Nous nous réjouissons naturellement sur ces bancs que certaines des remarques et des propositions faites en loi de finances initiale aient été retenues dans le cadre du plan de relance. Toutefois, lorsque le rapporteur général a rappelé le rôle essentiel que jouent les collectivités locales dans l'investissement public, fermant les yeux, je me suis rappelé que j'avais entendu de tels propos, au cours de l'examen du projet de loi de finances initiale, dans la bouche du président de la commission des finances comme dans celle de Jean-Pierre Balligand et du président du conseil général du Tarn, M. Carcenac et que, plus modestement, je les avais également tenus. Nous vous avions indiqué, monsieur le ministre, que la crise, qui s'annonçait, imposant une relance des investissements publics, on ne pouvait ignorer le rôle des collectivités locales en la matière – nous avions rappelé que l'investissement réalisé par les collectivités locales représente de 60 % à 70 % de l'investissement public. Nous vous avions alors fait remarquer qu'inclure le FCTVA dans l'enveloppe normée revenait à augmenter les concours réels de l'État – ceux qui ne sont pas dus aux collectivités mais restent à l'appréciation du pouvoir exécutif –, qui progressaient de 0,8 %, et que, voulant ainsi contraindre les collectivités à diminuer leur fonctionnement, vous les amèneriez peut-être à le faire mais que vous les conduiriez aussi, et certainement, à diminuer l'investissement, ce qui était tout à fait inopportun dans la période de crise que nous nous apprêtions à traverser.
À l'occasion du plan de relance, vous revenez sur la question par le biais de cette enveloppe complémentaire. Les conditions d'éligibilité étant précisées, nous estimons qu'il s'agit d'une bonne mesure. Toutefois, il faut que la période de temps éligible ne reste pas celle du texte initial pour les raisons qu'a parfaitement indiquées le rapporteur général, avec lequel je suis en parfait accord sur la question.
En effet, il ne s'agit pas seulement de neutraliser la première et la dernière années de la mandature municipale – à savoir 2002 et 2008 –, mais également de prendre en compte les autres années. Sinon, nous serions contraints de considérer que les seules années de référence sont celles qui connaissent un pic d'investissement, c'est-à-dire le dernier tiers, voire le dernier quart d'une mandature, périodes durant lesquelles les investissements les plus lourds, qui ont généralement demandé du temps pour être menés à bien, sont réalisés. Si la période prévue par le texte du Gouvernement n'est pas modifiée, un très grand nombre de collectivités ne pourront pas bénéficier de la disposition prévue à l'article 1er.
Monsieur le ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance, puisque nous avons entamé le débat relatif à la clarification des compétences entre l'État et les collectivités, je tiens également à souligner que vos propos d'hier relatifs au rôle de chacun dans la rénovation et la modernisation des infrastructures appartenant à l'État ont à la fois surpris et choqué la plupart de ces bancs.
Vous avez vous-même reconnu que la règle du jeu avait, naturellement, été établie par vos soins et que ce qui appartenait aux collectivités locales était désormais financé par elles et non plus par l'État et que ce qui appartenait à l'État devait, ne serait-ce que par esprit de symétrie et de loyauté, n'être financé que par l'État, point sur lequel nous sommes en parfait accord. En effet, après avoir beaucoup prospéré, les financements croisés avaient fini par brouiller la vision des uns et des autres, en déresponsabilisant certains et en accommodant d'autres.
Un précédent Gouvernement a décidé le décroisement des financements pour les grandes infrastructures – je pense aux lignes à grande vitesse, aux routes nationales –, sous l'autorité du ministre alors délégué aux libertés locales, qui siège aujourd'hui au banc du Gouvernement en qualité de ministre de la relance. Or, monsieur le ministre, il est tout de même cocasse d'avoir pu vous entendre préciser que, s'il était hors de question de revenir sur cet engagement, en revanche, les collectivités qui souhaiteraient accélérer tel financement devraient « payer » le calendrier en mettant la main à la poche et en recroisant les financements.
Ainsi, trois routes sont éligibles au projet de développement et de modernisation des itinéraires en Aquitaine : la rocade de Bordeaux, la route entre Pau et Oloron-Sainte-Marie et la nationale 21, du sud de Périgueux jusqu'à Agen ou, tout au moins, entre Villeneuve-sur-Lot et Agen. C'est avec une immense stupéfaction que tous les élus locaux de Bordeaux, Pau, Agen, qu'ils soient de Dordogne ou du Lot-et-Garonne, ont entendu leur préfet respectif ou en tout cas le préfet de région leur dire que ces routes ne seraient modernisées – et cela a été clairement énoncé – que si les collectivités locales y contribuaient à hauteur de 40 %. Or, dans ces conditions, monsieur le ministre, cela ne se fera pas.
Comment voulez-vous que des collectivités à qui, par ailleurs, vous demandez de poursuivre leur programme d'investissements pour leur propre compte, c'est-à-dire pour leurs propres infrastructures, aident l'État impécunieux que vous gouvernez à moderniser des itinéraires qui, de surcroît, ne leur appartiennent pas ?
J'estime que cette présentation de la situation dépasse le clivage gauche-droite : il s'agit vraiment d'une question de loyauté entre les collectivités et l'État. Entendre un ministre de la République expliquer que si elles souhaitent obtenir des réalisations plus rapidement, les collectivités doivent « acheter » – il n'y a pas d'autre terme – le calendrier, cette présentation est pour le moins brutale. Et, parce que je respecte ce que vous faites, je voudrais que vous fassiez preuve d'un peu moins de brutalité à l'encontre des collectivités.
Vous avez ensuite fait référence aux engagements de jeunesse de notre collègue Brard. Permettez-moi de vous dire que s'il fallait reprocher à chacun ses engagements de jeunesse, nous ne pourrions plus nous respecter les uns les autres. Aussi me garderai-je bien pour ma part de tels reproches.