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Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Réunion du 7 novembre 2008 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2009 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » constitue, chaque année, l'occasion de nous pencher sur l'évolution ces lointains territoires et des conditions de vie de nos concitoyens qui y résident, pour lesquels les notions de solidarité nationale et de continuité territoriale doivent prendre un sens particulièrement renforcé. Trop souvent, ce débat se focalise sur les seuls handicaps entravant structurellement le développement de nos départements et collectivités d'outre-mer : leur éloignement géographique de l'hexagone, leur insularité, l'étroitesse de leur marché intérieur et le fait d'être, pour la plupart, à proximité immédiate de producteurs disposant d'une main-d'oeuvre à faible coût. Il est trop rare d'entendre, dans cet hémicycle, décliner les avantages et les atouts dont ils disposent : la formidable jeunesse de leur population, la richesse de leur patrimoine naturel, ainsi que l'exceptionnel dynamisme dont font preuve la plupart des entreprises ultramarines. Ainsi, la richesse et la chance que les DOM-TOM constituent pour la France ne se trouvent que trop rarement soulignées, alors que nous devrions en faire autant de vitrines de notre savoir-faire et de têtes de pont commerciales et politiques vers le monde entier.

À l'heure où s'opère la nécessaire et trop souvent ajournée réforme territoriale, alors qu'il est question d'un big bang territorial, ou au moins d'une forte clarification des compétences et des moyens des différents échelons de notre République décentralisée, le Nouveau Centre insiste sur le fait qu'aucune réflexion ne saurait faire l'économie d'un questionnement sincère sur le périmètre attendu d'un État moderne. À cet égard, mon groupe prend fermement position pour que cette réforme n'aboutisse pas à une diminution de l'effort de l'État en direction des départements et collectivités d'outre-mer, qui en ont bien besoin.

L'existence de ces territoires de la République, éparpillés à la surface du globe, n'a en effet de signification que si les notions de solidarité nationale et de continuité territoriale y prennent tout leur sens.

À ce titre, monsieur le secrétaire d'État, et alors que le contexte économique difficile que nous connaissons nous oblige à travailler au redressement de nos finances publiques dans tous les secteurs, le Nouveau Centre salue particulièrement le fait que, vous ayez obtenu – les rapporteurs l'ont rappelé – une nette augmentation, tant en termes d'autorisations d'engagement que de crédits de paiement, du budget de la mission « Outre-mer ».

En outre, cette mission porte d'ores et déjà le sceau des grandes orientations figurant dans le projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer. Comme pour le budget de l'intérieur, je regrette une fois encore la méthode : nous votons le budget avant d'avoir le projet de loi d'orientation – le calendrier parlementaire semble ne pas avoir permis d'éviter ce type de contradiction. Pour autant, cela ne m'empêche pas de saluer les engagements pris par avance par le Gouvernement, notamment en ce qui concerne le renforcement de l'intervention de l'État au profit du logement social et des infrastructures publiques. Nos collectivités d'outre-mer ont accumulé un très grand retard en ces domaines et l'effort, notamment en matière de résorption de l'insalubrité de l'habitat, est plus que nécessaire.

De plus, alors que nous parlons de performance, d'efficience et d'utilisation optimale des ressources de l'État, je salue l'effort de profonde restructuration entrepris par l'administration de l'outre-mer, avec la mise en place en septembre dernier de la nouvelle délégation générale à l'outre-mer. Cette restructuration devrait améliorer la coordination des politiques menées en direction de l'outre-mer et permettre enfin l'évaluation de l'action publique dans ces territoires. Nous ne pouvons que nous en réjouir, et nous serons vigilants quant à l'effectivité de cette évaluation.

L'examen de cette mission nous invite également à analyser l'effort global de l'État en direction des départements et collectivités d'outre-mer, dont le présent budget ne représente, comme chaque année, que le dixième environ : 1,87 milliard d'euros de crédits de paiement sur les 16,7 milliards d'euros engagés en réalité par l'État outre-mer.

Trop souvent par le passé, les outre-mer ont constitué la variable d'ajustement des crédits des différents ministères. Cette année, cela ne semble plus être le cas. L'ouverture prochaine d'un centre de détention à Saint-Denis de la Réunion, la reprise de la lutte contre l'orpaillage clandestin en Guyane ou encore la pérennisation des GIR en Guadeloupe ou à la Réunion constituent des signes encourageants qui, toutefois, feront l'objet d'une grande vigilance de notre part. Les efforts ne doivent pas non plus se relâcher sur le front de la lutte contre l'immigration clandestine, notamment à Mayotte, aux Antilles et en Guyane où existent d'importants risques potentiels de déstabilisation des territoires et de la vie de nos concitoyens.

Le budget 2009 représente un bouleversement en ce qui concerne les exonérations fiscales spécifiques à l'outre-mer. Les niches fiscales seront plafonnées cette année, et le Nouveau Centre considère que cette mesure ne doit pas remettre en cause un outil dont ces territoires ont besoin pour compenser les handicaps structurels que j'évoquais au début de mon intervention. Il s'agit au contraire, à l'heure où nos concitoyens souhaitent plus de justice fiscale, de permettre à ces niches de mieux stimuler un investissement et une croissance durables outre-mer, tout en les empêchant de devenir uniquement un moyen de se soustraire à l'impôt pour certains de nos compatriotes – métropolitains notamment – les plus fortunés et les mieux avertis de la législation fiscale.

À cet égard, monsieur le secrétaire d'État, je voudrais vous faire une proposition qui, je dois le reconnaître, n'avait pas rencontré beaucoup de succès auprès de vos prédécesseurs. Actuellement, le système d'exonérations fiscales en faveur de l'outre-mer a en réalité les effets suivants : les mieux informés et les plus riches peuvent défiscaliser beaucoup et ne quasiment pas payer d'impôts en investissant dans des projets qui n'ont pas toujours de viabilité économique. Or notre pays compte beaucoup de gens sensibles à l'outre-mer et susceptibles d'investir dans des fonds de communs de placement qui, eux, veilleraient à la rentabilité de projets ouverts à des défiscalisations plafonnées. Nous aurIons ainsi la possibilité de remplacer la défiscalisation pour les plus riches par une défiscalisation populaire venant financer des projets économiquement viables pour d'autres motifs que la seule économie d'impôt.

En tant qu'élu de métropole sensible à la continuité territoriale – comme Éric Raoult ici présent et certains autres collègues –, je regrette que les crédits destinés à assurer une vraie continuité entre l'Hexagone et l'outre-mer ne progressent pas, alors même que ce budget est en hausse. Le lien entre ces territoires éparpillés et la métropole doit être garanti par la République, non seulement pour nos compatriotes ultramarins, mais aussi pour ceux qui, originaires d'outre-mer, vivent dans l'Hexagone. Or l'équité de traitement entre eux et nos compatriotes corses, par exemple, est loin d'être acquise. Comme n'importe quel Français, ils devraient pouvoir bénéficier d'une vie familiale normale, qu'il s'agisse de se déplacer à l'occasion d'événements familiaux heureux ou malheureux, de se téléphoner ou d'échanger du courrier. Monsieur le secrétaire d'État, je pense qu'il s'agit d'une priorité à retenir au cours des années à venir.

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