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Intervention de Charles de Courson

Réunion du 20 décembre 2007 à 9h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2007 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en première lecture, le groupe Nouveau Centre a porté une appréciation globalement positive sur le projet de loi de finances rectificative.

Monsieur le ministre, le groupe Nouveau Centre souhaite vous féliciter pour vos qualités d'ouverture. Vous pratiquez le dialogue avec le Parlement, tant avec la majorité qu'avec l'opposition – ce que je trouve très bien. Cela change d'un certain nombre de ministres précédents.

Ce projet de loi comporte des avancées positives que le Nouveau Centre approuve : un effort de clarification des relations financières entre, d'une part, l'État et la sécurité sociale et, d'autre part, l'État et la SNCF ; la lutte contre la fraude avec la mise en place du dispositif de « flagrance fiscale » ; l'amélioration du dialogue entre l'administration et le contribuable ; enfin, le soutien au renforcement des fonds propres des PME, même si l'accouchement a été difficile - l'amendement que nous avions déposé avec M. Fourgous et deux autres collègues a finalement abouti à une solution équilibrée – et s'il faudra encore discuter avec la Commission de Bruxelles.

Cependant, le groupe Nouveau Centre regrette le mauvais calibrage d'un certain nombre de mesures, partiellement liées, comme l'a rappelé M. Gilles Carrez, aux mauvaises conditions d'examen de textes qui nous ont été soumis extrêmement tard. L'éco-pastille en est un bel exemple. Ainsi, le bonus-malus sur les voitures neuves les plus fortement émettrices de CO2 pénalise les familles nombreuses et les utilisateurs de véhicules flexfioul.

Si le groupe Nouveau Centre a salué ce premier pas vers une fiscalité écologique, nous avons toutefois souhaité amender ce dispositif dans deux directions.

Le premier amendement concernait une « familialisation » du dispositif. Nous avions proposé que les taux d'émission de dioxyde de carbone soient réduits de cinq grammes par enfant à partir du deuxième enfant. Il nous a été reproché en commission de perturber le dispositif. Nous persistons cependant à dire que ce système n'est pas adapté à la situation des familles nombreuses. Vous aurez du mal à leur expliquer le bien-fondé de cette mesure. En effet, les familles nombreuses qui ont choisi d'avoir cinq ou six enfants verront pratiquement toujours leur véhicule soumis au malus.

Le deuxième amendement visait à éviter une pénalisation excessive des véhicules flexfioul. Le groupe Nouveau Centre avait proposé soit de les exclure du champ de la mesure, soit d'appliquer un abattement de 50 % sur la taxe sur les émissions de dioxyde de carbone, mesure à laquelle le Gouvernement avait donné son accord, ainsi que sur le barème, mais qui a été malheureusement repoussée en commission mixte paritaire. Alors que tout le monde était d'accord, ce qui était un minimum, il est curieux que cette mesure ait été repoussée. Nous regrettons donc de ne pas avoir été entendu sur ce sujet en commission mixte paritaire. Mais le Gouvernement comme le Parlement pourront se rattraper lors de l'examen du projet de loi Borloo – on peut toujours espérer !

Monsieur le ministre, nous n'échapperons pas à une discussion de fond sur les éco-taxes. Le rapporteur général du Sénat comme celui de l'Assemblée ont-ils raison de rappeler qu'il ne faut courir qu'un seul lièvre à la fois ? Je ne le crois pas. L'exemple du flexfioul est typique. On ne peut pas mener une politique en sa faveur grâce à un certain nombre de mesures fiscales et voter simultanément une éco-taxe qui aboutit exactement au résultat inverse. On peut craindre que l'État ne soit schizophrène, en menant une politique qui encourage et une autre qui décourage. Cette situation n'est pas tenable. J'ai donc contesté en commission mixte paritaire la position du rapporteur général du Sénat, en lui faisant remarquer qu'il ne pouvait prétendre que l'on ne peut courir qu'un lièvre à la fois. La politique vise précisément à trouver, même si ce n'est pas simple, les bons équilibres entre plusieurs objectifs. À cet égard, les exemples que je viens de citer sont typiques. Je suis persuadé que notre rapporteur général évoluera, car il s'agit d'un homme très ouvert. L'idée monomaniaque – si je puis dire – selon laquelle chaque mesure ne peut avoir qu'un objectif n'est pas tenable. Sinon, vous serez en complète contradiction avec vous-même, comme c'est le cas avec l'éco-pastille. Il faut réfléchir à ces sujets au fond et ne pas rester sur cette idée monomaniaque.

Le groupe Nouveau Centre se félicite de l'adoption de son amendement sur les biocarburants, qui diminue à due concurrence la proportion de la TIC applicable au super éthanol – nous avons été cohérents avec la politique antérieure menée –, afin de conserver le principe d'une fiscalité nulle et de maintenir la compétitivité de ce carburant.

Nous regrettons cependant que le Gouvernement ait réduit le niveau de la défiscalisation sur le bioéthanol et le diester, alors que les matières premières agricoles qui alimentent cette nouvelle industrie ont connu des hausses considérables. Le prix des oléoprotagineux, du blé et du maïs ne permettent pas de réduire la défiscalisation, malgré la hausse du prix du pétrole. Vous nous avez dit : « on applique la formule DIREN », mais, à notre avis, elle est totalement inadaptée, puisque, pour ce qui est de la filière bioéthanol, le panachage entre blé, maïs et céréales, d'une part, et le sucre de betterave ou de canne, d'autre part, a complètement changé. Dès l'année prochaine, nous vous « ressortirons » l'argument, et vous serez obligé, monsieur le ministre, d'augmenter la défiscalisation, dans un contexte budgétaire extrêmement difficile.

Il faut savoir s'en tenir à une ligne politique, sinon les industriels sont complètement déstabilisés. J'ai dîné hier soir en compagnie de quelques collègues avec le directeur de l'entreprise Roquette qui vient de terminer la construction de son site bioéthanol : il se demande s'il va le mettre en route. L'entreprise Soufflet est dans la même situation, puisqu'elle a commencé, elle aussi, à investir dans cette voie. Les industriels s'interrogent. Doivent-ils investir ou geler leur décision, compte tenu des changements de position des gouvernements successifs ?

Le groupe Nouveau Centre n'était pas un grand zélateur de la taxe sur les poissons. Nous pensons que lorsqu'un secteur est en difficulté, il faut financer les aides par le biais de l'impôt général. Il nous semble un peu curieux d'aider une branche en créant une taxe sur celle-ci.

De plus, il reste un grand nombre de problèmes sur lesquels nous n'avons pas obtenu de réponses précises. L'eurocompatibilité, par exemple, est un sujet très difficile.

Hier, nous avons passionnément discuté, en commission mixte paritaire, pour savoir si cette taxe entrait dans l'assiette de la TVA. En l'état actuel des textes, je pense que la réponse est positive. La taxe de 2 % sera en fait de 2,40 %, puisque de la TVA sera perçue sur la taxe.

Un autre problème se pose : celui de la déductibilité de la taxe au regard de l'impôt sur les sociétés. En l'absence, dans le texte adopté, de dispositions le permettant, elle ne sera pas déductible. Or, chacun sait que, dans un marché, la création d'une taxe n'est pas forcément supportée par le consommateur. Elle l'est parfois par les entreprises, par la distribution, selon les équilibres économiques du moment dans la filière. Là encore, il est manifeste que nous n'avons pas disposé de suffisamment de temps pour préciser les différentes composantes de ce nouvel impôt.

La situation de nos finances publiques, qui demeure très fragile, préoccupe plus particulièrement le groupe Nouveau Centre. Le projet de loi de finances rectificative ne contient pas de mesures supplémentaires de redressement de nos finances publiques. La discussion au Sénat et en CMP n'a rien changé à ce diagnostic. La réduction du déficit public n'est pas structurelle, mais, pour 80 % le fruit de plusieurs réductions exceptionnelles, soit 3,1 milliards sur les 3,7 milliards. Vous en connaissez tous l'origine : une économie de constatation sur le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne et trois mesures non reconductibles, dont la plus importante est l'accélération du versement par anticipation du dividende d'EDF pour un peu moins d'un milliard.

En outre, si le Gouvernement a fait preuve de réalisme sur l'évaluation des recettes fiscales, il a, compte tenu des prévisions macro-économiques, pris un risque de surestimation des recettes liées à l'imposition sur les sociétés. Monsieur le ministre, les acomptes ayant été versés le 15 décembre, disposez-vous d'éléments vous permettant de savoir si vos prévisions, que nous estimons assez optimistes, confirment votre thèse ou l'infirment en tout ou partie ?

Est-il prudent de penser que l'impôt sur les sociétés va passer de 45,9 milliards dans la loi de finances initiale à 51,1 milliards en loi de finances rectificative ? En effet, ces évaluations ne tiennent pas compte d'un certain nombre de phénomènes nouveaux : la chute des profits bancaires, c'est-à-dire des provisions extrêmement importantes constituées dans les banques, qui représentent une part non négligeable du versement de l'impôt sur les sociétés ; les fortes hausses des profits pétroliers, qui n'entraînent pas de hausse significative de l'impôt sur les sociétés en France – ainsi, à peine 5 % des énormes bénéfices de Total sont réalisés en France, soit un versement très faible eu égard à ce que le groupe réalise au plan mondial. Par conséquent, la réévaluation à la hausse, à hauteur de 5,2 milliards d'euros, des recettes apportées par cet impôt paraît très fragile.

Le Nouveau Centre souhaite donc alerter le Gouvernement sur ce risque de dégradation de la conjoncture économique, du fait du risque croissant de récession aux États-unis, ce qui pourrait fort bien réduire les recettes fiscales et aggraver encore le déficit budgétaire.

En conclusion, le Nouveau Centre regrette que le Gouvernement ne s'engage pas davantage dans la révolution culturelle que nous souhaitons et qui consisterait à privilégier les mesures d'économie sur celles qui augmentent la dépense publique et la dépense fiscale.

Espérons que les propositions découlant de la revue générale des politiques publiques débouchent dès 2008 sur des économies durables !

Ainsi, le Nouveau Centre a formulé trois propositions concrètes d'économie : la réduction des exonérations de charges accordées aux grandes entreprises en matière d'exonération de cotisations sociales ; un pacte de solidarité à négocier entre l'État et les collectivités territoriales ; le plafonnement des niches fiscales. Sur les premier et troisième points, nous commençons à travailler en commission des finances pour être en mesure de vous faire des propositions au printemps.

Souhaitant encourager le Gouvernement dans la voie de l'assainissement de nos finances publiques, le groupe Nouveau Centre, comme en première lecture, votera en faveur de ce projet de loi de finances rectificative pour 2007. Il donne rendez-vous au Gouvernement pour la discussion du projet de loi de finances pour 2009 : nous verrons alors si les objectifs de réduction des déficits publics et du niveau de notre endettement public se traduisent dans les faits ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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