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Intervention de Alain Saubert

Réunion du 6 avril 2009 à 16h00
Développement économique des outre-mer — Discussion après déclaration d'urgence d'un projet de loi adopté par le sénat

Alain Saubert :

, rapporteur du Conseil économique, social et environnemental. Ce projet de loi pour le développement de l'outre-mer s'inscrit dans une suite de lois programme, ce qui peut apparaître comme une forme d'hésitation mais reste néanmoins louable puisqu'il s'agit d'améliorer l'existant.

Le Conseil avait approuvé la philosophie générale de l'avant-projet qui lui était soumis. D'abord, parce qu'il rompait avec l'assistanat et un système économique fondé sur l'importation au détriment de la production locale, et s'orientait vers la promotion d'un développement endogène. Ensuite, parce qu'il prenait en compte la persistance des difficultés dans l'ensemble de ces territoires, mais visait à valoriser les atouts de chaque collectivité d'outre-mer. Enfin, parce qu'il reposait sur l'amélioration de la compétitivité des entreprises, mais se plaçait aussi au coeur des réalités quotidiennes, en faisant notamment une place importante au logement social et à la continuité territoriale.

Le Conseil s'était réjoui des avancées contenues dans l'avant-projet : soutien au secteur de la recherche, désormais inclus dans le champ de la défiscalisation et secteur prioritaire des zones franches globales d'activités ; dispositions visant à réduire la fracture numérique – défiscalisation des câbles sous-marins, TIC définies comme secteur prioritaire des zones franches – ; amélioration des dispositifs de continuité territoriale ; et enfin mesures destinées à supprimer certaines dérives constatées dans l'utilisation du dispositif législatif en vigueur. Toutes ces dispositions, qui ont été maintenues dans le projet de loi déposé au Parlement en juillet 2008, sont confirmées par le Sénat.

Toutefois, le Conseil avait formulé d'autres propositions de modifications dont certaines sont reprises, d'autres non. S'agissant des mesures de soutien aux entreprises, sans être hostile aux zones franches globales, le Conseil avait proposé d'améliorer le dispositif envisagé.

Le Conseil suggérait ainsi de soutenir davantage les entreprises éligibles au taux bonifié, en relevant les plafonds qui leur sont applicables au lieu de prévoir un plafonnement identique de l'abattement quel que soit le taux simple ou bonifié.

Il proposait aussi d'intégrer dans les secteurs à taux bonifié des secteurs stratégiques comme les technologies de l'information et de la communication aux Antilles et l'agro-nutrition à La Réunion.

Il conseillait enfin de mieux prendre en compte les spécificités territoriales comme la structuration de la Guadeloupe en archipel, génératrice de surcoûts dus à la double insularité, et d'intégrer le commerce de proximité sous conditions.

Dans son article 1er, le projet de loi a pris en compte les deux premières propositions : l'agro-nutrition à La Réunion et le secteur des TIC dans l'ensemble des DOM ont été désignés comme secteurs prioritaires. Le Sénat est même allé plus loin en faisant de l'agro-nutrition, tout comme de l'environnement d'ailleurs, un secteur prioritaire dans les quatre départements d'outre-mer.

Les plafonds d'abattement appliqués dans le cadre du dispositif d'exonération d'impôts sur les sociétés et les bénéfices industriels et commerciaux ont été relevés pour les secteurs prioritaires. Le Sénat a même augmenté le taux d'exonération de taxe professionnelle qui passe à 100 % pour les entreprises de ces secteurs prioritaires. En revanche, la nécessité de soutenir le petit commerce n'a pas été retenue, même si des aides sont envisagées.

S'agissant des mesures de défiscalisation, le Conseil avait considéré que le dispositif mis en place depuis vingt ans avait contribué à atténuer certains handicaps structurels des collectivités d'outre-mer, à renforcer le secteur marchand par rapport au public, à diversifier les activités et surtout à favoriser l'émergence d'une économie plus moderne.

Si des dérives et des effets d'aubaine ont pu se produire, l'avant-projet qui nous a été soumis en tirait pour partie les conséquences. Le Sénat a confirmé les mesures du projet de loi visant à éliminer les effets pervers de l'ancien système.

En revanche, le plafonnement de la défiscalisation des énergies renouvelables a été maintenu, alors que le Conseil invitait à traiter ce secteur de la même manière que les autres secteurs défiscalisés, surtout au moment où les pouvoirs publics affichent l'objectif de développer les énergies nouvelles.

S'agissant des autres mesures économiques, le Conseil s'était félicité que le tourisme, déjà bénéficiaire de la défiscalisation et des exonérations de charges, soit aussi l'un des secteurs d'activités prioritaires choisi au titre des zones franches.

Il avait néanmoins souligné la nécessité de prendre en compte des facteurs plus qualitatifs, tenant moins aux opérateurs qu'aux produits, et qui appelaient des mesures autres que financières et fiscales, comme une incitation à la formation professionnelle plus intense et mieux adaptée. À cet égard, aucune disposition nouvelle n'est prise dans le projet de loi.

Le CESE avait approuvé la mise en place d'une aide spécifique en matière de rénovation hôtelière, tout en se demandant s'il était nécessaire de ne retenir que les hôtels de soixante chambres, dans la mesure où le nombre de chambres n'est pas significatif de la petite hôtellerie outre-mer. Dans son article 13, le projet de loi a étendu le bénéfice du dispositif de subvention envisagé aux hôtels de 100 chambres. Le Sénat l'a confirmé et a relevé le plafond de l'aide à 7 500 euros par chambre.

S'agissant des exonérations de charges sociales, l'avant-projet qui nous a été soumis modifiait le dispositif d'exonérations de charges, en effectuant un recentrage sur les bas et moyens salaires. Tout en considérant que la baisse du coût du travail sera toujours insuffisante pour permettre aux entreprises d'outre-mer de faire face à la concurrence des pays voisins, le CESE estime que les exonérations de charges, associées à d'autres mesures, sont un élément indispensable de la compétitivité desdites entreprises. C'est pourquoi il avait approuvé le maintien des exonérations pour les bas salaires, admis l'exclusion des hauts salaires au-delà de 3,8 SMIC, mais posé la question pour les salaires intermédiaires en rappelant les besoins en personnels d'encadrement dans ces régions.

Le CESE avait aussi souligné que la dégressivité risquait d'entraver l'ascension sociale des salariés, et que l'instauration d'un plafond unique à 1,4 SMIC allait paradoxalement pénaliser les secteurs a priori les plus fragiles. Il proposait donc un redéploiement au sein du dispositif : restreindre son champ pour le réserver aux professions non réglementées et, en contrepartie, relever les seuils pour faciliter l'emploi des cadres.

Dans son article 159, la loi de finances pour 2009 a intégré par anticipation les articles 11 et 12 du projet de loi, relatifs aux exonérations de charges. Les entreprises des zones franches bénéficiant du taux bonifié bénéficient d'une mesure d'exonération plus incitative : le plafond est porté de 1,4 à 1,5 SMIC et l'exonération devient nulle à 4,5 SMIC au lieu de 3,8 SMIC auparavant. L'uniformisation du taux à 1,4 et la dégressivité ont été maintenues. Le Sénat a amélioré ces dispositions en ne faisant intervenir la dégressivité qu'au-delà du seuil de 2,2 SMIC, quel que soit le secteur concerné.

Une autre proposition du CESE n'a pas été reprise : celle consistant à faire de la formation professionnelle une condition de l'éligibilité de tout plan d'exonération de charges présenté par les employeurs.

En ce qui concerne la relance de la politique du logement, le CESE avait estimé que les dispositions en faveur du logement social et la rénovation du dispositif de défiscalisation au profit du secteur social étaient des points importants de l'avant-projet. C'est pourquoi il se montrait très favorable à leur principe, considérant que ces mesures témoignaient de la volonté de satisfaire les besoins en logements, point essentiel pour la grande majorité des habitants d'outre-mer.

En revanche, le CESE n'était pas favorable à la disparition totale de la défiscalisation en faveur des secteurs libre et intermédiaire : il soulignait les conséquences que pourrait avoir une telle disparition sur les ménages désireux d'acquérir leur résidence principale – ménages souvent issus des classes moyennes –, ainsi que sur le secteur du BTP, dont elle risquait d'entraîner une chute d'activité. Il avait donc proposé de maintenir la défiscalisation en secteur libre lorsque celle-ci concerne l'habitation principale en pleine propriété, tout en assortissant cette mesure de conditions – plafonnement des ressources de l'investisseur, de la superficie du logement et de la surface au regard de la taille du ménage –, ou en la réservant aux « primo-accédants ». Il avait aussi proposé d'étaler un peu plus dans le temps, et en fonction des territoires, la disparition du locatif libre, afin de permettre une transition plus facile avec le secteur social et de maintenir la défiscalisation sur le logement intermédiaire, avec un encadrement strict des plafonds.

L'article 20 du projet de loi a pris en compte certaines de ces préconisations, en prévoyant le maintien de la défiscalisation relative au secteur libre pour la résidence principale, sous certaines conditions – « primo-accession » et base éligible limitée en surface –, ainsi qu'un étalement dans le temps de la suppression de la défiscalisation du secteur libre et intermédiaire destiné à la location pour éviter un impact trop brutal dans le secteur du BTP.

Le CESE avait aussi demandé un étalement dans le temps de la suppression de la TVANPR – la taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable – sur les matériaux, et ce afin de ne pas pénaliser l'artisanat, ainsi qu'une action sur le coût du foncier et la mise en place, dans les collectivités qui n'en disposent pas, d'un établissement public foncier ; mais ces points n'ont pas été repris dans le projet de loi.

D'une façon générale, le CESE souhaitait être systématiquement saisi de toutes les évaluations concernant l'outre-mer, comme il l'a été pour la LOPOM, et pouvoir disposer, au même titre que la Commission nationale d'évaluation, dont il se félicitait de la mise en place, des données et des informations lui permettant de se prononcer. Il souhaitait aussi qu'en matière de défiscalisation, les montages fiscaux soient rendus plus simples – déconcentration accrue des procédures, souplesse pour les petits projets – et que, en contrepartie, toute opération de défiscalisation, hors champ de l'agrément, fasse l'objet d'une déclaration ; que, tant pour la défiscalisation que pour les exonérations de charges, des moyens de contrôle appropriés soient donnés aux administrations concernées.

Pour conclure, le CESE estime que ce projet de loi devrait entraîner la mise en oeuvre d'une politique mieux adaptée au développement économique des régions ultramarines par une plus grande implication des acteurs locaux. Toutes les recommandations que nous avons formulées dans notre projet d'avis, parfois critique, n'avaient pour but que de mettre en garde les pouvoirs publics sur des conséquences qui, selon nous, pouvaient se révéler négatives.

Les outre-mer doivent être positionnés au sein d'un dispositif économique et social qui doit tenir compte de leurs difficultés, difficultés parfaitement identifiées, et ce dans la perspective d'un développement endogène. Leur avenir sera ce que les acteurs locaux voudront bien qu'il soit, dans une perspective à la fois métropolitaine et européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

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