Déposé le 28 janvier 2010 par : M. Carrez, M. Martin-Lalande.
I. - Au 1° du 1 du III de l'article 220 terdecies du code général des impôts, le montant : « 150 000 euros » est remplacé par le montant : « 100 000 euros ».
II. - Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
III. - La perte de recettes pour l'État est compensée par la création à due concurrence d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Le dispositif du crédit d'impôt en faveur de la création de jeux vidéo (CIJV), qui a mis plusieurs années avant d'être retenu au niveau français et au niveau européen, a été construit en fonction de ce qu'était le jeu vidéo il y a 4 ou 5 ans: un produit vendu sur support physique. Depuis, le jeu vidéo est de plus en plus produit et commercialisé non plus sur support physique mais directement en ligne. Il nous faut donc adapter le dispositif du CIJV à l'évolution technologique afin de ne pas pénaliser l'industrie française du jeu vidéo pour son développement sur le nouveau marché le plus prometteur du jeu vidéo. C'est ce que les grands pays concurrents de la France (Canada, Corée ...) ont fait.
Le présent amendement a pour objet de redéfinir le montant minimum des budgets de production requis pour l'éligibilité des projets au CIJV, afin de tenir compte de l'évolution structurelle du marché du jeu vidéo vers le jeu en ligne et de rétablir une égalité de traitement entre la forme ancienne du jeu vidéo sur support physique et cette nouvelle forme du jeu vidéo.
Alors que cet amendement avait été adopté par l'Assemblée nationale - lors de l'examen en commission puis lors de la discussion en séance publique du projet de loi de finances rectificative pour 2009 -, le Sénat l'a ensuite supprimé au motif que « les dispositifs d'encouragement fiscal n'ont pas systématiquement vocation à être recalibrés en fonction des aléas de la conjoncture économique » et que, « si l'on assiste au développement de produits dématérialisés et moins coûteux, c'est bel et bien que ces produits n'ont pas besoin d'avantage fiscal pour prospérer. »
Ces deux arguments avancés au Sénat lors de l'examen du PLFR 2009 ne sont pas fondés.
Premièrement, si le dispositif CIJV doit être adapté, ce n'est pas pour tenir compte « des aléas de la conjoncture économique », mais c'est pour tenir compte de l'évolution structurelle du marché du jeu vidéo et des nouveaux modèles de production. Cette évolution structurelle du marché du jeu vidéo est double. D'une part, les productions commercialisées directement en ligne prennent une part grandissante du marché et elles représenteront plus de 50% du marché total du secteur en 2011. D'autre part, cette évolution entraîne une baisse des budgets de production. Ainsi, entre 2008 et 2009, les demandes de CIJV portant sur des productions dématérialisées ont doublé tandis que les budgets de production ont baissé en moyenne de 30%.
Nos studios de création, comme partout dans le monde, s'orientent vers des projets de jeux présentant de nouveaux modèles économiques. Les budgets de ces jeux destinés à une mise en ligne et/ou à une exploitation sur téléphone portable sont moins importants que ceux des jeux traditionnels. Le montant minimum de 150 000 euros qui était justifié pour les jeux sur support physique est inadapté aux jeux en ligne.
Deuxièmement, si le dispositif du CIJV doit être adapté, ce n'est pas parce que le jeu en ligne aurait « besoin d'avantage fiscal pour prospérer », mais c'est pour préserver une égalité de traitement entre la forme ancienne (support physique) et la forme nouvelle (en ligne) du jeu vidéo. Si on maintient la loi dans son état actuel, seules les productions au budget élevé pourront bénéficier du CIJV. Cette discrimination serait contraire à l'esprit dans lequel le législateur a institué ce soutien à l'industrie du jeu vidéo - sans bien sûr vouloir le limiter à une forme technologique.
Au final, l'enjeu est le suivant: le législateur souhaite-il que la production du premier loisir culturel des Français - pratiqué par plus de 22 millions de joueurs - soit délocalisée en Amérique du Nord ou en Asie? Pour mémoire, le secteur du jeu vidéo français a déjà perdu en 10 ans la moitié de ses effectifs (soit 5 000 emplois) qui se sont principalement expatriés au Canada et en Corée. Alors que la France a encore perdu 10% de ses effectifs du secteur au dernier trimestre de l'année 2009, la province canadienne du Québec a, dans le même temps, réussi à implanter plus de 1 000 emplois. Rappelons que produire un jeu vidéo en France coûte toujours jusqu'à 50% plus cher qu'au Canada par les effets combinés de l'incitation fiscale canadienne et d'un euro fort.
Face à cette évolution, il y a urgence à adapter le dispositif du CIJV afin qu'il continue d'être utile pour maintenir les activités et les emplois en France, et qu'il permette l'émergence en France des nouveaux champions mondiaux du jeu en ligne.
Dans le domaine du numérique, la réactivité est la condition permanente du succès! C'est vrai aussi pour la réactivité de l'État face aux changements technologiques, économiques et culturels du jeu vidéo.
C'est pourquoi cet amendement fixe à 100 000 euros, au lieu de 150 000, le montant minimum des budgets de production requis pour l'éligibilité des projets au CIJV.
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