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Intervention de François Brottes

Réunion du 8 janvier 2009 à 9h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2009 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes :

Au contraire : c'est vous qui serez un jour condamnés pour cela ! Je crains en effet que le contenu de ce texte ne soit d'une indigence inversement proportionnelle à l'ampleur des enjeux. Voici sept malheureux articles échoués d'on ne sait où, à peine rehaussés par leurs titres optimistes – pure communication. En fait d'échouage, mieux vaudrait parler de naufrage pour l'article 7, déjà voté dans un autre texte et qui, nous vous l'avions dit en commission, n'a pas sa place au milieu de ce « nulle part » législatif.

« Faciliter la construction de logements » : voilà une grande ambition. Comment vous y prenez-vous pour répondre à cet incontestable besoin ? L'article 1er prévoit une réforme ambitieuse consistant à simplifier les règles de construction en limite séparative dans nos villes. Je découvre qu'un socle entier du problème de l'insuffisance de la construction de logements en France ne dépend que de la résolution urgente de ce problème fondamental ! Pourtant, parmi les centaines de milliers de questions écrites posées par les parlementaires au cours de la présente législature ainsi que de la précédente – soit une période de sept ans –, pas une seule ne l'a soulevé ni n'a eu pour objet une demande d'assouplissement en la matière. Aussi, permettez-nous d'exprimer ici notre perplexité : pourquoi supprimer, jusqu'à la fin 2010 seulement, les enquêtes publiques normalement requises lors de la modification des PLU ? En effet, si vous permettez de modifier, sans enquête publique, les règles relatives à l'alignement – c'est là le coeur de l'article 1er – et donc aux limites séparatives, vous n'évoquez ni les règles de prospect et de vue, ni les adaptations nécessaires afin d'assurer, dans ce cadre dérogatoire, le plein respect du droit des tiers. C'est un véritable nid à contentieux !

Le projet de loi de Mme Boutin, reporté sine die, ou peut-être à un mois de janvier indéfini, prévoit déjà la possibilité d'augmenter le coefficient d'occupation des sols, le dépassement des règles de gabarit, la hauteur et l'emprise au sol de 20 % : voilà qui semble bien plus efficace pour augmenter les surfaces d'habitation là où le besoin de logements se fait le plus sentir. Dès lors, pourquoi, dans un plan de relance prétendument ambitieux, aborder le sujet par un angle aussi étriqué ? S'agirait-il d'un angle mort qui cacherait un cadavre dans un quelconque placard ? Quels problèmes particuliers cherchez-vous ainsi à régler au détour de cette réformette qui n'annonce rien de transcendant et qui, de surcroît, est irréfléchie quant à ses effets connexes ?

À l'article 2, vous entendez supprimer au profit de l'État le droit de priorité et le droit de préemption urbain communaux dans les opérations d'intérêt national. Chacun aura compris qu'il s'agit là de laisser à l'État les mains libres pour réaliser les grands travaux dont la nation a besoin. Sur le principe, pourquoi pas, mais quelles seront les opérations qui concerneront le logement ?

Le droit de priorité communal sur l'achat de biens immobiliers cédés par l'État ou par ses établissements publics permet aux communes de les acquérir en priorité afin de réaliser des logements. En effet, les communes ou les établissements publics qui exercent ce droit de priorité pour construire des logements locatifs sociaux ou des hébergements temporaires ou d'urgence peuvent bénéficier de la décote prévue par la loi de programmation pour la cohésion sociale – un avantage financier non négligeable, puisque cette décote peut atteindre 35 % du prix de vente.

Aujourd'hui, vous vous apprêtez à étendre la non-application de ce droit de priorité, surtout utilisé par les communes pour réaliser du logement social, aux opérations d'intérêt national qui ne visent pas exclusivement la réalisation de logements. Ainsi, vous ôtez aux communes un précieux levier afin d'acquérir, dans les zones d'opération d'intérêt national, des biens immobiliers à un prix intéressant pour faire du logement social.

En outre, rien n'indique que les futures cessions de biens de l'État dans ces zones bénéficieront à la construction de logements, au contraire. Dès lors, grâce au tour de passe-passe que vous jouez avec ce texte, l'État pourra vendre plus cher et sans décote ses biens immobiliers pour faire autre chose que du logement social. Aussi faudra-t-il nous expliquer en quoi cette réforme permettra de libérer plus rapidement les « biens vidés par l'État dans les périmètres d'opération d'intérêt national », comme l'a indiqué M. Devedjian à la commission. L'objectif du Gouvernement n'est-il pas plutôt d'écarter les communes « indélicates » qui voudraient faire du logement social là où l'État voudrait voir des bureaux ?

De même, vous proposez de supprimer le droit de préemption urbain des communes, dans ces mêmes zones d'opération d'intérêt général, alors que cette exception, comme pour le droit de priorité, ne s'appliquait auparavant qu'aux seules zones où l'État comptait réaliser des logements. Cette fois, néanmoins, les terrains de l'État ne sont pas seuls concernés. La logique à l'oeuvre est claire : dans les zones d'opération d'intérêt national, les biens immobiliers mis sur le marché, qu'ils appartiennent à l'État ou non, doivent pouvoir être librement affectés à autre chose qu'au logement. Vous êtes démasqués !

Une nouvelle fois, vous prouvez que la construction massive de logements n'est pas votre priorité : le budget que l'État y consacre est réduit d'année en année, y compris dans la loi de finances pour 2009. Même les dernières annonces du Président de la République n'arrivent pas à la cheville des objectifs du plan de cohésion sociale de 2005 en matière de logement social – qui étaient pourtant déjà insuffisants.

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