Si je n'ai pas voté l'amendement n° 523 du rapporteur, c'est que je considère que l'enjeu est suffisamment important pour que l'on ne modifie pas le titre du chapitre. La question de la biodiversité est centrale. J'ai déjà cité des chiffres concernant les richesses naturelles de certaines régions, dont la mienne. En 1992, au sommet de Rio, François Mitterrand ne parlait-il pas des cultures et des civilisations menacées d'étouffement, considérant qu'une extinction massive se préparait ? Le concept d'arrêt de la dégradation et de la biodiversité me semblait essentiel, mais le vote est acquis et j'en prends acte.
Au-delà de son rôle écologique, la biodiversité représente un autre enjeu : le monde industriel s'intéresse de fort près aux briques élémentaires de la diversité biologique, les gènes. Dès lors que l'on aborde sous cet angle la question de l'agriculture, de l'agroalimentaire, des semences, de la pharmacopée, de la pharmacie, des cosmétiques, on rentre dans la dimension de la biotechnologie, de la diversité génétique et de tout ce que cela implique. C'est pourquoi je trouve que ce texte n'est pas à la hauteur des enjeux et je considère que les moyens mis en oeuvre pour connaître, valoriser et développer la biodiversité sont relativement faibles. Le 26 février 2008, Mme Kosciusko-Morizet vous représentait, monsieur le ministre d'État, à l'occasion de la création de la Fondation scientifique pour la biodiversité, qui réunit deux groupements d'intérêts scientifiques, le Bureau des ressources génétiques et l'Institut français de la biodiversité. Cette initiative, que je salue, ne doit pas masquer la faiblesse des moyens publics mis au service de la connaissance, de la réalisation d'un inventaire des richesses naturelles. Aux Antilles, on parle de la « richesse endémique », mais les inventaires et les systèmes de valorisation sont loin d'être aboutis. Plus qu'une indication, on aurait pu saisir l'occasion de donner une incitation sur cette question.
Nous avons parlé de la recherche. Je déplore que vous n'ayez pas accordé une attention suffisante aux recherches liées aux conséquences des pollutions. Prenons l'exemple du chlordécone : aujourd'hui, aucun scientifique, aucun expert du Gouvernement ne peut dire quel est le taux exact d'empoisonnement de la terre à la Martinique. Certains parlent de cent ans – on peut penser que ce n'est pas grand-chose –, mais d'autres de cinq cents ans. Dans le cas d'un pays qui a vu sa surface agricole réduite de moitié en vingt ans, passant de 63 000 à 26 000 hectares, pour des raisons multiples, y compris la spéculation, on peut se demander comment on dépolluera les terres empoisonnées. Les conséquences ne sont pas seulement humaines, mais économiques, car ces pays sont beaucoup plus dépendants des importations, de la consommation massive, plus directement soumis à la mondialisation avec les effets de proximité et d'aménagement du territoire. Où vont les gens qui quittent les campagnes, parce qu'ils ne peuvent plus planter ? Ils vont grossir les villes, ils vont vers la précarité.
Le scientifique allemand Boris Worm parle de risques d'effondrement de la biodiversité et d'une régression sans fin à partir des années soixante, notamment dans le milieu maritime. Mme Kosciusko-Morizet disait d'ailleurs hier que nous connaissons très peu la mer et que nous devrions y mener une infinie recherche. Je voudrais enfin saluer la mémoire de Chico Mendes, assassiné parce qu'il luttait contre la destruction des forêts amazoniennes.