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Nous sommes face à deux projets de société. L'un relève d'une « société des individus » qui ont pour devise : « c'est mon choix ». C'est une société du repli, qui refuse les règles générales et l'idéal (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et qui dit : « je choisis, dans la carte des valeurs, celle qui me convient ». C'est une société qui répond à une éthique d'autonomie respectable, mais qui réclame paradoxalement que la décision individuelle soit assumée par le groupe Il y a une autre société, celle que nous appelons probablement tous de nos voeux, une société affirmant que la personne humaine ne se décline pas en fonction de sa force, que le nouveau-né, le mourant, le mendiant, l'homme mort dans les camps de concentration ne sont pas moins dignes...
La question du passage de la vie à la mort est une question philosophique, éthique et médicale. C'est aussi une question personnelle, à laquelle chacun d'entre nous sera confronté. C'est, enfin, une question politique, et je suis de ceux qui considèrent qu'il appartient à la représentation nationale de s'en saisir et de dire ce qui est acceptable ou non par la société.
...r rappelait que « le droit à la vie est le premier des droits de tout être humain » et « qu'il ne saurait en aucune manière se départir de ce principe ». Il ajoutait : « Donner la mort à autrui parce qu'il la réclame, je n'irai jamais dans cette direction ! » C'est aussi, à mon sens, ce que dit autrement le philosophe Lucien Sève, lorsqu'il écrit : « la libre volonté du sujet ne crée d'obligation éthique pour la collectivité que sous la condition d'être universalisable. » Je partage totalement cette conviction et cette détermination, auxquelles font écho celles de nombreux autres philosophes, juristes, et de la plupart des médecins que nous avons entendus. Pour ces mêmes raisons, je ne pourrai voter cette proposition de loi. Je refuse d'inscrire dans notre droit que la mort puisse être rangée ...
...dignité. Sachons accueillir tous ces malades, et c'est la raison pour laquelle existent les unités de soins palliatifs. Si j'avais été à la place de Mme Humbert, peut-être aurais-je eu le courage de faire la même chose, mais j'aurais certainement demandé à être jugé, pour être réinséré dans la société. Une société doit en effet avoir des repères. Si on les supprime, nous allons vers une anarchie éthique épouvantable. Vous avez pris des exemples en Allemagne, en Hollande, en Belgique et dans d'autres pays. Ces exemples ne sont pas très bons car ils sont justement remis en question. De plus, faut-il absolument aller dans le sens du moins-disant éthique ? Ce n'est pas parce que l'Allemagne, la Hollande ou la Belgique ont pris une certaine position que nous sommes forcés de les imiter quand nous co...
...tion bien basse de l'être humain qui est ici défendue. Notre dignité et l'usage de notre liberté nous imposent au contraire de prendre en charge les patients qui souffrent pour qu'ils n'en viennent pas à souhaiter mourir. C'est cela que nous dicte la dignité de l'être humain. C'est cela qui nous distingue de l'espèce animale. Mettre fin à la vie d'une personne souffrante a toujours été la limite éthique que les civilisations occidentales se sont interdit de franchir. C'est d'ailleurs toujours interdit en temps de guerre. Devons-nous aujourd'hui l'autoriser en temps de paix ? Dans notre société ? Au coeur de nos familles ? Je ne le crois pas. Ce serait même un signe inquiétant de l'état de notre société. En réalité, accepter de bafouer ainsi la dignité humaine serait un triple échec. Ce serait ...
... la majorité, en tout cas un certain nombre d'entre eux, s'associeront à notre démarche et permettront l'adoption de cette proposition de loi. Car désormais notre société est prête, et il revient au législateur de prendre ses responsabilités. C'est au Parlement, et à lui seul, qu'il revient d'instaurer, au-delà des clivages politiques traditionnels, le droit de vivre sa mort. C'est une question d'éthique et, pour chacun d'entre nous, ni plus ni moins qu'une question de conscience. Pour quelles raisons faudrait-il encore attendre ? Ces questions ne cessent de revenir avec acuité dans le débat public depuis plus de trente ans. Comme nous l'indiquions dans l'exposé des motifs de notre texte, la première proposition de loi sur le sujet date d'avril 1978 ; elle avait été déposée par le sénateur radic...
...a diversité des auditions, la qualité des informations, l'oubli des attaches partisanes dans les échanges laissent dans mon souvenir l'exemple de l'excellence d'un travail parlementaire. Nous avions pris en considération les deux confrontations qui nourrissent ce débat : celle des philosophies ou des croyances, bien sûr, mais aussi celle des évolutions scientifiques ou techniques face aux valeurs éthiques d'une société. Cet équilibre a été pleinement réalisé par la loi de 2005, notamment en trouvant un juste milieu entre les deux écueils de l'acharnement thérapeutique et de l'aide active à la mort. Le rapport de la mission d'évaluation de décembre 2008 ne le remet pas en cause ; il déplore seulement les imperfections de sa mise en oeuvre. Ce qui caractérise au contraire la démarche de la revend...
...éluctable. Selon les sondages, 75 % à 86 % des Français attendent ce progrès. Pourquoi le retarder encore ? Il ne s'agit pas d'avoir une vision pessimiste de l'homme ou de la vie comme l'exprimait Montaigne lorsqu'il qualifiait la mort « d'unique port des tourments de cette vie » mais, au contraire, d'élever notre idée de la dignité humaine et de la liberté. Il ne s'agit pas non plus d'opposer l'éthique de la vulnérabilité à l'éthique de l'autonomie. Il n'est en effet pas question de forcer quiconque à subir ou à participer à cette fin de vie organisée. Il importe seulement de respecter le libre choix de chacun.
...2005 en instaurant un véritable droit à la mort, condamné par la Cour européenne des droits de l'homme. Si cette proposition de loi soulève une vraie question, celle de l'accompagnement de la fin de vie, elle y apporte, à mon sens, une mauvaise réponse en proposant ni plus ni moins une légalisation de l'euthanasie dans notre pays. La porte qui serait ainsi ouverte me semble dangereuse sur le plan éthique, moral et philosophique. Les dispositions de la loi du 22 avril 2005, complétées par le décret en Conseil d'État sur la sédation d'accompagnement, permettent déjà de prendre en compte l'ensemble des situations de fin de vie en proscrivant l'obstination déraisonnable, en autorisant l'arrêt de traitement, y compris au risque de raccourcir la vie, et en mettant en place une sédation d'accompagnemen...
Quelle vision de l'homme propage-t-on lorsqu'on établit implicitement une hiérarchie entre les vies qui valent la peine d'être vécues et celles qui ne le valent pas ? Ce sont des questions qui méritent d'être posées. Enfin, la notion de dignité soulève une difficulté juridique. En effet, cette notion est inscrite dans le bloc de constitutionnalité depuis la décision de 1994 sur la loi de bioéthique. Notre droit dans beaucoup de ses codes contient un principe qui a presque valeur de principe général : personne ne peut renoncer au droit qui est le sien. Cela vaut en droit du commerce ou en droit du travail où même la volonté de celui qui est sujet de droit ne peut pas conduire à ce qu'il en soit départi, quand bien même il l'exprimerait de manière consentie, éclairée, libre, et sans subi...
... années, tous les groupes. Ce ne sont pas les clivages politiques traditionnels qui se dessinent : les interventions d'Henriette Martinez, de Gaëtan Gorce et de Michel Vaxès l'ont bien montré. Je voudrais répondre à quelques arguments, même si nous aurons aussi l'occasion de débattre des articles. Madame la ministre, vous dites qu'on ne saurait admettre l'idée de donner la mort pour des raisons éthiques ou juridiques j'imagine que vous y reviendrez dans un instant. Mais cela s'oppose à la prise en compte de certaines situations de souffrance, admises par la loi de 2005. Une étude publiée en 1999 estime que 20 % des décisions de limitations ou d'arrêts de traitements actifs sont des « injections avec intentionnalité de décès ». Vous reconnaissez vous-même, madame la ministre, les équivoques d...
Je voudrais conclure sur l'un des autres débats, soulevé cette fois par Jean Leonetti, et sur sa logique fondée sur l'opposition de deux démarches : l'éthique de l'autonomie et l'éthique de la vulnérabilité. Je souhaite rappeler qu'il paraît pour le moins réducteur est-ce d'ailleurs à la hauteur du débat qui a lieu dans cet hémicycle sur ce sujet, depuis plusieurs années ? d'assimiler la position que nous défendons, qui est de fait celle de la création d'un droit nouveau pour l'individu, à une démarche qui se contenterait d'un « c'est mon choix »....
...s il y a quelques instants avec Mme Martinez ne modifiait profondément le texte. Oui, c'est un débat de société. Les uns craignent que la liberté concédée n'entraîne des dérives dont pâtiraient les plus faibles. Les autres placent au contraire l'autonomie au-dessus de ce souci de protéger les plus vulnérables. Pour autant, ces valeurs ne sont pas contradictoires, et c'est pourquoi il y a débat éthique. Je ne comprends donc pas que l'on passe ainsi du tout au rien, alors que nous aurions pu poursuivre le débat, qui est la véritable source de richesse. C'est grâce à l'écoute de l'autre qu'aujourd'hui Michel Vaxès, Gaétan Gorce et moi-même avons tenu à peu près le même discours : en effet, depuis quatre ans nous travaillons ensemble et nous rencontrons des personnes qui nous apportent des points ...