Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Bernard Accoyer

Réunion du 28 avril 2009 à 14h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale :

Je remercie tout d'abord votre Commission de procéder à mon audition sur ce sujet. De l'importante réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui a conduit à modifier la moitié des articles de notre Constitution, ne pouvait naturellement que s'ensuivre une réforme majeure de notre Règlement. Jamais notre Constitution ni notre Règlement n'ont été aussi profondément modifiés depuis le début de la Ve République. Après la réforme de 1962 ayant institué l'élection du Président de la République au suffrage universel, puis celles de 2000 et 2001 ayant instauré le quinquennat et inversé le calendrier électoral, l'exigence s'est fait sentir d'un rééquilibrage des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif, entre le Gouvernement et le Parlement.

La difficulté de la tâche est de procéder à cette refonte sans précédent dans le respect de la lettre et de l'esprit de nos institutions, de cette Ve République qui, en un demi-siècle, a montré sa solidité, son efficacité et sa souplesse, qui lui ont permis de s'accommoder de circonstances fort différentes.

Il nous appartient de respecter deux exigences : d'une part, éviter une réforme qui serait dictée par les contingences ; d'autre part, veiller à préserver l'institution elle-même et les équilibres en son sein.

S'agissant de la première de ces exigences, il nous faut prendre en compte la particularité de nos institutions qui se sont accommodées de chefs de l'État successifs qui ont eu des pratiques différentes du pouvoir, pratiques qui ont elles-mêmes pu varier au cours de leurs mandats. De la même façon, nos institutions ont fonctionné aussi bien en cas de cohabitation qu'en cas de détention de la majorité par un seul groupe – ce qui s'est produit quatre fois sous la Ve République –, ou par une coalition, et nul doute qu'elles auraient également fonctionné dans la situation, encore inédite, d'absence de majorité.

Pour ce qui est de la seconde de ces exigences, il nous faut assurer le respect des grands principes qui président au fonctionnement de nos institutions et de l'équilibre entre les prérogatives de la majorité et les droits fondamentaux de l'opposition. C'est dans cet esprit qu'après avoir réuni un groupe de travail pluraliste, auquel plusieurs d'entre vous ont participé, j'ai rédigé cette proposition de résolution en tenant compte le plus fidèlement possible des points de convergence et en recherchant un équilibre lorsqu'une telle convergence n'avait pu être constatée.

En matière de procédure législative, la réforme marque d'incontestables avancées au bénéfice du Parlement. Il convient toutefois, à ce stade, de rappeler une évidence : s'il appartient au Parlement de voter la loi, le rôle essentiel revient à l'exécutif dans son élaboration. C'est ainsi que sont mis en oeuvre les programmes, présidentiel et législatif, sur lesquels le Président de la République puis les députés ont été élus. L'exécutif et le Gouvernement ont par définition la tâche de rechercher et de faire prévaloir l'intérêt général dans l'élaboration de la loi. Il faut surtout se garder d'y substituer une addition d'intérêts plus catégoriels ou locaux. C'est pourquoi l'initiative législative doit demeurer, pour sa plus large part, du ressort du Gouvernement. C'est une exigence constitutionnelle en matière de lois de finances, de lois de financement de la sécurité sociale et de ratification des traités internationaux. Mais pourrait-on imaginer qu'il n'en soit pas de même pour les lois sur les états de crise ou pour certaines lois dites « fondatrices » ?

C'est d'ailleurs pourquoi le nouvel article 48 de la Constitution réserve au Gouvernement la maîtrise de l'ordre du jour deux semaines sur quatre. Il convient parallèlement, et c'est ce que je propose, de mettre en oeuvre un « temps législatif programmé », comme il en a déjà existé entre 1935 et 1969, d'autant que des dérives sont intervenues depuis 1981 à l'initiative des oppositions successives, de tous bords. Ainsi, alors qu'il n'y avait eu que 4 564 amendements déposés sous la première législature, on en a dénombré 243 807 sous la dernière.

La réforme de nos institutions donne un rôle accru au Parlement par trois dispositions au moins : les délais de dépôt des projets de loi, la discussion en séance sur la base du texte adopté par la commission, une meilleure information, grâce notamment aux études d'impact.

La proposition de résolution qui vous est soumise tient compte de l'ensemble de ces exigences et de ces progrès.

S'agissant des pouvoirs de contrôle, la réforme constitutionnelle comporte des avancées importantes au bénéfice du Parlement. Je n'en donnerai que quelques exemples.

Le contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement et l'évaluation des politiques publiques sont devenus des missions reconnues par la Constitution. Celle-ci prévoit de même, désormais, que les commissions permanentes disposent d'un pouvoir d'avis sur certaines nominations, notamment celles effectuées par le Président de la République et le président de l'Assemblée nationale, et qu'une semaine sur quatre de l'ordre du jour parlementaire est réservée en priorité au contrôle et à l'évaluation. Bien entendu, au-delà des textes, ce contrôle dépendra de la pratique, et les habitudes prises dès le début seront déterminantes pour l'avenir.

Nous exerçons déjà une importante activité de contrôle. Ainsi, quelque 200 rapports, tous d'une très grande qualité, ont-ils été élaborés depuis le début de cette législature. La seule défaillance réside dans l'absence de publicité à leur sujet, qui les a empêchés d'avoir le retentissement qu'ils auraient mérité. C'est pourquoi, et la semaine de l'ordre du jour réservée par priorité au contrôle et à l'évaluation en donnera l'occasion, il faut améliorer la publicité du contrôle en multipliant les auditions publiques, en rendant publique l'adoption des rapports, et surtout en évaluant les suites qui y sont données par le Gouvernement ou les institutions en convoquant six mois plus tard, par exemple, les ministres ou les responsables concernés.

La création d'un comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques est un point essentiel de la réforme. Elle donnera une puissante impulsion à nos activités en ces domaines.

La réforme du Règlement va également renforcer les droits de l'opposition. Je n'en donnerai que trois illustrations : l'attribution, désormais réglementaire, de la présidence de la commission des finances à un membre de l'opposition ; le droit pour l'opposition d'obtenir, une fois par an, la création d'une commission d'enquête ; le partage entre la majorité et l'opposition des responsabilités de président et de rapporteur dans les missions d'information.

Mais, nous le savons tous, au-delà des textes, notre pratique sera là encore décisive. Nous avons déjà commencé de la modifier, la Conférence des présidents ayant institué l'égalité des temps de parole entre majorité et opposition pour toutes les activités de contrôle – questions au Gouvernement, questions orales sans débat, questions cribles ou débats d'évaluation. La première semaine de contrôle, qui s'est déroulée en mars, a permis à près d'un quart des députés de s'exprimer dans l'hémicycle. À nous, comme en matière de contrôle, de nous saisir de ces nouveaux pouvoirs pour les exercer au mieux.

S'il nous appartient d'utiliser les pouvoirs nouveaux que nous confère la Constitution, n'oublions pas tous ceux que nous détenons déjà et que nous n'utilisons pleinement que rarement. Avant de revendiquer de nouvelles missions, accomplissons totalement celles qui sont déjà les nôtres !

Notre tâche n'est pas facile, et nous prêtons parfois le flanc à des critiques que je considère comme trop souvent abusives. La présence dans l'hémicycle, laquelle ne résume pas, tant s'en faut, le travail d'un député, s'est imposée, sous la domination de l'image, comme un indicateur majeur d'activité. Il est justifié de prendre en compte la participation aux scrutins. Comme je l'ai toujours dit, si, en la matière, les articles 42 et 162 du Règlement sont actuellement inapplicables, ils ne le seront plus une fois que la réforme aura été mise en oeuvre et que le temps législatif pourra être programmé. Ces articles prévoient des sanctions en cas d'assiduité insuffisante sans justification. Elles seront applicables et appliquées, mais qu'on ne compte pas sur moi pour mêler ma voix à celles qui, oubliant le travail considérable accompli en notre enceinte, réclament des mesures coercitives, voire des sanctions nouvelles.

J'en viens à nos moyens. Déjà importants, ils ont été redéployés grâce à des réformes internes d'ampleur, comme celle des services des comptes rendus. Mais il nous en faudra probablement d'autres pour exercer certains nouveaux pouvoirs. Compte tenu du niveau de la dépense publique aujourd'hui atteint dans notre pays, les créations afférentes d'emplois à l'Assemblée nationale devront être compensées par des suppressions équivalentes dans les services de l'exécutif.

En conclusion, cette réforme de notre Règlement doit respecter la lettre et l'esprit de la nouvelle Constitution. Il nous faut, dans le respect des grands équilibres de la Ve République, mettre en oeuvre de manière attentive et efficace les nouveaux pouvoirs législatifs et de contrôle de notre Assemblée. Gardons-nous d'élaborer un Règlement dont le contenu serait déterminé par la frénésie législative gouvernementale, qui va grandissant depuis le début de la Ve République, ou par une volonté de pallier une insuffisante assiduité des uns ou des postures d'obstruction caricaturales des autres.

Aussi vous invité-je à ne modifier qu'avec la plus extrême prudence les équilibres atteints dans ce projet de résolution, qui respecte les droits des uns et des autres. Nous élaborons, ne l'oublions pas, un Règlement destiné à perdurer, indépendamment des circonstances politiques, notamment de la composition du Parlement, et à assurer le bon fonctionnement du coeur de la démocratie que constitue l'Assemblée nationale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion