Déposé le 15 avril 2011 par : M. Cahuzac.
L'article 40 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 40. - Les propositions et amendements déposés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique.
« Cette recevabilité est appréciée par le président de l'assemblée saisie, à la demande du Gouvernement.
« Peuvent être opposées, dans les mêmes conditions, les dispositions organiques mentionnées aux dix-huitième et dix-neuvième alinéas de l'article 34. ».
Innovation de la Constitution de 1958, l'article 40 devait, en plaçant les parlementaires sous curatelle, garantir l'État contre leur gabegie supposée et assurer une gestion rigoureuse des finances publiques. L'histoire de la Vème République - et, singulièrement, ce projet qui préfère inscrire dans la Constitution une règle d'équilibre des finances publiques - témoigne du peu d'efficacité de cette disposition.
Pourtant, aujourd'hui encore, la recevabilité financière est tenue par ses défenseurs pour un ressort déterminant de notre équilibre institutionnel. Elle participerait, au même titre que le vote bloqué ou l'engagement de responsabilité sur un texte, des mécanismes du parlementarisme rationalisé qui confèrent au Gouvernement la maîtrise de l'activité législative. Une abrogation suscite donc encore - c'est regrettable - de fortes résistances, comme en témoignent les débats à l'Assemblée nationale et au Sénat sur les amendements déposés lors de la dernière révision constitutionnelle par nos collègues Didier Migaud et Jean Arthuis.
C'est pourquoi le présent amendement propose de ne pas remettre en cause la règle posée à l'article 40 de notre Constitution. Il s'attache, en revanche, à adapter la procédure de contrôle de la recevabilité financière aux modifications intervenues depuis 2008, afin d'éviter que celle-ci ne pèse excessivement sur l'initiative parlementaire.
La pratique actuelle aboutit à empêcher non seulement l'adoption des propositions et amendements irrecevables, mais également le dépôt, la publication et le débat. La délégation du bureau de l'Assemblée, chargée d'apprécier la recevabilité des propositions de loi, est ainsi contrainte de contrevenir à la lettre de l'article 40, en autorisant le dépôt de textes créateurs de charge publique, dans le but de conserver un peu de souplesse. Il est proposé, à l'alinéa 2, de régulariser cette pratique, en reportant le contrôle de recevabilité après le dépôt.
Le report du contrôle permet également de prévenir l'effet rigoureux de la combinaison de l'article 40 et du monopole reconnu par le présent projet aux lois financières. En effet, les amendements diminuant une ressource publique sont aujourd'hui recevables à condition de comporter un gage, qui prend systématiquement la forme d'une compensation de nature fiscale. Avec l'introduction du monopole, ces amendements seraient désormais irrecevables en loi ordinaire - à cause de leur gage - même si leur dispositif n'entre pas dans le champ fiscal. La modification proposée autorisera leur dépôt et leur publication ; il reviendra au Gouvernement de faire constater leur irrecevabilité, s'il entend également faire obstacle à leur discussion.
Mis en place à l'Assemblée nationale depuis 1959 et au Sénat depuis 2007, ce contrôle de la recevabilité est opéré au sein du Parlement, par le Président de la commission des finances sur délégation du Président de l'assemblée saisie. Il est plus surprenant, au regard de l'équilibre de nos institutions, qu'il soit également mis enoeuvre de la propre initiative des parlementaires, alors que son effet est de contraindre l'initiative d'autres parlementaires au profit du Gouvernement.
L'autocensure à la base de ce mécanisme peut susciter des réticences. Or ce contrôle est partagé, depuis 2008, entre les différents présidents de commission saisies au fond et le Président de la commission des finances sur délégation du Président de l'assemblée ; des mécanismes de consultation existent mais ils ne sont pas systématiquement mis enoeuvre. Il existe donc un risque de divergences d'appréciation au sein d'une même assemblée et, a fortiori, entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
L'intention de l'auteur (alinéa 3 de l'amendement) est de substituer au contrôle automatique actuel un contrôle sur évocation, dont l'initiative appartiendrait à un acteur unique - le Gouvernement - mais dont la mise enoeuvre continuerait à relever du Parlement. Concrètement, l'appréciation de la recevabilité relèverait du Président de l'assemblée saisie qui déciderait, en cas de doute, après avoir consulté le Président de la commission des finances, comme le prévoit déjà l'article 89 (dernière phrase de l'alinéa 3) du Règlement de l'Assemblée.
Il est enfin proposé, à l'alinéa 4, de prévoir dans le texte constitutionnel que le contrôle de la recevabilité financière englobe le contrôle des cavaliers budgétaires et sociaux, sur le fondement des lois organiques relatives aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Il y aurait donc une procédure unique de contrôle.
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