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Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 21 octobre 2008 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales :

C'est toujours avec grand plaisir que je me présente devant votre commission, avec laquelle j'ai déjà abordé de nombreux thèmes que nous retrouvons dans ce projet de budget.

Celui-ci intervient dans un contexte caractérisé par trois défis : un nouveau périmètre ministériel, une situation financière exigeante et des menaces réelles sur la sécurité.

Le nouveau périmètre de mon ministère résulte tout d'abord de l'intégration pleine et entière au 1er janvier 2009 de la gendarmerie nationale, qui était déjà placée pour emploi sous la responsabilité du ministre de l'intérieur pour toutes les opérations intérieures. Le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie fixe les modalités de cette intégration et garantit le statut militaire de la gendarmerie. Il va être examiné au Sénat en première lecture et j'espère qu'il pourra être soumis à l'Assemblée nationale avant la fin de l'année, mais ce n'est pas certain.

L'autre changement de périmètre concerne l'outre-mer, dont le rattachement au ministère date de la constitution de ce gouvernement. Une délégation générale à l'outre-mer vient d'être créée pour remplacer les deux directions antérieures, ce qui s'est traduit par une diminution des effectifs mais aussi par une amélioration de la qualification des personnels employés dans cette administration de mission.

Je ne m'étendrai pas sur le contexte financier. Chacun connaît la situation actuelle et l'engagement du Premier ministre de réduire les déficits, en vue d'en venir à bout à l'horizon 2012. Le ministère de l'intérieur ne saurait rester extérieur à cette ambitieuse démarche d'intérêt national. Encore faut-il que ses missions fondamentales ne soient pas remises en cause.

La menace terroriste reste élevée, des signes très nets enregistrés ces derniers mois en attestent. Cette année, avec 140 000 victimes en moins, la délinquance de proximité a baissé de 8,4 %. Les chiffres des violences aux personnes sont stabilisés, bien que les citoyens aient davantage tendance à déclarer les violences intrafamiliales, souvent perpétrées en état alcoolique. La délinquance générale a encore reculé de 2,3 %, en dépit d'une hausse des délits révélés du fait du surcroît d'activité des services ; celui-ci est clairement illustré par le taux d'élucidation, passé de 35,4 à 37,6 % – en 2001, il n'était que de 25 %. Ces chiffres sont ceux des neuf premiers mois de 2008. En 2009, je veux encore progresser, notamment concernant les violences gratuites et intrafamiliales, la lutte contre la drogue et la lutte contre les escroqueries, commises notamment sur Internet. À cet effet, je proposerai un grand plan d'action.

Pour mieux protéger les Français, ma première ambition est d'adapter mes services aux évolutions de la délinquance.

Il convient en particulier de moderniser les moyens mis à la disposition des policiers et des gendarmes, en développant la police technique et scientifique et en étendant la vidéoprotection : 100 millions d'euros en autorisations d'engagement et 40 millions en crédits de paiement y seront consacrés.

Il faut aussi mieux protéger les policiers et les gendarmes en tirant les leçons d'événements récents. Ainsi, 11 millions seront affectés à la police et 14 millions d'euros à la gendarmerie pour équiper les forces de l'ordre en lunettes de protection, en gilets tactiques et en nouvelles tenues de maintien de l'ordre.

Mieux protéger les Français, c'est aussi les protéger face aux catastrophes naturelles ou industrielles. En ce qui concerne la sécurité civile, le système d'alerte sera rénové. D'autre part, pour tenir compte de la montée du risque NRBC – nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique –, onze chaînes de décontamination mobiles seront acquises.

Ma deuxième ambition est de rapprocher l'État du citoyen.

À cet égard, la première des actions consiste à clarifier le fonctionnement de l'État. C'est l'objet de la réforme de l'administration territoriale, qui conduira à un nouvel État territorial. Demain, les préfectures et les sous-préfectures garantiront la proximité de l'autorité de l'État. Il n'est pas question de fermer des sous-préfectures situées dans des zones fragiles. Seules pourraient être fermées des sous-préfectures situées dans de grosses agglomérations, à proximité immédiate de la préfecture et bien desservies par les moyens de transport.

En ce qui concerne le rapprochement des services, de nouveaux modes de délivrance des titres seront adoptés, notamment pour le système d'immatriculation à vie des véhicules. Les passeports puis les cartes d'identité pourront être reçus à domicile.

Ma troisième ambition, c'est la valorisation de nos territoires et de nos personnels.

Outre-mer, nous cherchons à mieux utiliser les spécificités et les atouts des territoires, notamment dans les domaines des énergies nouvelles, du développement durable, de l'agriculture. La mise en place des zones franches globales d'activités et les mesures relatives à l'aide au fret tirent les leçons de dispositifs antérieurs, qui ont insuffisamment répondu aux enjeux. Le recentrage du dispositif d'exonération des charges sociales sur les bas salaires et l'encadrement intermédiaire constitue une autre réponse ; cette réforme générera une économie annuelle évaluée à 138 millions. De plus, un fonds exceptionnel d'investissement, destiné à accompagner la construction d'équipements collectifs structurants dans les collectivités et les territoires d'outre-mer, sera doté de 40 millions en AE et de 16 millions en CP.

Le soutien aux collectivités territoriales ultramarines est un autre élément important : l'État continuera de soutenir le développement économique des territoires, à travers notamment leur capacité d'investissement, ce qui leur permettra de mieux assumer les compétences particulières qui leur ont été transférées. Ce soutien est même renforcé pour les aides à la reconversion de l'économie polynésienne, dont les crédits progressent de plus de 7 %.

Priorité est clairement donnée au logement en outre-mer. Le projet de loi de finances marque un effort significatif de consolidation des crédits consacrés aux logements sociaux, avec des AE en progression de 9,32 % et la création d'un outil inédit de défiscalisation.

S'agissant des personnels, il faut donner aux hommes et aux femmes qui sont motivés pour s'engager dans des métiers exigeants la possibilité d'aller au bout de leur vocation. C'est pourquoi je veux recentrer les policiers et les gendarmes sur leur coeur de métier. Je veux substituer à des activités répétitives des missions plus valorisantes. Je veux encourager la formation permanente des agents. Je veux mieux détecter les hauts potentiels pour offrir des carrières épanouissantes.

Les moyens concrets pour relever l'ensemble de ces défis sont financiers, humains et opérationnels.

Moyens financiers : sur la totalité des missions relevant de ma responsabilité, les crédits progressent de 2 %, mais avec des variations. Ceux de la mission Outre-mer progresseront davantage afin de rattraper des retards et de répondre au besoin en logements sociaux. Ceux des missions Sécurité et Sécurité civile, qui conditionnent la protection des Français, progresseront respectivement de 2,5 et de 2,4 %. Ceux de la mission Administration générale et territoriale de l'État seront en stagnation, voire en baisse dans certains cas, les nouvelles procédures dématérialisées permettant de faire disparaître certaines activités.

Moyens humains et opérationnels, ensuite : dans ce ministère, le rôle des hommes et des femmes est essentiel. La révision générale des politiques publiques – RGPP – prévoit le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Ayant fait valoir que ce ratio ne pouvait être appliqué mécaniquement dans ce ministère régalien, j'ai obtenu sa limitation à 41 % et même à 36 % dans le domaine de la sécurité. Les rémunérations bénéficieront des économies réalisées.

L'enveloppe catégorielle nous permettra de respecter les engagements pris et d'en prendre de nouveaux. Pour la police, nous continuerons de mettre en oeuvre le protocole « Corps et carrières ». L'encadrement intermédiaire sera renforcé, avec la création de 2 300 postes de brigadier, 460 postes de brigadier major et 175 postes de responsable d'unité locale de police. Pour la gendarmerie, les engagements du Plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées – PAGRE – seront respectés. Pour l'administration territoriale et centrale, le ministère disposera d'une enveloppe de mesures salariales représentant 13,8 millions d'euros et le plan de requalification sera poursuivi, avec 1 100 promotions supplémentaires.

Dans le contexte budgétaire actuel, il me revient de suivre une démarche de valorisation systématique des moyens opérationnels mis à notre disposition.

Tout d'abord, les policiers et les gendarmes seront recentrés sur leur coeur de métier. Ils seront extraits d'une série de missions comme les gardes statiques et les transfèrements de prisonniers. J'ai donné des instructions en ce sens et je demande que ces évolutions soient effectivement mises en oeuvre au niveau local, où des pesanteurs et des réticences peuvent s'exprimer. De même, je veux que les missions administratives et techniques soient remplies par du personnel administratif et technique et non par du personnel en uniforme, qui ne s'est pas engagé pour gérer de l'immobilier ou pour servir d'hôtesse d'accueil. Au total, quelque 1 200 gendarmes et policiers seront ainsi remplacés en 2009.

Par ailleurs, le rapprochement entre la police et la gendarmerie favorisera les mutualisations dans de nombreux domaines : formation des plongeurs et des équipes cynophiles, perfectionnement au maintien de l'ordre ; fonctions de soutien comme les réparations automobiles ou les achats ; mise à disposition des hélicoptères de la gendarmerie et de la sécurité civile au profit de la police. Tous ces rapprochements nous permettront de renforcer l'efficacité tout en diminuant assez sensiblement les coûts.

Je compte faire de ce ministère un grand ministère moderne. Pour cela, nous devons être exemplaires dans l'utilisation des technologies nouvelles, qui facilitent la vie de nos concitoyens et allègent les tâches bureaucratiques. Pour les relations entre les préfectures et les sous-préfectures, nous allons systématiser les transferts dématérialisés des actes. Il en ira de même des relations entre les collectivités et les préfectures et sous-préfectures, notamment pour les contrôles de légalité. Pour faciliter les démarches des victimes, je viens d'engager une expérience de dépôt de pré-plainte en ligne, qui sera menée pendant six mois dans deux départements, la Charente-Maritime et les Yvelines ; au vu du retour d'expérience, nous pourrons étendre ce dispositif à l'ensemble du territoire national. Le nouveau système d'immatriculation des véhicules facilitera considérablement les démarches des particuliers, tout en renforçant la sécurité puisque l'utilisation du nouveau système de lecture des plaques deviendra possible. La mise en oeuvre des passeports biométriques et demain des cartes d'identité électroniques facilitera également les relations entre usagers et services. Bref, toutes ces mesures améliorent la sécurité et la proximité tout en offrant aux personnels des perspectives d'emploi et de promotion plus valorisantes.

Ces objectifs seront réalisables dans le cadre de ce budget. Le ministère de l'intérieur, enrichi par le rattachement de la gendarmerie nationale, pourra continuer d'assumer pleinement ses missions au service des Français dans la lutte contre le terrorisme et la délinquance, dans l'aide en cas de catastrophe naturelle, dans la protection des libertés et dans le maintien de notre pacte républicain.

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