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Intervention de Christian Estrosi

Réunion du 10 juin 2009 à 17h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Estrosi, rapporteur :

La délinquance est en constante mutation. Il nous faut donc en permanence adapter notre législation à ses nouvelles formes.

A l'instar d'autres pays occidentaux, et malgré les bons résultats obtenus en matière de lutte contre la délinquance depuis sept ans, notre pays est confronté à l'augmentation des affrontements entre bandes, des actes de haine contre les représentants de l'autorité républicaine, des intrusions au sein d'établissements scolaires avec des armes, des guet-apens tendus aux forces de l'ordre, des violences commises contre les agents du service public.

En avril, le Président de la République a souhaité confier à la représentation nationale l'élaboration d'une proposition de loi visant à lutter contre les violences de groupe et à sanctuariser les établissements scolaires. C'est tout à l'honneur de notre assemblée d'avoir élaboré le texte que nous examinons aujourd'hui, dont l'objectif est d'être ferme avec les délinquants et les voyous et juste pour les victimes et les honnêtes citoyens.

Le premier chapitre est consacré à la lutte contre les violences de groupe.

Il ressort des nombreuses auditions auxquelles j'ai procédé que si nous avons accompli de grands progrès en matière de lutte contre la délinquance – instauration des peines planchers, développement de la vidéoprotection, création des groupements d'intervention régionaux –, notre arsenal législatif reste largement insuffisant pour lutter contre les phénomènes de bande. En effet, l'infraction d'association de malfaiteurs ne vise que la préparation de délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Or les violences volontaires, même commises en réunion, ne sont punies que de trois ans d'emprisonnement lorsqu'elles n'ont pas causé une interruption temporaire de travail supérieure à huit jours, ce qui peut être le cas de violences commises par des bandes. De plus, la qualification pénale des faits est souvent complexe : en application du principe de la responsabilité pénale individuelle, il faut établir pour un même délit la responsabilité de chacun.

C'est pourquoi l'article 1er a pour objet de créer une infraction nouvelle réprimant spécifiquement la participation, en connaissance de cause, à une bande ayant l'intention de commettre des violences ou des atteintes aux biens. Cette disposition n'est pas une réécriture de l'incrimination prévue dans la loi anticasseurs, abrogée en 1981, qui présenterait de gros risques constitutionnels. L'incrimination proposée constituera, de l'avis même du directeur général de la police nationale et du chef du service d'investigation transversale à la direction de la police urbaine de proximité de la Préfecture de police de Paris, un instrument efficace pour engager des poursuites contre les auteurs, sans pour autant avoir à distinguer l'auteur du coauteur, ou bien le coauteur du complice.

Par ailleurs, la visée de cet article est avant tout préventive : la disposition s'appliquera en amont de la commission des faits de violences ou de dégradations.

L'article 3 instaure une circonstance aggravante lorsque l'auteur de violences sur des personnes ou de dégradations de biens dissimule volontairement tout ou partie de son visage afin de ne pas être identifié. Cette dissimulation complique en effet fortement le travail des enquêteurs. En outre, elle contribue à impressionner les victimes et peut aggraver leur traumatisme. Les personnalités auditionnées ont majoritairement salué notre position de faire de la cagoule ou de tout autre moyen de dissimuler son visage une circonstance aggravante et non une infraction autonome, difficilement applicable. Le juge aura la charge de qualifier la dissimulation du visage.

L'article 4 prévoit que les enregistrements audiovisuels ou sonores effectués par la police nationale ou la gendarmerie seront versés au dossier. Les syndicats de policiers ont souligné la nécessité de développer ces moyens, qui permettent d'apaiser les interventions et réduisent les contestations a posteriori. Cependant, afin de répondre aux observations des syndicats de police et du directeur général de la police nationale, je vous proposerai un amendement visant à rendre possible, mais non plus automatique, le versement de l'enregistrement au dossier. Cela répondra aux problèmes posés pour le stockage des données ainsi qu'aux difficultés qui pourraient être soulevées en l'absence de tout enregistrement.

Pour compléter ces dispositions, je vous proposerai également par amendement de réprimer un nouveau comportement consistant, le plus souvent en groupe, à recourir à l'intimidation en vue de réaliser une vente à la sauvette.

Par ailleurs, afin de doter notre pays de nouveaux moyens facilitant l'identification des auteurs d'infraction, je vous proposerai de permettre le raccordement des forces de police et de gendarmerie nationales, ainsi que, le cas échéant, des agents de police municipale sur les systèmes de vidéoprotection mis en place par les bailleurs dans les parties communes des immeubles. Une fois alertées par les propriétaires ou leurs représentants, notamment les agents privés de sécurité, lorsque les circonstances l'exigent, les forces de l'ordre pourraient recevoir en temps réel les images fournies par ces systèmes privés de vidéosurveillance, afin de mieux préparer leur intervention éventuelle sur les lieux.

Le chapitre II vise à renforcer la protection des personnes travaillant dans les établissements d'enseignement scolaire.

Il ne fait aucun doute que l'école doit être un sanctuaire de la République. Aussi, l'article 5 procède-t-il à la réécriture des dispositions prévoyant l'aggravation, en raison de la qualité de la victime, des peines encourues par les auteurs des faits, afin de viser expressément les enseignants et les personnels travaillant dans les établissements d'enseignement scolaire, de la même façon que les agents des entreprises de transport public. La protection sera par ailleurs étendue à leurs proches.

En outre, il vous est proposé d'aggraver l'incrimination des vols et extorsions commis dans les écoles ou à leur proximité immédiate, comme c'est déjà le cas pour les violences volontaires.

Nous proposons également de correctionnaliser l'intrusion dans les établissements scolaires. Si vous adoptez ce texte, le fait d'entrer dans une école sans y être autorisé sera un délit passible d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. Le délit sera aggravé s'il est commis en bande ou par une personne porteuse d'une arme. Cette correctionnalisation permettra en outre le placement en garde à vue.

Pour compléter ces dispositions et afin de lutter contre la prolifération des armes dans les établissements scolaires, je proposerai un amendement instaurant un article additionnel. En effet, si l'article 7 permet de punir toute intrusion dans un établissement d'une personne non autorisée, il ne règle pas le problème des élèves inscrits régulièrement dans l'établissement qui y introduisent une arme ; je vous propose donc de créer une infraction spécifique.

Ces mesures sont assurément complémentaires de la politique de prévention de la délinquance, définie en particulier par la loi du 5 mars 2007, malheureusement insuffisamment appliquée sur le terrain. A ce jour, dans nos 36 000 communes, seulement vingt conseils des droits et des devoirs des familles ont été créés, et neuf vont être mis en place prochainement. De même, le contrat de responsabilité parentale n'est quasiment jamais mis en oeuvre, souvent parce que les services de l'État ne transmettent pas certaines données relatives aux mineurs. Il y a aussi trop peu de contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance ; seulement 22 ont été signés, alors que l'efficacité de la politique de prévention passe par la mutualisation des moyens de tous les acteurs. Je regrette aussi que les services de l'éducation nationale transmettent si peu aux maires les informations relatives à l'absentéisme scolaire. Le plan de prévention de la délinquance annoncé par le Président de la République pour septembre prochain participera de l'action globale que nous devons mener.

Les crimes ou les délits ne sont pas plus excusables lorsqu'ils sont commis en bandes. On ne saurait accepter que la mort d'un jeune résulte de guerres imbéciles entre des voyous qui s'approprient des territoires imaginaires. Il n'y a qu'un territoire, celui de la République. C'est le message que traduit cette proposition de loi, que nous examinerons en séance publique le 23 juin prochain.

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