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Intervention de Denis Jacquat

Réunion du 8 octobre 2008 à 11h00
Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Jacquat, rapporteur :

Ce rapport est destiné à fournir les éléments d'information utiles pour apprécier les problématiques du rendez-vous de 2008 sur les retraites et évaluer les mesures proposées ou écartées par le Gouvernement au titre de ce rendez-vous.

Il rassemble donc d'abord des données financières, démographiques, sociales et juridiques sur les thèmes essentiels du rendez-vous de 2008. Il comporte également, afin de mettre correctement en perspective les mesures proposées par le Gouvernement, un rappel de l'ensemble des réformes intervenues en matière de retraite depuis 1993 et présente en annexe un rappel historique de la construction législative des multiples régimes de retraite ainsi qu'un tableau de l'ensemble des régimes spéciaux français.

Je me concentrerai ici sur les orientations à donner aux mesures qui doivent être adoptées au titre du rendez-vous de 2008 sur les retraites. Celui-ci résulte des dispositions de l'article 5 de la loi du 21 août 2003, précisément analysées dans le rapport.

Ce rendez-vous de 2008 doit en outre, et avant tout, traiter des trois thèmes suivants : l'évolution de la durée d'assurance ouvrant droit à une liquidation au taux plein ; la situation des titulaires de petites pensions de retraite, ce qui pose le problème de l'évaluation des dispositifs du minimum contributif, du minimum vieillesse et des pensions de réversion ; et la gestion des âges de départ à la retraite et le maintien des salariés âgés dans l'emploi, ce qui conduit à aborder les questions relatives à l'âge légal de départ à la retraite, à l'évolution de l'âge effectif de liquidation des pensions, à la retraite anticipée pour carrière longue, aux modalités de calcul des pensions de retraite et aux limites d'âge professionnelles.

Le passage en 2012 de 40 à 41 ans de la durée d'assurance exigée pour une liquidation au taux plein est le point de départ du rendez-vous de 2008. Fixé par la loi du 21 août 2003, ce relèvement est d'application directe, à moins que le Gouvernement ne décide d'en ajuster le calendrier par décret pour tenir compte d'une modification de l'évolution du rapport entre durée de la retraite et durée de la vie active ainsi que des paramètres financiers et démographiques des régimes et de l'emploi par rapport aux prévisions. Sa mise en oeuvre pour le secteur privé n'exige qu'un toilettage de certains articles réglementaires du code de la sécurité sociale mais aucune mesure réglementaire d'application pour le secteur public. Le rapport présente un tableau de répartition des matières relevant de la loi et du règlement.

Cette question est analysée en profondeur et toutes les données sont mises à plat, y compris une étude des effets financiers d'un maintien à 40 ans de la durée d'assurance. Pour information, je précise que, s'agissant des deux seuls régimes des travailleurs salariés et de la fonction publique d'État, ce gel créerait une dépense supplémentaire estimée à 2,5 milliards d'euros pour l'année 2010 et à 10 milliards d'euros pour la seule année 2040, soit environ 17 % du déficit de ces deux régimes.

Outre ces considérations financières, le relèvement de la durée d'assurance tel qu'il a été décidé en 2003 se justifie aussi par un motif d'opportunité essentiel : il permet de dégager des ressources utilisables pour financer des prestations ciblées répondant à des besoins cruciaux favorisant la cohésion sociale, comme le financement des départs anticipés pour carrière longue ou la revalorisation des petites retraites.

En effet, la prolongation du dispositif de départ anticipé pour carrière longue mis en place en 2003 est une mesure capitale, qui répond à un besoin de la population et relève d'une équité sociale cruciale pour l'acceptation du système des retraites français par nos concitoyens.

De même, il est indispensable de prolonger au moins jusqu'au prochain rendez-vous de 2012 l'objectif d'un minimum contributif majoré égal à 85 % du SMIC pour les salariés ayant cotisé au SMIC une carrière complète.

Le minimum contributif pose d'autres problèmes, qui ont notamment été soulevés par la Cour des comptes.

Tout d'abord, tous les assurés ayant cotisé au SMIC ne bénéficient pas d'un total de pensions égal à 85 % du SMIC, en raison des variations de pension complémentaire dues à l'assujettissement ou non à la CSG – pour 1 % d'entre eux environ, le montant de la pension est très légèrement inférieur. Le rapport préconise une application stricte de la règle : il ne faut pas interpréter l'article 5 de la loi de 2003 comme fixant une moyenne de liquidation, mais comme un minimum de liquidation dont tous les assurés peuvent se prévaloir dès lors qu'ils en réunissent les conditions. L'enjeu social mérite qu'on surmonte les difficultés matérielles de cette application stricte.

En deuxième lieu, le minimum contributif bénéficie parfois à des salariés ayant des retraites élevées, ce qui n'est pas conforme à l'objectif qui avait présidé à sa création en 1983 : il s'agissait alors de donner une majoration de pension aux salariés ayant travaillé longtemps avec une rémunération faible.

Enfin, le montant du minimum vieillesse tend à rejoindre le montant du minimum contributif, ce qui ne valorise pas le travail.

Sur ces deux points, le Gouvernement propose des mesures dans le PLFSS pour 2009, mais il importe de ne pas pénaliser excessivement les femmes, dont la majorité des pensions bénéficient du mécanisme du minimum contributif.

Pour ce qui concerne les pensions de réversion, je soutiens depuis quinze ans le relèvement de 54 % à 60 % du taux de réversion. C'est Simone Veil, ministre de la santé dans le gouvernement d'Édouard Balladur, qui, en 1994, avait porté ce taux de 52 % à 54 % avec l'objectif d'atteindre progressivement 60 %. Depuis lors, tous les gouvernements ont baissé les bras.

Dès l'annonce du projet du Gouvernement de relever le taux de la réversion, j'ai appelé son attention sur la nécessité de ne pas limiter la mesure aux futures liquidations de pension de réversion, mais de traiter également le stock des pensions déjà liquidées. La discussion a été longue et difficile en raison du coût d'une telle mesure. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2009 devrait parvenir à un équilibre en revalorisant les pensions de réversion de 11 %, ce qui correspond à un taux de liquidation de 60 %, mais en réservant la mesure aux plus petites pensions – ne dépassant pas 800 euros, tous régimes confondus – et aux personnes âgées d'au moins 65 ans.

Au-delà de la réversion, mon rapport rappelle, dans le droit fil de celui que j'avais présenté en 2006 sur le veuvage, la nécessité de fournir un complément de ressources aux conjoints survivants ayant encore un ou plusieurs enfants à charge. Cela peut se faire, comme en Allemagne par exemple, sous la forme d'une assurance orphelin.

En matière de gestion des âges de la retraite et de l'emploi des seniors, le rapport fait un bilan complet de la fixation des âges de la retraite. Bien que des demandes se soient exprimées en ce sens, le rendez-vous de 2008 ne prévoit pas la modification de l'âge légal de 60 ans, qui est un acquis social majeur. Cette question exige un large débat dans la société, que le Conseil d'orientation des retraites (COR) n'a pas souhaité ouvrir pour l'heure. Une étude de la CNAV a toutefois montré qu'un relèvement progressif de l'âge du départ à 62 ans allégerait les charges du régime général de 5 milliards d'euros en 2020 et ramènerait le déficit estimé pour cette année de 13 milliards à 8 milliards.

Le relèvement de la durée d'assurance exigée pour obtenir le taux plein et l'amélioration du taux d'emploi des salariés âgés me paraissent donc être, dans l'immédiat, la meilleure voie pour faire évoluer le système des retraites. Je propose de lever les principaux obstacles au maintien des seniors dans l'emploi. Il faut ainsi, à l'exception des cas où elles sont motivées par des raisons médicales, mettre un terme au système des préretraites, devenues de fait des instruments de gestion des effectifs salariaux dans l'entreprise. Il convient de ne plus permettre les mises à la retraite d'office. Il importe aussi de libéraliser le cumul emploi-retraite en supprimant le plafond de cumul des ressources et le délai de latence de six mois imposé avant la reprise d'une activité chez le dernier employeur, et de relever à 65 ans toutes les limites d'âge dans la fonction publique, avant de les supprimer complètement. En tout domaine, il faut permettre aux travailleurs de poursuivre leur activité professionnelle s'ils le souhaitent.

En dernier lieu, le rapport présente quelques pistes d'amélioration du mécanisme de liquidation des pensions de retraite. J'indiquerai notamment que, depuis des années, je conteste la règle appliquée par le régime général, en vertu d'une circulaire de 1973, selon laquelle les salaires de l'année de liquidation de la pension ne sont pas pris en compte dans le calcul du salaire annuel moyen (SAM). Une analyse précise réalisée avec les services de la CNAV montre que les assurés nés en octobre ou novembre peuvent être pénalisés par cette absence de prise en compte. Plutôt que de demander l'intégration de la dernière année travaillée même partiellement, je propose de calculer le SAM non pas sur les 25 meilleures années mais sur les 100 meilleurs trimestres : seul le trimestre de liquidation de la pension échapperait alors au calcul du SAM. Cette solution simple et équitable bénéficierait également aux femmes, aux travailleurs transfrontaliers et aux travailleurs, de plus en plus nombreux, qui connaissent des carrières discontinues ou des années de rémunération faiblement valorisées en raison, par exemple d'une maladie, d'une maternité, d'un chômage ou d'un stage. Le salaire ou revenu trimestriel moyen ainsi utilisé pour calculer leur pension refléterait mieux leur activité professionnelle réelle.

Je propose enfin de faire franchir, au terme de la montée en charge du système actuel, une nouvelle étape au droit à l'information. Celui-ci est capital et ses effets sur les comportements des assurés sont patents en Allemagne et en Suède, où il a été pleinement mis en place. Il faut fournir une information systématique aux assurés dès le début de leur carrière par des procédés électroniques dématérialisés afin qu'ils puissent disposer d'estimations indicatives du montant minimal envisageable de leurs pensions et d'éléments d'information générale sur les moyens de valoriser celles-ci. Si, à 30 ans, une estimation de pension peut être aléatoire, elle n'en sensibilise pas moins l'assuré à la question de la retraite tout en lui fournissant une indication du montant de la pension qu'il percevrait dans l'hypothèse où ses revenus n'augmenteraient pas.

Ces propositions ne pouvant être introduites dans le PLFSS pour des raisons de constitutionnalité, j'envisage de déposer une proposition de loi et de solliciter son examen dans le cadre d'une niche parlementaire.

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