Déposé le 21 novembre 2011 par : M. Tardy, M. Dionis du Séjour.
À l'alinéa 2, substituer aux mots :
« avant le 18 juin »,
les mots :
« après le 16 mai ».
L'article 5-II du projet de loi a pour effet de rendre applicable la Décision n° 11 modifiée de la Commission copie privée à toutes les actions contentieuses engagées avant le 18 juin 2011, à l'exception de celles ayant donné lieu à jugement passé en force de chose jugée. Telle quelle, cette disposition est, dans sa généralité, clairement contraire aux engagements internationaux de la France souscrits dans la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH)
Sur le fondement de l'article 6 § 1 de la CEDH, la Cour européenne des droits de l'Homme estime que « le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 s'opposent, sauf pour motifs impérieux d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire du litige »
Au cas précis, l'ingérence du pouvoir législatif dans le dénouement judiciaire d'actions contentieuses en cours est manifeste. A la suite de la décision du Conseil d'Etat du 17 juin 2011 (CE, Canal + Distribution et autres), tous les actes pris sur le fondement de la Décision n° 11 sont réputés dépourvus de base légale - pour toutes les actions contentieuses engagées contre ces actes avant le 17 juin 2011, comme le reconnaît d'ailleurs l'exposé des motifs du projet de loi. Or l'article 5-II du projet de loi a un effet incontestable sur les litiges en cours, dès lors qu'il redonne une base légale à ces actes et prive les recours de toute chance de succès.
La Cour européenne des droits de l'Homme autorise toutefois une telle ingérence pour les seuls « motifs impérieux d'intérêt général. » Si la Cour de Strasbourg a reconnu que pouvait constituer une impérieuse justification d'intérêt général la volonté du législateur de « combler un vide juridique […] exploité par les requérants » qui « ont tenté de bénéficier d'un "effet d'aubaine" dû à la carence du pouvoir réglementaire » cette exception est envisagée de manière restrictive.
Au cas présent, l'effet d'aubaine invoqué par le projet de loi n'est nullement établi au regard de la jurisprudence de la CEDH. Il n'y a pas de carence du pouvoir réglementaire ni de vide juridique créé par la réserve des actions engagées prévue à l'article 4 du dispositif de l'arrêt du 17 juin 2011 : les tarifs résultant des décisions antérieures (n°3 à 6) devraient en effet trouver à s'appliquer dans le cadre de ces actions.
En tout état de cause, à supposer qu'un effet d'aubaine puisse être identifié au regard de la CEDH, il ne saurait concerner, tout au plus, que les actions contentieuses engagées à partir du 16 mai 2011. En effet, il est nécessaire de distinguer les actions engagées avant l'audience du Conseil d'Etat, tenue le 16 mai 201, portant sur la Décision n° 11 et celles introduites entre la date d'audience et la date de lecture de l'arrêt, soit le 17 juin 2011. Dès lors que le rapporteur public concluait à l'audience à l'annulation de la Décision n°11, certains requérants, voire des tiers aux recours devant le Conseil d'Etat, ont pu engager à partir de cette date des contentieux afin d' « exploiter la situation vulnérable où se trouvaient les pouvoirs publics ».
En revanche, en aucun cas les parties ayant engagé, avant la date de l'audience de jugement de la Décision n°11 par le Conseil d'Etat, des actions contentieuses fondées sur l'illégalité de ladite décision ne peuvent se voir reprocher la recherche d'un effet d'aubaine au sens de la CEDH.
Il convient ainsi, à tout le moins, de remplacer à l'article 5-II les termes « avant le 18 juin » par « après le 16 mai ». Cette disposition neutraliserait les seules actions introduites entre la séance de jugement et la lecture de l'arrêt du Conseil d'Etat.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.