Autorisée par la révision constitutionnelle du 19 février dernier, la ratification des deux protocoles qui nous est demandée aujourd'hui consacrera l'irréversibilité de l'abolition de la peine de mort.
Faut-il répéter ici ce que nous disions déjà le 30 janvier ? Ce serait sans doute passer à côté de l'essentiel que de poser la question de la peine de mort sous ses seuls aspects juridiques.
Certes, il n'est pas inutile de rappeler le long processus historique scandé par les voix de Beccaria, Le Peletier de Saint-Fargeau, Hugo, Jaurès, marqué par l'engagement de tant d'autres comme Claudius-Petit, et qui a abouti enfin en 1981 avec M. Badinter. Mais l'essentiel n'est-il pas de redire encore et toujours ce qui fonde notre rejet total de la peine de mort ?
Oui, je suis de ceux que l'expression onusienne de « droit à la vie » laisse perplexe. Droit à la vie ou droit de la vie ? La vie n'est-elle pas non seulement matière, mais source même du droit, en deçà du droit qui en traite ? Tant il est vrai que c'est l'homme qui se pense quand il parle de crime et de châtiment – l'homme qui parle de tout l'homme, y compris de la part dont son histoire témoigne, l'homme qui parle de l'inhumain dans l'humain, mais aussi l'homme qui parle de cette autre part qui, parce qu'elle aspire précisément à la justice, refuse la loi du talion et n'accepte pas de faire disparaître l'humain avec l'inhumain.
Parce qu'avec Camus nous rejetons « une mesure définitive, irréparable qui fait injustice à l'homme tout entier puisqu'elle ne fait pas sa part à la misère de la condition commune », en ratifiant les deux textes qui nous sont soumis nous maintiendrons sa question du 5 décembre 1946 : « Où serait aussi bien la supériorité de ce que nous défendons si nous n'étions pas capables de surmonter notre plus légitime ressentiment ? » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)