Le recours à l'ordonnance pénale et au juge unique en matière de contrefaçon commise par des moyens de communication électronique nous pose problème, car il crée un déséquilibre profond entre les prévenus, c'est-à-dire les internautes, ceux qui veulent consulter, écouter, regarder des oeuvres d'art, et les artistes, les créateurs ou leurs ayants droit, qui seront du côté des parties civiles.
Comme l'a dit Jean-Yves Le Bouillonnec, les droits conférés aux parties civiles sont nettement supérieurs à ceux conférés aux prévenus. C'est une forme de présomption de culpabilité de l'internaute, qui relève d'une conception obsolète, à l'ère numérique, de la diffusion des oeuvres.
Certes, le code de la propriété intellectuelle définissait en 1957 la contrefaçon comme « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou des ayants droit ». Toutefois, le devoir du législateur aujourd'hui n'est pas d'élargir un fossé créé artificiellement entre les artistes et leur public. À l'heure du numérique, notre rôle est plutôt de réconcilier les artistes et leur public, en trouvant les moyens de rémunérer les premiers – nous avons fait de nombreuses propositions en ce sens – et en montrant à quel point la diffusion numérique est une chance pour eux. Le fait que le coût marginal de diffusion numérique des oeuvres soit nul est une formidable chance de démocratisation de l'accès à la culture.
Le recours à des procédures expéditives et exceptionnelles me semble aller dans la mauvaise direction.