?
Par ailleurs, comme les magistrats nous l'ont dit lorsque nous les avons revus après l'audition à laquelle a procédé le rapporteur, la manière dont cet article 1er est rédigé va susciter des débats de jurisprudence. Les mots « en connaissance de cause », le mot « but » et la caractérisation de celui-ci par « un ou plusieurs faits matériels » posent en effet des problèmes d'interprétation. La difficulté vient de ce que l'article ne vise pas à réprimer des faits, mais une intention ; or il est fort délicat d'apporter la preuve d'une intention délictueuse.
L'expression « en connaissance de cause » peut être lue de deux manières. S'applique-t-elle au fait de participer à un groupe dont on sait qu'il poursuit un but violent ? Ou s'applique-t-elle au fait de participer à un groupe qui, même si on l'ignore, poursuit un but violent ? Autrement dit, l'expression porte-t-elle sur la participation au groupe ou sur le caractère violent du groupe ? Les avocats vont s'engouffrer dans cette incertitude juridique.
Il en va de même pour le « but ». Comment prouver qu'un groupement « poursuit le but » de commettre des violences ? La conséquence de tant d'incertitudes sera qu'on ne pourra pas poursuivre sur la base des infractions que vous créez. C'est déjà le cas pour les dispositions relatives aux halls d'immeuble : en 2008 et jusqu'à maintenant, pas un seul des nombreux magistrats du TGI de Paris que j'ai rencontrés n'a engagé de poursuites sur cette base.