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Intervention de Jacques Remiller

Réunion du 26 juillet 2007 à 9h30
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et adhésion au pacte international visant à abolir la peine de mort — Discussion de deux projets de loi adoptés par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Remiller, rapporteur :

Dans ce dernier pays, la Constitution fédérale laisse, en effet, aux États fédérés la maîtrise de leur législation pénale ; l'application de la peine de mort relève donc de leur seule compétence. À l'heure actuelle, douze États ne prévoient pas la peine capitale dans leur législation, tandis que trente-huit autres l'ont rétablie, avec, toutefois, dans certains cas, l'application d'un moratoire sur les exécutions.

Pour en terminer avec ce panorama international, nécessaire à la compréhension du dossier, rappelons que les tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, ainsi que la Cour pénale internationale, excluent le recours à la peine capitale et ne prévoient comme peine ultime que la détention à perpétuité.

En France, la peine de mort a été abolie par la loi du 9 octobre 1981. Depuis le 24 février 2007 – et après le Congrès du 19 février où chacun a en tête le magnifique discours de l'ancien garde des sceaux, Robert Badinter – cette interdiction est inscrite dans notre Constitution dont le nouvel article 66-1 proclame : « Nul ne peut être condamné à la peine de mort ». L'adoption des deux protocoles qui nous sont soumis aujourd'hui – l'un européen, l'autre onusien – permettra à la France de parachever cet édifice juridique, protecteur des droits et des libertés fondamentales des individus, tout en réaffirmant sa détermination à défendre la cause abolitionniste dans le monde.

Le premier protocole est le treizième protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme de 1950. À la suite de plusieurs initiatives de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, un premier texte, le protocole additionnel n° 6, a été adopté en 1983, qui abolit la peine de mort en temps de paix. Avec ce protocole n° 6, l'Europe est passée d'une situation de tolérance de la mort légale à sa prohibition. Il convient, en effet, de garder à l'esprit que, si la Convention européenne des droits de l'homme proclame le droit à la vie, elle n'exclut cependant pas la possibilité d'atteintes à ce droit « en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal, au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ». Ce premier protocole n° 6 a donc constitué une étape décisive en instituant une obligation, pour les États qui y adhèrent, de supprimer de leur législation, le recours à la peine capitale en temps de paix.

Dans le but de conférer une autorité particulière à ce texte, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté, en 1994, une résolution aux termes de laquelle l'une des conditions à satisfaire par les nouveaux États désireux d'adhérer à l'organisation étaient d'instituer un moratoire immédiat sur les exécutions, accompagnée d'un engagement de signer et de ratifier le protocole additionnel n° 6 dans un délai de un à trois ans. L'abolition de la peine de mort est ainsi devenue une condition d'adhésion au Conseil de l'Europe.

Toutefois, si l'adoption du protocole additionnel n° 6 a constitué un progrès incontestable, la possibilité qu'il laisse ouverte de recourir à la peine de mort en temps de guerre est apparue incompatible avec l'affirmation de valeurs démocratiques communes et l'instauration d'un « espace européen sans peine de mort ». Une étape essentielle allait cependant être franchie, à l'occasion du cinquantième anniversaire de la Convention européenne des droits de l'homme. Au cours de la célébration de cet anniversaire, les États-membres sont, en effet, convenus d'élaborer un nouveau protocole interdisant le recours à la peine capitale en temps de guerre, c'est-à-dire en toutes circonstances. Cette décision a conduit à l'adoption du protocole additionnel n° 13 à la Convention européenne des droits de l'homme, dont la ratification nous est aujourd'hui proposée.

Comme son intitulé l'explicite, le protocole n° 13 a pour objet de proscrire la peine de mort en temps de paix comme en temps de guerre. Il se différencie ainsi du protocole n° 6 qui admet le recours à la peine de mort pour « des actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre ». Le protocole n° 13 constitue donc une avancée décisive pour la réalisation de l'objectif, poursuivi par le Conseil de l'Europe, d'exclusion totale de la peine capitale comme sanction qu'un État peut infliger. De par son objet, ce protocole vient renforcer la reconnaissance du droit à la vie, proclamé par l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui devient ainsi un véritable droit. Ratifier le protocole additionnel n° 13 à la Convention européenne des droits de l'homme revient donc à renoncer définitivement à la peine de mort et à faire du droit à la vie un attribut inaliénable de la personne humaine.

Je souhaiterais apporter une dernière précision au sujet de ce protocole. Dans sa décision du 13 octobre 2005, le Conseil constitutionnel a considéré que, dans la mesure où la Convention européenne des droits de l'homme prévoit une possibilité de dénonciation, le protocole additionnel n° 13 pouvait être ratifié sans révision de la Constitution. En réalité, une difficulté est apparue pour l'adhésion au protocole onusien que je vais maintenant évoquer.

Le second texte, que l'on nous demande d'approuver, est le deuxième protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, visant à abolir la peine de mort.

Là encore, je souhaiterais brièvement rappeler les conditions dans lesquelles ce protocole onusien a été élaboré. Ce deuxième protocole facultatif vient compléter le dispositif institué par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté en 1966 par l'Assemblée générale des Nations unies. Avec le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, il établit un régime juridique contraignant de protection des droits de l'homme que la Déclaration universelle de 1948, dépourvue de force obligatoire, n'avait pas permis d'instaurer véritablement.

Le pacte de 1966 relatif aux droits civils et politiques proclame, dans son article 6, le droit à la vie. Il autorise toutefois dans certains cas le recours à la peine capitale, tout en l'encadrant. Ainsi, le pacte précise que la peine capitale ne peut être appliquée qu'en vertu d'un jugement définitif rendu par un tribunal compétent. En outre, le acte interdit qu'une sentence de mort puise être imposée pour des crimes commis par des personnes de moins de dix-huit ans ou puisse être exécutée contre des femmes enceintes.

Il n'en est pas moins apparu souhaitable, pour un grand nombre d'États, de se doter d'un instrument international, juridiquement contraignant, prohibant la peine de mort. C'est ainsi que le deuxième protocole facultatif au Pacte de 1966, visant à abolir la peine de mort, a été élaboré et adopté, le 15 décembre 1989, par l'Assemblée générale des Nations unies.

Ce protocole facultatif de 1989, celui-là même qui nous est aujourd'hui soumis, vise à abolir la peine capitale en temps de paix comme en temps de guerre. Il s'applique donc en toutes circonstances. À cet égard, il convient de relever que ce protocole interdit expressément toute suspension à l'application de ses dispositions, y compris dans le cas « où un danger public exceptionnel menace l'existence de la nation », selon les termes de son article 6.

Enfin, le deuxième protocole facultatif de 1989 ne peut être dénoncé. C'est d'ailleurs précisément sur cet aspect que le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa décision d'octobre 2005 que j'ai évoquée précédemment, que la France ne pouvait adhérer à ce protocole sans modifier préalablement sa Constitution. Le Conseil a considéré, en effet, que le deuxième protocole facultatif ne pouvant être dénoncé, il lierait irrévocablement notre pays et porterait, dès lors, atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. C'est la raison pour laquelle nous avons modifié, en février dernier, notre Charte fondamentale. Désormais, la loi constitutionnelle du 24 février 2007 relative à l'interdiction de la peine de mort rend possible l'adhésion sans réserve de la France au deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Dans ces conditions, en adhérant à ces deux protocoles rattachés, l'un à la Convention européenne des droits de l'homme, l'autre au Pacte onusien de 1966 sur les droits civils et politiques, notre pays réaffirmera son engagement en faveur de l'abolition définitive de la peine capitale dans le monde.

C'est pourquoi je vous invite, au nom de la commission des affaires étrangères, à voter les projets de loi n°s 5 et 10 visant à approuver ces deux protocoles relatifs à l'abolition de la peine de mort. (Applaudissements sur tous les bancs.)

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