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Intervention de Jean-Marc Ayrault

Réunion du 28 avril 2009 à 14h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marc Ayrault :

Je ne voudrais pas empêcher mon collègue Daniel Garrigue de s'exprimer, d'autant qu'il est particulièrement difficile de se faire entendre quand on est non-inscrit. D'ailleurs, je partage pour l'essentiel ce qu'il vient de dire.

En toile de fond, c'est en effet la question du droit d'amendement qui se pose. Monsieur le président de l'Assemblée nationale, vous ne pouvez faire autrement que de prendre l'engagement qu'il sera explicitement garanti dans le Règlement. Dans le cas contraire, nous en aviserions le Conseil constitutionnel.

Or le droit d'amendement, qui est un droit individuel, n'est pas seulement le droit de déposer un amendement, mais aussi celui de le défendre. De ce fait, nous réaffirmons notre opposition au temps législatif programmé. Que se passera-t-il si le Conseil constitutionnel confirme que l'amendement doit être non seulement déposé, mais défendu ? Nous n'avons jamais obtenu de réponse à cette question fondamentale.

En outre, le Sénat, lui, ne connaîtra pas de temps programmé – même si un article de son Règlement prévoit que, suivant une procédure compliquée, mais qui protège les droits des groupes minoritaires, les sénateurs pourront décider, par un vote, la clôture des débats. Est-il envisageable que la chambre dont les membres sont élus directement par le peuple dispose de pouvoirs moins importants que celle dont les membres sont élus au suffrage indirect ?

Étant des élus responsables, nous vous avons fait parvenir des propositions concrètes, que Jean-Jacques Urvoas a rappelées. Six concernaient l'aménagement du temps de discussion ; vous en avez retenues deux. Vingt et une portaient sur le contrôle, dimension très importante du travail des députés. En ce qui concerne le temps législatif, j'ai fait à plusieurs reprises, au nom du groupe SRC, des propositions extrêmement précises, visant notamment à donner la possibilité à un groupe de demander de déroger au temps programmé quatre fois par an, ce qui paraît raisonnable sachant que le Gouvernement a le droit d'utiliser huit fois l'article 49-3 de la Constitution.

Monsieur le président de l'Assemblée nationale, si vous recherchez sincèrement le consensus, et que vous ne voulez pas vous soumettre au fait majoritaire et à la thèse du président du groupe UMP selon laquelle l'objectif de la réforme constitutionnelle est de consacrer le partage du pouvoir entre l'Élysée et l'Assemblée, vous devez vous inscrire en faux contre ses propos. Si la coproduction législative concernait l'ensemble du Parlement, opposition incluse, cela aurait du sens, mais s'il s'agissait uniquement d'un accord entre le groupe majoritaire et l'exécutif, notre rôle se réduirait à faire de la figuration, ce que nous ne pouvons accepter.

Il importe donc que vous répondiez à la question de Jean-Jacques Urvoas, même si vous ne le faites aujourd'hui, et que nos propositions soient réellement examinées et prises en compte.

S'agissant de l'activité de contrôle, nous ne demandons pas seulement l'égalité de temps de parole, mais également une capacité d'initiative équivalente. Sinon, le fait majoritaire s'imposera tout le temps ! Ainsi, j'ai demandé, au nom du groupe SRC, une évaluation des conséquences de la défiscalisation des heures supplémentaires, en termes d'emploi et de pouvoir d'achat, par rapport au coût budgétaire et fiscal de la mesure : on me l'a refusée. Cela prouve que, lorsque cela vous arrangera, vous accepterez les demandes, et que, dans le cas contraire, vous les refuserez.

On nous affirme que la réforme constitutionnelle donne des droits nouveaux au Parlement, mais, pour l'instant, je n'en vois aucune preuve. Elle ne fait que confirmer le fait majoritaire. Ainsi, la manière dont a été imposée – même si la forme juridique a été respectée – la nouvelle lecture dès cette semaine de la loi HADOPI, après une défaite politique, est un mauvais coup fait à l'Assemblée nationale : avant même que les instances ne se soient réunies, le président du groupe majoritaire et le ministre concerné l'avaient décidée à votre place, monsieur le président de l'Assemblée nationale.

Je suis donc inquiet, non seulement pour mon groupe, mais pour l'ensemble des parlementaires et pour la démocratie en général. Le quinquennat a modifié bien des choses et le rééquilibre des pouvoirs, tant annoncé, n'est pas au rendez-vous. Vous avez encore la possibilité d'y contribuer, monsieur le président de l'Assemblée nationale.

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