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Intervention de Didier Quentin

Réunion du 6 avril 2009 à 16h00
Développement économique des outre-mer — Discussion après déclaration d'urgence d'un projet de loi adopté par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Quentin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les présidents de commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la France, par son histoire originale, par sa richesse humaine, par la vocation universelle des valeurs qu'elle défend depuis plus de deux siècles, par sa présence sur tous les océans du monde, n'est pas un pays comme les autres. Cette ouverture incomparable, la France la doit largement à son outre-mer, à ses outre-mer devrais-je dire puisque c'est ainsi que le Sénat a jugé préférable d'intituler le projet de loi qui nous est soumis.

Nos concitoyens de métropole ne connaissent pas toujours bien ces espaces lointains, et en ont parfois une vision caricaturale. Nous pourrons y remédier, bien sûr, en faisant mieux connaître ces territoires, mais surtout en facilitant leur désenclavement et, plus fondamentalement, leur développement économique. À cet égard, en dépit de la crise sociale qui a récemment frappé ces collectivités, leur potentiel humain, écologique et touristique demeure un atout majeur pour l'avenir.

Les Français ultramarins attendent de la République une juste reconnaissance et rémunération de leurs efforts, et l'expression tangible d'une solidarité renouvelée pour surmonter les fragilités de leurs collectivités. Ce projet de loi pour le développement économique des outre-mer ne suffira pas, évidemment, à satisfaire l'ensemble de leurs aspirations, mais il répond à nombre des inquiétudes exprimées récemment, et il jette les bases d'une croissance économique plus solide dans ces espaces. Reposant sur une stratégie de long terme pour l'outre-mer, ce texte vise à donner aux collectivités ultramarines les moyens d'un développement économique moins fondé sur une dépendance à l'égard de la métropole que sur la valorisation de leurs atouts humains et géographiques. Tel est le sens de la notion de développement endogène, parfois mal comprise ou caricaturée. La métropole ne saurait évidemment cesser de soutenir l'effort de rattrapage entrepris, mais le développement de nos collectivités ultramarines doit s'appuyer plus vigoureusement sur la créativité, l'effort et le talent de leurs forces vives.

La loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003 a déjà permis d'enregistrer des avancées en matière d'exonérations fiscales, d'allégements de charges sociales et de mise en place d'une politique de continuité territoriale entre l'outre-mer et la métropole. Mais l'activité économique reste trop peu concurrentielle et trop dépendante de la métropole, l'accès au logement social trop difficile – 60 000 demandes sont insatisfaites dans les DOM –, et la gestion des aides à la mobilité territoriale trop disparate. Aujourd'hui, des incitations mieux ciblées et une nouvelle organisation des mesures de soutien offrent donc des perspectives de développement plus durables : c'est la conviction sur laquelle repose le texte qui nous est proposé.

Ce projet de loi a été, lors de son examen par le Sénat, enrichi de dispositions nouvelles prenant spécifiquement en compte les longs conflits sociaux qui ont secoué les Antilles, La Réunion et la Guyane : la commission des finances du Sénat a ainsi inséré dans le projet un nouveau titre entièrement consacré à la politique de soutien au pouvoir d'achat outre-mer.

Le projet de loi comprend aussi de très nombreuses dispositions fiscales, justifiant pleinement qu'il ait été examiné au fond par la commission des finances. À l'instar de la commission des lois du Sénat, notre commission s'est saisie d'une douzaine d'articles qui concernent :

Premièrement, la création d'un fonds exceptionnel d'investissement outre-mer, chargé de financer la construction d'équipements collectifs et doté de plus de 160 millions d'euros en 2009 : c'est l'article 16.

Deuxièmement, l'encadrement et l'unification de la gestion des aides en faveur de la continuité territoriale auxquelles près de 53 millions d'euros ont été affectés en 2008, au sein d'un unique fonds de continuité territoriale : c'est l'article 26.

Troisièmement, la mise en place de nouveaux outils juridiques pour mobiliser les espaces fonciers encore disponibles afin d'y développer l'activité et, surtout, l'offre de logements : ce sont les articles 18, 19, 22 et 25.

Quatrièmement : le respect de l'égalité de traitement entre ultramarins et métropolitains dans l'accès au logement locatif, grâce à la prévention de toute discrimination fondée sur le lieu de résidence de la caution – article 28.

Cinquièmement : l'intensification de la lutte contre l'orpaillage clandestin en Guyane, grâce à une répression accrue en cas d'atteinte à l'environnement, à un assouplissement des règles de garde à vue et à la création d'un délit douanier – article 29.

Sixièmement : les habilitations à étendre, adapter et clarifier la législation outre-mer par ordonnances – article 32.

Septièmement : la mise en place d'une Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer, majoritairement composée de parlementaires et disposant d'une compétence transversale en matière économique et sociale – article 33.

Huitièmement : à la suite d'un amendement sénatorial sur un thème dont nous avons récemment débattu dans le cadre de nos activités de contrôle, l'accélération de la révision de l'état civil à Mayotte, qui a débuté en 2001 et doit s'achever dans deux ans, ce qui suppose notamment une organisation plus efficace de la Commission de révision de l'état civil, cette CREC dont nous avons maintes et maintes fois parlé dans cet hémicycle – article 28 ter.

Nous avons inauguré, pour ce projet de loi, une nouvelle articulation des travaux des commissions saisies pour avis ou au fond. Les amendements adoptés par les commissions saisies pour avis ont donc été soumis à la commission des finances, lors de sa réunion du 1er avril dernier. La commission des lois avait adopté dix-huit amendements lors de sa réunion du 25 mars dernier. À notre satisfaction, la commission des finances a incorporé dix-sept de ces amendements qui ne vous seront donc plus présentés en tant que tels, mais dont je vais vous résumer la teneur.

Il s'agit notamment d'étendre à Saint-Martin la compétence du groupement d'intérêt public créé par l'article 19 et chargé de reconstituer les titres de propriété dans les départements d'outre-mer. Il s'agit aussi de préciser la définition de la circonstance aggravante d'atteinte à l'environnement pour le délit d'exploitation de mine sans titre, fondement de la répression accrue contre l'orpaillage clandestin en Guyane.

Des mesures visent à limiter les risques de désorganisation des activités de la Commission de révision de l'état civil de Mayotte, résultant de saisines tardives ou de demandes abusives, afin que ladite CREC dispose d'une année complète pour rendre sa décision sur les quelque 16 000 dossiers en instance.

D'autres dispositions portent sur le respect des prescriptions des articles 38 et 73 de la Constitution pour les habilitations accordées au Gouvernement, afin d'adapter aux spécificités de l'outre-mer certains aspects de notre droit, en particulier en matière de destruction de constructions illégales et d'expulsion des personnes les occupant.

Enfin, il est proposé d'assurer une information annuelle du Parlement sur l'évolution de la desserte aérienne de l'outre-mer et sur les travaux de la Commission nationale d'évaluation.

En revanche, la commission des finances n'a pas partagé la volonté de la commission des lois d'assurer l'éligibilité aux aides à la continuité territoriale des personnes qui résident outre-mer et dont le revenu est inférieur à deux fois le salaire minimum en vigueur dans leur collectivité. Je le regrette.

À titre d'exemple, rappelons qu'à Mayotte, ce salaire ne dépasse pas 927 euros bruts par mois. Doit-on considérer qu'une personne dont les ressources mensuelles sont inférieures à 1 800 euros peut, sans difficulté, s'offrir un billet d'avion pour la métropole ? Le doute est permis. Cet amendement vous sera donc à nouveau soumis, afin que les plafonds de ressources fixés par arrêté ministériel ne soient pas trop bas. Les aides à la mobilité doivent bénéficier à tous ceux qui en ont besoin, et non à une minorité d'ultramarins.

Malgré cette petite réserve qui fera l'objet d'un amendement, mes chers collègues, je vous invite à soutenir ce projet de loi très attendu outre-mer. Cependant, gardons bien à l'esprit qu'il n'est qu'un commencement et non un aboutissement. Comme M. le secrétaire d'État l'a souligné devant la commission des finances et comme vous l'avez dit vous-même, madame la ministre, il s'agit d'une première étape. Ce texte sera complété par de nouvelles mesures, élaborées lors des états généraux de l'outre-mer, vaste concertation dont le Président de la République a annoncé la tenue au cours des prochaines semaines.

« La bêtise est de vouloir conclure » a écrit Flaubert ; je dirai donc : affaire à suivre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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