Cet article est emblématique du projet de loi lui-même.
Il y a, d'une part, l'instauration d'une procédure judiciaire, sinon low cost, comme l'ont qualifiée certains, du moins de piètre qualité, dans laquelle le juge n'aura finalement qu'à cocher une croix sur un formulaire. Chacun l'a bien compris, c'est une façon de contourner la décision du Conseil constitutionnel. Sur le plan de l'équilibre des institutions, sur celui des droits de la défense et d'un certain nombre de valeurs fondamentales de la République, cela nous semble inquiétant, et ce n'est pas, en tout cas, un progrès.
Il y a, d'autre part, la question de la contrefaçon. Nous sommes dans ce débat depuis un certain nombre d'heures. Même si la focale, si j'ose dire, se dérègle un peu, et si l'on s'appesantit parfois sur des points de détail, le fond de l'affaire est que cette loi traduit une incompréhension du monde numérique.
Le monde numérique, c'est – vous devriez y être sensible, monsieur le ministre – la perspective de la médiathèque universelle, de l'accès ainsi donné à l'ensemble de nos concitoyens au monde de la culture, de l'échange, de l'intelligence, de la connaissance. Or, votre seule réponse à cette belle utopie, ce sont les chaussettes à clous et le bâton du gendarme. Il y a un formidable décalage et une incompréhension fondamentale de ce qu'est l'ère numérique.
Une copie numérique n'est pas une contrefaçon : c'est une copie à l'identique, reproductible à l'infini et sans frais. C'est donc un outil nouveau pour l'intelligence du monde.
Au lieu de saisir cette chance et de se poser la seule question qui vaille, c'est-à-dire celle de la rémunération de la création dans ce nouvel univers, vous nous répondez par le bâton du gendarme et les menottes. Comme l'avait dit un journaliste, c'est une réponse à côté de la plaque !