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Séance en hémicycle du 18 mars 2009 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • bouclier
  • relance

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009 (nos 1494, 1511).

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Jérôme Chartier, pour dix minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Monsieur le président, madame la ministre de l'économie, monsieur le ministre du budget, mes chers collègues, le groupe UMP votera ce projet de loi de finances rectificative pour deux raisons.

D'abord, nous avons la conviction qu'il s'inscrit dans le droit fil de tout ce qui a été entrepris pour faire face à la situation extrêmement difficile que notre pays connaît depuis plusieurs années.

Ensuite, ce sera l'occasion d'entamer un très grand débat, nourri par les propositions du Gouvernement et par celles que le groupe UMP compte soutenir.

Nous souhaitons vous faire part de plusieurs réflexions.

Premièrement, le Gouvernement, dans ce collectif budgétaire, continue de se montrer extrêmement sincère sur les chiffres d'une situation économique qui s'est incontestablement dégradée – même si nous espérons que cette dégradation sera la plus courte possible – et cela l'a conduit à revoir à la baisse les prévisions de croissance et les prévisions de recettes budgétaires, qui sont mécaniquement liées.

Le projet de loi de finances rectificative aggrave notablement la prévision de déficit, puisqu'elle s'établit à 103,8 milliards d'euros pour 2009. Ce niveau de déficit doit nous interpeller et je consacrerai l'essentiel de mon intervention à cette question.

Ce déficit entrave notre démarche de retour à l'équilibre des comptes publics : le volume en est si considérable que l'on peut avoir la tentation de douter de nos chances de succès. À cet égard, la composante psychologique ne doit pas être négligée : lorsque le Président de la République avait fixé dans son projet présidentiel cet objectif de retour à l'équilibre des comptes publics, il l'avait fait en prenant en compte un déficit de l'ordre de 35 à 40 milliards d'euros par année, et cette perspective de réduction paraissait donc tout à fait raisonnable. Aujourd'hui, en revanche, on peut avoir le sentiment que l'on ne parviendra jamais à triompher d'un déficit de 100 milliards d'euros.

De surcroît, nous devrons, à l'issue de la crise, que j'espère la plus courte possible, traiter un second problème : celui du remboursement de la dette ainsi constituée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Elle peut être remboursée, soit à une échéance relativement courte, de quinze ans par exemple, soit à plus long terme. Doit-on alors considérer de la même façon la dette exceptionnelle créée à l'occasion de cette crise économique sans précédent, comme conséquence du plan de relance, et la dette budgétaire récurrente – celle qui revient d'un budget à l'autre et que l'on cherche à réduire d'une année à l'autre ? Le moment ne serait-il pas plutôt venu de distinguer les deux ?

Pour ma part, je suggère la création d'une caisse spécifique : la caisse de remboursement du plan de relance. Il s'agirait d'abord d'identifier le déficit exceptionnel, spécifique, créé à l'occasion du plan de relance et, ensuite, de définir un traitement spécifique pour son remboursement. Nous pouvons imaginer d'étaler celui-ci sur de très nombreux exercices budgétaires, sur une période de cinquante années par exemple.

Quel en serait l'intérêt ? D'une part, celui de bien distinguer les deux déficits, et, d'autre part, d'amortir sur une plus longue durée cette dette, qui serait d'autant plus facile à assumer par la dépense publique.

Mes chers collègues, nous aurons besoin de poursuivre la réflexion, déjà menée en commission des finances, sur la façon de revenir à l'équilibre des comptes publics. Cet objectif inscrit dans le projet présidentiel doit en effet continuer de s'imposer à nous avec force, même si les Français s'attendent très logiquement à un report de sa réalisation, car nous aurons besoin, à terme, de retrouver des marges de manoeuvre.

En raison de l'importance de ce déficit au demeurant parfaitement légitime, les Français peuvent avoir le sentiment que nous ne maintenons plus cet objectif de retour à l'équilibre des comptes publics. Nous devons donc réaffirmer que la majorité, derrière le Gouvernement, saura non seulement toujours mobiliser les moyens nécessaires pour faire face à la crise économique sans précédent que nous connaissons, mais que nous saurons également veiller, une fois la crise économique terminée, au retour à l'équilibre des comptes publics, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

…et au traitement spécifique de cette dette, sur un plus long terme, par la création d'une caisse pour le remboursement du déficit consécutif au plan de relance.

Mme Lagarde et M. Woerth ont à plusieurs reprises trouvé les mots pour démontrer que les mesures contenues dans le projet de loi de finances rectificative étaient parfaitement adaptées à la situation. Le groupe UMP, par la voix de Gilles Carrez, notre rapporteur général, ainsi que de nombreux autres collègues, a pour sa part approuvé ces dispositions, qu'il s'agisse du plan « automobile » ou de ces mesures de justice qui permettront aux Français particulièrement touchés par la crise de passer cette épreuve difficile, en se sentant accompagnés et soutenus par le Gouvernement et sa majorité. L'exonération du deuxième tiers provisionnel, par exemple, allégera le choc trop rude de cette crise pour les familles modestes qui prennent leur part de l'effort fiscal en contribuant à l'impôt sur le revenu dans les tranches inférieures.

Les chiffres de la récession sont justes, disais-je. Mme Lagarde a souligné en commission des finances que, en ce qui concerne le deuxième semestre, les perspectives demeuraient assez floues pour nombre d'économistes. Les prévisions restent donc très prudentes, mais à la baisse et même nous n'hésitons pas à forcer le trait, pour ne pas sous-estimer les effets de la crise économique sur les recettes. S'il doit y avoir des surprises, elles ne peuvent dans ces conditions être que bonnes !

Le collectif budgétaire est extrêmement sincère. Il propose des solutions très justes, d'une part pour soutenir l'économie, et, d'autre part, pour soutenir les familles les plus exposées à la crise.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP soutient ce projet et rend hommage au travail accompli tant par Mme Lagarde que par M. Woerth pour élaborer ces mesures parfaitement en phase avec l'attente des Français. Il appuiera, bien évidemment, le Président de la République, le Premier ministre et le ministre en charge du plan de relance pour que ces mesures soient mises en oeuvre rapidement et produisent le plus vite possible des effets, en sorte que la France bénéficie au plus tôt de la relance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Madame la ministre, monsieur le ministre, au point où nous en sommes de notre débat, je ne vous ferai pas reproche de l'excessive prudence de ce second plan de relance. Nul doute qu'il pèche par l'insuffisance des moyens mobilisés, en particulier en faveur du soutien à la demande et au pouvoir d'achat. Mais là, me semble-t-il, n'est peut-être pas l'essentiel.

Ce dont je vous ferai reproche en revanche, c'est de ne pas assumer les raisons de cette prudence, et de ne pas permettre, par voie de conséquence, que s'engage un véritable débat sur les fondements de votre politique. Ces raisons, quelles sont-elles ? Et pourquoi éprouvez-vous tant de gêne à les assumer ?

Il est clair tout d'abord – je le dis pour le regretter – que le Gouvernement hésite sur la conduite à tenir. Il hésite parce qu'il redoute que la relance – qu'il prépare, qu'il annonce, qu'il prétend mettre en oeuvre – ne se fasse pour les autres, c'est-à-dire au bénéfice de nos partenaires – et aussi concurrents – européens. Cette crainte n'est certes pas dénuée de tout fondement. Mais on peut la trouver curieuse dans le contexte actuel. Elle revient en effet à admettre que l'Union et la zone euro abordent cette nouvelle phase de la crise en ordre dispersé, avec des politiques non coordonnées.

Mais n'était-ce pas la France qui exerçait la présidence de l'Union au cours du dernier semestre ? Le Président Sarkozy n'avait-il pas mis en scène un « plan de relance européen » ? Qu'en reste-t-il aujourd'hui ? La vérité, c'est que l'opinion semble avoir été victime d'une illusion économique et politique, et j'oserai dire d'une habile mais inacceptable manipulation médiatique.

Ce dont nous souffrons aujourd'hui, et qui explique votre prudence, explique du même coup que vous mobilisiez au service de la relance moitié moins que ne fait le gouvernement américain. Ce qui explique votre prudence et votre difficulté à l'admettre, ce n'est pas la réussite mise en scène, mais bien l'échec de la présidence française de l'Union européenne sur la question cruciale de la manière de coordonner l'action et les politiques des gouvernements européens.

De l'agitation déployée par le Président de la République, il ne reste, à l'heure des comptes, qu'une triste réalité : le chacun pour soi l'a emporté. Ce n'est pas moi qui le dis, mais tous ceux qui sont amenés à s'exprimer sur ces sujets – observateurs extérieurs du FMI, comme certains membres des différents gouvernements de l'Union européenne.

Dès lors, pourquoi ne pas redéfinir notre ambition européenne en la matière ? Pourquoi nous montrer, là aussi, si frileux sur les propositions que nous pourrions faire ? Je sais, madame la ministre, que vous avez été active lors des dernières rencontres sur les paradis fiscaux, que vous avez insisté pour que de nouvelles règles soient fixées, et nous ne pouvons que nous en réjouir. Mais voit-on, qu'il s'agisse de la fiscalité ou du soutien à des secteurs comme l'automobile, le début du commencement de l'esquisse d'une véritable coordination de ces politiques ? Et c'est cette absence de coordination qui nous pénalise aujourd'hui.

La seconde raison de votre frilosité est que vous considérez – à juste titre, d'ailleurs, me semble-t-il – que la crise n'a pas encore livré tous ses secrets. La situation de nos banques est peut-être à ce point dégradée, l'opacité de leurs comptes est en tout cas à ce point suspectée que perdure un déficit de confiance qui gèle le crédit et empêche toute reprise.

Comment expliquer autrement, alors que des milliards d'euros ont déjà été injectés, que le rythme de croissance du crédit ait diminué de moitié en janvier et en février par rapport au dernier trimestre de l'année passée ? Disons-le tout net : tant que la confiance ne sera pas rétablie dans la capacité de nos institutions de crédit à assumer pleinement leur rôle – et aussi leur passif –, il ne pourra pas y avoir de véritable redémarrage !

Pourquoi, dès lors, ne pas relever franchement le défi et donner l'exemple, ou plutôt suivre celui des Suédois et des Finlandais ? Pourquoi ne pas enclencher une nationalisation partielle, provisoire de nos institutions bancaires qui constituerait un formidable choc politique et financier de nature à recréer la confiance de la nation, mais aussi à faire école à l'échelle de l'Union européenne ?

Madame la ministre, monsieur le ministre, si je comprends votre prudence, je ne comprends pas votre attentisme, votre hésitation à agir, votre refus de vous situer à la hauteur des défis. Si vous ne tentez pas de relever celui d'une vraie coopération européenne, vous resterez empêtrés, et nous avec, dans les demi-mesures, les demi-plans de semi-relance. Et si vous ne vous décidez pas à prendre à bras-le-corps le problème de notre système de crédit, vous ne parviendrez pas à ressusciter la confiance sans laquelle ni la consommation ni l'investissement ne repartiront.

Ce que nous condamnons dans votre politique, c'est que vous abordez cette crise de biais, et non de front. Ce que notre économie et nos emplois paient comptant !

C'est d'ailleurs cette même prudence qui vous fait hésiter au seuil des changements que vous devriez apporter, par simple bon sens, à votre politique ; ces changements sont nécessaires simplement parce que cette politique ne correspond plus aux exigences du moment.

Comment, dans ces conditions, s'étonner de la colère qui gronde ? Le désenchantement social est alimenté non seulement par la crise économique, mais également par l'incapacité qui est la vôtre de faire comprendre ses enjeux et d'adapter vos dispositifs économiques et fiscaux à ses conséquences. Ainsi en va-t-il des heures supplémentaires : comment peut-on justifier qu'il soit plus facile de payer des heures supplémentaires que de financer une heure de travail normale ? Comment peut-on encourager les heures supplémentaires tout en prétendant vouloir défendre l'emploi ?

Et pour les mêmes raisons, pourquoi ne pas revenir sur le bouclier fiscal, comme vous y pousse une partie de votre majorité ? Comment ne pas voir que l'injustice ressentie de ce fait par nos concitoyens menacés dans leur emploi attise les tensions plus qu'elle ne les apaise ?

Pourquoi vous montrez-vous si timides face aux licenciements ? Au-delà de la réforme du chômage partiel, pourquoi ne pas tout entreprendre pour les prévenir et offrir aux entreprises et aux salariés de véritables alternatives ? Pourquoi l'imagination s'arrête-t-elle au seuil de la question sociale dans cette crise que nous devons affronter ? Pourquoi ne pas renforcer les compétences des comités d'entreprise et encourager la réduction du temps de travail, sur le mode défensif comme cela a été fait par le passé ?

Et pourquoi n'intervenez-vous pas de manière plus active sur le marché du travail, en particulier pour favoriser la formation et la reconversion des salariés ? Pourquoi ne pas élargir les conventions de reclassement personnalisé aux fins de CDD ou d'intérim ? L'on pourrait ainsi multiplier les exemples de ce qui donnerait à votre action un vrai contenu, un véritable équilibre, un indiscutable élan qui font défaut pour mobiliser ce pays et son opinion !

Loin de contribuer à apaiser les tensions sociales, votre politique contribue à les exacerber. Dès lors, il est légitime de se demander pourquoi, avec votre gouvernement, vous faites prendre tous ces risques au pays. Ne voyez-vous pas, à la veille de la journée du 19 mars, que par votre entêtement, vous risquez de faire basculer la France de la crise économique dans la crise sociale ? Nul ne peut le souhaiter et nul ne pourrait s'en réjouir. Mais il est un moment où trop d'approximations, trop de mépris aussi, trop d'indifférence, provoque des réactions qu'il devient difficile de maîtriser. Nous avons avec vous l'addition de la prudence économique et budgétaire, dont j'ai rappelé les contestables motivations, de l'attentisme social, que j'ai dénoncé, et de l'injustice fiscale, que Jean-François Copé vient encore de justifier par cette formule extraordinaire : « Ce pays a besoin des riches. » Et les autres ? Que peuvent-ils espérer des pouvoirs publics…

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

…en dehors de l'injustice qui préside à votre politique ? Cet ensemble constitue un redoutable mélange.

C'est faute d'avoir confiance dans votre politique, comme dans le leadership présidentiel, que des centaines de milliers de nos concitoyens seront demain dans la rue. Non qu'ils nient la crise – ils en connaissent au contraire trop bien les risques et, pour certains d'entre eux, déjà les tristes conséquences – mais parce qu'ils ne croient pas en votre action. Ils n'y croient pas parce qu'elle ne leur paraît ni adaptée, ni juste, ni efficace. Nul ne peut vous reprocher la crise dans laquelle nous sommes plongés. Vous êtes responsables, en revanche, de la manière dont vous la gérez. Les Français, demain – j'espère que vous saurez les écouter –, ne manqueront pas de vous le rappeler ! C'est, en tout état de cause, notre devoir de vous dire que les moyens que vous mobilisez, les propositions que vous faites sont insuffisantes pour relever les défis du moment, mais surtout pour redonner à nos concitoyens la confiance sans laquelle ce pays ne pourra pas retrouver l'élan par lequel il sortira de la crise : réformes de structure, réformes conjoncturelles, soutien au pouvoir d'achat, attention aux plus modestes, réforme fiscale qui corrige les injustices et les inégalités, voilà ce qui manque dans ce plan de relance. C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. François de Rugy, pour quinze minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons le deuxième collectif budgétaire de l'année, et le quatrième depuis le début de la session parlementaire. Certes, on pourrait considérer que c'est un exercice normal parce que la crise s'amplifie, mais cela sonne comme un aveu d'impuissance par rapport aux précédentes annonces et au plan de relance de 26 milliards d'euros.

Nous étions nombreux, sur les bancs de l'opposition mais aussi de la majorité, à souhaiter que vous complétiez votre plan centré exclusivement sur l'investissement par un plan visant également les revenus des ménages. Vous reconnaissez implicitement aujourd'hui que votre stratégie – que vous aviez présentée comme étant la seule possible – est, en fait, insoutenable. Il suffit de voir ce qui se passe dans les autres pays européens, mais aussi aux États-Unis pour se convaincre que c'est une nécessité sociale et économique de se préoccuper des revenus des ménages.

Il faut entendre la voix des entrepreneurs qui voient les carnets de commandes se vider. Il y a quelques jours, dans le journal Les Échos, le président de l'association d'entrepreneurs Croissance Plus, qui, d'ordinaire, ne vous est pas hostile, en appelait à un choc psychologique par une relance de la consommation. Il ne s'agit pas pour nous de défendre la consommation pour la consommation. En tant qu'écologistes, nous avons souvent dénoncé l'illusion de la croissance pour la croissance. Mais on ne peut nier qu'il y a un problème lorsque, pour des millions de personnes, la consommation signifie avant tout l'achat de produits de première nécessité et ce phénomène touche directement une part importante des classes moyennes.

À cet égard, je citerai l'exemple de Jacques dont il est fait état dans un article du journal Le Monde daté d'aujourd'hui. Ouvrier dans une usine de grues, il touchait 1 600 euros par mois. Il a trois enfants et sa femme est en congé parental. Ayant perdu une part de son revenu en raison de périodes de chômage partiel, il a environ 800 euros de crédits à rembourser – crédit immobilier et crédits à la consommation. Il a été obligé de déposer un dossier de surendettement et il est aujourd'hui privé de Carte bleue et de chéquier. Quand on parle des problèmes de revenu des ménages, quand on parle de relance de la consommation, voilà de quoi on parle !

J'essaie d'imaginer la réaction d'une personne comme Jacques et, de façon plus générale, celle de tous les Français qui sont dans une situation comparable au regard des mesures que vous proposez : 1,1 milliard d'euros pour 6 millions de contribuables de la classe moyenne et 450 millions d'euros – à peu de choses près la moitié – pour les 14 000 contribuables les plus fortunés. Une simple règle de trois permet de constater que cela correspond à un coup de pouce de 200 euros, en moyenne, pour six millions de contribuables et un cadeau fiscal de 32 000 euros, en moyenne, pour les ménages les plus fortunés. Il ne s'agit donc plus de justice, mais de décence ! Que pensera Jacques, cet ouvrier ? Que penseront les Français qui triment pour faire face à leurs obligations dans cette période de crise quand ils sauront que 834 contribuables ont reçu un chèque cadeau moyen de 368 000 euros, ce qui correspond au prix d'une maison neuve en vente dans une ville de province ?

La question du bouclier fiscal, et plus largement du paquet fiscal, est centrale car elle renvoie à la question du pacte républicain en cette période de crise. L'effort est-il partagé ou non ? Certains déjà très fortunés sont-ils à l'abri des efforts ou contribuent-ils à hauteur de leurs moyens ? Voilà les questions auxquelles nous devons répondre. C'est pourquoi nous soutiendrons tous les amendements qui visent à réduire, suspendre ou abroger ce bouclier fiscal inique.

Madame la ministre, monsieur le ministre, sortirez-vous de votre dogmatisme et accepterez-vous enfin d'entendre la voix de la sagesse ou, tout simplement, du bon sens ? Accepterez-vous, enfin, de soutenir les amendements qui ont été votés en commission ? Je parle ici avec d'autant plus de force que, sur ce sujet comme sur d'autres, nous prenons Nicolas Sarkozy, le Président de la République, en flagrant délit de mensonge. Il a ainsi affirmé, hier, qu'il n'avait pas été élu pour augmenter les impôts, ce qui est vrai, car aucune augmentation d'impôts ne figurait dans ses promesses électorales. En revanche, ce qui est faux, c'est qu'il aurait baissé les impôts. Il les a baissés pour quelques-uns, mais il les a augmentés pour le plus grand nombre. Votre Gouvernement a, en effet, consciencieusement accru la pression fiscale sur la très grande majorité des Français : vous avez créé les franchises médicales, vous avez instauré une taxe sur l'épargne populaire pour financer le RSA – dont les bénéficiaires du bouclier fiscal ont été exonérés –, ainsi qu'une taxe sur les cotisations de mutuelle – en ces périodes où la solidarité est nécessaire, c'est important pour beaucoup de nos compatriotes –, et enfin, cette incroyable taxe sur les factures de téléphone et d'Internet afin de financer le « caprice télévisuel » de Nicolas Sarkozy. Votre acharnement à maintenir, coûte que coûte, le bouclier fiscal est parfaitement cohérent avec votre refus, tout aussi entêté, de plafonner les salaires des dirigeants des entreprises, ne serait-ce que les entreprises aidées dans le cadre du plan de relance.

Tout comme le Président de la République, vous ne cessez de rappeler que vous avez demandé que, cette année, les dirigeants d'entreprises ne touchent pas de bonus, ce que vous appelez parfois la part variable de la rémunération des dirigeants – c'est par exemple ce que vous m'avez répondu, madame la ministre, lorsque je vous ai interpellée récemment lors d'une séance de questions au Gouvernement. Or, vous le savez, cela ne changera rien pour ces dirigeants grassement payés, car cette part variable est versée en cas de bons résultats, ce qui est tout de même peu probable en 2009. Pour mémoire, rappelons que les salaires de certains dirigeants de banques – pour ne parler que de ce secteur qui a été l'un des plus aidés par le plan de relance – ont atteint des montants faramineux. Le PDG de BNP Paribas, par exemple, a touché trois millions d'euros. Comment refuser d'entendre la colère qui monte dans le pays devant de telles injustices ? Pourquoi les politiques que nous sommes, parlementaires ou membres du Gouvernement, abdiqueraient-ils par avance et renonceraient-ils à toute mesure volontariste d'encadrement et de justice telles que celles qu'a proposées le président Obama aux États-Unis ?

Le problème n'est pas de savoir si on a le droit de gagner beaucoup d'argent en France, comme vous avez essayé de le dire tout à l'heure. Le problème, c'est que ces rémunérations n'ont plus rien à voir avec le travail réellement effectué. Certains apparaissent plus que jamais à l'abri de la crise et des efforts qu'elle implique. De l'indécence, on vire carrément au scandale quand il s'agit d'entreprises qui ont sollicité et reçu l'aide de l'État, c'est-à-dire l'aide des contribuables de France.

Il y a là des choix politiques très clairs. Après presque deux ans de gouvernement de François Fillon, on peut malheureusement dresser le premier bilan suivant : votre politique est non seulement injuste et se situe dans un mouvement, engagé depuis 2002, …

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

C'est une politique efficace !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

…de creusement des inégalités, toutes les statistiques de l'INSEE le confirment, mais elle est en outre inefficace, car on attend toujours que les riches que vous avez invités à revenir rapatrient leur fortune en France, madame la ministre.

Quand nous insistons pour l'abrogation du bouclier fiscal ou, à tout le moins, pour sa suspension pendant le temps de la crise, c'est aussi pour en finir concrètement avec cette inefficacité. C'est aussi pour cela qu'a contrario, nous sommes un certain nombre à proposer que tous les ménages bénéficient d'un doublement exceptionnel de la prime pour l'emploi. Cela procurerait des revenus supplémentaires à ceux qui en ont le plus besoin, et qui ne se réduisent pas aux bénéficiaires des minima sociaux comme vous le dites ces derniers temps. Arrêtons de creuser un fossé entre les bénéficiaires des minima sociaux et la classe moyenne ! Cherchons, au contraire, à réunifier la classe moyenne !

À cet égard, je m'attarderai un instant sur l'exonération de cotisations sociales pour les heures supplémentaires, une des mesures qui, selon vous, contribuerait à augmenter le pouvoir d'achat – je néglige l'exonération d'impôt : on a en effet constaté, à la lecture des chiffres que vous avez fournis, que cela ne représentait quasiment rien, ce dont on se doutait car les personnes concernées ne paient que peu d'impôt. Nous avons non seulement contesté la logique politique sous-tendant cette disposition, mais nous avons surtout alerté sur son danger économique et sur son peu d'efficacité. En période d'expansion, il peut y avoir là, peut-être, un élément de souplesse pour des entreprises rencontrant des difficultés à embaucher pour faire face à de brusques augmentations de commandes, mais nous nous trouvons aujourd'hui, tout le monde en convient, dans une situation exactement inverse. Il est donc logique de s'interroger sur l'efficacité d'une exonération de cotisations sociales qui a coûté, selon vos chiffres, plus de 4 milliards d'euros l'an dernier.

Sur ce point aussi, je voudrais vous inviter, comme d'autres, à sortir d'une sorte de dogmatisme, de ce discours sur le « travailler plus pour gagner plus » qui apparaît complètement décalé quand la grande question est de ne pas gagner encore moins ou, tout simplement, de continuer à travailler. Nous proposons au contraire que soient étudiées concrètement, entreprise par entreprise, des mesures d'aménagement et de réduction du temps de travail pour éviter les licenciements. Vous nous ressortirez sans doute votre discours apocalyptique sur les 35 heures, mais vous aurez bien tort. Souvenez-vous que c'est également en période de crise – en 1993, si j'ai bonne mémoire – qu'a été votée la loi de M. de Robien, qui n'est pas de notre bord, sur la réduction du temps de travail. Vous répondrez peut-être que c'était purement défensif. Toutefois, n'est-ce pas un des objectifs de la période actuelle que de défendre les emplois avant de songer à en créer de nouveaux, ce qui sera possible lorsque l'activité repartira ? Ne menez-vous d'ailleurs pas une politique défensive lorsque vous proposez des mesures d'urgence pour l'automobile ou la construction, ce que personne ne vous reprochera ?

Épargnez-nous donc votre rengaine totalement décalée sur le « travailler plus pour gagner plus » et regardez comment agissent les pays qui subissent la même crise. J'imagine, par exemple, que Carlos Ghosn, le PDG du groupe Renault-Nissan, aurait un peu de mal à nous dire que ce qui va être fait pour les usines Nissan au Japon est inenvisageable pour les usines Renault en France. Nissan, groupe tout ce qu'il y a de plus capitaliste, de plus privé et de plus mondialisé, a en effet décidé de proposer des accords de réduction du temps de travail pour préserver l'emploi dans ses usines. Si je prends cet exemple, c'est parce que je crois vraiment nécessaire de réfléchir à des actions totalement nouvelles, en rupture avec ce qui se pratique depuis quelques mois et, a fortiori, depuis deux ans.

Je pense aussi que vous ne pouvez pas affirmer, comme l'a fait le Premier ministre, qu'aucune nouvelle mesure ne sera prise après la mobilisation de ce jeudi 19 mars. Si c'est une manoeuvre pour tenter de dissuader les Français de manifester, la ficelle est un peu grosse et je ne doute d'ailleurs pas qu'ils seront nombreux à démentir votre espoir. Mais si c'est une position de fond, c'est encore plus grave, car cela signifierait qu'après le vote du nouveau plan que vous nous proposez aujourd'hui, vous resterez passifs, que vous attendrez, sans rien faire, que l'activité reparte. L'attitude est peu concevable, même venant de vous. Il conviendra de nouveau d'agir, car l'activité économique comme les problèmes bien réels de revenu et de pouvoir d'achat que rencontrent nos concitoyens l'exigent. Nous ne pouvons que souhaiter vous voir encore réagir dans les prochaines semaines et nous présenter un nouveau projet de loi de finances rectificative.

On pourrait parler de bien des sujets qui ne sont pas traités dans ce projet. Vous avez, par exemple, proposé le versement de la prime de solidarité active de 200 euros dès le 1er avril : pourquoi n'est-elle pas attribuée aux bénéficiaires de l'allocation adultes handicapés ou aux bénéficiaires de l'allocation supplémentaire d'invalidité ? Nous pourrions aussi évoquer les emplois aidés. Ils ne doivent évidemment pas devenir le coeur d'une politique durable de l'emploi, mais ils peuvent jouer un rôle important dans une période, comme celle que nous connaissons aujourd'hui, de forte montée du chômage. Ils ont aussi, par les besoins qu'ils satisfont, leur importance pour le revenu, pour le maintien dans le travail, mais aussi pour la cohésion sociale. Or vous n'apportez toujours pas de réponse aux problèmes concrets d'un certain nombre de secteurs comme les emplois de vie scolaire, par exemple. Nous pourrions également citer la politique d'insertion qui devrait être renforcée, politique dans laquelle les entreprises d'insertion ne voient malheureusement toujours pas clair après le Grenelle de l'insertion. Et cette énumération est loin d'être exhaustive !

Je dirai un mot de l'industrie. Nous sommes, je le crois, nombreux à être déçus et inquiets de constater que le Gouvernement ne prend pas davantage à bras-le-corps deux questions essentielles : celle de la régulation du commerce mondial sans laquelle notre industrie va peu à peu se désintégrer au profit des pays à bas coût de main-d'oeuvre, et celle, que j'évoque fréquemment, de la conversion écologique de notre industrie. Sur ce dernier point, je me contenterai d'un exemple pour démontrer qu'il ne s'agit pas d'une utopie et qu'il y a au contraire matière à actions concrètes : l'usine Ford de Blanquefort, en Gironde, vendue par le groupe Ford et menacée de disparition, a été reprise par un industriel allemand qui a d'emblée annoncé qu'il investirait dans la production d'éléments pour l'énergie éolienne. Cela prouve qu'il faut dès maintenant investir de l'argent public pour soutenir les activités d'avenir.

Je regrette que vous ne soyez pas plus précise, s'agissant du secteur automobile et des contreparties auxquelles se seraient engagés les constructeurs installés en France, qui ont, ces dernières années, beaucoup délocalisé…

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Je conclus. Le Président de la République a dit, lors de la présentation de ses voeux, qu'un monde nouveau sortirait de la crise. Malheureusement, je ne vois pas ce monde se dessiner dans les différents plans de relance que vous nous avez présentés et c'est bien dommage.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion de ce second collectif budgétaire pour 2009 intervient en réponse à une situation de crise exceptionnelle, qui appelle des pratiques non moins exceptionnelles dans le suivi du budget et une rapidité tout aussi exceptionnelle dans la mise en oeuvre des parades. Personnellement, je ne suis pas du tout choqué que nous adaptions nos dispositifs à mesure qu'évolue la crise. Il convient en effet, aujourd'hui, de prendre les bonnes décisions au bon moment, sans aggraver le déficit au-delà du raisonnable et sans sacrifier l'avenir à l'urgence du présent, quelle que soit cette urgence.

De ce point de vue, je souscris totalement à la présentation qu'ont faite Éric Woerth et Christine Lagarde d'une décomposition du déficit en un déficit structurel, durable et un déficit lié à la situation de crise que nous connaissons, et qui induit aussi bien une diminution des recettes qu'une augmentation des dépenses de l'État. Nous ne devons en effet pas perdre de vue, dans cette période, la nécessité de réformer en profondeur l'État, de réduire le déficit durable. Nous devons également bien identifier les mesures liées à la crise qui ne sont pas reconductibles, qui, pour une partie, constituent d'ailleurs une anticipation d'un certain nombre de dépenses que l'État aurait dû assumer ou des mesures d'accompagnement, en faveur des investissements ou de nos concitoyens les plus fragiles, pour les aider à passer le cap de la crise dans les moins mauvaises conditions possibles. De ce point de vue, je souscris à la confirmation donnée au travers de ce collectif d'une priorité à l'investissement – à l'investissement public de l'État, pour l'équipement numérique des écoles par exemple, mais aussi à l'investissement visant à accompagner l'évolution structurelle de notre tissu industriel. Ainsi, le plan automobile ne doit pas seulement permettre de distribuer des prêts, des aides et d'accroître le capital de telle ou telle entreprise, mais doit contribuer à la modernisation de la filière, à la structuration de la sous-traitance, dans la ligne des premières décisions prises par le Fonds stratégique d'investissement. Je tiens à saluer cette cohérence. Il y a là un retour de l'État sur le terrain industriel, retour que d'aucuns jugeront trop tardif, mais d'autres, dont je suis, préféreront dire « Enfin ! » – enfin, après tant d'années sans stratégie industrielle construite, sans vision de l'organisation des filières porteuses d'avenir.

Ce collectif budgétaire permet aussi de conforter les différents outils disponibles pour accompagner les entreprises dans cette période. Je pense, notamment, à l'accroissement d'un milliard des moyens d'Oséo, avec la possibilité d'ouvrir des garanties à hauteur de 90 %.

Dans ce contexte, nous ne devons à aucun moment perdre de vue l'aggravation du déficit : 51,7 milliards d'euros d'aggravation depuis la loi de finances initiale, 40 % liés à la conjoncture – moins-values de recettes notamment – 60 % liés à la relance, 5,6 % de déficit des administrations publiques et 4,6 % de déficit de l'État. Un allégement de la charge de la dette interviendra inévitablement au terme de cette période, avec une augmentation d'environ 14 milliards de l'annuité par rapport à celle versée en 2007. Cela doit nous appeler, mes chers collègues, à la responsabilité au moment d'engager de nouvelles dépenses, à la sélectivité dans le choix de celles-ci.

Je souscris donc à ces orientations.

Je voudrais, madame la ministre, en venir rapidement, parce que je vois le temps passer, à deux points.

Tout d'abord, il est nécessaire, dans ce collectif, d'ajuster certaines des dispositions que nous avons votées voici quelques semaines. Je pense notamment à l'investissement fiscal dans le secteur locatif, où il convient de limiter les effets de seuils de zone et de favoriser une relance globale du bâtiment en harmonisant un certain nombre de dispositifs fiscaux concernant notamment les résidences services, les résidences de tourisme et le statut des loueurs en meublés professionnels.

Enfin, je voudrais, s'agissant de l'allégement de l'impôt sur le revenu, souscrire à la proposition du rapporteur général qui a demandé que cette mesure soit ciblée sur les tranches les plus basses pour éviter que ne profitent d'un effet d'aubaine ceux qui paient un impôt limité tout en bénéficiant, grâce aux dispositifs fiscaux, d'une valorisation de leur patrimoine.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Je crois en effet qu'il est également indispensable, dans cette période, de veiller à l'équité fiscale. Pour autant, je considère que les débats de fond sur le bouclier fiscal et sur les tranches de l'impôt sur le revenu appellent à se poser le problème d'un rebasage global de notre fiscalité, qui est devenue trop complexe…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

… et qui exige une réflexion en faveur d'une plus grande compétitivité au niveau européen, ainsi que de plus d'équité. C'est sur ce point que je conclurai en souhaitant qu'il soit soulevé lors du débat d'orientation budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Madame la ministre, monsieur le ministre, la loi de finances rectificative que vous nous proposez d'adopter est censée nous permettre d'affronter ce que le rapporteur général qualifie dans ses commentaires de « période de récession économique d'une ampleur sans précédent ces cinquante dernières années ».

Pas plus que mes collègues du groupe SRC, je ne crois que votre deuxième loi de finances rectificative réponde à l'ampleur de la crise et prépare à en sortir.

Déséquilibré, votre projet n'apporte de réponse ni en ce qui concerne la relance massive de l'investissement, ni en ce qui concerne le soutien à la consommation des ménages lourdement affectés dans leur pouvoir d'achat.

Une situation aussi difficile que la situation présente nécessite de redonner confiance aux acteurs économiques du pays ainsi qu'aux élus dirigeant les collectivités territoriales.

À ces derniers, vous avez depuis des mois indiqué qu'ils seraient fautifs d'avoir dégradé le déficit du pays au regard des critères de Maastricht – encore en vigueur mais maintenant largement oubliés – et d'accroître inconsidérément les prélèvements fiscaux à la différence d'un État vertueux qui, lui, les baisserait. Le solde budgétaire des collectivités locales se stabiliserait, selon les prévisions du Gouvernement et du rapporteur général, à 0,4 % du PIB alors que celui de l'État s'établirait à 4,6 % – dérivant, comme nous l'avons constaté.

Vous omettez de rappeler que les budgets des collectivités territoriales doivent être votés à l'équilibre, et que ces collectivités financent plus de 75 % de l'investissement public, qui est un vecteur puissant de développement économique et de soutien à l'emploi local, non délocalisable.

Vous fustigez les financements croisés en omettant de rappeler que ce sont les relations de l'État avec les collectivités territoriales qui posent problème, et non celles des collectivités locales entre elles. Il suffit pour s'en persuader de constater les demandes actuelles des préfets en vue d'assurer le financement des routes nationales.

Vous nous dites que le manque de ressources de l'État ne permet pas de compenser les transferts de charges ou d'augmenter la DGF, alors que ce sont vos choix hasardeux de la loi TEPA qui provoquent injustices et inefficacité.

Avec les collectivités locales, il faut organiser le retour à la confiance et au respect en mettant à profit la conférence nationale des exécutifs, qui ne doit pas être qu'une rencontre du Gouvernement avec les élus destinée à confirmer vos choix, mais un vrai lieu d'échange. Nous verrons ce qu'il en sera, notamment lors de la rencontre du 25 mars prochain, mais l'annonce récente, sans concertation, de la suppression de la taxe professionnelle et le fait que le Président de la République ait repris sur ce point les propositions du MEDEF, augurent mal de l'avenir.

J'ai d'ailleurs entre les mains un guide du MEDEF de 2008, Mettre un tigre dans l'offre France, et c'est à se demander si le rapport de la commission Balladur lui-même n'était pas entièrement tiré de ce document.

Confiance et respect mutuel sont également nécessaires dans l'épineux dossier des transferts de charges non compensés – notamment, pour les départements, s'agissant du RMI avant la mise en oeuvre du RSA.

Le rapporteur général vous a indiqué, lors de votre audition devant la commission des finances, que les départements allaient « traverser une période délicate compte tenu de la vulnérabilité à la fois de leurs recettes – les droits de mutation à titre onéreux vont, en raison de la situation économique, baisser dans une proportion allant jusqu'à 38 % – et de leurs dépenses à caractère social ». Par ailleurs le président du conseil des prélèvements obligatoires, M. Séguin, dans son rapport sur le patrimoine des ménages, précise que les effets du retournement du cycle immobilier seront d'autant plus importants que les départements ne disposent d'aucune marge de manoeuvre.

Il conviendra de revenir sur les disparités territoriales de recettes entre départements afin que ceux-ci puissent assumer le rôle d'amortisseur social qui leur est confié dans le cadre du transfert du RMI, en raison des conséquences dramatiques du retour au chômage et au RMI de nombreux salariés. En effet, la situation de l'emploi s'est très nettement dégradée depuis le quatrième trimestre de 2008. Il conviendrait d'envisager des mesures de solidarité nationale afin que l'effet de ciseaux découlant, d'une part, de la baisse des ressources – droits de mutation, TIPP – et, d'autre part, de l'augmentation des dépenses sociales ne mette pas en difficulté les départements qui ne pourraient plus assumer cette charge.

Vous n'apportez aucune réponse alors que l'abandon des dispositifs TEPA sur les successions et le bouclier fiscal dégagerait des marges budgétaires permettant de doubler le FNADT et la DGE afin de soutenir l'investissement, sachant que les conventions avec l'État sur l'utilisation du FCTVA dans le cadre du plan de relance sont insuffisantes. Enfin, un plan d'investissement pour de grands travaux sur les routes nationales, les hôpitaux, les chantiers de rénovation urbaine pourrait être envisagé.

Je pense que nous aurons de nouveaux débats sur le rôle des collectivités locales, sur leur place comme investisseur public de premier plan, ainsi que sur leurs moyens financiers. En tout état de cause, cette loi de finances rectificative imparfaite n'empêchera pas les collectivités locales d'investir. Ce serait méconnaître le volontarisme des élus que de penser qu'ils pourraient baisser les bras et se montrer attentistes, même si votre décision de supprimer la taxe professionnelle rajoute de l'incertitude à la crise financière et à la crise sociale qui se profile, en une période qui demanderait au contraire une certaine stabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Madame, monsieur les ministres, la crise grave dans laquelle nous sommes aujourd'hui plongés appellerait des remises en question profondes. De celles-ci, nous ne trouvons malheureusement pas suffisamment trace, ni dans votre plan de relance, ni dans le collectif que vous présentez.

J'ai voté le plan de relance par l'investissement, parce qu'un volet investissement était à l'évidence indispensable, mais je constate que sa mise en oeuvre se fait lentement et qu'à bien des égards, il reprend des dispositions déjà programmées.

Les mesures d'allégement de l'impôt sur le revenu, qui avaient déjà été pratiquées dans les années quatre-vingt-dix, sont bonnes si elles sont bien ciblées, mais elles auraient pu intervenir plus en amont, en contrepartie de la remise en question des niches fiscales, et elles devraient faire place aujourd'hui à des mesures plus ciblées en direction des personnes non imposables.

Face à la très forte progression du chômage, vous avez pris des dispositions très importantes touchant l'indemnisation du chômage partiel. Toutefois, si l'on veut que l'effet en soit durable, elles doivent s'accompagner d'un gros effort de formation professionnelle. D'autre part – de nombreuses voix commencent à se faire entendre sur le sujet –, nous devons affronter le problème du chômage des jeunes. En faveur de ceux-ci, il me paraît urgent d'adopter un dispositif d'ampleur, comportant à la fois de l'activité et de la formation, parce que ce sont eux qui sont les plus directement touchés aujourd'hui par la crise, qu'ils soient ou non qualifiés. Tout cela crée un très fort sentiment de frustration et il est urgent, je le répète, d'en tirer des conséquences.

Je ferai une seconde remarque concernant le bouclier fiscal. L'institution de ce dispositif s'inscrivait au départ dans une perspective de baisse des prélèvements obligatoires. Il y a eu ensuite l'extension à la CSG, puis au financement du RSA, ce qui constitue tout de même des atteintes fortes au principe de solidarité, et, aujourd'hui, il y a la crise, ce qui veut dire augmentation des déficits et de l'endettement.

Nous avons des obligations dans le cadre du pacte de stabilité. J'ai lu la lettre dans laquelle M. Sarkozy et de Mme Merkel réaffirment leur volonté de revenir aux critères de ce pacte, ce qui ne peut se faire sans demander de gros efforts aux Français. Nous nous trouverons alors dans la situation paradoxale suivante : plus on demandera d'efforts, plus ceux qui disposent de ressources et d'un patrimoine élevés en seront dispensés. Cet effet pervers du bouclier fiscal est difficilement admissible, il faut l'avouer.

Je soutiendrai donc, comme certains de mes collègues, des dispositions tendant, au minimum, à suspendre le bouclier fiscal pendant cette période mais, raisonnablement, la bonne formule serait d'y renoncer une fois pour toutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Pour terminer, je regrette – mais cela vaudrait, malheureusement, aussi à l'échelle européenne –, que ce collectif manque à la fois de volontarisme et d'esprit de justice. (M. Cahuzac et M. Brard applaudissent.)

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Madame, monsieur les ministres, ce collectif, que j'approuverai, me donne l'occasion de porter une appréciation sur la politique économique qu'il sert.

Ce collectif a des qualités, vous les avez présentées mieux que je ne saurais le faire. Un certain nombre d'initiatives annoncées par le Président de la République sont bienvenues. J'avais moi-même avancé à la fin de l'année dernière l'idée des bons d'achat de services à la personne. Je crois que c'est une disposition intelligente et ciblée, dans son public, dans son effet sur l'emploi et dans sa réversibilité.

Ce collectif a aussi des défauts : ce sont ceux du plan de relance, qui est bienvenu, qui comporte un grand nombre d'actions intelligentes et, je l'espère, efficaces – on en voit d'ailleurs certains résultats aujourd'hui –, mais qui, à certains égards, est trop traditionnel. Ainsi, des propositions qu'il aurait été intéressant de développer n'y ont pas trouvé leur place. On aurait pu doper davantage, par exemple, le développement de l'économie numérique dans notre pays. Il est dommage qu'on ne se soit pas engagé davantage dans cette direction, compte tenu des enjeux et des opportunités de développement économique et de développement de l'emploi qui s'offraient là, dans le cadre des pôles de compétitivité.

Le plan de relance met aussi en relief un certain nombre de difficultés dans la situation actuelle. Je fais ainsi volontiers écho aux propos de Daniel Garrigue sur l'importance qu'il y a à répondre toujours davantage à la demande légitime de justice sociale dans notre pays.

Ce plan nous rappelle également que la politique de l'emploi, dont vous refaites fort heureusement une priorité de l'action gouvernementale, a malheureusement été un peu oubliée pendant un an,…

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

… et qu'en 2008, avant que ne se manifestent les contraintes budgétaires qui font aujourd'hui l'objet de bonnes décisions de votre part, la maîtrise des déficits et de la dette n'a pas bénéficié de l'attention qu'elle méritait.

Ce collectif, qui permet d'apprécier la politique économique du Gouvernement, comporte donc des qualités – beaucoup – et des défauts – quelques-uns. Mais il y a aussi les défauts qu'il n'a pas, et je veux à ce propos évoquer le débat, que certains de nos collègues ont engagé et engageront ici dans les heures qui viennent, sur l'évolution de la fiscalité.

J'approuve pleinement la réponse qu'a faite le Gouvernement jusqu'à présent. Comme tous mes collègues du groupe UMP, en effet, je n'ai pas été élu pour préparer nos concitoyens à l'augmentation de la fiscalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Faut-il, fût-ce sur les plus aisés de nos concitoyens, proposer d'augmenter l'impôt ? (« Non ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Au nom de quoi ? D'un besoin budgétaire ? Il faudra certes, à la sortie de la crise, et nous espérons bien que nous en sortirons,…

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

…régler l'ardoise budgétaire, mais ce n'est peut-être pas encore tout à fait le moment.

Si cette augmentation de l'impôt est évoquée aujourd'hui, cela ne répond évidemment pas aux exigences budgétaires qui seront celles de la sortie de crise.

S'agissant de la question du bouclier fiscal, qui vient d'être évoquée par Daniel Garrigue, je considère que, si le financement du RSA n'avait pas été proposé dans les termes où il l'a été il y a quelques mois – ce n'est pas le RSA que je mets en cause mais ses modalités de financement –, nous n'aurions pas fragilisé le bouclier fiscal comme c'est le cas aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Ce débat sur l'augmentation de l'impôt ne répond donc pas à un besoin budgétaire. Répond-il à une exigence de justice ? Je ne le crois pas non plus, car je suis de ceux qui pensent que, lorsque l'on ne peut pas redistribuer davantage à certains, retirer aux autres n'est pas la réponse la plus intelligente.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Ce n'est pas ma vision de la justice. Notre choix politique, ni aujourd'hui ni demain, ne doit être celui de l'augmentation des impôts.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Ce dont nous avons besoin, c'est d'une maîtrise de la dépense liée au déficit structurel – Éric Woerth a raison de le rappeler –, en veillant à prendre les mesures de relance les plus efficaces et, surtout, en préparant dès aujourd'hui l'optimisation de la croissance le jour où elle reviendra.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est comme la bonne nouvelle de la Bible : ce n'est pas pour demain !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Car c'est essentiellement la croissance qui permettra de résorber le déficit et la dette.

C'est dans cet esprit que je comprends la politique de relance du Gouvernement. Je souhaite donc le succès du plan de relance, et je le soutiens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Madame la ministre, monsieur le ministre, j'ai souhaité prendre la parole pour vous parler de notre malheureuse Aquitaine et de la tempête Klaus qui s'est abattue sur elle, mais je ne peux pas non plus passer complètement à côté du collectif budgétaire.

À propos de ce dernier, monsieur le ministre, vous ayant écouté avec attention cet après-midi, je tiens à dire que j'ai trouvé votre exposé assez surréaliste. Cela tient tout d'abord aux thématiques : les riches et les pauvres – il y aurait ceux qui aiment les riches et ceux qui les détestent, ceux qui aiment les pauvres – tout le monde aime les pauvres, d'ailleurs –…

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

… et ceux qui ne les aimeraient pas. Je vous encourage à vous procurer les débats tenus au début du siècle dernier, au moment de la création de l'impôt sur le revenu. Vous constaterez que l'on entendait sur ce sujet à peu près les mêmes inepties que celles que nous entendons en ce moment.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

En ce moment même ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

La théorie du ruissellement était déjà à la mode, au début du XXe siècle, chez les adversaires de l'impôt sur le revenu, qui expliquaient qu'il ne fallait pas toucher aux riches parce que sans eux la nation s'effondrerait. En 1789 déjà, les Émigrés étaient partis à Coblence, et cela n'a pas empêché la République française de tracer son chemin.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Tout cela est surréaliste. Vous devriez relire ces débats ; vous retrouveriez les arguments que vous utilisez aujourd'hui.

En ce qui concerne l'impôt, il y aurait ceux qui seraient élus pour prescrire de nouveaux impôts et ceux qui le seraient pour ne pas le faire. Croyez-vous vraiment qu'il existe des gens, masochistes par nature, dont l'objectif dans la vie serait de faire mal à leurs concitoyens et, au passage, à eux-mêmes, en votant des impôts simplement parce que c'est douloureux, tandis que d'autres seraient venus au monde en disant : « À bas l'impôt et vive la joie » ? Tout cela est extrêmement primaire, pardonnez-moi de vous le dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Ce n'est pas sérieux. Quand M. Mariton dit, comme le fait tous les jours M. Sarkozy, que vous n'avez pas été élus pour instituer de nouveaux impôts, je veux bien le croire, mais vous n'avez pas non plus été élus pour créer des déficits abyssaux ! Cela ne faisait pas partie du programme du Président de la République ni de vos intentions. Il faudra bien, à un moment ou à un autre, que les déficits rencontrent les prélèvements ou que les prélèvements rencontrent les déficits – appelez cela comme vous voulez, mais c'est inévitable.

Qu'est-ce que ces débats surréalistes qui ne changent rien à la situation actuelle, qui n'éclairent en rien nos concitoyens, et qui ne font pas avancer les choses ? Je souhaite que l'on revienne, si c'est possible, à des considérations un peu plus sérieuses.

Pourquoi ai-je dit, monsieur le ministre, que votre discours de cet après-midi était surréaliste ? La loi TEPA a traduit l'orientation que le Gouvernement et le Président de la République ont voulu imprimer, au début du quinquennat, à notre politique économique. Nous ne partagions pas ces choix, et nous ne les partageons toujours pas, mais c'était votre droit de les défendre comme vous les avez défendus, en nous expliquant qu'il valait mieux que les heures supplémentaires coûtent moins cher que les heures normales, ou encore que l'on ait une fiscalité qui fasse la part belle aux revenus supérieurs sans se préoccuper des autres. C'était votre droit. Mais ce qui est surréaliste, c'est que, dans la situation de crise exceptionnelle que nous connaissons, vous persistiez comme si de rien n'était.

À la limite, si – ce que je ne crois absolument pas – des heures supplémentaires moins chères que les heures normales pouvaient être justifiées en 2007, comment pouvez-vous, dans la situation actuelle, maintenir ce genre d'affirmation ? Les chiffres ont été donnés ; vous les connaissez aussi bien que moi, et vous savez que ce que nous vivons tous les jours – je suppose que cela arrive dans vos cabinets en flux continus –, ce sont des entreprises qui déposent le bilan, qui voient leurs carnets de commande s'effondrer, qui vont faire des plans sociaux, bref, une activité qui se détériore à très grande vitesse, à une vitesse que je n'ai pas connue en trente ans et que d'autres plus âgés n'ont pas davantage connue.

Dans ce contexte, continuer à faire « comme si », cela a effectivement un côté surréaliste, et c'est pourquoi je protestais tout à l'heure depuis mon banc.

Il y avait les thèmes. Il y a vos choix : vous avez élaboré un plan de relance. Nous vous avons dit ce que nous en pensions : que ce plan était très insuffisant pour l'investissement et péchait du côté de la demande. Ce débat a eu lieu et je n'y reviens pas, mais enfin convenez que si l'on voulait être caricatural, on pourrait dire que la nouveauté de ces deux derniers jours, c'est que M. Obama a annoncé 460 milliards de dollars pour la recherche alors que le Gouvernement français annonce 3 milliards pour les bistrots.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Ce n'est pas sérieux. Des gens nous écoutent et nous regardent, y compris des chefs d'entreprise, et je ne suis pas certain que ce genre de choix les rassure. Je sais bien que c'est une promesse de M. Sarkozy et du président qui l'a précédé, mais l'urgence est-elle là, alors même qu'il n'y a à en attendre ni emplois ni baisse des prix, comme les restaurateurs vous l'ont dit ?

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Comment ? Entendre le Président de la République, au moment où tout dégringole, expliquer que l'important, c'est de baisser le prix du café…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

Ce n'est pas le projet de loi de finances rectificative !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Jusqu'à nouvel ordre, à la tribune, on dit ce que l'on a à dire. Vous êtes libre de considérer que l'emploi, les prix et l'activité économique ne sont pas le sujet. Allez l'expliquer demain dans la rue ; vous serez sans doute très bien accueilli.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est dommage que les tomates soient chères en ce moment !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

On ne trouve pas dans ce collectif les réponses aux questions qui se posent.

Vous, de même que nous parfois, ne mesurez pas pleinement l'ampleur de la crise. Nous sommes toujours dans les recettes classiques. Mme Lagarde a dit tout à l'heure que le chômage technique serait indemnisé à 90 %. Cela va dans la bonne direction ; ce sera un moyen de régler les situations d'urgence, même si ce n'est pas le meilleur et si l'on pouvait attendre autre chose. Mais il faudrait peut-être un petit pas supplémentaire, un gel temporaire des situations, pour rassurer les salariés et les chefs d'entreprise. C'est un saut de 10 % qui nous manque. Les situations seront de toute façon réglées à l'arrivée par les Assedic, le budget de l'État et les entreprises qui le peuvent. Si nous voulons être à la hauteur de la situation et répondre aux craintes de nos concitoyens, il va falloir changer de braquet.

J'en viens à la tempête qui s'est abattue sur notre région. Personne ne l'a souhaitée, pas plus que la crise. Vous n'êtes pas responsable de la crise, monsieur Woerth, mais votre responsabilité, à présent, c'est de comprendre que, dans une crise, il faut peut-être changer de braquet et de direction. Et si vous n'êtes pas responsable, encore faut-il se rappeler que, depuis plusieurs années, certains prévenaient que la situation ne pourrait pas durer longtemps. Cela a été dit et écrit, et je le tiens à votre disposition au cas où cela vous aurait échappé.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Il n'y a pas eu de Mme Soleil. Un certain nombre de personnes ont clairement dit que l'on ne pouvait avoir des taux de rentabilité entre 15 et 20 % avec des taux de croissance entre 2 et 3 % ni un tel emballement du crédit sans qu'un jour ou l'autre, il faille payer l'addition.

À ce propos, madame la ministre, j'espère que vous nous donnerez quelques explications sur ce que vient de se passer avec la Société générale. Quand la Réserve fédérale américaine adresse un rappel à l'ordre à une banque à laquelle nous avons prêté de fortes sommes d'argent et l'accuse à demi-mot de blanchiment en lui demandant de renoncer à ces pratiques, il me semble que la représentation nationale et, en particulier, la commission des finances auraient droit à autre chose qu'une dépêche sibylline de l'AFP. Je referme la parenthèse et j'attends votre réponse, à un moment ou à un autre.

Je reviens à la tempête. Près de 40 millions de mètres cubes de bois sont par terre ; 300 000 hectares de forêt ont été ravagés, dans le plus grand massif forestier de l'Europe de l'Ouest. À titre de comparaison, la dernière tempête avait ravagé moins de 200 000 hectares et jeté à terre 1,5 million de mètres cubes.

Le Gouvernement a prévu des dispositions pour le stockage du bois et le transport. J'ai déposé un amendement sur le sujet, et j'expliquerai le moment venu pourquoi les sommes prévues sont insuffisantes.

Le Gouvernement a également prévu un système de garantie de prêts pour réaliser des appels d'offres et nourrir ce stockage. La mesure me paraissant convenable, je n'ai pas déposé d'amendement.

Enfin, le Gouvernement a consenti 15 millions d'euros pour le nettoyage des parcelles et la replantation de la forêt. Nous estimons, avec la profession, qu'il en faut au moins 23 millions, et ce non sur huit ans, mais sur dix, soit un volume global de 600 millions d'euros en lieu et place des 415 millions prévus par le Gouvernement.

Ces amendements ont été acceptés par la commission des finances. J'espère qu'ils le seront par l'Assemblée.

Restent deux sujets que je n'ai pu évoquer avant aujourd'hui devant la commission. Les amendements que j'ai présentés sur ces points, malgré la compréhension du rapporteur général, ont été repoussés et il est vrai que le rapporteur général n'avait pas véritablement les moyens de juger de la pertinence de ces demandes.

L'agriculture classique a subi des dégâts beaucoup plus importants que ceux pris en considération par le ministère de l'agriculture. J'ai donc déposé un autre amendement sur ce point.

Enfin, les communes forestières ont vu leur patrimoine ravagé et, par conséquent, leurs ressources fiscales sont très largement amputées. Il faudrait consentir là aussi un complément d'effort.

Monsieur Woerth, je ne sais pas si le ministre de l'agriculture vous a donné délégation ; ce serait son droit. Mais sur ces sujets compliqués, nous apprécierions qu'il nous fasse l'honneur de passer dans l'hémicycle au cours de nos débats.

En conclusion, le pays souffre et ne sait pas où il va. La responsabilité de chacun, dans la majorité comme dans l'opposition, est de prendre la mesure de cette situation et de ne pas en rester à des méthodes classiques qui ne sont manifestement pas à la hauteur. Il n'est pas vrai, monsieur Woerth, que ce que vous avez prévu dans votre plan de relance soit suffisant. Vous le saurez dès la fin du mois, et encore mieux à la fin du mois prochain.

Je comprends que passer par une série de collectifs soit un exercice obligé et que votre responsabilité de ministre, c'est de maintenir un minimum d'optimisme. Mais votre responsabilité, c'est aussi de prendre la mesure de la situation, et je suis sûr qu'on se reverra à ce sujet.

Pour ce qui nous concerne, nous avons conscience que ce que nous avons dit était parfois insuffisant, et nous allons faire sans tarder des propositions d'une autre dimension pour répondre à la gravité de la situation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, pour cinq minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative que nous allons examiner est, à n'en pas douter, un véritable outil de pilotage budgétaire de la crise. Nous allons le soutenir et l'adopter pour que se concrétise sans délai une nouvelle étape du plan de relance. Je veux en effet souligner tout à la fois sa cohérence, sa pertinence et la réactivité qu'il permet d'avoir pour que la France s'en sorte mieux que ses compétiteurs économiques.

Si l'on se livre, mes chers collègues, à un simple exercice de rétrospective sur les différentes étapes qui nous ont conduits à ce projet de loi de finances rectificative, nous constatons que le Gouvernement a mesuré avec lucidité l'ampleur de la crise qui nous atteint et s'est donné, par étapes, les moyens d'en limiter les effets délétères sur notre économie. C'est cette lucidité qui a conduit notamment, il y a plusieurs mois, à la mise en place précoce du RSA afin d'éviter les trappes à emplois et de ramener vers l'activité ceux qui, quoique éloignés de l'emploi, peuvent sortir de l'exclusion sociale qu'est le chômage de longue durée.

La première loi de finances rectificative pour 2009, que nous avons adoptée en janvier, a traduit, avec la meilleure réactivité possible, le plan de relance de l'économie en augmentant les remboursements du FCTVA, en soutenant l'investissement, en remboursant les créances fiscales des entreprises, etc. Ainsi, après l'effort consenti pour le secteur bancaire sous forme de prêts, il y a eu l'effort consenti pour l'investissement et pour les entreprises, en fonction de priorités sectorielles. Au passage, je rappelle que parmi les secteurs concernés, il n'y a pas que l'industrie, mais aussi des secteurs tertiaires – je pense en particulier à celui de la restauration, qui sera bientôt d'actualité.

Cette deuxième loi de finances rectificative complète un dispositif qui conjugue soutien à l'économie et attention portée à nos compatriotes touchés par la crise. Parmi ceux-ci, le dispositif a d'abord concerné les plus fragiles, et il est maintenant étendu à nos concitoyens des classes moyennes, en tout cas à ceux qui relèvent de la première tranche de l'impôt sur le revenu puisqu'ils verront dans quelques semaines leur deuxième et leur troisième tiers supprimés. Cela constituera, à n'en pas douter, une mesure significative pour eux. De même, sont soutenus les secteurs économiques stratégiques pour l'emploi, sous forme de prêts ou d'avances au secteur automobile, à hauteur de 6,7 milliards d'euros. Dans la même logique de préservation de notre tissu économique et de soutien à l'emploi, il faut noter l'abondement, pour 500 millions d'euros, du nouveau fonds d'investissement social, qui s'ajoute aux crédits de l'action « Politiques actives de l'emploi ». La contribution de l'État à ce fonds est ainsi portée à quelque 1,3 milliard d'euros. L'objectif est d'atteindre, avec la dotation des partenaires sociaux, 2,5 milliards d'euros.

Après ce bref récapitulatif des différentes mesures de soutien à l'activité, je voudrais faire, monsieur le ministre, quelques remarques.

La première tend à ouvrir une alternative après le débat fiscal que nous avons eu, débat émaillé de multiples attaques contre le bouclier fiscal. Ne vaudrait-il pas la peine de réfléchir à une pérennisation du fonds d'investissement social pour accompagner la crise, mais aussi la sortie de crise ? Il est en effet fort probable que nous aurons à soutenir nombre de secteurs et nombre de nos compatriotes, qui risquent sinon de rester sur le bord du chemin alors même que la reprise se profilera.

Dans le même esprit, il serait extrêmement important de pouvoir préciser, chiffrer et contrôler l'impact de la crise sur nos comptes sociaux. Envisager un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative – j'ose le barbarisme – pourrait constituer une étape fructueuse dans nos différentes approches budgétaires.

Pour terminer, je souligne le grand intérêt et l'importance que revêt votre présentation en deux structures de déficit, le « 4060 » : 40 % pour le déficit structurel et 60 % pour le déficit de crise. C'est une présentation qui permet tout à la fois de soutenir une politique de maîtrise de la dépense publique et d'isoler l'évolution du déficit dit de crise. J'ai eu l'occasion d'aborder ce sujet en commission des finances, et j'y reviens ici : il serait intéressant d'élaborer des outils de contrôle et de suivi spécifiques à ce deuxième type de déficit, dit de crise, afin de comprendre et d'anticiper au mieux. Je sais bien que Patrick Devedjian a confié à notre collègue Jean-Marc Roubaud le suivi de l'efficacité du plan de relance. C'est une approche technique et concrète, mais je pense qu'il est important de développer une approche budgétaire et un suivi spécifique pour le déficit de crise, afin de promouvoir des modes de contrôle adaptés et d'éviter tout risque de porosité entre ces deux structures de déficit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, la crise financière justifie la multiplication de lois de finances rectificatives qui permettent au Gouvernement d'ajuster ses prévisions budgétaires. Vous décrivez, mais comme à regret, monsieur le ministre du budget, le solde budgétaire global négatif de 103,8 milliards d'euros comme s'il était constitué d'une bonne part de déficit de crise lié à des mesures non pérennes. Dans la présentation de ce collectif, en commission des finances, vous vous êtes très peu étendu sur la dette publique, qui atteint maintenant 73,9 % du PIB.

C'est pourquoi je veux évoquer la dette, toute la dette, publique comme privée, et ses liens avec le pouvoir d'achat et l'emploi. À cet égard, je vais rappeler la situation des États-Unis – pays que vous avez, comme d'ailleurs le Président de la République, toujours tendance à copier.

En 1981, l'arrivée au pouvoir de Ronald Reagan a signé le départ de l'augmentation de la dette : les libéraux ont baissé les impôts sur les plus riches, ce qui a fait croître la dette publique ; mais c'est surtout la dette privée qui a augmenté parce que, à cause du chômage et de la précarité, un nombre croissant de ménages ont été obligés de s'endetter pour maintenir leur pouvoir d'achat. Il en est aujourd'hui de même en Europe, et nous voyons le même mécanisme se mettre en place dans notre pays. Patrick Arthus, directeur des études à la Caisse des dépôts, a montré que, dans la zone euro, la dette privée est passée, en dix ans, de 75 % à 145 % du PIB. Sans la dette des ménages, la croissance de la zone euro serait nulle depuis 2002. On donne par la dette ce que l'on ne donne pas en pouvoir d'achat ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

…on pousse les familles à s'endetter pour compenser la perte de pouvoir d'achat due à l'absence d'augmentation des salaires. Nous sommes dans un système libéral extrême, et pour garantir aux actionnaires des bénéfices colossaux tout en assurant un haut niveau de consommation de l'ensemble de la population, le néo-libéralisme a structurellement besoin d'un endettement privé plus élevé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

La crise financière nous révèle les excès d'un tel système et devrait enfin nous amener à le contrôler et à le maîtriser par des dispositifs régulateurs. Cette fuite en avant nous a conduits dans le mur : les niveaux d'endettement privé et public sont trop élevés ; la part des salaires dans le PIB a baissé, dans l'ensemble des pays occidentaux, d'environ 10 % à 12 % depuis vingt-cinq ans ; la précarité augmente et, aujourd'hui, la récession est là.

On n'arrivera pas à sortir de la crise si on ne réussit pas à rééquilibrer le partage salairesbénéfices. Quand les entreprises satisfont des actionnaires trop gourmands, quand la peur de perdre son emploi entraîne la perte de pouvoir de négociation des salariés et que le chômage pousse à l'endettement public et privé, il ne faut pas avoir peur, madame la ministre, monsieur le ministre, de lutter radicalement contre le chômage et la précarité en distribuant durablement du pouvoir d'achat. Mais vous vous y refusez. Vous n'utilisez le levier fiscal qu'à travers une suspension exceptionnelle et temporaire des deux tiers de l'impôt sur le revenu pour les ménages se situant dans la première tranche d'imposition, alors que vous invoquez la confiscation pour refuser de revenir sur le bouclier fiscal. Mais nous n'avons pas la même définition que vous de ce qui est confiscatoire. Nous considérons, nous, que les franchises médicales sont confiscatoires pour les revenus des plus nombreux et des plus modestes de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Nous considérons, nous, que c'est le bouclier fiscal qui est confiscatoire pour les marges de manoeuvre financières de notre pays. Quand, dès le vote de la loi TEPA, en 2007, nous avons avancé l'idée que ce texte serait le péché originel de la législature, vous n'avez pas écouté les députés de l'opposition. Aujourd'hui, vous n'écoutez pas plus le Premier président de la Cour des comptes, le Président du Sénat, le président de notre commission des affaires sociales et, entre autres membres de la majorité, nos collèguesRené Couanau, François Goulard et Charles de Courson quand ils envisagent une remise en cause partielle du bouclier fiscal ou, à tout le moins, l'introduction de plus de justice fiscale, c'est-à-dire une meilleure prise en compte de la capacité contributive de chacun, conformément à l'un des principes de notre système fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Madame la ministre, monsieur le ministre, je vais, pour conclure, vous conter la fable d'ÉPIDOR et du meunier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

La morale en est très courte, monsieur le président : « Il n'y aura de pain sur la planche que s'il y a du grain à moudre. » Je vais la décrypter, en vous dévoilant qui sont les personnages de cette fable. ÉPIDOR, c'est un établissement public régional, créé par les six conseils généraux des départements traversés par la rivière Dordogne. Le meunier, c'est M. Barrau, le doyen du conseil général de la Gironde, meunier de profession et administrateur d'ÉPIDOR depuis sa création. Le pain sur la planche renvoie à la fois au travail et à l'emploi, et nous pensons à tous ceux qui les perdent injustement aujourd'hui ; c'est donc ce qui donne à manger, c'est le pouvoir d'achat, ce qui offre à chacun les moyens de vivre dans la dignité. Le grain à moudre, ce sont les 15 milliards d'euros dont vous vous êtes privés dès l'été 2007, et qui manquent aujourd'hui cruellement pour le nécessaire réajustement de nos comptes publics, en particulier pour éponger la dette. Je vous demande d'écouter la sagesse et l'expérience du meunier Barrau : revenez sur l'exonération des heures supplémentaires et sur le bouclier fiscal, continuez de travailler à l'élimination des paradis fiscaux, supprimez les niches fiscales, taxez les parachutes dorés !

Comme il y aura d'autres lois de finances rectificatives, je ne doute pas que nos arguments, et ceux de nos collègues du Nouveau Centre et de l'UMP de plus en plus nombreux à se soucier de justice fiscale, vous convaincront de procéder aux changements nécessaires. Mais nous pouvons aussi nous y atteler dès aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour cinq minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Arlette Grosskost

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, je salue ce deuxième collectif budgétaire qui a pour objet, notamment, d'aider les populations les plus fragiles, comme cela a été dit et répété. Toutefois, en raison de l'acuité des problèmes que l'on connaît, en particulier en matière d'emploi, j'entends attirer votre attention sur un point particulier : il s'agit de la remise en cause des exonérations de charges sociales en zones franches urbaines – n'en déplaise au rapporteur général, qui me dira peut-être que je fais une digression et qu'un tel sujet relèverait d'un PLFSS rectificatif, pour reprendre l'expression de Mme Montchamp.

Cependant, nul ne peut nier que les ZFU contribuent à amortir le chômage de populations souvent peu qualifiées et peu formées. Or je vous rappelle que l'article 190 de la loi de finances pour 2009 a modifié les dispositions en matière d'exonérations : les exonérations de charges sociales patronales sont réduites, et disparaissent au-delà d'un certain seuil de rémunération. Cette remise en cause permettrait, à terme, une économie de 80 millions pour l'État. Ce n'est certes pas négligeable alors que notre déficit s'accroît rapidement et dans des proportions notables.

Debut de section - PermalienPhoto de Arlette Grosskost

Pour autant, il est légitime de s'interroger sur les objectifs de ces mesures et sur leur impact réel dans le contexte actuel. Parmi les nombreuses critiques que soulève leur adoption, certaines portent sur l'instabilité législative, sur le fait qu'elles soient contraires aux engagements initialement pris à l'égard des chefs d'entreprise et de leurs salariés. D'autres soulignent la difficulté de ces mêmes chefs d'entreprise à établir des prévisions de trésorerie et d'embauche, à un moment où l'avenir s'obscurcit et où il est urgent de consolider la situation financière des PME et des TPE. En tout état de cause, selon les informations qui nous parviennent du terrain, l'application effective du décret va entraîner une remise en cause des investissements prévus et une rupture anticipée des contrats de travail concernés, suivie éventuellement de nouvelles embauches moins rémunérées. Tout cela fait craindre une dégradation des conditions d'emploi.

S'il nous faut faire assaut de pédagogie pour justifier le bouclier fiscal,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est vrai : faire prendre des vessies pour des lanternes, c'est difficile !

Debut de section - PermalienPhoto de Arlette Grosskost

… il serait encore plus incompréhensible de pénaliser l'emploi dans les quartiers défavorisés, en appliquant de telles dispositions.

Connaissant ces éléments, certaines entreprises pourraient renoncer à s'installer en zone franche urbaine, tandis que celles qui y sont implantées pourraient être tentées d'en partir. Il est donc urgent de pérenniser les dispositifs ZFU initiaux, dans l'esprit du nouveau plan de relance. Les sénateurs l'avaient compris et cet article avait été réintroduit par la commission mixte paritaire.

En la matière, je me fais la porte-parole de nombre de mes collègues parlementaires, mais aussi de nombreux maires et élus locaux qui, à l'heure actuelle, oscillent entre incompréhension, réprobation et mécontentement. Vous me permettrez d'évoquer plus spécifiquement la zone franche de Mulhouse, qui compte plus de 300 entreprises employant près de 3 000 salariés. De nombreuses pétitions m'ont été remises, afin que je puisse vous faire part directement des inquiétudes légitimes soulevées. Il va sans dire qu'en additionnant l'ensemble des zones franches, le nombre en serait bien plus considérable.

Aussi, madame la ministre, s'il est nécessaire de respecter l'orthodoxie budgétaire, surtout en période de crise, il me semble qu'il faut prendre garde aux mesures qui, à terme, auraient des effets négatifs et coûteraient beaucoup plus cher que l'économie initialement escomptée. J'appelle à faire preuve de cohérence, afin de rétablir pleinement la confiance dont nous avons tellement besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai un premier constat, qui n'est pas mineur : les collectifs budgétaires et les plans se succèdent sans réelle cohérence, les milliards valsent à chaque déplacement du Président de la République – et il se déplace souvent ! –, la méthode consistant à présenter au fil des jours des révisions de prévisions économiques et financières qui se révèlent rapidement caduques continue de servir de fil directeur à un exécutif sans boussole.

Une fois de plus, face au cataclysme actuel et à venir évoqué par Henri Emmanuelli, comment ne pas s'étonner du manque de réalisme du Gouvernement à propos de ce nouveau collectif budgétaire pour 2009 ? Selon toute vraisemblance, l'hypothèse d'une baisse de 1,5 % du PIB en volume sera rapidement démentie par les faits.

Madame la ministre, monsieur le ministre, poser des diagnostics réalistes aurait notamment permis à votre majorité de privilégier des mesures en faveur de la consommation et de l'investissement voilà vingt mois, au lieu de gaspiller ces marges de manoeuvre par une politique fiscale aussi injuste qu'inefficace.

Je sais que votre tâche n'est pas aisée et, sous le bombardement des mauvaises nouvelles, votre stoïcisme est remarquable.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Je sais aussi que vous faites peu cas de nos suggestions, ce qui n'empêche pas certains leaders de la majorité de nous reprocher de ne pas faire de propositions. Justement, l'une d'entre elles qui porte sur la loi Travail, Emploi et Pouvoir d'achat, loi TEPA, possède trois qualités principales : elle n'a pas varié, elle est juste et elle est d'une grande actualité tant parlementaire que populaire. Dès l'été 2007, on vous a dit et redit que ces mesures n'étaient bonnes ni pour notre économie en général, ni pour l'emploi, ni pour le pouvoir d'achat, ni pour la justice fiscale, sociale et humaine. Vous n'avez rien voulu entendre, vous réfugiant derrière un dogme apparent – baisser les impôts des plus aisés pour relancer l'activité, la croissance et la consommation – et un autre qui l'était peut-être moins – faire plaisir à vos « supporters ». Le bilan économique est calamiteux, le bilan moral également.

Même si la loi TEPA ne se résume pas au bouclier fiscal, celui-ci en est le symbole. Drôle de symbole en vérité quand, en pleine dépression économique, les chiffres dévoilés ce matin par vos services, à la demande du président Didier Migaud, témoignent de l'énormité de votre erreur fondamentale doublée d'un cynisme qui laisse perplexe. Et je suis gentil !

Je ne vais pas reprendre tous les chiffres et autres éléments comparatifs, mais aller synthétiquement à l'essentiel. Sur 13 998 bénéficiaires du bouclier fiscal qui coûte 458 millions d'euros au budget de la nation, 60 % se partagent 1 % de la somme et réalisent un gain moyen de 580 euros, pendant que 6 % s'en octroient 63 % et encaissent un bonus moyen de 368 000 euros, soit la moitié des impôts qu'ils auraient dû payer sur la base de leur patrimoine évalué à plus de 15 millions d'euros. Excusez du peu !

Et vous osez nous dire, comme preuve de vertu, que les bénéficiaires les plus nombreux du bouclier fiscal ne sont pas assujettis à l'impôt sur la fortune ! De qui vous moquez-vous ? De Coluche disant qu'il faut taper sur les plus pauvres parce que ce sont les plus nombreux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Hélas, dans vos rangs, les députés les plus lucides et réalistes ne sont pas les plus nombreux. Mais enfin, entendre, mardi dernier, en commission des finances, M. Couanau qui n'est pas n'importe qui dans cette assemblée…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il est modeste, ne lui faites pas trop de publicité !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

…réclamer la suspension provisoire du bouclier fiscal, en ces temps de grande détresse économique, fiscale et humaine, produisit un choc ! Lire une réaction similaire du président Méhaignerie en fut un autre. Des députés UMP osaient enfin crier « ça suffit ! », mais ces chocs restèrent sans suite parce que les ordres arrivèrent de l'Élysée : silence dans les rangs, on ne change pas une formule qui perd ! Tout va bien, on coule !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ils sont solidaires au sens propre : ils veulent gagner leur salut éternel !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Que dire du psychodrame de cet après-midi, quand ont été adoptés par notre commission deux amendements inoffensifs de notre finalement très inoffensif collègue Charles de Courson, suggérant d'augmenter de 5 % le taux de la tranche supérieure d'imposition et de demander aux contribuables dont le revenu imposable atteint 70 000 euros et plus, une contribution exceptionnelle de 5 % également, afin de financer le FSI ?

L'alerte maximum a été déclenchée. Une réunion de crise – enfin, de petite crise par rapport à celle que nous traversons – a eu lieu devant l'hémicycle, autour du totem Copé. Tout devrait bien se passer, jusqu'à la prochaine fois qui ne devrait pas manquer de se produire : le trouble et même le doute sont tellement perceptibles dans les rangs de la majorité, que cela ne peut pas s'arrêter.

Georges Bidault disait que le meilleur moment pour dire non, c'est toujours le premier.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Les UMP lucides ont quelque peu tardé à ouvrir les yeux, mais la brèche qu'ils viennent d'ouvrir dans la pensée unique ne se refermera jamais plus. Vous allez vous en apercevoir demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Monsieur le président madame la ministre. monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette période de crise, le mot « exceptionnel » prend tout son sens. Nous voici en effet réunis ce soir pour la seconde loi de finances rectificative en l'espace de trois mois,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Cela reflète bien la gravité de la situation, et je vous en parle avec gravité. Cette crise financière née aux États-Unis durant l'été 2007 s'est propagée comme un nuage de poussière dans le monde entier, remettant en cause ceux qui croyaient au découplage des économies. La France n'y échappe malheureusement pas, même si nous résistons mieux que certains autres pays d'Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Le pays est touché dans tous les domaines, social notamment : des plans de licenciements sont annoncés quasi quotidiennement comme vous le constatez tous, mes chers collègues, dans vos circonscriptions ; des tensions se font de plus en plus fortes dans les entreprises. Vous avez tous vu et entendu la colère des ouvriers de Continental, de Total, de la FNAC ou de Sony. Ces révoltes, et je pèse mes mots, ne doivent rien aux idéologies. Elles sont simplement la résultante d'une désespérance et d'une peur légitimes face à la crise et à la montée du chômage.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

La France est touchée dans son économie : les indicateurs sont tous orientés à la baisse, et la récession s'annonce forte. Elle est touchée dans son budget : un déficit annoncé de 104 milliards d'euros, une dette abyssale équivalant à 22 000 euros par habitant. Enfin, elle est touchée financièrement : malgré tous les efforts entrepris, les institutions financières demeurent fragiles, les marchés financiers restent orientés à la baisse, volatils et instables, et l'accès au crédit pour les TPE et les PME est toujours difficile.

Nous n'avons rien connu de tel depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale mais, plus que son caractère inédit, ce sont la rapidité et la profondeur de la crise qui inquiètent. La gravité de la situation appelle une réelle prise de conscience. Le groupe Nouveau Centre se satisfait de voir le Gouvernement réajuster régulièrement ses prévisions et le budget, en fonction de la dégradation de la conjoncture.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Néanmoins, conscients que la crise sera longue, profonde et durable, nous souhaitons interpeller le Gouvernement et l'Assemblée nationale sur la nécessité de réagir, mais aussi et surtout nous voulons envoyer un signal fort à tous les Français. Réagir, le Gouvernement le fait. Nous soutenons les mesures présentées dans ce collectif budgétaire, visant à soutenir le secteur automobile et les ménages à revenus modestes et moyens. Nous saluons la réactivité et l'énergie déployée.

Cependant, durant ces débats, le groupe Nouveau Centre souhaite intervenir de façon constructive, comme il l'a toujours fait depuis 2007. Le signal que nous voulons adresser à tous les Français s'inspire de deux principes majeurs : la solidarité de tous est nécessaire, et il faut que tous se mobilisent pour sortir au plus vite et plus forts de la crise.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Pour ce faire, nous proposons de sortir la CSG, la CRDS et les impôts locaux du bouclier fiscal. Nous étions opposés, lors des débats de juin 2007 sur la loi TEPA, à leur inclusion dans ce dispositif. Notre discours n'a pas changé.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Pas du tout, monsieur Brard ! Que les choses soient claires : loin de nous l'idée de supprimer le bouclier fiscal (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), dont la première ébauche a été dessinée sous le gouvernement Rocard, lors de l'examen de la loi de finances de 1989. Lui ne l'a pas oublié, contrairement à vous, monsieur Emmanuelli. À l'époque, un amendement signé par Dominique Strauss-Khan prévoyait de ramener le bouclier fiscal de 80 % à 70 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Mesdames et messieurs les députés socialistes, vous vous offusquez à présent. En réalité, vous vous reniez et votre seul projet consiste à mettre en place une fiscalité confiscatoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Voilà bien les centristes : le coeur à gauche, le portefeuille à droite !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Nous le savons tous, le bouclier est un élément clé de l'attractivité fiscale de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Or notre pays a besoin d'investisseurs pour créer de l'activité, de la richesse et des emplois. Ce dispositif indispensable doit toutefois rester juste. À nos yeux, il devient une bombe à retardement à partir du moment où il est perçu comme fiscalement injuste. C'est pourquoi nous faisons une proposition médiane : en sortant la CSG et la CRDS, nous ramenons le bouclier à 61 % au lieu de 50 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Nous ne devons pas oublier que l'injustice sociale et surtout l'injustice fiscale ont souvent été, au cours de l'histoire de notre pays, les causes des plus grands troubles sociaux et politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Notre seconde proposition revient à créer une tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu au titre des années 2008 et 2009. Afin de faire participer les hauts revenus à l'effort national, nous proposons de créer une nouvelle tranche au taux de 45 % pour les revenus supérieurs à 300 000 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Nous aurions ainsi un taux marginal d'imposition équivalent à celui des États-Unis ou du Royaume-Uni, et qui concernerait les 1 % des contribuables les plus riches.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Les recettes fiscales ainsi procurées serviraient à financer le fonds d'investissement social créé en février et destiné à coordonner les actions en faveur de l'emploi et de la formation.

Ces mesures reposent sur deux principes forts : solidarité et mobilisation de tous. Héritier de la famille humaniste, je souhaite rappeler ces nécessaires besoins de justice sociale et de solidarité qui sont au fondement même de la démocratie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

À l'issue de la discussion générale, Christine Lagarde et moi aimerions faire quelques commentaires.

Je remercie Gilles Carrez pour son intervention vigoureuse et, comme d'habitude, très claire. Il a noté la cohérence des différents collectifs ; il est vrai qu'il y en a eu plusieurs, ce dont on a pu s'offusquer, parfois en ironisant un peu, ou se féliciter, comme M. Vigier. Le fait est que nous nous adaptons à une situation en constante évolution, et ce en toute transparence : dès le mois d'octobre dernier, nous avions ainsi indiqué cette manière de faire.

Gilles Carrez a aussi noté que nous gardions la maîtrise de la dépense courante ; nous devons en effet y être très vigilants. Dans cette optique, la distinction entre déficit de crise et déficit courant ne relève pas de l'artifice ; elle vise au contraire à clarifier les choses. Nous voulons en effet donner les chiffres les plus justes possibles, lesquels n'ont pas été improvisés sur un coin de table pour faire joli : ils fournissent une bonne description de la situation. Les deux déficits ne sont pas les mêmes ; il faut donc les combattre avec des outils différents. Par ailleurs, il convient en effet de réfléchir à la manière de compenser, pour les finances publiques, les dispositions relatives à la baisse de la TVA dans la restauration et à l'exonération de taxe professionnelle.

Il faut tout votre talent, monsieur Migaud, pour transformer le débat sur un texte à connotation sociale…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

…– ou, à tout le moins, dont la couleur sociale est marquée –…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

…en forum sur le bouclier fiscal. Ce n'est pas le sujet du présent collectif, lequel vise à supprimer deux tiers de l'impôt sur le revenu de 2008 au bénéfice de 6 millions de contribuables, à affecter 800 millions d'euros à de nouvelles mesures en faveur de l'emploi, à octroyer une prime supplémentaire à 3 millions de familles modestes, à faciliter, pour plus d'un million de foyers, l'accès au chèque emploi service universel, sans parler des mesures en faveur du secteur automobile. Outre ces mesures, le présent texte donne vie au sommet social du 18 février.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

En fait de sommet, ce n'était pas l'Himalaya ! Tout au plus, le Puy de Sancy !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Merci, Charles de Courson, de votre soutien et de votre exposé très clair. Vous avez également évoqué la maîtrise de la dépense courante, en appelant à la transparence des comptes publics que nous essayons peu à peu de mettre en place.

Quant aux crédits de l'outre-mer, nous avons inscrit ceux qui étaient nécessaires pour les départements concernés. Si certaines mesures n'apparaissent pas, c'est que le projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer ne sera discuté par votre assemblée que dans les prochains jours ; d'autres mesures trouvent leur place dans les budgets déjà votés, de sorte que le chiffre annoncé par le Gouvernement sera respecté.

Jérôme Chartier nous a, lui aussi, témoigné son soutien, ce qui, il faut bien l'admettre, fait toujours plaisir, car cela n'a pas été le cas de tout le monde. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

On peut discuter du cantonnement de la dette liée à la crise, même si, en la matière, notre logique est de distinguer entre déficit structurel et déficit de crise. En outre, cantonner une dette pendant cinquante ans, c'est remettre son remboursement à beaucoup plus tard, sans compter que d'autres crises peuvent survenir pendant cette période.

Votre critique, monsieur Gorce, était générale et portait sur le plan de relance.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Je ne la partage évidemment pas ; j'ai déjà dit ce que j'en pensais, ainsi que des observations de François de Rugy.

Quant à Michel Bouvard, c'était nettement mieux. (Sourires.) La résistance de nos finances publiques à moyen terme nous préoccupe beaucoup, qu'il s'agisse de la gestion des déficits, de l'innovation dans les plans de relance, de leur pertinence, de leur justice, ou, point essentiel, de la protection de la qualité de la signature de notre pays à court et moyen terme.

S'agissant des relations entre l'État et les collectivités locales, monsieur Carcenac, vous noircissez un peu le tableau.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Pas du tout ! Nous allons vous donner des précisions.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Vous semblez oublier que les collectivités ne sont pas, elles non plus, à l'abri de la crise.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

J'ajoute que l'État, avec le doublement du FCTVA, le fonds de compensation pour la TVA, a pris sa part dans la relance engagée par les collectivités. Bref, il n'y a pas, d'un côté, un vilain État qui serait seul responsable d'une crise à laquelle, par ailleurs, il n'apporterait aucune réponse, et, de l'autre, des collectivités parées de toutes les vertus.

Vous êtes trop pessimiste, monsieur Garrigue : le plan de relance de 26 milliards n'est pas lent ; il est fondé sur l'investissement, ce qui est plus difficile à mettre en oeuvre que les mesures de consommation immédiates préconisées par le parti socialiste. Patrick Devedjan ne passe pas une semaine sans se rendre dans les départements pour y lancer des chantiers avec des entreprises qui se mettent au travail et créent des emplois. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

M. Devedjan n'a créé qu'un seul emploi, le sien !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Si vous considérez que ce n'est pas le cas, chers députés de l'opposition, renoncez aussi aux mesures relatives au FCTVA ! Si vous considérez que les travaux en question sont inutiles pour les collectivités, dites-le !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Voulez-vous que l'on fasse vraiment les comptes ?

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Mais évitez d'avoir deux langages différents dans cet hémicycle et dans vos collectivités. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

L'investissement dans les travaux est bénéfique quand il vient des collectivités, mais aussi quand il vient de l'État ; en l'occurrence, ces travaux vont s'engager, quand ce n'est pas déjà le cas, de sorte qu'une bonne partie d'entre eux seront en cours de concrétisation d'ici à la fin du premier semestre.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

S'agissant enfin des aides à la trésorerie des entreprises, elles fonctionnent. Je ne sais s'il faut ou non s'en réjouir, mais elles témoignent en tout cas de la profondeur de la crise. Au 12 février, 5 milliards d'euros – toutes mesures confondues – avaient déjà été versés ; c'est autant que les entreprises n'ont pas demandé aux banques, ce qui leur donne plus d'autonomie.

Merci de votre soutien, monsieur Mariton. En 2008, la dépense a en effet été fortement maîtrisée. Pour l'ensemble des dépenses publiques, l'évolution n'a été que de 1 % en euros constants, ce qui signifie que la norme du « zéro volume » a été respectée,…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

…de même que l'ONDAM, ce qui était en soi une performance. Reste que, évidemment, la crise a pesé sur les recettes dès 2008, comme je l'ai clairement indiqué à la représentation nationale.

Je ne sais pas ce qui, de votre discours ou de la réalité, est le plus surréaliste, monsieur Emmanuelli ; évitons, quoi qu'il en soit, de nous lancer des mots à la figure. Les 60 milliards de déficit liés à la crise correspondent, en définitive, au chiffrage de l'ensemble du plan de relance, ce qui n'est pas rien pour l'État français.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

La relance par l'investissement, ce n'est pas rien non plus, et la progression des transferts sociaux est très sensible. On ne saurait donc minimiser l'action du Gouvernement, ni sa détermination.

Il faut en effet, madame Montchamp, une étanchéité entre les déficits structurels et les déficits de crise ; c'est ce qui garantira d'ailleurs le renforcement de la qualité de la signature française.

Jean Launay a évoqué des points qui l'avaient déjà été ; quant à Henri Nayrou, il a parlé, à propos du bouclier fiscal, de cynisme. On peut exprimer des opinions divergentes sans se jeter de tels termes à la figure.

Les zones franches urbaines, madame Grosskost, sont un vrai sujet ; mais elles bénéficient d'importantes exonérations de charges sociales, même si celles-ci sont en effet plafonnées.

Enfin, monsieur Vigier, je vous remercie pour votre appel à Michel Rocard, figure importante de la vie politique française qui nous avait montré la voie du bouclier fiscal. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vais à mon tour tenter d'apporter des précisions à certaines questions posées.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur le rapporteur général, vous m'avez interpellée pour savoir si la suppression de la taxe professionnelle et la réduction de la TVA dans le secteur de la restauration – que nous mettrons effectivement en place, monsieur Cahuzac –…

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

…seraient gagées. Pour la taxe professionnelle, nous réfléchissons à différentes options, que nous soumettrons à la conférence nationale des exécutifs du 25 mars prochain. Ces propositions seront ensuite complétées par une concertation avec des parlementaires de l'Assemblée et du Sénat, dont j'espère que le président de la commission des finances pourra les désigner rapidement. Le cadre financier général est pour l'instant équilibré : nous souhaitons en effet éviter tout déficit complémentaire.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Pour ce qui concerne la TVA, le problème est un peu différent, puisque la réduction prévue implique des contreparties. Nous avons engagé dès ce matin avec Hervé Novelli, secrétaire d'État en charge, notamment, de l'artisanat et des PME, un débat qui se prolongera jusqu'aux états généraux de la restauration à la fin du mois d'avril. À cette occasion, l'un des groupes de travail sera consacré au chiffrage complet de la diminution en fonction du taux appliqué, ainsi qu'à la valorisation des contreparties des restaurateurs s'agissant des prix, des emplois, des conditions de travail, de la formation professionnelle, de la grille des salaires et des investissements que les établissements doivent réaliser, afin de concourir à l'attractivité du territoire, à laquelle, comme on le sait, ils contribuent largement.

Comme vous l'avez vous-même remarqué, monsieur le président de la commission des finances, le problème lié aux déductions d'assiette est désormais réglé pour le calcul du bouclier fiscal depuis que, à la fin de l'année dernière, nous les avons transformées en réductions d'impôt dans la loi de finances pour 2009. La position du Gouvernement est parfaitement cohérente, puisqu'il accepte bien volontiers l'initiative parlementaire permettant d'utiliser la loi de finances rectificative pour cibler le crédit d'impôt qui figure à l'article 1er du projet de loi.

Vous avez été nombreux à constater des progrès en matière de paradis fiscaux et à nous encourager à poursuivre l'effort, ce qu'Éric Woerth et moi-même ne manquons pas de faire. Au-delà des discours, il est en effet essentiel d'exercer une pression suffisante sur ces paradis fiscaux pour que, d'eux-mêmes, ils s'affranchissent dans les plus brefs délais du secret bancaire ou qu'ils fassent taire leurs réticences à fournir des informations, que ce soit dans le domaine du blanchiment, dans le domaine purement fiscal ou dans le domaine prudentiel.

Lors du petit G20 du week-end dernier, nous nous sommes efforcés non seulement d'aller dans cette direction, mais également de renforcer la boîte à outils disponible pour engager les établissements financiers à limiter leurs relations ou, pour le moins, à dévoiler la totalité, à la fois sur le plan quantitatif et qualitatif, de leurs relations avec des centres qui seraient restés non coopératifs. J'irai plus loin que votre proposition et ne limiterai pas l'engagement que vous prévoyez dans l'amendement aux seuls établissements qui ont eu recours à la SFEF : j'aurais tendance à l'élargir à l'ensemble des institutions financières et à l'imposer de manière plus large.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Vous avez été nombreux à évoquer le chômage des jeunes. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et haut-commissaire à la jeunesse, a engagé un processus de concertation avec l'ensemble des représentants des mouvements de la jeunesse. Il s'agit de répondre à la situation préoccupante dans laquelle se trouvent certains d'entre eux.

Nous engageons des efforts de formation particuliers à l'égard des jeunes, notamment en mobilisant le futur fonds de sécurisation des parcours professionnels qui résultera de la refonte des dispositifs d'orientation en place. C'est l'une des avancées qui résulte de la concertation entre les partenaires sociaux sur la formation professionnelle. Nous allons mettre en place davantage d'alternance, associant à la fois emploi et formation, en particulier en dopant les contrats professionnels et les contrats d'apprentissage.

Nous effectuons un meilleur suivi des jeunes au niveau de Pôle emploi, et nous avons mobilisé les missions locales en liaison avec Pôle emploi. Nous demandons évidemment aux entreprises aidées de recruter des jeunes.

Je rappelle au passage que de nombreux jeunes sont bénéficiaires de la prime de 500 euros pour les personnes qui, ayant travaillé entre deux et quatre mois, ne touchent pas d'allocations chômage.

Plusieurs orateurs ont reconnu le réalisme des prévisions de croissance que nous avons établies pour 2009. Certains ont cependant considéré que les prévisions pour 2010 – 1 % du produit intérieur brut – étaient un peu optimistes. Cette prévision correspond pourtant exactement à l'analyse de personnes aussi bien renseignées que MM. Bernanke et Trichet, respectivement présidents de la Federal Reserve et de la Banque centrale européenne.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Les stimulations budgétaires et monétaires coordonnées au niveau mondial sont évidemment de très grande ampleur et les entreprises finiront par reconstituer leurs stocks au bout de quelques mois. On sait qu'elles sont pour le moment dans un mouvement de déstockage massif, qui ne pourra qu'être suivi d'une période de restockage.

Monsieur Cahuzac, j'ai répondu à votre question sur la TVA. Dans le cadre des ateliers que j'évoquais tout à l'heure et en contrepartie d'engagements substantiels dans les trois domaines que j'ai cités, nous allons procéder à une révision du taux de TVA dans le secteur de la restauration. Nous nous sommes battus pendant sept ans et il n'est pas question de renoncer à l'option qui nous est dorénavant offerte à l'échelon européen.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Non, les allégements de charges d'aujourd'hui, qui représentent environ 600 millions d'euros, étaient la contrepartie…

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Non, c'est 600 millions.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Les allégements de charges seront supprimés pour leur montant réel effectivement supporté par le budget de l'État, puisqu'ils étaient la contrepartie du fait que la TVA à taux réduit n'avait pas été obtenue. Cette avancée permet non seulement, si nous le souhaitons, l'instauration d'une TVA à taux réduit sur la restauration, mais également la pérennité d'une mesure qui est la TVA à taux réduit sur des secteurs aussi importants que la réparation dans les logements et les services à domicile.

Monsieur Cahuzac, chacun a constaté que vous parliez sans notes, avec brio, mais la rigueur du raisonnement n'est pas toujours à la hauteur de votre rhétorique. Les choses ne sont pas aussi binaires qu'on pourrait le penser en entendant vos commentaires sur la relance de l'offre et de la demande. C'est beaucoup plus subtil.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Nous souhaitons mettre en oeuvre un soutien ferme à l'investissement, car, des trois moteurs de la croissance, c'est actuellement le plus faible. Nous assortissons la relance par le soutien à l'investissement de diverses mesures de soutien, en particulier aux ménages les moins aisés, aux ménages modestes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce sont les gens modestes ou les couches moyennes qui sont concernés ?

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

La loi de finances rectificative prévoit l'exonération de deuxième et troisième tiers provisionnels pour les contribuables de la tranche à 5,5 %.

Nous disposons de puissants amortisseurs et stabilisateurs automatiques, avec des dépenses sociales élevées : c'est un fait avéré qui contribue à la relance par la demande. Dans ce contexte de baisse de l'inflation et de baisse des prix, la consommation est restée soutenue en France. J'en veux pour preuve l'augmentation de 1,8 % au mois de janvier, qui faisait suite à celle de 0,5 au quatrième trimestre 2008.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Il y a eu des soldes, il y a eu la prime à la casse et la consommation est restée soutenue en février. On ne peut que s'en réjouir. Nous n'allons pas passer notre temps à jouer les Cassandre et à souhaiter le pire pour notre pays. Bien au contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Mais prenez donc la vraie mesure des choses et arrêtez de vous faire plaisir !

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Je voudrais dire quelques mots sur le dispositif d'heures supplémentaires qui était contenu dans la loi Travail, emploi, pouvoir d'achat du mois de juillet 2007 et qu'une partie de cet hémicycle a qualifié de « péché originel », d'« erreur fondamental » ou de « stigmate du mépris ou du vice ». Vous avez été nombreux à répéter – la trouvaille devait donc être collective – que nous étions le seul pays du monde où les heures supplémentaires étaient moins chères que les heures normales. Replaçons-nous un instant dans la stratégie d'un chef d'entreprise qui opère un raisonnement microéconomique à l'échelle de son entreprise. Où voyez-vous que des heures supplémentaires coûteraient moins cher que des heures normales ? L'employeur, qui est le seul à apprécier le coût réel pour son entreprise, est de toute façon contraint de payer les heures supplémentaires soit 25 %, soit 50 % de plus.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

La seule déduction dont il bénéficie est une déduction forfaitaire de 1 euro par heure supplémentaire ou de 1,50 euro pour les entreprises de moins de vingt-cinq salariés. Peut-être mes mathématiques ne sont-elles pas excellentes, mais vous aurez du mal à me démontrer que ces heures-là coûtent moins cher que des heures normales.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Pour le salarié, c'est une autre histoire : ces heures supplémentaires lui rapportent beaucoup plus, puisqu'elles sont exonérées de charges sociales employé. Cela a bénéficié à 5,5 millions de nos concitoyens, ce qui correspond à une augmentation des rémunérations de 3 %. Je ne pense pas que ce soit un péché originel ni une erreur rédhibitoire.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

C'est une mesure de flexibilité qui permet tout simplement de s'adapter à l'évolution économique et à la croissance, pour répondre à la demande. Il se trouve que, malheureusement, celle-ci étant moins soutenue ces derniers temps, le volume d'heures supplémentaires est en baisse, ce qui correspond parfaitement à la définition d'un outil flexible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Demandez à Philippe Séguin ce qu'il pense de l'efficacité de la mesure !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Si vous y croyez vous-même, madame, c'est déjà pas mal !

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Je voulais remercier Jérôme Chartier de son soutien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Écoutez Mme la ministre ! Ce qu'elle dit est très important ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Je voulais aussi le remercier d'avoir fait la distinction entre la dette récurrente budgétaire et la dette exceptionnelle liée au plan de relance, avec la création d'une caisse spéciale.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

D'une certaine manière, c'est déjà un peu ce que nous faisons. Le plan de relance est déjà bien isolé au sein d'une mission spécifique du budget de l'État. En ce sens, sa contribution à la dette pourra être immédiatement et facilement évaluable. Dans sa présentation, Éric Woerth a toujours pris soin de distinguer le déficit lié au fonctionnement normal de l'État et la dette liée au plan de relance.

Monsieur Gorce, vous avez longuement évoqué la question européenne. J'avoue ne pas très bien vous comprendre.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Au cours des six mois de la présidence française européenne, nous n'avons eu de cesse d'exhorter nos partenaires européens à travailler de manière coordonnée, concertée. Sans doute, tous nos efforts n'ont pas été couronnés de succès. Mais, dans bien des domaines, nous avons obtenu des réussites. Ainsi, dans le cas du plan de sauvetage du système bancaire, nous avons, tous ensemble, su coordonner la recapitalisation et le fonctionnement des circuits interbancaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Pour les banques, là, il y a de la solidarité !

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Fût-ce avec un petit décalage – la Grande-Bretagne ayant dû commencer un peu plus tôt, compte tenu de la situation dans laquelle se trouvaient ses banques –, nous avons tous agi en suivant le même modèle. La Commission européenne et la Banque centrale européenne ont d'ailleurs publié diverses recommandations pour que chacun des États de l'Union européenne qui devaient procéder à ce type de sauvetage puisse utiliser les mêmes méthodes.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Nous avons donc fait des efforts incontestables. Nous avons consacré deux conseils européens à la relance européenne. J'ai le souvenir très précis de celui de novembre dont le Président de la République, alors président de l'Union européenne, est sorti en déclarant qu'il regrettait de n'avoir pu mettre en place une relance collective européenne. Il a fallu un conseil européen de plus pour qu'un plan de relance soit concerté de manière collective, pour que la Commission européenne fasse des recommandations sur les critères et pour que nous établissions une doctrine de relance européenne. Chacun a alors avancé à son rythme : les Anglais ont tiré les premiers, puis les Allemands ont suivi, mais nous étions tous ensemble sur la même ligne. Votre reproche sur le manque d'esprit européen et sur le manque d'énergie européenne n'est donc pas justifié.

Vous avez par ailleurs comparé les plans de relance européens et le plan de relance américain. Pour la France, si vous ajoutez les mesures actives de relance, le Fonds stratégique d'investissement, deux ou trois autres mesures – notamment le RSA et le supplément que nous avons apporté –…

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

…et les stabilisateurs automatiques, qui correspondent à peu près à 30 milliards d'euros, nous arrivons à un total de 3,5 à 4 % du produit intérieur brut total. Il faut en effet agréger le tout et ne pas considérer seulement les 26 milliards du plan de relance stricto sensu. Le plan américain, lui, correspond à 2 % du PIB. Quand on sait que ses stabilisateurs automatiques sont à peu près de moitié inférieurs aux nôtres, on arrive à la conclusion que l'effort des États-Unis est légèrement inférieur au nôtre.

En outre, l'essentiel – c'est-à-dire 80 % – de notre plan de relance porte sur l'année 2009. Le plan de relance américain présente l'inconvénient de porter à 34 % sur 2009, le reste étant étalé sur 2010 et 2011. Vous avez raison de comparer, et il faut s'inspirer des meilleurs exemples. Mais, en l'espèce, je ne crois pas que nous devions trop nous inspirer du plan de relance Obama dans sa structure et dans son calendrier.

Je vous l'accorde, les Américains ont mis l'accent sur la recherche et le développement, mais ils n'ont pas un crédit d'impôt recherche de la force et de l'efficacité de celui dont dispose la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Vous plaisantez ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Mes chers collègues, laissez parler Mme la ministre, et que cela ne vous empêche pas de vous respecter entre vous !

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

J'ajoute que les pouvoirs publics se sont considérablement mobilisés pour soutenir la reprise de l'usine Ford par une société allemande qui investit notamment dans l'énergie éolienne. En outre, GDF Suez et d'autres entreprises du secteur de l'énergie consentent elles aussi à d'importants investissements dans les énergies du futur, et le pacte automobile est largement consacré aux véhicules « décarbonés ». Vous le voyez : nous faisons nôtres les engagements du Grenelle I, que vous examinerez dans le cadre du Grenelle II.

Vous avez souligné, monsieur Bouvard, la nécessité de relancer la compétitivité du régime fiscal propre aux résidences pour personnes âgées, aux résidences étudiantes et aux résidences de tourisme classées. À cet effet, vous proposez un amendement après l'article 8 visant à aligner le nouveau régime fiscal adopté par l'Assemblée en fin d'année dernière sur la nouvelle réduction dite « Sellier ». Cette proposition est plus simple, plus juste et plus efficace ; le Gouvernement y sera donc tout à fait favorable.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

M. Mariton a apprécié les qualités du projet tout en en relevant certains défauts. Ainsi, vous avez déploré que la politique de l'emploi ait été oubliée en 2008.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Il est vrai que certaines choses s'oublient parfois trop vite. Je vous rappelle donc qu'en 2008, nous avons fusionné l'ANPE et les ASSEDIC pour en faire un « pôle emploi » et élaboré le plan pour l'emploi des seniors qui supprime le cumul entre emploi et retraite ; nous avons mis un terme aux mises à la retraite d'office et présenté la loi sur l'offre raisonnable d'emploi – fondée sur les droits et devoirs – que l'Assemblée a votée, de même que la loi sur le partage des revenus du travail. En outre, 100 000 contrats aidés supplémentaires sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2009, que vous avez également voté ; nous avons renforcé les dispositifs de chômage partiel et exonéré de charges les entreprises de moins de dix salariés qui effectuent de nouvelles embauches pour l'année 2009. En clair, la politique de l'emploi en 2008 est active et bien présente dans le prolongement de textes législatifs importants que vous avez adoptés. Nous avons consenti un effort particulier en faveur des seniors d'une part, et des jeunes d'autre part, pour lesquels bien d'autres efforts seront encore nécessaires.

J'en viens aux commentaires de M. Emmanuelli. Vous m'avez interpellée par voie de presse, monsieur le député, en des termes qui, je l'espère, ont quelque peu dépassé votre pensée.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Selon vous, je vous aurais « délibérément caché la vérité ».

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Depuis le début de la crise financière, plusieurs députés présents pourront me donner crédit du fait que je n'ai pas ménagé mon temps pour rendre compte à la commission des finances – ou toute autre commission compétente – de notre compréhension du financement de l'économie, du fonctionnement des canaux de financement et de leurs interconnexions, en France comme ailleurs dans le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Peut-être, mais vous nous avez raconté des blagues !

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

J'ai également abordé la situation d'un groupe en particulier, qui a requis notre attention – Dexia.

Vous avez fait référence à AIG : pour le Gouvernement, il était très clair que la chute de cet établissement, si elle avait eu lieu juste après celle de Lehman Brothers, aurait entraîné des catastrophes d'ordre systémique.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Et pour cause : cet établissement était devenu une contrepartie majeure du marché des dérivés de crédit. C'est pour éviter un tel risque que les gouvernements des pays développés ont tous, à cette période, pris l'engagement de ne pas abandonner un établissement à caractère systémique et d'élaborer des plans coordonnés pour soutenir le financement de nos économies. J'avais alors personnellement contacté le secrétaire d'État au Trésor américain, pour lui demander de ne pas laisser AIG tomber en faillite, comme il l'avait fait pour Lehman Brothers.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

À l'époque, nous ne connaissions pas précisément les montants exacts de l'exposition de l'ensemble des banques – même s'ils sont connus aujourd'hui, dans le cadre du plan de soutien à AIG.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

En revanche, nous savions que, compte tenu du portefeuille de dérivés de crédit dont disposait AIG, la faillite de cette institution aurait pu entraîner des conséquences catastrophiques, non seulement pour AIG et les États-Unis, mais aussi pour l'ensemble des banques qui se trouvaient en contrepartie vis-à-vis d'AIG, dont un certain nombre d'établissements français.

Suite aux turbulences financières, AIG a dû négocier avec ses principales contreparties la fin des contrats de protection d'actifs, la restitution du collatéral et le rachat des actifs garantis, d'où un certain nombre de transferts financiers entre les deux parties. Seuls les montants nets publiés ont une réelle signification économique ; il n'est naturellement pas question de 20 milliards d'euros, mais de sommes bien inférieures, qui sont désormais dans le domaine public.

Vous avez aussi évoqué l'accord conclu entre la Société générale et la Banque fédérale de New York. Il concerne les activités de la filiale américaine de la Société générale, et le renforcement de ses procédures internes, afin de respecter pleinement les dispositions spécifiques de la loi américaine en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux. Je vous rappelle qu'il s'agit d'un accord écrit simple entre les deux parties.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Peut-être, mais il s'agit tout de même d'un accord entre les parties !

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Vous le savez très bien : s'il s'était agi d'un cas plus sérieux, les autorités américaines ne se seraient pas contentées d'un simple accord écrit ! Voilà qui témoigne de la volonté de la Société générale de se conformer à toutes les dispositions de la réglementation américaine, y compris dans ce qu'elle a de spécifique, en y consacrant des moyens accrus.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Vous le voyez : il n'y a aucune volonté de ma part de dissimuler quoi que ce soit. N'allez pas imaginer que je souhaite vous cacher la vérité : ce n'est évidemment pas le cas. Enfin, en matière d'établissements bancaires, il est plus sain, dans l'intérêt de tous, y compris celui des établissements financiers eux-mêmes, d'éviter d'avoir ce type de débat par voie de presse. Il va de soi, cependant, que vous avez le choix des médias que vous utilisez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour une intervention ne pouvant dépasser trente minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vos discours, madame et monsieur les ministres, laissent quelque peu pantois. Vous ignorez les problèmes quotidiens que doivent affronter nos compatriotes : quel impact ont les propos que vous venez de tenir, madame la ministre, sur l'assiette des concitoyens ? Aucun ou presque !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

En effet, mais ceux dont l'assiette est déjà bien remplie n'ont pas besoin de la remplir davantage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Nous traversons une crise grave, et vous n'avez pas pris les mesures qui conviennent pour relancer la demande – dont vous avez vous-mêmes reconnu cet après-midi que son retrait est une cause importante de la situation actuelle. Vous mettez le pied sur l'accélérateur, mais vous nous enfoncez dans la crise. Voici donc une nouvelle loi de finances rectificative – vous venez ainsi d'inventer la loi de finances rectificative mensuelle, puisque vous laissez entendre qu'il y en aura d'autres. Gageons que sur le fond, elles ne changeront rien – conformément au souhait du Président de la République et du Premier ministre. Vous persisterez dans votre fidélité à vos dogmes.

Certes, vous prétendez avoir pris des mesures pour venir en aide aux plus modestes – encore que nous ne partagions pas la même définition de cette catégorie, si j'en crois les propos que vous venez de tenir, madame la ministre. Pour les plus riches, vous comptez en milliards d'euros ; pour les plus modestes, en millions, voire en centaines d'euros. Que valent 200 euros lorsqu'on est surendetté et que l'on ne touche plus terre ? C'est une somme dérisoire !

Je vous ai bien entendu souligner les multiples incertitudes qui persistent. Avant d'y venir, force est de constater que la situation vous échappe complètement. La logorrhée distinguant entre déficits structurel et circonstanciel – une bien belle invention – ne saurait faire illusion : aujourd'hui, vous ne maîtrisez plus rien. Le déficit dépasse 100 milliards d'euros, auxquels s'ajoute la mesure relative à la TVA, finalement obtenue. Ou faut-il croire que vous espériez in petto que Sainte-Angèle de Germanie bloquerait une fois de plus cette décision, vous permettant ainsi d'échapper à un engagement de campagne, grâce au populisme qui fait le charme discret du Président de la République ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il est vrai que lorsque le déficit atteint 104 milliards, quelques milliards de plus ou de moins sont bien peu de chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Le Président de la République est loin d'être discret !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous êtes injustes : s'il existe quelqu'un pour trouver un charme discret au Président de la République, c'est bien Mme Angela Merkel ! J'étais encore aujourd'hui à Bruxelles, où des collègues allemands m'ont confirmé que certaines difficultés subsistaient en la matière… Mais je ne voudrais pas être indiscret, madame la ministre, en vous demandant de nous livrer des confidences qui confirmeraient ces propos !

Vous êtes devenue plus humble, madame la ministre, et plus prudente aussi. Vous connaissant, et sachant que vous n'êtes pas sans culture – à la différence du Président de la République, allais-je dire (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP) –, je vous soupçonne d'avoir relu les Maximes de La Rochefoucauld. « L'humilité n'est souvent qu'une feinte soumission dont on se sert pour soumettre les autres », disait-il. « C'est un artifice de l'orgueil qui s'abaisse pour s'élever ».

Vous venez à l'instant de prendre à partie M. Emmanuelli.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Certes, il n'a pas besoin d'un avocat pour se défendre. Vous lui avez parlé de vérité : nous n'avons pas forcément la même opinion en la matière !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est un beau sujet de dissertation philosophique. Jean Rostand disait que « la persistance d'une opinion ne prouve rien en sa faveur ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Or, vous persistez dans vos fausses opinions ! « Il y a encore des astrologues », ajoutait Jean Rostand, en pensant certainement déjà à vous par anticipation. Oui, nous l'avons vu depuis plusieurs mois : vos prévisions sont aussi fiables que celles des astrologues ! C'est loin d'être rassurant pour l'avenir !

Vous avez donc contesté l'appréciation de M. Emmanuelli concernant la vérité. Le problème de votre vérité, madame la ministre, est qu'elle est aussi extensible qu'un élastique. Ainsi, s'agissant des statistiques de croissance du PIB que vous avez indiquées à la commission des finances, vous ne les comparez qu'avec des pays qui donnent de vous une image flatteuse : le Royaume-Uni, les États-Unis ou encore l'Allemagne. Pourquoi ne pas les comparer avec l'Espagne, par exemple, qui, pour la dernière partie de 2008, est dans une situation meilleure que la nôtre ? Ou encore avec les Pays-Bas ? Il est vrai que le Président de la République n'éprouve que peu de respect pour les « petits pays », qui, à ses yeux, ne comptent pas ; c'est oublier qu'en leur temps, les Bataves dominèrent le monde…

Quand vous parlez du PIB, vous faites certaines comparaisons. Mais quand vous parlez des permis de construire, en faisant des comparaisons internationales, vous allez chercher l'Espagne, que vous n'aviez pas citée dans l'exemple précédent, parce que, dans un cas, cela vous sert, dans l'autre, cela vous dessert.

Vous ne nous avez pas parlé de la situation des salariés. Pourtant, madame la ministre, monsieur le ministre, si l'action politique a un sens, c'est en fonction de ce qu'elle permet de mettre en oeuvre pour nos concitoyens, pour notre peuple. La réalité de la vie de nos concitoyens, aujourd'hui, c'est ce qui se passe à Continental, par exemple. Les ouvriers viennent de toucher 1 700 euros de prime d'intéressement pour leurs bons résultats. En même temps, on licencie 1 200 d'entre eux.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gest

Cela ne se fait pas de lire le journal à la tribune !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous voulez censurer Le Monde, mon cher collègue ? Je sais bien que le Président de la République a prévu de museler l'audiovisuel public dans des conditions qui ont été débattues ici même, mais laissez au moins la presse qui n'est pas assujettie à l'État s'exprimer librement et rendre compte de la réalité !

Dans les propos de Mme Lagarde ou de M. Woerth, à aucun moment, nous n'avons entendu parler de la France réelle, par exemple, de M. et Mme Lacoste qui travaillent chez Continental et qui, à eux deux – c'est Mme Lacoste qui parle –, gagnaient presque 4 000 euros. « Nous avons acheté dans le coin », dit-elle, « et il nous reste vingt-quatre années pour rembourser 250 000 euros. Comment allons-nous faire ? » À cela, vous ne répondez pas.

Il n'y a pas que Continental. Je vais prendre l'exemple d'une autre entreprise dont on n'a pas entendu parler ici : Eurostyle, qui travaille, entre autres, pour Renault. Les salariés de cette entreprise étudient et fabriquent les habillages intérieurs : 100 % des véhicules français construits en France ont au moins une pièce provenant de chez Eurostyle. Or, aujourd'hui, 1 000 personnes se retrouvent sans travail. Un repreneur est d'accord avec la reprise, mais en conservant seulement 50 % des salariés et à condition que Renault et PSA paient des prix suffisamment rémunérateurs à leurs sous-traitants. De cela, on n'a pas entendu parler ni des souffrances qu'expriment les salariés d'Eurostyle.

S'agissant de Renault, madame Lagarde, le Gouvernement, c'est le moins que l'on puisse dire, fait de gros efforts. Pourtant, c'est l'exemple même de l'injustice et des inégalités, sous la houlette de M. Carlos Ghosn qui, à lui seul, touche l'équivalent de la perte de salaire de tous les salariés de Sandouville, touchés par le chômage partiel ! Il faut en parler, madame Lagarde ! Le Président de la République dit qu'il faut moraliser les entreprises : il ne faut pas seulement parler de moralisation, il faut prendre des mesures en ce sens. Il est vrai que, chez Renault, certains se portent bien : les actionnaires et les dirigeants n'ont cessé de voir leurs dividendes et stock-options exploser avec un versement de plus de 3,24 milliards au cours des quatre dernières années. Voilà la réalité !

Il est question de paradis fiscaux et d'évasion fiscale. Que fait Renault en ce moment ? Et de cela, nous n'avons pas entendu parler non plus. Vous voyez que tout cela justifie le retour en commission puisque ce sont des informations qui nous ont été soustraites ! Renault vient de créer deux filiales et un point sur le schéma directeur d'implantation immobilière en région parisienne vient d'être fait. Les deux filiales que Renault vient de créer n'ont pas de personnel. Seule une partie du travail des salariés sert à justifier le crédit d'impôt. Il s'agit de filiales vides, multi-établissements, dont le suivi ne se fera qu'en comité central d'entreprise.

Madame la ministre, c'est de l'arnaque, ou je ne m'y connais pas ! Ce M. Ghosn, que vous idéalisez, l'Attila de l'industrie, qu'allez-vous faire pour qu'il rentre dans le rang ? Pour l'instant, vous n'avez rien fait. C'est d'autant plus choquant que les dispositions prises par M. Ghosn – et j'y reviendrai – se traduisent par une baisse du revenu qui peut atteindre, chez certains salariés de Renault, 2 000 euros par an. Que dire de Total, avec ses 14 milliards de profits et ses 550 licenciements ?

Il y a un appauvrissement incontestable de nos concitoyens, mais il y a, en outre, l'humiliation, la révolte légitime qui monte, parce que, dans vos propositions, il n'y a rien de substantiel pour les salariés si ce n'est des clopinettes ! Vous faites des cadeaux au patronat, oui, par erreur ou inadvertance, je le reconnais, vous faites des cadeaux à Carlyle, dans l'affaire de l'Imprimerie nationale, ou encore à Tapie. Bref, vous faites des cadeaux aux privilégiés ! Vous devriez écouter cette phrase particulièrement sensée : « Ne laissez pas aux pauvres que les miettes du festin !» C'est un horrible gauchise qui a dit cela le 21 octobre 1979 au Yankee Stadium de New York, un certain Jean-Paul II… Si vous suiviez mieux ses préceptes, vous iriez davantage, comme Pierre Méhaignerie, dans le sens d'une plus grande justice sociale.

Nous pourrions parler, madame la ministre, monsieur le ministre, de l'endettement d'urgence des ménages. Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République, indique qu'en six mois, le taux d'endettement des ménages est passé de 67 à 73 %. Les Français s'endettent davantage, non pour améliorer leur qualité de vie, mais pour subvenir à leurs besoins. Ces situations, que l'on qualifie de « mal-endettement », se multiplient au fil de l'accroissement des accidents de la vie, comme la perte d'un emploi. « Nous recevons de plus en plus de dossiers lourds de surendettement », affirme Jean-Paul Delevoye. Que font, face à cela, vos 200 euros par mois, pour ceux qui vont en bénéficier ?

Gilles Carrez, avec des trémolos dans la voix, nous disait cet après-midi, en réponse à Didier Migaud, qu'il ne fallait pas trop s'indigner des 360 000 euros qui allaient bénéficier à 834 contribuables, parce que, selon lui, « on n'a pas le droit de prendre plus de la moitié du revenu d'une personne. C'est confiscatoire. » Il a ajouté que nous étions le seul pays du monde où existe l'ISF ! La belle affaire ! Croyez-vous que les plus riches paient trop d'impôts ? Ce n'est pas vrai ! Vous ne nous avez jamais donné de chiffres sur les gens qui partent et sur ceux qui reviennent. Nous n'avons jamais pu rencontrer concrètement des personnes que nous aurions pu auditionner en commission des finances. Quand j'entends le rapporteur général du budget, homme fort estimable par ailleurs, dire que des contribuables français seraient obligés de partir en Suède, comment se satisfaire de tels propos ? Comment ne pas dénoncer cette forme de trahison nationale, qui conduit certains, par appât du lucre et du gain, à oublier qu'ils doivent tout à la République, qui les a formés et soignés ? Essayer d'accompagner ces gens qui ne méritent que notre mépris, alors que tant de nos compatriotes triment et se lèvent tôt, comme l'a dit un certain Nicolas Sarkozy, est tout à fait indigne.

Mais revenons au bouclier fiscal…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est une source qui vous est proche, madame Lagarde et monsieur Woerth : parmi les 14 000 bénéficiaires, le ministère du budget et des comptes publics a isolé – c'est une curieuse formule, mais je ne suis pas contre, puisqu'on crée des centres de rétention pour les travailleurs immigrés dont le seul défaut est de ne pas avoir les bons papiers – 3 506 contribuables du haut de l'échelle, ceux qui déclarent un revenu fiscal supérieur à 42 507 euros par an et qui possèdent un patrimoine de plus de 7,3 millions d'euros. Comme l'année dernière – c'est toujours votre ministère qui parle – ceux-ci concentrent une très grosse part du bénéfice puisqu'ils représentent le quart des bénéficiaires, mais ils absorbent 89 % des restitutions.

Le Gouvernement refuse d'alourdir les impôts des plus riches. Nicolas Sarkozy a mis en avant la compétition mondiale et le risque de fuite des capitaux. Je cite le Président de la République : « Je… », car il parle beaucoup à la première personne. Comme un grand personnage de notre histoire, qui disait : « L'État, c'est moi ! » Maintenant, ce serait plutôt : « Moi, c'est l'État » ! Le Président de la République dit qu'il ne veut pas enrichir Monaco. N'aurions-nous pas, par hasard, quelques moyens de pression sur Monaco ? Le général de Gaulle, lui, savait comment faire !

Nicolas Sarkozy continue : « Je ne veux pas enrichir la Suisse ! Je ne veux pas enrichir l'Autriche ! Je veux que les gens viennent dépenser leur argent et investir en France ! » Mais grâce à la pression qui s'est exprimée, l'Autriche et la Suisse viennent de s'engager à respecter les normes internationales. Bien sûr, les gens sérieux ne les croient pas, puisque l'OCDE avait déjà travaillé sur des listes qui s'étaient raccourcies au fur et à mesure que de tels engagements avaient été pris. Dès que ces pays ont été retirés de la liste, pour certains d'entre eux, ils ont renoué avec leurs vielles pratiques, et ce sans aucune sanction !

Certains de nos collègues, à droite de l'hémicycle, écoutent leurs électeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Michel Raison, par exemple, dit qu'il ne peut pas croiser quelqu'un sur le trottoir sans que celui-ci lui demande plus de solidarité.

Pierre Cardo dit que, pour apaiser les tensions et montrer qu'ils ne sont pas idéologiquement bloqués – ce qui est difficile à démontrer –…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…il serait bon de modérer ou de suspendre momentanément le bouclier fiscal.

Notre excellent collègue Michel Piron, quant à lui, dit que l'effort de solidarité n'est pas seulement recommandable, mais relève du devoir.

Comme vous pouvez le constater, madame la ministre, monsieur le ministre, avec les collègues que je viens de nommer et d'autres qui ont été cités tout à l'heure, il y a presque de quoi faire un groupe ! Vous devriez y réfléchir ! Je dis cela pour votre bien, car, pour ma part, je suis un adepte de la diversité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Et plus il y a de diversité, surtout à droite, mieux c'est ! Cela montre que notre pays ne va vraiment pas bien, ce dont on ne peut se réjouir, et que certains de nos collègues, qui ne sont pas totalement autistes, pensent qu'ils auront peut-être un jour des comptes à rendre à nos concitoyens.

Le Président de la République a dit qu'on allait voir ce qu'on allait voir pour ce qui est des paradis fiscaux ! Mais, lorsqu'il nous a reçus à l'automne, à la veille du G 20 à Washington, le Président de la République nous a dit qu'il fallait intervenir sur les flux en direction des paradis fiscaux, mais que, pour les paradis fiscaux eux-mêmes, on ne pouvait pas faire grand-chose. Il y a le discours public et les actes. Le discours public vise à impressionner le bon peuple, avec des mouvements de menton et des effets de manches. Mais en ce qui concerne les actes, il ne faut pas indisposer tous ceux qui vivent de ces trafics !

Il est vrai que si l'on veut mettre en cause les paradis fiscaux, il faut s'attaquer non seulement à Monaco – même s'il faut d'abord faire le ménage chez nous –, à Panama ou aux îles Moustique, mais aussi aux États-Unis dont l'un des états est un véritable paradis fiscal, je veux parler du Delaware et l'on pourrait même en ajouter un deuxième, dans une moindre mesure. Vous savez tout cela, car vous êtes une vraie experte, pas une experte de télévision, vous connaissez la réalité de l'intérieur pour avoir vécu dans ce pays. Vous ne pouvez pas ne rien faire ou alors si vous ne faites rien, c'est que vous êtes doublement coupable, puisque c'est en connaissance de cause.

S'agissant de la situation de notre système bancaire, vous avez souligné cet après-midi, madame la ministre : « Les banques vont mieux chez nous. » Ce n'est pas l'avis de tout le monde. Un proche de l'Autorité des marchés financiers a ainsi déclaré : « Nous sommes passés entre les gouttes parce que nos banques ont été un peu moins avides » – encore que les dernières nouvelles concernant la Société générale n'ont rien de rassurant – « et que les activités de marché les plus fragilisées sont concentrées à la City. Mais demain ? On se lève tous les matins en se demandant quel sera le prochain cataclysme ».

Il paraît aujourd'hui difficile de garantir la qualité du bilan des banques et d'affirmer que les pertes révélées, liées aux produits financiers toxiques acquis par les établissements au mépris des règles de prudence et désormais invendables sur le marché, valent pour solde de tout compte.

Vous savez bien que telle est la réalité, madame Lagarde. Or tout cela n'a pas été pris en compte dans votre projet de loi de finances rectificative. Ce seul fait justifierait un renvoi en commission.

L'État met de l'argent à disposition des banques et nos concitoyens entendent sur les chaînes de radio et de télévision que celles-ci vont mal. Ce n'est cependant pas tout à fait la réalité, même si des représentants du Crédit agricole et de la Société générale ont indiqué qu'ils n'avaient pas besoin de l'argent de l'État et qu'ils refusaient tout contrôle – il semble toutefois qu'ils se soient ravisés pour ce qui est de leur capacité à tendre la main. Il y a quelque chose d'immoral dans la pratique des marges : les banques sont accusées de reconstituer leurs profits sur les prêts aux ménages et aux particuliers. De fait, dans les dernières publications de la Banque centrale, les établissements de crédit reconnaissent qu'ils ont continué d'augmenter leurs marges alors qu'ils ont dans le même temps durci les conditions imposées pour la souscription de nouveaux crédits, particulièrement pour les prêts présentant le plus de risques.

De cela, vous ne nous avez pas non plus parlé.

Il faudrait pourtant revenir sur la façon dont vous avez réglé le problème des banques. À cet égard, permettez-moi de citer Jean Jaurès qui, je le sais, fait encore frissonner le côté droit de l'hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Certains d'entre vous, mesdames, messieurs de la majorité, l'ont peut-être lu, mais en esthètes et non en personnes convaincues de l'intérêt de ses thèses. « La propriété n'est pas un absolu que l'on puisse nier ou affirmer au nom de Dieu. Elle a des formes successives. Et lorsque l'une de ses formes a cessé d'être légitime – propriété féodale, propriété corporative, propriété de l'Église –, des formes nouvelles surgissent, comme a surgi la forme de la propriété individuelle bourgeoise qui garde sa légitimité, non pas tant qu'il plaît à Dieu, mais tant qu'elle répond aux nécessités d'un ordre économique et social déterminé …».

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Qui a dit : « La propriété, c'est le vol », monsieur Brard ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…« et qui, quand ces nécessités seront transformées, est appelée, comme nous le proclamons, à faire place à un type nouveau de propriété collective sociale. »

Je vous invite à réfléchir, madame la ministre, à ces propos prononcés à cette tribune même, le 4 mars 1904, car leur actualité est éblouissante. À la différence des États-Unis ou du Royaume-Uni, vous refusez de considérer que les sommes que l'État consacre aux banques devraient constituer autant de moyens d'entrer dans le capital de ces établissements pour les inciter à changer de pratiques et sortir de la logique qui nous a menés à la catastrophe. Et la même chose pourrait valoir pour le secteur industriel. Eh oui, nationalisation n'est pas un gros mot !

Vous vous avancez sur certains terrains, madame la ministre, mais je vous soupçonne d'être contrainte de cautionner des propos que vous ne partagez pas – mais pourriez-vous agir autrement quand ils viennent de Sa Majesté Impériale ?

Ainsi en va-t-il du plan automobile. Le 5 février, lors de l'émission Face à la crise, Nicolas Sarkozy martèle qu'il a obtenu un engagement de PSA et de Renault : « Je veux qu'on arrête les délocalisations et que, si possible, on relocalise. » Quatre jours plus tard dans les salons de l'Élysée, il paraphe des accords de soutien à la filière automobile et annonce que les deux entreprises françaises ont promis de ne fermer aucun de leurs sites durant cinq ans et de tout faire pour éviter des licenciements. Mais patatras ! un document de votre ministère, adressé à la Commission européenne, fait la lumière sur le dossier. Et en fin de compte, cela montre, comme dirait la sainte église catholique, que vous péchez par omission : vous ne dites pas de contre-vérités ; seulement vous ne dites pas tout.

Permettez-moi de citer ce document : « Les engagements pris par les deux constructeurs bénéficiaires du plan automobile répondent à une obligation de rendre compte, sans pour autant constituer de clause opposable au sens contractuel du terme. » Autrement dit, PSA et Renault ne sont soumises à aucune obligation : elles peuvent empocher la manne de l'État sans respecter les contreparties. « Les engagements de maintien d'activités en France sont sans incidence sur les stratégies d'implantation de production », est-il encore écrit dans la note de Bercy, démonstration que les promesses du Président ne sont que des rodomontades dont il est coutumier. « L'engagement des industriels de tout mettre en oeuvre pour préserver l'emploi et les compétences est une forme de reconnaissance de leur responsabilité mais ne définit qu'une obligation de moyens et non de résultats. » Plus loin, on peut lire que « l'absence de mise en oeuvre d'un plan social en 2009 n'exclut pas des ajustements d'effectifs, sous la forme notamment… » – appréciez l'adverbe – « …de départs volontaires ».

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

La demi-heure n'est-elle pas écoulée, monsieur le président ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce qu'il vous manque, madame la ministre, monsieur le ministre, c'est une vision stratégique. Ce qu'il vous manque, c'est une analyse de la crise de nature à vous permettre de proposer des transformations en lieu et place de vos cataplasmes. Mais précisément, le formatage idéologique dans lequel vous êtes enserrés vous rend la chose impossible : vous n'y croyez pas. Vous êtes habités par la foi des vieux croyants qui, dans leur fidélité au dogme, restent imperméables à la critique et à l'analyse. Vous me permettrez de terminer mon propos…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…en vous rappelant qu'il faut écouter les Français qui se lèvent tôt, ceux qui triment, ceux que vous enfoncez dans la souffrance et la désespérance.

Écoutez plutôt cette citation d'un homme remarquable : « Dans les pires drames de notre histoire, c'est du peuple laborieux que se levèrent toujours les grandes vagues profondes dont la patrie sortit sauvée, libérée, renouvelée. Ce sont les travailleurs français, ceux de la terre, ceux des usines, ceux des transports qui donnent, au milieu des ennemis et des traîtres qui les servent, l'exemple de la résistance ». Ainsi parlait le général de Gaulle, le 30 avril 1942. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gest

Quel ralliement : mieux vaut tard que jamais !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Monsieur Brard, vous avez terminé votre intervention en citant le général de Gaulle, mais nous n'avons pas de leçon de gaullisme à recevoir de votre part car nous aimons autant que vous notre patrie. (Approbations sur quelques bancs du groupe UMP.)

Si nous avions encore des doutes sur la justesse de votre politique, madame la ministre, monsieur le ministre, ils auraient été dissipés par le discours de M. Brard qui a parlé une demi-heure sans rien proposer. La situation de notre pays est suffisamment grave pour nous laisser espérer que l'opposition choisisse la cohésion nationale afin d'apporter sa contribution, ses propositions, comme c'est le cas dans la plupart des démocraties du monde où l'unité nationale s'est faite pour lutter contre la crise. Mais il n'en est rien.

Que contient pourtant ce projet de loi de finances rectificative sinon des mesures destinées à soutenir l'économie, objectif qui rassemble depuis quatre mois le Président de la République, le Premier ministre, le Gouvernement et la majorité ?

Nous avons salué la réactivité dont le Gouvernement a fait preuve à travers le plan de sauvetage des banques puis le plan de soutien par l'investissement destiné à soutenir l'économie et l'emploi. Aujourd'hui, il propose des mesures spécifiques destinées à des secteurs en difficulté comme les équipementiers automobiles, mesures concrètes qui contribuent à relever l'économie nationale.

Je voudrais renouveler le soutien des députés du Nouveau Centre à la politique que vous menez dans le cadre du fonds d'investissement stratégique ou du fonds d'investissement social ou encore des mesures destinées à financer les 330 000 contrats aidés ou les contrats de transition professionnelle.

Ce sont des mesures concrètes que nos compatriotes comprennent et apprécient.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

C'est pour cela qu'ils manifestent, sans doute !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Aujourd'hui, madame la ministre, vous avez rappelé devant la représentation nationale que, grâce à la France, l'Europe allait prendre toute sa part dans l'édification d'un ordre monétaire et financier rénové, fondé sur l'exigence de transparence.

Monsieur Brard, vous avez, quant à vous, critiqué sans rien proposer. Que le Gouvernement sache que les députés du Nouveau Centre soutiennent la politique volontaire qu'il mène au seul service de l'économie et de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Monsieur Hunault, ne prenez pas mes propos pour une critique – il arrive à tout le monde de manquer des séances – mais, si mon collègue Brard n'a pas fait de propositions, c'est que j'ai eu moi-même l'occasion d'en présenter dans le cadre de la question préalable. Vous n'étiez pas là quand je l'ai défendue, mais je peux vous en communiquer le texte, si vous le souhaitez. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Tout à l'heure, j'ai évoqué la question de ces riches trop imposés qui partiraient à l'étranger. Un des mérites de cette crise pourrait bien être de mettre fin à cette illusion assez tenace que les riches seraient les moteurs du développement économique. J'insiste sur le mot « tenace » car le Président de la République a déclaré hier qu'on avait besoin des gens fortunés.

La réalité est tout autre et elle nous donne raison, ainsi qu'à de nombreux économistes. Je n'en citerai qu'un, qui est chercheur à Berkeley. Dans une interview qu'il a donnée au magazine Capital de décembre 2008, il déclare que nous avons vécu, en France et dans le monde, un grand creusement des inégalités dû à une forte hausse des hauts revenus qui a coïncidé avec une fiscalité plus favorable aux hauts revenus et à l'essor de l'industrie financière. En fait, c'est tout ce qui nous a conduits dans le mur.

Comme nous savons ce qui nous a conduits dans le mur, nous devons faire tout l'inverse, c'est-à-dire réduire les inégalités par une meilleure rémunération du travail. Vous ne le dites jamais, mais le travail c'est la seule création de richesse. Il faut donc une moindre rémunération du capital et des hauts revenus pour éviter « qu'un flot d'argent alimente toujours plus la spéculation », pour reprendre les propos de Patrick Artus.

En définitive, il faut éviter que ces riches, soi-disant providentiels, ne nous coûtent aussi cher en ayant gaspillé et fait évaporer autant de milliards d'euros qui manquent aujourd'hui au fonctionnement de l'économie.

Vous aurez compris que le renvoi en commission du texte c'est bien le minimum que nous puissions demander pour inverser cette logique qui nous a conduits dans le mur.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Aujourd'hui, nous avons eu le minimum. Mais demain, ce sera le maximum syndical !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Monsieur le président, je vous remercie de me donner la parole, mais face à la caricature faite par M. Brard, que répondre sinon rien ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Monsieur Brard, vous auriez dû citer Proudhon...

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

..puisque pendant une demi-heure, la seule chose que l'on a entendue, c'est que « la propriété, c'est le vol ». Nous n'avons rien appris d'autre, mais on en a l'habitude avec vous ! Vous êtes en général un bon acteur, vos effets de manches sont fantastiques, mais il n'y a rien sur le fond et c'est bien dommage. En tout cas, sachez que nous prenons toujours beaucoup de plaisir à vous regarder. C'est déjà ça !

Bien sûr, le groupe UMP votera contre le renvoi en commission du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Henri Emmanuelli, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Monsieur Chartier, ce n'est pas une surprise pour nous que vous souteniez le Gouvernement, mais je vous ferai remarquer aimablement que confondre Proudhon et la culture marxiste est la preuve d'une culture qui devrait vous conduire à parler avec moins d'arrogance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

C'est parce que vous n'avez pas écouté le discours de M. Brard !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Monsieur Chartier, vous aviez cinq minutes pour vous exprimer !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Si, monsieur Brard, je l'ai écouté, et je vous renvoie à vos livres !

Monsieur Hunault, je vous félicite pour le pluralisme dont fait preuve votre groupe. Après vous avoir écouté ainsi que M. Vigier, on a le sentiment que le Nouveau Centre est un puzzle où cohabitent des opinions assez différentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Parce qu'il n'y en a pas au parti socialiste ? C'est bien connu en effet !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Tout à fait, monsieur Brard !

Expliquer que les centristes n'ont pas de leçons de gaullisme à recevoir, il y a des limites ! Même à une heure tardive, on ne peut pas raconter n'importe quoi. Ne piétinez donc pas l'histoire.

Madame la ministre, je souhaiterais vous répondre sur un sujet relativement grave que vous avez évoqué à votre façon.

D'abord, je n'ai pas dit que vous n'aviez pas dit la vérité, mais que vous n'aviez pas dit toute la vérité, et je le maintiens.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Et vous avez récidivé ce soir en nous expliquant, à la tribune, que la Société générale avait signé un accord avec la Banque fédérale américaine. Non, madame la ministre, ce n'est pas ainsi que cela s'est passé, et vous le savez aussi bien que moi. Après un rappel à l'ordre de la FED, la Société générale s'est précipitée dans la foulée, ce que je peux comprendre, pour signer un accord avec la Banque fédérale américaine parce que, pas plus qu'UBS, elle n'a les moyens de résister aux injonctions de la FED.

J'ai vu ce que disait la Banque fédérale américaine, et je m'étonne que vous traitiez le sujet avec autant de légèreté.

Nous vous avons auditionné à plusieurs reprises, ainsi que le gouverneur de la Banque de France après les premières secousses. Nous vous avons demandé si la situation était assainie. On nous a répondu par l'affirmative, que tout allait bien désormais et qu'il n'y avait plus de créances douteuses.

Je ne reproche pas à AIG d'avoir versé 11,9 milliards à la Société générale – après tout, elle est dans son rôle puisque c'est un rehausseur de crédits. Que l'assureur paie l'assuré n'est pas choquant en soi. Mais ce qui est plus compliqué, c'est que l'assureur paie l'assuré avec l'argent des contribuables américains. Vous avez confirmé que vous aviez vous-même appelé le secrétaire d'État au Trésor pour lui demander d'honorer cette créance parce que vous saviez que si elle ne l'était pas avec l'argent des contribuables américains, cette banque se serait retrouvée en grande difficulté.

Je continue donc à penser qu'on ne nous a pas dit alors toute la vérité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Cela n'a rien à voir avec une explication de vote !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Monsieur Chartier, tout au long de la journée, vous avez créé des incidents parce que vous avez été absent lors d'un vote et que vous vous êtes fait tirer les oreilles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

J'étais dans les couloirs ! En tout cas, vous on ne vous voit pas souvent en commission des finances !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Le jour où vous serez ministre des finances, je vous répondrai, mais il me semble que ce n'est pas pour demain !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Je suis arrivé quelques minutes après le coup que votre groupe a fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Madame la ministre, je vous demande à l'avenir, quand on évoquera ces questions, d'avoir droit à la vérité. Si vous nous le demandez, je suis prêt à m'engager à une clause de confidentialité, ce que nous avons déjà fait parfois.

J'aimerais savoir comment le gouverneur de la Banque de France peut déclarer en commission des finances qu'il n'y a plus de créances douteuses quand on voit toute cette collection de paiements qui ont été effectués ces jours derniers par le rehausseur américain.

Vous nous dites qu'il ne faut pas évoquer ces sujets car ils sont dangereux. C'est vrai, mais quand on sait que les contribuables français ont mis 20 milliards d'euros pour la dotation en capital...

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Je réponds à Mme la ministre des finances, même si cela dérange M. Chartier ! Que je sache, le propos est libre !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Monsieur Chartier, ne prolongez pas le débat et n'interrompez pas M. Emmanuelli !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Je comprends que cela les dérange !

En conclusion, madame la ministre, le groupe SRC votera cette motion de renvoi en commission, d'une part parce que votre collectif n'est pas à la hauteur de la situation, d'autre part par solidarité avec M. Brard.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Prochaine séance, aujourd'hui, jeudi 19 mars 2009, à neuf heures trente :

Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2009.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 19 mars 2009, à zéro heure quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma