Le développement de l'importation de biocarburants pourrait être considéré comme une délocalisation de la production de ces produits. L'Union européenne a constaté que les importations de biocarburants en provenance du Brésil sont passées, entre 2004 et 2008, de 1 à 4 millions d'hectolitres. Confrontés à cette très forte progression, nous devrions prendre garde aux mesures que nous allons adopter. Des industriels nous ont fait confiance : ils ne se sont pas engagés à l'aveuglette, mais sur la base de décisions claires prises par le Gouvernement précédent et dont Nicolas Sarkozy a encore très récemment souhaité le maintien. En 2007 et 2008, 2 milliards d'euros ont été investis par les industriels coopératifs ou privés, sur une vingtaine de sites : dans ces conditions, il n'est pas raisonnable de naviguer à la godille. Les filières concernées, avec leurs emplois et les montants élevés investis, ne peuvent pas être soumises, au gré des vents, à des changements d'orientations annuels. Il faut que nous leur donnions une visibilité pluriannuelle et que nous tenions nos engagements de les accompagner. Nos concurrents, comme le Brésil, l'Argentine, les États-Unis, ne se privent pas de le faire et favorisent leur développement grâce à de puissants systèmes d'aide et de défiscalisation.
Le risque de délocalisation de la production de biocarburants touche aussi la production d'alimentation pour le bétail. Produire plus de biocarburants en France, c'est importer moins de soja du Brésil ! Le raisonnement doit prendre en compte l'ensemble de la filière.
J'ai le sentiment que tous ces aspects ont échappé aux experts chargés de rédiger l'article 5 du projet de loi de finances. Je constate que le Gouvernement vient de déposer un amendement n°290 ; en tout état de cause, l'article 5 n'était pas acceptable dans sa version initiale.
Le rapporteur du projet de loi relatif au Grenelle de l'environnement que je suis vous rappelle enfin que les biocarburants constituent une alternative, immédiatement disponible, aux énergies fossiles. Par ailleurs, le comparatif des parcours de production montre que celui des biocarburants entraîne une diminution de 60% des émissions de gaz à effet de serre. Il n'est donc pas utopique de s'engager dans cette filière, de l'accompagner, de financer la recherche, et de gagner ainsi en autonomie énergétique.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas remettre en cause un outil industriel majeur au détour d'une loi de finances ; il faut au contraire s'engager à moyen et long terme. Ne baissez la garde, ne vous engagez pas sur la voie d'une défiscalisation zéro !