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Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 1er juillet 2008 à 15h30
Archives archives du conseil constitutionnel — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche :

Mais s'agissant d'autres dispositions, nous restons très inquiets. Voilà pourquoi j'ai dit que nous étions restés au milieu du gué. Vous posez certes le principe de la libre communicabilité, mais vous trouvez des prétextes pour en restreindre la portée.

Ainsi, la création, dès la version initiale de ce projet de loi, d'une catégorie d'archives non communicables nous interpelle toujours. Rappelons à nouveau que cette disposition est en contradiction avec les recommandations du Conseil de l'Europe sur l'accès aux documents publics visant à limiter dans le temps toute restriction d'accès. L'extension de cette catégorie aux archives publiques dont la communication est de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes nous avait fortement mobilisés en première lecture. Certes, le texte présenté aujourd'hui a fait sortir de cette catégorie d'archives incommunicables celles concernant les agents secrets et les indicateurs de la police pour les soumettre à un délai de cent ans. Nous en prenons acte, mais ce délai nous semble encore trop long. Le champ de cette catégorie se trouve donc désormais restreint aux armes de destruction massive. Il reste que la notion même d'archives incommunicables nous pose toujours question.

En effet, au prétexte de la sécurité nationale face à la menace terroriste – belle cause s'il en est –, le droit inaliénable d'accès aux archives des citoyens demeure écarté. Il eût été possible et compréhensible de protéger cette catégorie d'archives par des délais de consultation très longs qui auraient pu être révisables en fonction des documents. Ce choix n'a pas été fait, et nous le regrettons. Le recours à une nouvelle catégorie d'archives fermées, je le répète, pour l'éternité, demeure donc et nous gêne de par sa seule existence.

Parallèlement, les documents «dont la communication porte atteinte à la protection de la vie privée » ou ceux qui « portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable » ne seront plus communicables avant cinquante ans. Nous redoutons que ces critères, énoncés en deuxième lecture, de manière toujours aussi vague et imprécise, nous amènent à courir le risque qu'un nombre indéterminé de documents puisse devenir inaccessible durant un demi-siècle. Les chercheurs et les historiens s'inquiètent aujourd'hui, non sans raison, de l'interprétation de la loi que pourront faire les autorités versantes. Car cette définition extensive de la vie privée nous fait craindre une restriction des autorisations de dérogation sur des critères qui restent encore très flous. Comment écarter tous les documents faisant mention d'un jugement de valeur ? Aucun cadre précis n'est déterminé dans la loi. Le pouvoir discrétionnaire sur les dérogations se trouvera ainsi paradoxalement renforcé par ce texte. En effet, alors que les mémoires des acteurs politiques, par exemple, fourmillent de longue date d'appréciations sur leurs contemporains, celles-ci pourront-elles être considérées à l'avenir comme ne respectant pas l'honorabilité des personnes ?

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