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Madame la présidente, madame la ministre de la santé et des sports, mes chers collègues, « la mort joue à cache-cache avec la conscience : où je suis, la mort n'est pas ; et quand la mort est là, c'est moi qui n'y suis plus », écrivait Vladimir Jankélévitch. Expérience insaisissable par les vivants, la mort exige d'eux qu'ils l'appréhendent toujours avec prudence. Depuis des millénaires, cette seconde impalpable entre le pas encore et le jamais plus ouvre aux hommes un abîme de conjectures. E...
...s ou des mêmes contacts médicaux. Quand certains ont la possibilité on le sait bien de choisir l'aide active à mourir, que ce soit en faisant appel à des médecins proches et compréhensifs ou en se rendant à l'étranger, d'autres se voient malheureusement refuser cette aide qu'ils réclament. Les opposants à notre texte lui reprochent d'encourager des dérives infinies dans la banalisation de la mort.
...dans la dignité. Je considérais que le temps était venu de franchir le pas et d'accorder aux femmes et aux hommes cette dernière liberté, celle de choisir sa fin de vie ; sans doute espérais-je trop. Dix ans plus tard, le débat s'ouvre. Sera-t-il le vrai débat sans arrière-pensée que nous attendons, que notre société attend ? Je continue maintenant d'en douter. Dans notre pays, l'approche de la mort est, encore de nos jours, un domaine où ce qui peut rester de liberté et de droits à la personne n'est que très insuffisamment reconnu. Aujourd'hui encore, le suicide, qui reste la première cause de décès chez les 30-39 ans, est très souvent analysé comme une faiblesse psychologique. Celle-ci est mise en exergue par les opposants à cette aide au suicide. Pour eux, la demande de fin de vie est en ...
souhaiter hâter une fin que sa conscience réclame et qu'il ne peut plus se procurer seul. Le moment est venu de venir en aide à celles et ceux qui sont dans une situation telle que leur volonté de quitter la vie est devenue plus forte que leur désir d'y demeurer encore quelques jours ou quelques semaines. La question est de savoir si la mort est le droit ultime que la personne en détresse physique ou morale peut revendiquer. La mort volontaire peut être une manière appropriée de terminer une existence à laquelle l'être qui souffre ne parvient plus à donner une signification. Je me réjouis que nos collègues du groupe SRC aient fait inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour car nous pouvons, mes chers collègues, voter sur un...
...fie la dignité. A-t-on le droit de dire que l'homme qui souffre perd sa dignité ? La dignité se définit comme le sentiment de la valeur intrinsèque d'un être humain. Chaque homme est et reste toujours digne. Comme l'a si bien souligné notre collègue Jean Leonetti la semaine dernière, lors de l'examen de cette proposition de loi en commission des affaires sociales, nous avons une expérience de la mort par la mort des autres. De nos jours, cette expérience suscite en nous, outre la peur ancestrale de la mort et de la souffrance, celle de la dépendance et de la dégradation. Malgré l'intense émotion que le sujet de la fin de vie peut provoquer en nous lorsque nous sommes informés de destins tragiques comme ceux de Chantal Sébire ou Vincent Humbert, nous devons mener notre débat de façon raisonnée...
Ce climat est d'ailleurs celui qui a présidé à l'élaboration de la loi en 2005 où chacun a pu s'écouter et où nous avons abouti à une loi consensuelle. Ce n'est pas parce qu'elle est consensuelle qu'elle est parfaite, mais ce n'est pas parce qu'elle est consensuelle qu'elle est à rejeter. Évoquer ce problème me permet d'abord de poser l'idée déjà développée selon laquelle « la mort, ce n'est jamais la mienne, mais celle de l'autre ». On a, en fait, très vite constaté que les convictions intimes que nous avons ne sont pas liées au fait d'être de droite ou de gauche, ni même de croire en Dieu ou de penser que le ciel est vide. Elles sont liées à nos vécus personnels, ancrés dans nos coeurs et dans nos âmes, de la mort de l'être cher. Nous raisonnons ainsi : « faut-il vivre ce...
... l'homicide par compassion. Ne vous y trompez pas. Vous parliez d'hypocrisie. Or ce n'est pas en procédant hypocritement, par amendement, à une petite modification de la loi de 2005 que vous réglerez le problème. La loi française interdit l'homicide. Ainsi, même lorsqu'il est pratiqué en légitime défense, le juge peut s'y intéresser. C'est donc le droit pénal qui doit être modifié. Ce droit à la mort est ouvert de manière très large puisqu'il se fonde sur l'interprétation d'une souffrance intolérable, voire d'une impasse. La souffrance, nous le savons, peut-être intolérable sur le plan physique, mais aussi psychique. Mais nous sommes tous bien placés pour savoir que la vie fluctue. Ainsi, 75 % des gens qui ont tenté de se suicider n'attentent jamais plus à leur vie. La mort n'est donc pas une...
Aucun service de soins palliatifs de ce pays ne réclame d'ailleurs une évolution de la loi. Si cette proposition de loi était votée, cela signifierait que les malades qui désireraient mourir sortiraient des soins palliatifs et seraient transférés dans des services où on leur donnerait la mort, comme cela se produit en Belgique. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) J'invite mes collègues à aller visiter les hôpitaux de Belgique, pays dans lequel une loi équivalente a été votée et où, dans certains cas, le malade sort d'un service pour aller dans un autre et y recevoir la mort. Enfin, et j'ai suffisamment d'âge pour le dire, l'euthanasie a été une pratique institutionnalisée. E...
... en conscience, que la vie qu'il va mener ne vaut pas la peine d'être vécue. Nous ne sommes alors plus dans la démarche de l'euthanasie terminale, mais nous nous approchons de celle du suicide assisté. Nous savons que des pays tels que la Suisse, aux législations pénales assez proches de la nôtre, qui ont opté pour le suicide assisté, ont abouti à des dérives qui ont fait qu'à terme on a donné la mort à des gens qui étaient seulement las de vivre et qui ne souffraient pas de maladie grave et incurable. Aujourd'hui la législation hollandaise est condamnée par le conseil des droits de l'homme de l'ONU. La législation suisse revient sur ses propositions. La Belgique est, une fois de plus, divisée entre des hôpitaux qui pratiquent et des hôpitaux qui ne pratiquent pas. Quant à la loi anglaise, el...
...qui me convient ». C'est une société qui répond à une éthique d'autonomie respectable, mais qui réclame paradoxalement que la décision individuelle soit assumée par le groupe Il y a une autre société, celle que nous appelons probablement tous de nos voeux, une société affirmant que la personne humaine ne se décline pas en fonction de sa force, que le nouveau-né, le mourant, le mendiant, l'homme mort dans les camps de concentration ne sont pas moins dignes que les autres (Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et que la dignité n'est pas une appréciation de soi.
... une appréciation de soi ou une appréciation de la personne ? Pourquoi ces hommes et ces femmes, qui ont pu être torturés, connaître des situations atroces, n'ont-ils pas évoqué le suicide ? Cependant que nous, qui vivons dans une société d'opulence au sein d'un monde où nombre de pays luttent pour la survie , nous sommes en train de nous torturer pour savoir comment nous devons nous donner la mort
La question du passage de la vie à la mort est une question philosophique, éthique et médicale. C'est aussi une question personnelle, à laquelle chacun d'entre nous sera confronté. C'est, enfin, une question politique, et je suis de ceux qui considèrent qu'il appartient à la représentation nationale de s'en saisir et de dire ce qui est acceptable ou non par la société.
...i nous restons sur l'idée qu'il peut y avoir une solution ou un point de vue unique et meilleur que les autres, peut-être satisfaisons-nous à nos idées, à notre conviction, mais sans doute pas à notre responsabilité de dire le droit au nom de la représentation nationale. Nous avons, les uns et les autres, j'en suis sûr, un point de vue personnel sur la façon dont nous envisageons la maladie et la mort. Mais si ce point de vue doit nous influencer, il ne peut pas nous dicter notre attitude en tant que législateur, dès lors que nous n'agissons pas pour nous-mêmes, mais pour la collectivité et pour la société. C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles je n'ai pas souhaité cosigner la proposition déposée par mes amis du groupe SRC, pour lesquels évidemment j'éprouve par ailleurs la plus ...
...raitement et la précision donnée à la notion de sédation, il n'y aurait plus d'opposition entre les partisans de la liberté et les partisans d'un principe, entre les partisans du droit à mourir et ses adversaires. La frontière devient de plus en plus floue entre les solutions qu'il faut chercher et appliquer face à une situation terrible, personnelle, spécifique qui est celle du patient face à la mort, de la famille face au malade, au médecin et à la mort. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas souhaité signer cette proposition de loi, même si j'éprouve de la sympathie à son égard. Il y a une seconde raison à ma position. J'ai déposé, de mon côté, une proposition de loi que j'ai signée seul, demandant la mise en place d'une exception d'euthanasie, c'est-à-dire visant à apporter une solutio...
La question qui nous est posée n'est pas de savoir si nous devons franchir la frontière, le Styx, si j'ose dire, mais de savoir comment nous pouvons aider nos congénères à appareiller. Nous savons tous que le mort est la règle qui s'appliquera à nous. Je considère que l'aide à mourir, dans ces conditions, doit rester l'exception. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe UMP.)
...s de s'exprimer pleinement et partout. C'est loin d'être le cas. C'est pourtant à cette exigence qu'il faut impérativement répondre, Le 16 septembre 2008, devant la mission d'évaluation de la loi de 2005, Robert Badinter rappelait que « le droit à la vie est le premier des droits de tout être humain » et « qu'il ne saurait en aucune manière se départir de ce principe ». Il ajoutait : « Donner la mort à autrui parce qu'il la réclame, je n'irai jamais dans cette direction ! » C'est aussi, à mon sens, ce que dit autrement le philosophe Lucien Sève, lorsqu'il écrit : « la libre volonté du sujet ne crée d'obligation éthique pour la collectivité que sous la condition d'être universalisable. » Je partage totalement cette conviction et cette détermination, auxquelles font écho celles de nombreux aut...
...t, ce qui est plus délicat encore, aux malades mentaux. Nous sommes tous ici fondamentalement animés par le même souci du respect de la personne humaine, de sa dignité et de sa liberté et c'est aussi pour cela que je voudrais convaincre qu'il est des libertés liberticides. Dans leur exposé des motifs, nos collègues évoquent le souhait de personnes qui, ignorant Homère, pour qui le sommeil et la mort sont des frères jumeaux, refuseraient d'être plongées dans le coma bien qu'elles jugent insupportables leurs souffrances physiques ou psychiques. Mais faut-il que la loi s'adapte à la diversité des volontés individuelles ? Le prolongement du droit liberté par le droit créance, autrement dit le passage du « droit de » au « droit à » que la société doit satisfaire, participe des avancées de civili...
...et personne n'a la vraie vérité. Le mot « euthanasie » est d'ailleurs rempli d'ambiguïtés. Comme le disait un philosophe, les mots ont d'autant plus de sens qu'ils prêtent à contresens. Euthanasie, est-ce le refus de l'acharnement thérapeutique ? Nous y sommes alors favorables, bien entendu. Comment voulez-vous qu'on accepte de poursuivre les soins quand un malade est en train de mourir, que la mort gagne, que la vie s'éteint, s'en va ? Nous avons maintenant l'obligation, mais faut-il parler d'obligation en médecine, nous avons le devoir d'éviter qu'il souffre, et nous avons depuis longtemps à notre disposition des produits qui permettent d'éviter la souffrance et qui se sophistiquent année après année, qu'il s'agisse de souffrance physique mais aussi de souffrance morale. L'ambiguïté est l...
...e seul moyen d'échapper à l'acharnement thérapeutique. Les malades doivent pouvoir d'abord recevoir des soins appropriés. Ce serait enfin un échec social. Accepter l'euthanasie reviendrait à consacrer au rang de valeur suprême l'individualisme dont notre société souffre tant. Cela signifierait prendre acte que notre société est incapable de se mobiliser pour accompagner les malades jusqu'à leur mort naturelle. Ce serait surtout injuste pour toutes les associations et les milliers de bénévoles qui soutiennent au quotidien les malades et qui ont besoin que les pouvoirs publics les accompagnent. Quel que soit le terme utilisé, l'euthanasie ou le suicide assisté est un drame. Au moment même où de nombreuses associations nous alertent sur le nombre grandissant des suicides, qu'avons-nous à propo...
...iques, témoignant de l'empathie de la représentation nationale pour toutes les personnes malades et leurs entourages qui souffrent. C'est ainsi qu'avec mes collègues radicaux de gauche, après nous être longuement entretenus avec notre ancien collègue, également ancien président de l'ADMD, Henri Caillavet, nous avons déposé le 17 juin dernier une proposition de loi instaurant le droit de vivre sa mort, avant que nos collègues socialistes déposent le mois dernier la présente proposition de loi relative au droit de finir sa vie dans la dignité. En dehors de quelques points de divergence, à commencer par leurs intitulés, ces deux textes sont très proches, et surtout ils poursuivent le même objectif : instituer le principe d'un droit à l'aide à mourir dans la dignité. J'espère surtout qu'aujourd'...