Le débat autour de cette proposition de loi relative au droit de finir sa vie dans la dignité est, vous le savez, hautement polémique. Il l'est d'autant plus que, permettez-moi de le dire, l'appellation même de cette proposition de loi est parfaitement cynique.
En réalité, le débat est doublement tronqué dès le départ.
Il l'est tout d'abord sur les termes.
Certains parlent de fin de vie dans la dignité, d'autres de suicide assisté, d'autres encore d'aide active à mourir, d'autres, enfin, comme c'est le cas dans l'avant-dernier article de cette proposition de loi, d'euthanasie. Les barrières sont minces, et nous nous devons de sortir de ces définitions jésuitiques. Il s'agit clairement de permettre à un tiers d'administrer à un malade un produit qui mettra fin à ses jours. On peut appeler cela comme l'on veut, qu'il y ait accord ou non du malade, il s'agit bien d'une euthanasie. Il s'agit donc aujourd'hui de s'exprimer sur le principe, et nous n'avons pas le droit de leurrer les Français sur ce que sous-entend cette proposition de loi.
Il l'est aussi sur la dignité humaine, et c'est bien là le fond du sujet.
En conjuguant les termes de dignité et d'euthanasie, c'est une conception bien basse de l'être humain qui est ici défendue. Notre dignité et l'usage de notre liberté nous imposent au contraire de prendre en charge les patients qui souffrent pour qu'ils n'en viennent pas à souhaiter mourir. C'est cela que nous dicte la dignité de l'être humain. C'est cela qui nous distingue de l'espèce animale.
Mettre fin à la vie d'une personne souffrante a toujours été la limite éthique que les civilisations occidentales se sont interdit de franchir. C'est d'ailleurs toujours interdit en temps de guerre. Devons-nous aujourd'hui l'autoriser en temps de paix ? Dans notre société ? Au coeur de nos familles ? Je ne le crois pas. Ce serait même un signe inquiétant de l'état de notre société.
En réalité, accepter de bafouer ainsi la dignité humaine serait un triple échec.
Ce serait d'abord un échec législatif.
La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie a été unanimement votée. Cette loi est adaptée aux situations concrètes. Elle permet de refuser, à raison, l'acharnement thérapeutique, c'est-à-dire le maintien artificiel de la vie qui ne donne qu'un sursis précaire et pénible pour le malade. Cette loi prévoit aussi un état des lieux et le développement des services de soins palliatifs, ce que réclame une grande majorité des Français, services sur lesquels il faut plus que jamais concentrer nos efforts. Accepter l'euthanasie reviendrait à aller en sens contraire des avancées qui ont été saluées par tous, et à créer de toutes pièces une grave incohérence législative.
Ce serait ensuite un échec médical.
La recherche médicale avance. Elle a besoin d'être soutenue et encouragée. Nous devons proposer aux malades non pas une solution pour mourir mais des remèdes pour guérir. Pour un grand nombre de maladies, considérées jusqu'à présent comme incurables, on trouve aujourd'hui des pistes encourageantes et parfois des moyens de guérison. Nous n'avons pas le droit d'hypothéquer la recherche médicale, de court-circuiter les avancées des chercheurs. Nous n'avons pas le droit de proposer une solution radicale sans avoir exploré toutes les autres solutions. L'euthanasie n'est pas le seul moyen d'échapper à l'acharnement thérapeutique. Les malades doivent pouvoir d'abord recevoir des soins appropriés.
Ce serait enfin un échec social.
Accepter l'euthanasie reviendrait à consacrer au rang de valeur suprême l'individualisme dont notre société souffre tant. Cela signifierait prendre acte que notre société est incapable de se mobiliser pour accompagner les malades jusqu'à leur mort naturelle. Ce serait surtout injuste pour toutes les associations et les milliers de bénévoles qui soutiennent au quotidien les malades et qui ont besoin que les pouvoirs publics les accompagnent.
Quel que soit le terme utilisé, l'euthanasie ou le suicide assisté est un drame. Au moment même où de nombreuses associations nous alertent sur le nombre grandissant des suicides, qu'avons-nous à proposer ? Une seule chose : réglementer cette mort brutale et délibérée. Bon nombre de malades qui demandent l'euthanasie changent d'ailleurs totalement de point de vue lorsqu'ils sont médicalement mais aussi humainement pris en charge. Il n'y a pas de solutions miracles, et certainement pas de solutions simplistes, contrairement à ce qu'insinue cette proposition de loi.
Je voudrais terminer en évoquant le comble du cynisme de ce texte, qui est de demander aux médecins de mettre la main à la pâte et, en réalité, de faire les basses besognes.
Ce que vous demandez là, mesdames, messieurs, est totalement contraire à l'esprit dans lequel les soins sont apportés aux hommes depuis l'Antiquité. C'est notamment totalement contraire au serment d'Hippocrate, qui impose aux médecins de ne pas provoquer la mort délibérément.
L'acharnement thérapeutique n'est pas une solution. L'euthanasie non plus.
En demandant à la représentation nationale de débattre sur cette proposition de loi, on ne fait qu'instrumentaliser des drames humains et les milliers de malades qui sont attachés à la vie. On se sert d'eux pour franchir de nouvelles portes, parmi lesquelles un nouveau droit pour eux, celui de mourir à la demande. Ce n'est pas ce que les Français attendent des élus de la République. Ce n'est certainement pas une proposition responsable, ni sur le fond ni sur la forme. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Le 30/11/2009 à 15:04, Vendéen a dit :
Pour retrouver cette intervention en vidéo, voir http://mpf-gironde.hautetfort.com/archive/2009/11/30/projet-de-loi-sur-l-euthanasie-intervention-de-la-depute-mpf.html
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