Monsieur le président, monsieur les secrétaires d'État, mes chers collègues, nous achevons aujourd'hui l'examen d'un projet de loi particulièrement attendu par nos concitoyens ultramarins. En effet, les mouvements de très grande ampleur qu'ont connus la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique puis La Réunion ces derniers mois, ont révélé le besoin criant et l'urgence à apporter des réponses de fond aux problèmes entravant structurellement le développement économique de nos départements et collectivités d'outre-mer.
Nous connaissons parfaitement les handicaps structurels dont souffrent depuis longtemps les collectivités d'outre-mer. Elles subissent ainsi des contraintes liées à leur éloignement géographique de l'hexagone et à une économie trop tournée vers la métropole ; à leur insularité, à l'étroitesse de leur marché intérieur, trop souvent contrôlé par quelques puissances économiques, qui, de ce fait, désorganisent le marché à leur profit ; et enfin, au fait qu'elles sont, pour la plupart, proches de pays disposant d'une main-d'oeuvre à faibles revenus.
De plus, ces contraintes ont de très lourdes répercussions sur le taux de chômage, qui touche en moyenne 36 % de la population active de l'outre-mer. Conséquence directe de revenus plus bas et de prix plus élevés qu'en métropole, le pouvoir d'achat y est très dégradé : les écarts en termes de prix peuvent ainsi atteindre 35 % pour les produits de première nécessité. C'est le fruit de situations monopolistiques, auxquelles nous pensons que l'État devra impérativement s'attaquer s'il souhaite rétablir un niveau de prix plus raisonnable.
Face à un tel constat, le Nouveau Centre ne peut que se féliciter des engagements pris par le Gouvernement à travers ce projet de loi, en première lecture et à l'issue de la CMP, afin de fonder un nouveau développement économique de nos territoires ultramarins. Notre soutien est d'autant plus fort que quatre lois ont déjà été votées depuis 1986, en vue de promouvoir l'essor économique de l'outre-mer : la loi Pons en 1986, la loi Perben en 1994, la loi Paul en 2000 et, enfin, la loi Girardin en 2003. Or force est de constater que les objectifs initiaux de ces lois n'ont pas été atteints.
Il apparaît indispensable de répondre aux préoccupations sociales et politiques de l'outre-mer que les populations ont légitimement exprimées ces derniers mois, avec force. La réponse se doit d'être à la hauteur et efficace : il s'agit de poser, dès aujourd'hui, les fondements d'un nouvel essor économique outre-mer.
Les territoires ultramarins souffrent d'un réel déficit en matière de création de richesses. C'est le problème de fond. Aussi, nous saluons un texte qui s'attaque aux objectifs de viabilité économique et de cohésion sociale par le biais du développement des capacités de productions propres à l'outre-mer : sans elles, il ne saurait y avoir de réel développement économique ; il n'y aurait qu'une politique d'assistanat à court terme. Cet objectif nécessite de promouvoir les principes de responsabilité et de liberté d'entreprendre et de croissance endogène. Mais, on ne saurait l'oublier, il suppose également une action publique efficace, notamment pour lutter contre le phénomène des monopoles économiques concentrés entre les mêmes mains.
Nous estimons que ce texte va dans le bon sens. Il reprend d'ailleurs trois objectifs que nous défendons depuis plusieurs années.
Le premier est le nécessaire développement économique endogène de l'outre-mer. Il est indispensable de mettre en place les conditions d'un développement économique plus prospère, qui permette à la fois de créer des emplois et d'accompagner les entreprises locales, surtout les plus petites d'entre elles. Essentiellement tourné vers le tissu local d'entreprises, le texte issu de nos travaux rejoint nos ambitions. Il faut en effet remettre les entreprises et les entrepreneurs au coeur de nos préoccupations et de notre action. Ainsi, la principale mesure du texte créant des zones franches d'activités va dans le bon sens : au sein de ces zones, les entreprises pourront bénéficier d'abattements à hauteur de 50 % sur les bases de l'impôt sur les bénéfices, de la taxe professionnelle et de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Le travail de la commission a permis d'identifier les secteurs prioritaires dans chaque territoire, ce qui est une innovation utile. Ainsi, en Martinique et en Guadeloupe, ces secteurs recouperont les activités de recherche-développement, les nouvelles technologies, le tourisme ainsi que les activités concernant les énergies renouvelables. À La Réunion, cet abattement bénéficiera au tourisme, au secteur de l'agro-nutrition ou encore aux énergies renouvelables, secteur dans lequel le retard des départements ultramarins est considérable, alors qu'il représente un important potentiel de développement économique, que ce projet de loi met en valeur en prévoyant d'y consacrer les aides nécessaires.
Nous souhaitons souligner le travail de concertation qui a été effectué en commission dans la définition de cet objectif. En effet, nous ne croyons pas à l'utilité d'une exonération à 100 % sur le foncier non bâti, car cette mesure aurait tendance à favoriser encore davantage le propriétaire au détriment de l'exploitant, idée rejetée par le Nouveau Centre.
Le deuxième objectif de votre projet de loi, que nous partageons, concerne le recentrage des aides sur le logement social. Le groupe Nouveau Centre se félicite que soit ajouté aux crédits budgétaires existants un nouveau mode de financement permettant aux sociétés anonymes de HLM et aux sociétés anonymes coopératives de HLM de bénéficier du dispositif de défiscalisation des logements sociaux. En effet, les dispositifs antérieurs avaient eu des effets secondaires très préjudiciables au logement social. Nous saluons le choix courageux qu'a effectué le Gouvernement : il offrira une réponse à l'explosion des demandes de logements sociaux constatée ces dernières années, en limitant les dérives que nous avons connues à cause de défiscalisations qui ne faisaient que renchérir le coût du logement dans les territoires ultramarins.
Enfin, le troisième objectif que nous saluons est la possibilité que se donne l'État de réglementer les prix des produits de première nécessité dans les collectivités territoriales d'outre-mer où il a compétence pour le faire. Les députés du Nouveau Centre et les sénateurs centristes sont satisfaits de cette mesure qui est, à court terme, le seul moyen de répondre aux grandes difficultés concernant le pouvoir d'achat outre-mer. Nous restons avant tout attachés au principe de l'économie de marché régulée, dans laquelle l'État détermine le cadre des initiatives économiques. Cela étant posé, le Gouvernement doit permettre que la concurrence soit réelle afin de lutter contre les situations de monopole en matière d'importation et de distribution. Le système financier et d'octroi de prêts bancaires doit être revu afin de libérer l'économie. C'est, à long terme, le meilleur moyen d'atteindre un niveau de prix plus proche de celui qui existe en métropole.
S'inscrivant dans une histoire complexe et spécifique, dans un climat social et économique tendu, le développement de l'outre-mer constitue un enjeu très particulier. Nous avons toujours eu la volonté de bâtir un avenir prospère et prometteur pour les territoires ultramarins qui ne doivent plus s'appuyer seulement sur les aides de la métropole, mais sur les forces propres de ces territoires : la formidable jeunesse de leur population, la richesse de leur patrimoine naturel ainsi que l'exceptionnel dynamisme dont font preuve la plupart de leurs entreprises, en particulier les petites et les moyennes. Il nous faut les accompagner. Aussi, le Nouveau Centre apportera-t-il un vote favorable au texte qui nous est soumis aujourd'hui. Nous avons certes conscience que ce texte est une première pierre et que les conclusions des états généraux de l'outre-mer – qui se déroulent actuellement – conduiront à légiférer de nouveau. Il vous faudra donc, monsieur le secrétaire d'État, revenir devant le Parlement afin de traduire, au plan législatif, les résultats de cette concertation.
Si le président Victorin Lurel n'est pas allé jusqu'à qualifier l'abstention de son groupe de positive – même si elle y ressemblait fort –, je veux souligner, pour ma part, les évolutions positives de ce texte, comme la reconnaissance de la langue créole et la mise en oeuvre effective de l'article 73 de la Constitution, afin de rompre avec la trop grande habitude de Paris qui consiste à vouloir faire passer tout le monde sous la même toise. Au lieu de faire du prêt-à-porter, monsieur le secrétaire d'État, vous avez fait du sur-mesure, répondant ainsi à une partie des attentes de l'outre-mer. J'espère que, à la suite des états généraux, nous aurons la possibilité de poursuivre sur cette voie afin que l'outre-mer connaisse enfin l'essor dont il a besoin et qu'il mérite. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)