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Intervention de Jérôme Bignon

Réunion du 6 avril 2009 à 16h00
Développement économique des outre-mer — Discussion après déclaration d'urgence d'un projet de loi adopté par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Bignon, suppléant M :

Mes chers collègues, Alfred Almont est en ce moment hospitalisé à la suite d'un accident cardiaque. Il aurait évidemment voulu être à la place que j'occupe, et ce n'est qu'en cédant aux pressions de son médecin et de son épouse qu'il a accepté de rester à l'hôpital. Le moment est doublement douloureux pour lui : pour sa santé et parce qu'il ne peut présenter un texte sur lequel il s'est énormément investi. Il a demandé au président Ollier de bien vouloir accepter que je le supplée, ce que je fais, au pied levé, bien volontiers. Ma tâche ne sera pas très lourde puisque M. Almont, qui est un grand travailleur, plutôt fourmi que cigale, avait préparé son texte avec talent, si bien qu'il ne me reste qu'à lire celui-ci.

C'est avec plaisir que j'accepte cette mission. J'aurais préféré que ce soit lui qui l'accomplisse, mais il était plus sage qu'il reste sous la surveillance des médecins. J'espère pouvoir lui transmettre un message de prompt rétablissement de votre part.

Notre commission des affaires économiques a été saisie pour avis sur un projet de nature à conditionner dans une très large mesure l'avenir de nos régions d'outre-mer.

Vous l'avez compris, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, le moment est désormais venu de mettre en exergue des propositions innovantes, déjà souvent énoncées, et de faire preuve de créativité pour améliorer l'efficacité des politiques publiques au service du développement économique et social des outre-mer.

La crise qui frappe nos régions, plus encore depuis le début de l'année, a mis l'accent sur la nécessité de mettre en oeuvre, avec davantage de responsabilité locale, un autre mode de développement, capable de favoriser l'activité et l'emploi pour assurer l'expansion de territoires confrontés à des handicaps structurels et contribuer à l'épanouissement de populations éprouvées par le chômage et la cherté de la vie. Passer d'une économie de consommation à une économie de production, c'est possible.

C'est le moment de concilier solidarité et responsabilité : solidarité avec l'Hexagone au nom de l'égalité de chances et de la cohésion ; responsabilité au nom de la solidarité. Cohésion et subsidiarité : deux objectifs consacrés par l'Union européenne.

S'agissant de la responsabilité, on ne peut à la fois, pour prendre un exemple tiré de nos récents débats en commission, hésiter à faire jouer les dispositions constitutionnelles permettant à nos conseils régionaux de fixer directement des règles dans certains domaines pour leurs territoires, au nom même de la subsidiarité dont l'Union européenne a fait un principe majeur, et vaticiner en attendant un feu vert de l'exécutif pour mettre en oeuvre ce principe.

La responsabilité est ce que nous entendons substituer à l'assistanat – qui a donné lieu à tant de déconvenues en dépit des meilleures intentions initiales – et ce, pourquoi pas, dans le cadre d'une nouvelle organisation des pouvoirs qui donne plus de vitalité à la démocratie locale et favorise le progrès.

Nous vivons aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, un moment fort, puisqu'est enfin soumis à notre séance publique le projet de loi pour le développement de l'outre-mer – « des outre-mer » depuis son passage au Sénat –, projet tant annoncé, tant attendu, et parfois même anticipé.

Ce texte, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, intervient dans un monde en crise et un contexte de tension. Il est d'autant plus le bienvenu que nos régions ont plus que jamais besoin à la fois de visibilité et de traitement différencié, en raison de leurs singularités. Elles ont besoin que soient levées les contraintes qui pèsent sur leurs économies et leur potentiel de croissance afin de les rendre plus efficaces et de donner confiance aux acteurs économiques. Il s'agit là d'un objectif majeur et prioritaire.

Pour parler franchement, nombre de ces acteurs avaient quelque peu craint que, sous prétexte d'aménager la loi Girardin de 2003 pour en améliorer les effets et corriger certains abus auxquels son application avait donné lieu, il ne s'agisse en vérité, alors que la crise économique frappait à nos portes, que de réaliser quelques économies budgétaires au détriment de nos régions. Ils redoutaient aussi qu'en remettant en cause des dispositifs censés durer quinze ans, on n'enlevât aux entreprises ultramarines la stabilité juridique et la visibilité économique dont elles ont besoin pour se développer et contribuer à l'expansion générale.

Nous avons aujourd'hui des raisons de penser que la nouvelle loi entend engager une réforme en profondeur pour être encore plus performante que la précédente et procurer, cette fois pour de bon, une forte visibilité aux acteurs économiques pour assurer l'activité et procurer des emplois dans nos régions où le taux de chômage varie entre 25 % et 30 %. En effet, la présentation de votre projet de loi, puis sa discussion au Sénat et le texte qui en est sorti, nos échanges préparatoires à l'examen du texte dans nos commissions, les travaux de celles-ci et les amendements qu'elles ont adoptés, la synthèse qui en est ressortie avec le projet issu de la commission des finances, nous rassurent. Nous entendons bien qu'il s'agit, aujourd'hui, de recentrer l'action publique sur un certain nombre de priorités.

Tout d'abord, il faut encourager de manière plus énergique la création d'emplois durables et lutter contre l'emploi précaire, spécialement à travers l'exonération des charges sociales qu'il convient de préserver et de réorienter vers les bas salaires. Réduire les charges pesant sur le travail n'est en fait que l'application, à nos territoires confrontés à des handicaps invariables, du principe de l'égalité des chances ; encore celui-ci doit-il ne pas tirer les salaires vers le bas mais, au contraire, prendre en compte notre besoin en jeunes cadres. Des amendements retenus par notre commission des finances vont heureusement en ce sens.

Ensuite, il convient de développer l'activité dans les secteurs émergents et les plus porteurs : ceux du tourisme, des énergies nouvelles et des techniques de communication, à travers la création de zones franches d'activités. Il convient aussi de structurer les filières à enjeux et de favoriser des partenariats économiques régionaux en incitant à l'exportation de services et de savoir-faire. La détermination du périmètre des zones franches au bénéfice des territoires déshérités a soulevé quelques difficultés car nous ne pouvions nous résoudre au risque que les territoires concernés ne soient pas tous logés à la même enseigne. Cette erreur est réparée grâce à la nouvelle rédaction de l'article 1er faite en commission des finances, avec notre concours, à travers une disposition qui, en définissant des critères d'éligibilité, doit assurer la cohésion territoriale en favorisant l'expansion des zones défavorisées.

Certes, il faut se réjouir de la relance du secteur du logement, avec une orientation progressive de la défiscalisation vers le logement social. Il demeure néanmoins que les populations insistent encore sur la nécessité absolue de maintenir le financement à caractère patrimonial du logement intermédiaire, maillon essentiel du marché du logement, support de la capacité à construire et de l'essor de l'industrie locale. C'est pourquoi nous veillerons à ce que la loi respecte le caractère complémentaire de l'une et l'autre forme de logement, nécessité parfaitement comprise et organisée par le Sénat à travers l'amendement de notre collègue Jean-Paul Virapoullé adaptant à l'outre-mer le dispositif Scellier. Nous souhaitons, à tout le moins, que l'économie du dispositif soit intégralement préservée, et être assurés que la ligne budgétaire unique – LBU – restera consacrée au financement du logement social sans servir de complément financier à sa défiscalisation. Notre commission des finances a revu en profondeur la rédaction des dispositions relatives au logement ; nous y gagnerons ainsi en rationalité et en équité.

Nous le répétons depuis longtemps : favoriser le pouvoir d'achat et l'emploi grâce à des efforts spécifiques à l'égard de l'outre-mer ne peut se faire qu'en tenant compte, je dirais même qu'en s'appuyant sur les caractéristiques propres à ces territoires. C'est l'occasion de promouvoir la subsidiarité et, à titre d'exemple, comme l'a souligné le Président de la République devant les parlementaires d'outre-mer, d'« orienter nos économies vers la recherche d'une plus grande autosuffîsance alimentaire pour qu'elles soient moins dépendantes des importations, naturellement en encourageant la production locale ». À cet égard, je note que le secteur de l'agro-nutrition est désormais reconnu comme une priorité.

Mais, plus encore, le débat qui s'ouvre de nouveau doit nous procurer l'opportunité de prendre en compte la crise qui frappe nos régions depuis le début de l'année et qui accentue la nécessité de promouvoir, avec plus de responsabilité locale, l'activité, et d'assurer ainsi le pouvoir d'achat outre-mer. Nous disons qu'il est du devoir de l'État de faire en sorte qu'il en soit ainsi. Si le texte soumis à notre examen jette indiscutablement les bases d'une réforme en profondeur qui prévoit notamment de valoriser les atouts de l'outre-mer, nous voulons tout de même souligner que l'écart qui existe avec l'Hexagone dans des domaines aussi déterminants que l'emploi, le logement, la santé, pour ne citer que ceux-là, est vraiment très important. Cette réalité objective justifie une approche qui doit conduire à se démarquer définitivement d'une démarche de rattrapage pour adopter, au nom même du droit à la cohésion, une logique de développement durable reposant sur le droit à dérogation tenant compte d'irréductibles particularités, pour garantir ainsi des capacités d'investissement croissantes. Des mesures fortes et immédiates sont d'autant plus justifiées que, contrairement aux idées reçues, le niveau de la dépense publique par habitant outre-mer n'est pas supérieur à ce qu'il est dans l'Hexagone.

L'enjeu fondamental consiste dès lors à donner à notre économie une forme d'autonomie, une plus grande capacité de développement par elle-même. C'est évidemment le moment de mettre définitivement en place cette dynamique qui consiste à procurer à nos régions, au-delà des transferts sociaux de la solidarité nationale, des transferts de moyens de développement. Il importe de consolider une politique stable d'incitation fiscale à l'investissement, pour des économies peu attractives pour des investisseurs quels qu'ils soient, particulièrement en direction des PME et des très petites entreprises – les TPE –, qui représentent, depuis toujours, plus de 90 % des entreprises ultramarines ; et ce, bien entendu, en simplifiant et en affichant les procédures ainsi que les critères d'agrément. Il est bel et bien prouvé qu'une telle politique est de nature à créer un contexte favorable au développement économique et social.

Monsieur le secrétaire d'État, s'agissant du coût du projet de loi, vous avez bien voulu répondre de manière positive à notre souhait de disposer d'un tableau comparatif de la situation avant et après l'application projet de loi, afin de pouvoir évaluer l'effort consenti par l'État en faveur de l'outre-mer par grandes familles de mesures. Nous vous en remercions.

Enfin, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, nous avons conscience que ce texte n'aura pu prendre en compte toutes les attentes d'aujourd'hui. Cela étant, nous avons bien noté que vont être bientôt organisés les États généraux de l'outre-mer. Il est fondamental d'en faire un rendez-vous qui conditionne l'avenir pour être demain capable de prendre en compte les vraies et profondes demandes formulées, récemment encore, par les populations. Il convient de donner à ces demandes une portée très concrète. Nous ne ferons pas l'économie d'une nouvelle loi qui aille bien au-delà des questions de défiscalisation ou d'exonération de charges sociales. Il va falloir innover et inventer pour l'outre-mer, jeter là-bas les bases d'un nouveau pacte. Dès lors, un engagement ferme du Gouvernement sur l'intervention d'une nouvelle et prochaine loi sur ce sujet sera seul de nature à donner espoir à nos populations et perspectives à nos territoires.

Nous avons déjà pu abonder ce texte de loi par des dispositifs très attendus, comme ceux concernant la pharmacopée…

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