Déposé le 28 janvier 2010 par : M. Carrez, M. Martin-Lalande.
I. - Le IV de l'article 220 terdecies du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 3. - Pour les jeux vidéo mis à la disposition du public en ligne, la période prise en compte pour l'éligibilité des dépenses de création s'étend jusqu'à vingt-quatre mois après la mise en ligne effective du produit. »
II. - Les dispositions du I du présent article ne sont applicables qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
III. - La perte de recettes pour l'État est compensée par la création à due concurrence d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Le dispositif du crédit d'impôt en faveur de la création de jeux vidéo (CIJV), qui a mis plusieurs années avant d'être retenu au niveau français et au niveau européen, a été construit en fonction de ce qu'était le jeu vidéo il y a 4 ou 5 ans: un produit vendu sur support physique. Depuis, le jeu vidéo est de plus en plus produit et commercialisé non plus sur support physique mais directement en ligne. Les productions commercialisées directement en ligne représenteront plus de 50% du marché total du secteur en 2011. Il nous faut donc adapter le dispositif du CIJV à l'évolution technologique afin de ne pas pénaliser l'industrie française du jeu vidéo pour son développement sur le nouveau marché le plus prometteur du jeu vidéo. C'est ce que les grands pays concurrents de la France (Canada, Corée ...) ont fait.
Le présent amendement a pour objet de rendre éligibles au CIJV les dépenses de production réalisées, dans le cas spécifique d'un jeu en ligne, après la mise à disposition effective au public, afin de tenir compte de l'évolution structurelle du marché du jeu vidéo vers le jeu en ligne et de rétablir une égalité de traitement entre la forme ancienne du jeu vidéo sur support physique et cette nouvelle forme du jeu vidéo.
Pour mémoire, à la différence du jeu vidéo traditionnel, il n'existe pas dans le jeu vidéo en ligne de support physique permettant de matérialiser la mise à disposition auprès du public. La commercialisation se fait donc par une « mise en ligne » publique qui intervient après plusieurs phases de montée en charge de l'utilisation du jeu vidéo sur les réseaux et qui doit intervenir le plus tôt possible afin de « tester » le jeu et ses mécanismes d'interactivité auprès du public. À partir de cette date, les producteurs continuent les actions de production consistant dans l'enrichissement permanent des contenus, les corrections de dysfonctionnement, etc.
Dans ce contexte, alors que le dispositif actuel du CIJV considère que la mise en ligne effective auprès du public clôt la période de prise en charge des dépenses de production au titre du crédit d'impôt, le présent amendement propose, dans le cas spécifique des jeux en ligne, que cette période soit étendue pendant 24 mois après la mise en ligne effective du produit. Les dépenses de création engagées pendant cette période pourront ainsi être prises en compte dans le calcul du crédit d'impôt sur les dépenses de production globale.
Alors que cet amendement avait été adopté par l'Assemblée nationale - lors de l'examen en commission puis lors de la discussion en séance publique du projet de loi de finances rectificative pour 2009 -, le Sénat l'a ensuite supprimé au motif que « le dispositif proposé accroît une dépense fiscale » et qu'il « procède à une interprétation extensive des coûts de développement éligibles au crédit d'impôt ». Ces deux arguments avancés au Sénat lors de l'examen du PLFR 2009 ne sont pas fondés.
Premièrement, la prise en compte, dans le dispositif du CIJV, de la principale évolution structurelle du marché du jeu vidéo - la dématérialisation des productions (entre 2008 et 2009, les demandes de CIJV portant sur des productions dématérialisées ont doublé) - n'a pas pour effet d'accroître la dépense fiscale, mais bien de recentrer le dispositif autour des productions d'avenir pour l'industrie française du jeu vidéo. De telles productions constituent un fort potentiel d'emploi et de création de valeur en France, car les studios français sont réputés pour leurs capacités créatives et, par conséquent, recherchés sur ces nouveaux marchés.
Deuxièmement, ne pas prendre en compte la spécificité du jeu vidéo en ligne - le fait qu'en moyenne plus de 60% des dépenses de production sont réalisées après la mise en ligne effective au public - reviendrait à considérer qu'un jeu vidéo en ligne ne pourrait bénéficier de l'avantage fiscal du CIJV que sur 1/3 des dépenses de production, correspondant à la période avant sa mise en ligne. Il convient donc de rétablir une égalité de traitement entre la forme ancienne (sur support physique) et la forme nouvelle (en ligne) du jeu vidéo.
Au final, l'enjeu est le suivant: le législateur souhaite-il que la production du premier loisir culturel des Français - pratiqué par plus de 22 millions de joueurs - soit délocalisée en Amérique du Nord ou en Asie? Pour mémoire, le secteur du jeu vidéo français a déjà perdu en 10 ans la moitié de ses effectifs (soit 5 000 emplois) qui se sont principalement expatriés au Canada et en Corée. Alors que la France a encore perdu 10% de ses effectifs du secteur au dernier trimestre de l'année 2009, la province canadienne du Québec a, dans le même temps, réussi à implanter plus de 1 000 emplois. Rappelons que produire un jeu vidéo en France coûte toujours jusqu'à 50% plus cher qu'au Canada par les effets combinés de l'incitation fiscale canadienne et d'un euro fort.
Face à cette évolution, il y a urgence à adapter le dispositif du CIJV afin qu'il continue d'être utile pour maintenir les activités et les emplois en France, et qu'il permette l'émergence en France des nouveaux champions mondiaux du jeu en ligne.
Dans le domaine du numérique, la réactivité est la condition permanente du succès! C'est vrai aussi pour la réactivité de l'État face aux changements technologiques, économiques et culturels du jeu vidéo.
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