En ce qui concerne votre première question, il me semble aller de soi, à la lecture de l'article 61-1 de la Constitution, qu'une loi organique est nécessaire.
La question des effets résultant du non-respect des délais est fort importante. Permettez-moi de vous suggérer à ce sujet de compléter l'article 23-4 de l'ordonnance par une disposition que l'on pourrait rédiger ainsi : « Si la Cour de cassation ou le Conseil d'État n'a pas statué dans le délai prévu au présent alinéa, l'intéressé peut saisir directement le Conseil constitutionnel. » C'est la logique du texte, et il vaut mieux que la faculté de saisir directement le Conseil soit reconnue au justiciable lui-même – car c'est lui qui est au coeur de l'article 61-1. On peut d'ailleurs concevoir que, dans certains cas, la Cour de cassation ou le Conseil d'État, sachant que son silence aura cet effet – protecteur des droits du justiciable –, préfère ne pas statuer. La rédaction de l'article 61-1, selon lequel le Conseil est saisi « sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation » autorise-t-elle cette lecture ? Je vous laisse apprécier.
Si les délais de trois mois sont utiles, la mention « sans délai » est en effet préférable au délai de huit jours que vous évoquez. Il conviendrait également d'introduire cette mention à d'autres endroits du texte, par exemple dans le deuxième alinéa de l'article 23-1, faute de quoi le ministère public pourrait bloquer la procédure en s'abstenant de donner un avis.
S'agissant de l'opinion dissidente, sans doute suis-je trop conservateur ou trop prudent, mais je pense que c'est au contraire lorsque la nouvelle procédure aura fait ses preuves que l'on pourra sans difficulté introduire l'opinion dissidente. Le contrôle de constitutionnalité est, je crois, encore trop récemment entré dans les moeurs françaises pour que l'on risque de le menacer par des opinions dissidentes, lesquelles sèmeraient le doute dans l'opinion. Ce que nous, juristes, savons être légitime exige, à l'égard du contrôle de constitutionnalité, un niveau de maturité que les Français, y compris dans leur système politique, n'ont sans doute pas tout à fait atteint. Le temps viendra, mais je crois qu'il n'est pas encore venu.
Enfin, la référence faite par l'article 61-1 aux « droits et libertés que la Constitution garantit » couvre à mes yeux les objectifs à valeur constitutionnelle. La Constitution n'est pas triviale, et par essence ce qu'elle contient est important ; le fait de tourner le dos à un objectif dont on a reconnu la valeur constitutionnelle me paraît porter atteinte aux droits et libertés que la Constitution protège. Pour le reste, ce sera au Conseil constitutionnel de faire preuve du sens de la mesure nécessaire.