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Séance en hémicycle du 27 juin 2011 à 21h30

La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010 (nos 3507, 3544).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Daniel Garrigue.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de règlement des comptes pour 2010 fait une nouvelle fois ressortir les profondes faiblesses de notre politique des finances publiques.

Il met en évidence une dégradation qui, même si elle est un peu mieux contenue, va une nouvelle fois au-delà des effets de la crise, une dégradation supérieure à celle de nos principaux partenaires – et l'écart se creuse avec l'Allemagne –, une dégradation qui résulte de l'absence de maîtrise globale de la dépense et, surtout, de la poursuite de la destruction de la recette publique.

Mais je voudrais mettre l'accent sur l'incidence territoriale de cette politique, que nous ressentons de façon particulièrement marquée dans ce projet de loi de règlement.

D'abord, les modalités de mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques – la RGPP –, qui est la version modernisée, et théoriquement plus large dans ses ambitions, de la rationalisation des choix budgétaires – la RCB –, sont malheureusement perverties par la règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, qui est une règle aveugle et absurde dans son principe. Or je vous fais observer, monsieur le ministre, que cette règle affecte prioritairement les services territoriaux de l'État, puisque ce sont les implantations régionales des services de l'État qui sont préservées et que beaucoup d'administrations centrales résistent mieux à cette règle que les services décentralisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Ajoutons que l'effort de formation, qui aurait pu donner aux agents restants une plus grande polyvalence, n'a pas été engagé à temps, ce qui affaiblit encore les services territoriaux.

Le second aspect sur lequel je veux insister est le recul marqué des investissements des collectivités territoriales. Certes, l'année 2009 avait connu un investissement plus soutenu grâce aux versements anticipés des dotations du fonds de compensation pour la TVA – le FCTVA –, mais, comme le relève le rapport de la Cour des comptes, l'investissement des collectivités territoriales s'inscrit, depuis 2007, dans une tendance baissière, que les résultats de 2010 viennent malheureusement confirmer. La réforme de la taxe professionnelle n'est pas étrangère à ce phénomène qui se traduit, en 2010, par une baisse de 8,3 % de l'investissement, au moment même où, dans beaucoup de zones de notre territoire, les investissements locaux pourraient jouer un important rôle contracyclique.

J'attire l'attention sur la déperdition de moyens des territoires sensibles – zones rurales, villes moyennes, banlieues des grandes agglomérations – qu'affectent également la disparition du volet territorial dans un grande nombre de contrats de plan État-région, et le détournement d'une part parfois importante des crédits FNADT et, pire encore, du FEDER, au profit de certaines métropoles régionales.

Je souhaite, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, que l'on demande à la Cour des comptes une lecture de l'incidence territoriale de la gestion des administrations publiques, car ce qui se passe aujourd'hui devient de plus en plus préoccupant.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de ce projet de loi de règlement amène à observer, au fil des années, un certain nombre de progrès de procédure, dont on ne peut que se féliciter, à la fois pour l'éclairage de notre assemblée et, tout simplement, pour le crédit des finances de notre pays.

J'évoquerai en particulier la mise en oeuvre de la certification par la Cour des comptes. Cette pratique, qui n'est pas systématique – il suffit de regarder ce qui se passe chez nos voisins –, paraît tout à fait utile au regard des expériences fâcheuses que vivent actuellement un certain nombre de pays européens.

La certification porte sur la gestion passée et les réalisations. L'autre jour, Jérôme Chartier évoquait l'idée que la Cour des comptes pût être saisie de l'appréciation des projets politiques. Je n'irai pas jusque-là, mais force est de constater que le travail de la Cour des comptes, dans cette action de certification, est utile pour dire le crédit de notre pays dans le passé.

Je fais également observer que, si la Cour des comptes n'aura pas – et heureusement – à intervenir dans l'appréciation des projets politiques que majorité ou opposition pourront présenter dans les prochains mois, par contre, la communauté financière et même – pourquoi pas ? – les agences de notation pourront être amenées à apprécier ce que ces projets disent, notamment sur l'avenir de notre pays et, plus particulièrement, sur l'avenir de nos comptes publics.

Pour la première fois, l'élection présidentielle en France se vivra, si ce n'est sous le contrôle, qui n'est évidemment pas souhaitable, en tout cas sous l'observation des agences de notation et des marchés financiers. Je ne sais pas s'il faut s'en réjouir ou le regretter. En tout cas, cela doit nous obliger, les uns, les autres, à une particulière vertu.

J'évoquerai ensuite le rôle du Parlement et me permettrai, monsieur le rapporteur général, de marquer une petite différence avec ce que je lis dans votre rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Il y est en effet écrit que les choix budgétaires échappent largement à la représentation nationale. C'est peut-être un constat de déception. En tout cas, je crois qu'il ne faut pas théoriser l'idée selon laquelle un parlement contemporain devrait se concentrer sur le contrôle et accepter que le processus de choix initial et de vote lui échappe. Vous serez certainement d'accord avec nous pour reconnaître ce que l'origine du Parlement doit à l'importance du consentement populaire à l'impôt. Cela vaut non seulement pour l'impôt, mais aussi pour la dépense.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

En effet, nous ne votons que des plafonds de dépenses et l'exécution budgétaire peut varier. Les gels sont anticipés. Tout cela est exact.

Oui, nous devons attacher une grande importance au contrôle, et j'y reviendrai. Cependant, j'ai trouvé votre formule un peu pessimiste, monsieur le rapporteur général.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

J'approuve totalement votre analyse sur le déroulement du semestre européen. Le dépôt avant la transmission du programme de stabilité à Bruxelles d'un projet de loi de programmation me paraît en effet absolument essentiel. Il y a quelques semaines, j'avais d'ailleurs demandé ici même, à l'occasion d'un autre débat, ce qui se passerait si, d'aventure, le Gouvernement voulait prendre en compte un certain nombre d'observations que nous présentons.

J'ajoute immédiatement, en cohérence avec mon propos précédent, que le rôle du Parlement n'est pas uniquement de présenter des observations et de discuter aimablement et courtoisement avec le Gouvernement. Il est aussi, éventuellement, de voter ce qui pourrait être, demain, des amendements au programme de stabilité par le biais d'amendements au projet de loi de programmation. Cela me paraît important dans une démocratie.

Notre débat ce soir est éclairé par un certain nombre d'observations de la Cour des comptes, sur lesquelles je m'attarderai quelques instants.

Elle a tout d'abord dénoncé les dysfonctionnements de Chorus. Monsieur le ministre, vous qui avez en charge la politique de réforme de l'État, on ne rappellera jamais assez combien les enjeux des systèmes d'information sont sous-évalués au moment de la prise des grandes décisions de politique publique, qu'il s'agisse de la gestion ordinaire de l'État ou des grandes réformes sur lesquelles nous nous engageons. S'il est important de débattre des grands principes, il est tout aussi important que les systèmes d'information soient au rendez-vous pour que les projets du Gouvernement tout comme la volonté nationale que nous exprimons puissent effectivement être mis en oeuvre.

La Cour des comptes a ensuite fait des observations importantes sur le zéro volume, les risques de la débudgétisation et les difficultés d'appréciation. En d'autres termes, elle a exprimé des doutes sur la réalité d'une application impeccable du zéro volume. Je crois – et je le regrette – que la Cour des comptes a raison et que des distances ont été prises avec cette règle, ce qui est dommage, d'autant que le sérieux nécessaire à la gestion de nos comptes publics passe par un respect plus strict de cette règle du zéro volume.

Sans remettre en cause la stratégie des investissements à venir, la Cour attire aussi notre attention sur les difficultés d'une nomenclature budgétaire. Au fond, elle insiste sur la nécessité qu'il y a à ne pas multiplier à l'excès les souplesses que ce concept permet d'introduire dans la nomenclature budgétaire, les agrégats budgétaires et notre discussion.

La stratégie qui est derrière, ou plus exactement, devant les investissements d'avenir est assurément judicieuse. Elle ne nous dispense pas d'intégrer cette ambition à ce que doit être notre discipline budgétaire.

Je m'arrêterai maintenant quelques instants sur les rapports annuels de performance.

Vous avez aimablement cité, monsieur le ministre, les propositions que les différents rapporteurs spéciaux ont exprimées à l'occasion de ces travaux et à l'occasion du débat d'aujourd'hui.

Bien sûr, le Gouvernement pensera ce qu'il veut des propositions que les rapporteurs spéciaux se sont donné la peine de formuler ; il est libre de les prendre en compte ou de les rejeter, mais, même si ce n'est pas prévu par les textes, il pourrait être intéressant, judicieux, stimulant pour la discussion parlementaire – qui aborde volontiers les recettes, mais pas assez les dépenses – que le Gouvernement prenne l'engagement de répondre point par point à ces propositions.

En tant que rapporteur spécial des crédits des transports, de la nature, des paysages et de la biodiversité, j'ai quelques observations à faire à cet égard, monsieur le ministre. Ainsi, en ce qui concerne l'AFITF, on peut estimer que, d'ici à 2014, 24 milliards d'euros resteront à payer, sans assurance de financement. D'ores et déjà, aujourd'hui, pour le financement des infrastructures de transports, il y a, au titre des engagements pris par l'AFITF, des restes à payer de 7 milliards d'euros. Nous nous sommes engagés dans une impasse, ce qui est grave pour la réalité de notre politique d'infrastructures – il faut se donner les moyens de ses ambitions – et représente en même temps une réelle difficulté budgétaire.

Dans le domaine de l'urbanisme, de la nature et des paysages, certains financements croisés ne sont pas heureux. Ainsi, le caractère du fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres – avec son dispositif de bonus-malus – est structurellement déséquilibré, son déficit se montant à plus de 500 millions d'euros en 2010. J'ai proposé la suppression de ce fonds totalement inadapté à une politique, sans doute intelligente, de subventionnement, pour laquelle l'outil budgétaire n'est pas approprié.

J'ai déjà dit que je regrettais que le compte d'affectation spéciale, qui depuis huit ans assurait la traçabilité des amendes de radars automatiques, ait été confondu dans un compte d'affectation spéciale qui n'est plus ni affecté ni très spécial, et qui reçoit l'ensemble des contraventions – radars automatiques, radars ordinaires, amendes majorées. Nous aurions été armés tout autrement pour répondre aux malencontreuses polémiques qui se sont développées, il y a quelques semaines, à propos de la politique de sécurité routière.

Enfin, en l'écoutant et en lisant son rapport, je me disais que le rapporteur général s'était montré assez sévère pour l'année 2010, aimable pour 2011 et optimiste pour 2012. Tout cela nous rappelle que notre effort en matière de maîtrise de la dépense doit être constant et soutenu. Vous connaissez mon analyse : pour le rétablissement de nos comptes publics, notre priorité principale doit être, en 2012, de consentir un effort nettement plus important que les années précédentes, et passant d'abord par la maîtrise de la dépense. Certains ont critiqué, peut-être avec raison, le mouvement qui a conduit l'Allemagne à rouvrir ces derniers jours un débat sur la baisse des impôts. Il ne me semble pas que cela fasse aujourd'hui partie des engagements que doit prendre le Gouvernement. Toujours est-il que, dans notre débat sur la manière d'assainir les comptes, sur la priorité à donner à l'augmentation des prélèvements obligatoires ou à la maîtrise de la dépense, je me situe résolument du côté de la maîtrise de la dépense.

Il est vrai que les prélèvements obligatoires n'augmentent pas seulement du fait de vos propositions et de nos décisions : ils augmentent aussi parce qu'il en est ainsi, mécaniquement, quand il y a reprise. Nous souhaitons qu'il y ait reprise – il semble d'ailleurs que nous soyons sur la bonne voie –, mais nous devons veiller à ce que nos décisions budgétaires et politiques n'aggravent pas la situation. L'augmentation des prélèvements obligatoires ne figure ni dans la philosophie ni dans le programme de notre majorité. Notre vertu budgétaire, c'est d'abord la maîtrise de la dépense.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un entretien qu'il a accordéle 18 mai dernier au journal Le Monde, l'économiste Jeffrey David Sachs, qui dirige l'Institut de la Terre de l'Université de Columbia, à New York, et qui est par ailleurs consultant spécial du secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon, déclare : « Il faut expressément considérer les impôts comme le prix à payer pour développer la “civilisation”. Aux États-Unis, on préfère réduire les dépenses plutôt que demander à chaque citoyen un effort pour construire une société civilisée, instruite et juste. […] Couper dans les budgets militaires, augmenter les impôts des sociétés et des riches, éliminer les paradis fiscaux, c'est la voie pour construire une société juste et productive. »

Monsieur le ministre, le Gouvernement que vous représentez s'est éloigné de ces orientations et ne pense qu'à abaisser les impôts et à diminuer les dépenses publiques. Le groupe SRC vous a indiqué qu'une autre voie était possible. Pierre-Alain Muet l'a excellemment démontré. Je vais, au travers de deux observations, attirer l'attention sur les conséquences de vos choix, pour le pays et pour nos concitoyens. La première concernera le non-remplacement indifférencié d'un départ à la retraite sur deux ; la seconde la situation des collectivités locales, notamment celle des départements.

J'ai l'honneur d'être rapporteur spécial de deux programmes, l'un concernant la DGFIP et l'autre les droits indirects et les douanes, et j'ai pu constater que, malgré une excellente présentation, les écarts sont de plus en plus grands entre prévision et exécution en ce qui concerne les crédits des rémunérations. La sous-budgétisation par rapport aux prévisions atteint cette année 90 millions d'euros, contre 26 millions d'euros en 2009. Les augmentations de rémunération portent sur la catégorie A+, que la DGFIP sait anticiper en la dotant largement. Par ailleurs, le dérapage n'est pas dû seulement au nouvel espace statutaire de la catégorie B, qui est d'un coût de 19 millions d'euros en 2010 pour quatre mois. Ainsi, pour la DGFIP, pour payer les fonctionnaires, il a fallu faire appel aux provisions pour dépenses accidentelles et imprévisibles aux côtés des enveloppes 2010 des séismes d'Haïti, de la tempête Xynthia et des inondations du Var.

Pour les douanes, alors que les engagements en matière de réduction des effectifs sont plus que tenus – les efforts de réduction du plafond autorisé d'emplois à la fin 2011, prévus dans le contrat pluriannuel de performances 2009-2011, sont déjà réalisés à la fin de 2010 –, l'augmentation des besoins a été supérieure au double de la réserve de précaution. Dès lors, ce sont les crédits d'intervention ou d'investissement qui en pâtissent. Pour les douanes, les opérations d'investissement prévues dans le domaine naval connaissent du retard : livraison des quatre vedettes de surveillance rapprochée. Mais qu'en est-il du programme de renouvellement des deux vedettes garde-côtes ? Nous suivons de plus en plus difficilement les reports, abandons d'investissements informatiques des grands projets transversaux, tels le programme Copernic, considéré comme terminé, mais non abouti dans sa totalité.

Dans ses rapports, la Cour des comptes note une insuffisance du contrôle interne de gestion sur les actions de gestion des ressources humaines : elle se caractérise par des insuffisances récurrentes, pourtant identifiées très tôt dans l'année budgétaire. J'ai déjà contesté les conséquences des choix qui ont été faits sur une administration de services. Je note cependant une inflexion concernant le renforcement de la lutte contre la fraude fiscale, qu'il convient toutefois de conforter encore et d'amplifier. Une administration qui ne se contenterait que d'indicateurs de délais pour le traitement de restitution de la TVA, par exemple, ne remplirait pas correctement sa mission de contrôle, surtout lorsque le non-remplacement d'un agent sur deux s'effectue dans les services des impôts des entreprises.

Les remboursements de TVA sont de 43 milliards d'euros pour 127 milliards d'euros de TVA nette. Un contrôle de la dépense s'impose, tout aussi important que la suppression de certaines niches fiscales ou que le contrôle de la fraude sociale. Dès lors, le coût du non-remplacement d'un agent sur deux peut coûter très cher s'il se poursuit au niveau de ces services extérieurs.

J'évoquerai à présent la situation des collectivités locales, notamment des départements. La situation des comptes des administrations publiques locales s'est améliorée. Cela a été noté tant par vous-même que par la Cour des comptes. Cependant, le gel des dotations de l'État et la réforme de la fiscalité locale ont des conséquences, notamment sur les départements. Il est à noter que ceux-ci maîtrisent leurs charges alors que les dépenses liées à l'action sociale sont encore en forte hausse, puisqu'elles représentent 65 % des dépenses de fonctionnement et ont augmenté de 4,7 % en 2010.

Depuis 2008, les dépenses sociales ont crû de 17 %, alors que les compensations de l'État n'ont été que de 7 %. La compensation par l'État du coût des trois prestations nationales de solidarité – le RSA diminue de 66 % en 2008 à 61 % en 2010, on n'atteint plus que 29 % pour l'allocation personnalisée d'autonomie et 46 % pour la PCH –, n'est rendue possible en 2010 que par l'augmentation des droits de mutation à titre onéreux. La Cour des comptes note que cette situation est « étroitement corrélée à une ressource conjoncturelle et volatile ». C'est sur les départements que pèse la contrainte des tendances lourdes et non maîtrisables à leur niveau dans le cadre législatif actuel.

La loi de finances rectificative pour 2010 prévoit 75 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement pour le fonds de soutien aux départements en difficulté financière. Ces crédits ont été transférés à l'Agence de services et de paiement pour en assurer la gestion. Peut-on connaître l'état d'avancement de la mission d'appui qui doit assurer une expertise des situations des départements les plus fragilisés ? La Cour des comptes fait état de trois départements concernés en 2010. Peut-on connaître les montants attribués pour chacun d'eux et le nombre de départements concernés ? Peut-on savoir quand les subventions, qui ne sont que circonstancielles, seront attribuées ?

Nous constatons une inadéquation des modes de financement de la dépendance par les départements, ainsi que des autres prestations nationales universelles de solidarité, lesquelles sont soumises à de lourdes tendances haussières. Dès lors que, compte tenu du gel des dotations, la péréquation verticale par la DGF est inexistante, l'étude quinquennale évaluant l'efficacité des dotations en termes de réduction des inégalités dans le rapport annuel de performances « Relations avec les collectivités territoriales » précise que la cible n'est pas atteinte, et l'étude de l'été 2007 sur la période 2001-2006 n'a pu être actualisée pour 2010 à cause de raisons techniques.

Comment comptez-vous respecter l'objectif, constitutionnel depuis 2003, de péréquation par la loi permettant de favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ? Faute de réponse, la perte d'autonomie fiscale ne fait qu'inciter à la prudence dans les engagements d'investissement.

Nous revenons dès lors à la problématique de la relance économique et des investissements réalisés par les collectivités territoriales. Les collectivités territoriales ne sont pas seules à avoir du mal à trouver de quoi financer les emprunts : on risque de constater, en 2012, que l'État est lui-même impécunieux et a quelques difficultés à assumer le versement des fonds de concours. Ainsi, les programmes de modernisation des infrastructures, les contrats de programmes pluriannuels entre l'État et les régions portant sur l'université, le financement des grands travaux de la LGV seront des plus difficiles. Une évaluation de ces programmes serait la bienvenue.

Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, pourquoi le groupe SRC ne peut approuver votre loi de règlement, compte tenu des incertitudes que vous faites peser sur l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas dans le détail sur les principaux enseignements de la loi de règlement. Nous avons déjà entendu le Premier président de la Cour des comptes, le président de la commission et le rapporteur général s'exprimer avec lucidité sur l'exécution du budget 2010. Dire que la situation est inquiétante est un doux euphémisme. En 2010, l'exécution s'est achevée sur un déficit historique de 148,8 milliards d'euros, alors que, le 22 octobre dernier, il était prévu à 91,68 milliards d'euros. L'importance du déficit, le rebond limité des recettes, l'augmentation persistante des dépenses fiscales, le non-respect du zéro volume d'augmentation des dépenses constituent des motifs de préoccupation.

L'année 2010 s'est également caractérisée par un alourdissement de 81 milliards d'euros de la dette de l'État et par le programme d'émission à moyen et long terme le plus important jamais réalisé, d'un montant de 210,7 milliards d'euros. Le passif accumulé de l'État s'élève ainsi à 1 648 milliards d'euros, soit le double du montant qui était le sien en 2002. Oui, monsieur le ministre, je le sais, vous n'étiez pas continûment aux responsabilités, mais, à l'évocation de ces chiffres de base de la dette, du déficit, du chômage et du commerce extérieur, je vous l'avoue, je vous admire, sans vous envier ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

…vous assurez le service après-vente d'une politique qui était vouée à l'échec dès qu'elle fut lancée, en juillet 2007, avec la loi TEPA.

Je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour m'arrêter particulièrement sur la mission budgétaire dont je suis le rapporteur spécial, la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Certes, elle reste, avec 0,22 % des dépenses du budget général, l'une des plus petites missions budgétaires, mais son exemple n'en est pas moins probant.

Les moyens ouverts en loi de finances initiale pour l'année 2010 sont en très légère hausse par rapport à la loi de finances initiale pour l'année 2009. Cela avait d'ailleurs déclenché à l'époque un concert de cocoricos. Cependant, après loi rectificative, annulations et transferts, les crédits de la mission ont finalement diminué de 19,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 43 millions d'euros en crédits de paiement, pour s'établir, respectivement, à 814 millions d'euros en autorisations d'engagement et 802 millions d'euros en crédits de paiements, soit un niveau inférieur à celui de l'exercice précédent. Cet exemple touche au coeur du sujet, c'est-à-dire la loi de règlement, un règlement à géométrie variable, bien entendu.

Je n'évoque pas le dossier du sport par convenance personnelle. Alors que le Président de la République avait décrété, quand il était candidat, que le sport serait considéré comme une grande cause nationale, le budget que lui consacre l'État est, pour la première fois, monsieur le ministre, moins élevé que celui du Conseil national de développement du sport, vous savez, ce fort honorable gisement de moyens financiers, conçu au départ pour le sport pour tous, peut-être aussi pour tous les sports de base, mais dépourvu de sponsors, de droits télé, et même de considération. Je regrette cette nouvelle tentative de masquer la remise en cause durable du rôle de l'État dans ce domaine à forte connotation de lien social.

J'ajoute deux choses à propos du CNDS, mais aussi de la propension du Gouvernement à le transformer en supplétif de l'État pour certaines missions sacrées.

Tout d'abord, l'Agence française de lutte contre le dopage, est condamnée à une errance budgétaire inacceptable compte tenu de son rôle essentiel. Elle n'a dû son salut financier qu'à un fonds de concours additionnel du CNDS.

Ensuite, la deuxième anomalie, ce qui rime avec acrobatie, est la contribution de l'État pour le financement des grands stades de l'Euro 2016 de football.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Ce financement a été pourvu par un prélèvement exceptionnel sur les paris de la Française des jeux, sur cinq exercices. Je ne suis pas opposé à ces aides publiques au profit d'un grand événement qui excède la seule sphère sportive mais, puisque je m'adresse à vous, monsieur ministre du budget, je trouve inconvenant d'aller piocher dans les fonds déjà limités du CNDS, alors qu'il vous suffisait de décréter cet Euro 2016 grande cause nationale économique – le Président a recouru à cette possibilité en d'autres circonstances – et de le financer sur les fonds de Bercy, qui sont là pour ça.

C'est la première fois que le CNDS intervient ainsi directement dans le sport professionnel. Cela fragilise un peu plus la répartition des rôles entre budget de la nation et prélèvements sur des jeux de hasard. Las, le hasard ne frappant jamais au hasard, il vous sera désormais difficile de tenir un discours crédible sur la fonction sociale, citoyenne et éducative de la vie associative et sur le développement du sport de masse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Je souhaite effectivement parler quelques instants, par respect pour les orateurs et compte tenu de l'importance des sujets abordés.

Tout d'abord, monsieur le président de la commission des finances, nous n'avons pas tout à fait la même analyse – d'une certaine manière, c'est bien normal –, même si je sais que vous êtes convaincu de la nécessité de réduire les déficits. Nous divergeons en effet sur les moyens d'y parvenir, nous n'avons pas forcément la même lecture de ce qui s'est passé l'an dernier, mais je sais votre attachement à la souveraineté nationale de notre pays, qui est liée à la réduction rapide des déficits publics ; je n'y reviens pas, et nous nous retrouverons certainement dans quelques mois pour en discuter sur d'autres tréteaux.

J'ai bien noté, tout d'abord, l'attention que M. le rapporteur général et bon nombre d'orateurs accordent spécifiquement à la Grèce et au plan de soutien mis en place. Je veux juste attirer l'attention de la représentation nationale sur la sincérité de la démarche du Gouvernement en ce qui concerne les autorisations d'engagement en la matière. Nous avons très tôt affirmé qu'il résultait de la quote-part de la France un soutien potentiel de 16,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement. Nous vous tenons informés aussi régulièrement que possible de l'évolution de la situation en Grèce et de ses conséquences dans les conseils européens. Les décaissements, je le rappelle, se sont élevés à 4,4 milliards d'euros. Si l'histoire nous amenait à revenir devant vous sur ce sujet, nous le ferions dans le même esprit de transparence et de sincérité, avec le même souci, naturellement, de certification des comptes.

Monsieur le rapporteur général, nous avons eu l'occasion, d'échanger à de nombreuses reprises au sujet de la réforme de la taxe professionnelle. Cela devient comme une amie commune ou un lieu de rencontre, un sujet permanent et récurrent d'échange, de conversation et de discussion, parfois même de divergence, mais là n'est pas le plus important. L'écart entre votre chiffrage du coût de la réforme – 9,2 milliards d'euros – et le chiffrage du Gouvernement – 7,7 milliards d'euros –, objet du litige qui nous oppose, tient à la méthodologie retenue. Nous continuons de considérer qu'il est plus pertinent de prendre en compte la dynamique de certains dégrèvements – dégrèvements pour investissements nouveaux et autres dégrèvements sur rôle – et ce qu'aurait été leur coût réel sans la réforme. Comme moi, monsieur le rapporteur général, vous êtes élu local ; nous connaissons ces matières et nous voyons comment les choses évoluent, et c'est dans une démarche de sincérité que le Gouvernement a choisi de retenir la dynamique des dégrèvements et donc le chiffre de 7,7 milliards d'euros. Cela dit, je crois que nous nous rejoignons s'agissant de l'analyse du coût du régime de croisière, qui reste, pour nous, compris entre 4 et 5 milliards d'euros.

Concernant la maîtrise des dépenses en 2010, je ne partage évidemment pas votre analyse de l'exercice et de l'effort de maîtrise des dépenses, notamment pour tout ce qui concerne l'évolution du financement des dépenses exceptionnelles, de l'emploi ou des guichets sociaux.

S'agissant surtout des dépenses pérennes, je n'oublie pas la présentation que vous avez faite en commission des finances, et je sais que nous avions, sur ce sujet, une différence d'approche et de méthodologie. Je veux simplement dire qu'en 2012, c'est-à-dire l'année prochaine, c'est-à-dire demain, les charges de personnel vont baisser pour la première fois dans toute l'histoire budgétaire de notre pays. Toute les mesures prises, tant dans la programmation triennale des finances publiques que dans le cadre de cet exercice budgétaire, vont donc porter leurs fruits, et nous pourrons dire que l'engagement du Président de la République d'avoir des fonctionnaires moins nombreux mais mieux payés aura été respecté.

Sur cette problématique des frais de personnel et des charges de fonctionnement, le Gouvernement est le seul à avoir pris des décisions aussi difficiles, d'ailleurs contestées par les organisations syndicales de fonctionnaires, comme le gel du point d'indice pour l'année précédente et cette année-ci. Cela a été voté, je le rappelle, dans la loi de programmation des finances publiques. Contrairement à ce que prétendent les analyses développées notamment par M. Muet, nous sommes dans la bonne trajectoire, et nous atteindrons tous ces objectifs intangibles.

S'agissant des autres dépenses – l'immigration, le logement, l'AAH –, nous allons poursuivre en 2011 et 2012 la remise à niveau des crédits. Cet effort sur les dépenses obligatoires, nous le menons au sein du « zéro valeur ».

S'il peut y avoir des arbitrages entre les différentes priorités arrêtées par le Gouvernement, la norme n'est, elle, pas négociable. Le « zéro valeur » hors dette et pensions – nous assumons, naturellement, le passé – fait partie de nos objectifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

« Le zéro valeur », ça ne veut rien dire ! C'est du jargon !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Ce n'est pas du jargon. Pour le dire de manière très simple et pour que tout le monde comprenne, pour la première fois dans l'histoire de nos finances publiques, nous ne répercutons même pas l'évolution du coût de la vie sur le niveau des dépenses publiques, mais nous assumons le passé, c'est-à-dire les pensions des fonctionnaires et le poids de la dette, lequel s'est trouvé largement amplifié par la réalité de cette crise économique.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

S'agissant du déficit de l'État, je ne m'étendrai pas sur les affirmations de nombre d'entre vous – monsieur Muet, monsieur de Rugy, parfois le président Cahuzac –, à propos de la dégradation du déficit structurel, espèce de fil rouge des interventions des uns et des autres. Je remarque que très peu d'entre vous, à l'inverse, et alors que nous parlons des comptes de l'État certifiés par la Cour des comptes, ont souligné le fait que le déficit comptable de l'État était moins élevé que le déficit budgétaire. Au-delà des subtilités de la comptabilité publique, l'écart entre les deux s'explique simplement : il s'agit essentiellement de l'investissement, c'est-à-dire de la décision prise par le Président de la République et le Gouvernement de ne pas baisser la garde en sortie de crise et d'investir massivement dans l'économie de l'intelligence, de l'innovation et de l'avenir. Nous voyons, dans cette loi de règlement, la réalité de la politique menée au moment de la crise et juste après : pas d'augmentation des prélèvements obligatoires – c'est très clair –, une maîtrise des dépenses, un plan de relance pour maintenir l'économie à flot et un grand emprunt pour préserver l'avenir de notre pays.

Concernant le plan de relance, Jérôme Chartier et Gilles Carrez ont à juste titre évoqué la qualité de cet outil adapté de lutte contre la crise, puisqu'il a représenté une stimulation économique de 1,1 point de PIB en 2009 et de 0,3 point en 2010. C'était un facteur d'anticipation de la reprise. Nous lui devons en partie les bons chiffres de la croissance que vous avez soulignés, et la croissance est en effet repartie sur des bases saines. L'un des facteurs de succès est d'avoir su réagir vite et de façon proportionnée.

Sur la question des dépenses fiscales, Claude Bartolone est intervenu à propos des dispositifs applicables à l'outre-mer et de ce qu'il a qualifié de « préférence pour la dépense fiscale » : celle-ci prendrait progressivement le pas sur les dépenses budgétaires. Je lui réponds, en même temps qu'à M. Bouvard, que ce ne sont pas, cette fois-ci, les services « pointus » de l'administration, comme ils ont été qualifiés, qui répondront à ses questions sur l'évaluation des dépenses fiscales et leur efficacité, mais bien l'inspection générale des finances, avec le rapport qu'elle a élaboré avec l'appui de l'ensemble des services. Il s'agit d'un rapport exhaustif sur l'ensemble des dépenses fiscales prises une à une. Il vous sera transmis comme prévu au début du mois de juillet, et vous pourrez évidemment vous en saisir pour préparer l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2012.

M. Bouvard a évoqué d'autres points, notamment le fait que l'examen de la performance occupait une place encore trop timide dans nos travaux communs. Je partage ce point de vue, même si nous allons dans la bonne direction. La logique de performance est évidemment l'une des principales innovations apportées par la LOLF et doit le rester. Je pense que le Gouvernement a cette année transmis dans des délais tout à fait corrects l'ensemble des documents permettant cette analyse, puisque les rapports de performance ont été transmis il y a environ un mois aux assemblées, ce qui laisse largement le temps de préparer nos échanges.

Vous m'avez également interrogé sur l'avancement de la démarche de contractualisation avec les opérateurs. Sur les soixante-sept opérateurs prioritaires qui représentent les trois quarts des effectifs ou des dépenses, nous aurons mené trente audits d'ici à la fin de l'année, et nous avons conclu ou lancé les travaux de contractualisation pour les trois quarts d'entre eux.

Enfin, je prends bonne note de votre satisfecit concernant la gestion de la dette, notamment la réduction de notre exposition à court terme.

M. Mariton a souligné à juste titre l'importance de la certification des comptes de l'État. Là aussi, tout n'est pas parfait, mais nous allons dans la bonne direction. Je rappelle d'ailleurs que la France est l'un des rares pays – nous sommes trois au monde – à disposer d'un outil de certification aussi précis, aussi pointu. Cela montre que, lorsque nous présentons les chiffres, nous travaillons naturellement à livres ouverts, mais également à livres certifiés et, lorsque la direction est commune tant à l'outil de certification qu'à la puissance gouvernementale, cela montre bien que le chemin proposé est fiable, même si nous avons encore des efforts à fournir.

Je remercie les autres orateurs, M. Sandrier, M. Brard, M. Nayrou, Mme Filipetti, M. Muet, qui a défendu la motion de rejet préalable du président Ayrault. Ils ont développé à peu près les mêmes arguments et – pour certains – les mêmes sempiternels éléments de doctrine, convoquant toujours les mêmes références historiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est qu'on a du mal à vous faire entrer ça dans la tête !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Il n'y a donc rien de nouveau, il y a plutôt une continuité historique mais, en la matière, l'histoire ne bégaie pas.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Pour le reste, nous avons des divergences de fond, et nous considérons que la situation des finances publiques justifie la poursuite de ces efforts en matière de dépenses, la poursuite de la révision générale des politiques publiques, le maintien de la règle du « un sur deux » et les engagements pris par la France vis-à-vis de ses partenaires européens. Elle justifie donc pleinement la poursuite, inscrite dans ce projet de loi de règlement, de la politique menée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je suis saisi d'un amendement n° 1 rectifié .

La parole est à M. le rapporteur général.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Il s'agit d'un amendement rédactionnel, monsieur le président.

(L'amendement n° 1 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je suis saisi d'un amendement rédactionnel n° 2, également de M. Carrez.

(L'amendement n° 2 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 1er, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je suis saisi d'un amendement n° 4 .

La parole est à M. le rapporteur général.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Amendement rédactionnel.

(L'amendement n° 4 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 6, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Il s'agit également d'un amendement rédactionnel.

(L'amendement n° 5 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 7, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

L'ordre du jour appelle le débat d'orientation des finances publiques pour 2012.

La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les députés, c'est un honneur pour moi de représenter le Gouvernement devant vous et d'ouvrir ce débat d'orientation des finances publiques car, pour la deuxième année consécutive, il est marqué par l'effort historique de redressement des comptes publics dans lequel nous nous sommes engagés.

Ce débat prend appui sur les premiers résultats des politiques engagées l'année dernière, lesquels, comme vous pourrez le constater, sont positifs. J'y vois la preuve qu'en matière de finances publiques le Gouvernement a fait les bons choix au bon moment.

Ce débat d'orientation des finances publiques est également une étape importante, car il détaille les éléments de notre stratégie pour la période 2011-2014. Nous voulons poursuivre nos efforts jusqu'en 2014, date à laquelle nos comptes publics seront revenus à un seuil de déficit de 2 % du produit intérieur brut. Ce n'est pas un voeu, mais un engagement.

Les résultats que nous enregistrons pour l'année écoulée sont meilleurs que prévu mais, pour autant, une accélération du mouvement de redressement de nos finances publiques n'aurait guère de sens. Nous ne voulons pas risquer inutilement de porter atteinte à la croissance de notre économie. Pour cette raison, et parce que nous entendons préserver notre modèle social, le Gouvernement souhaite inscrire la poursuite de nos efforts dans la durée.

Je souhaite ouvrir ce débat d'orientation des finances publiques et la discussion du projet de loi de règlement sur un constat positif : comme je l'évoquais à l'instant, les résultats enregistrés en 2010 sont meilleurs que prévu.

Fin 2010, le déficit était estimé à 7,1 % du PIB. C'est une amélioration substantielle par rapport à l'hypothèse de départ retenue dans la loi de finances initiale pour l'année 2010, qui était de 8,5 % du PIB. Lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2011, la prévision du déficit public pour 2010 avait déjà été révisée à la baisse, à 7,7 % du PIB. Ces deux améliorations successives s'expliquent par plusieurs facteurs. Parmi les principaux, je citerai une reprise de l'économie et de l'emploi. Par ailleurs, en 2010, le coût de la réforme de la taxe professionnelle a été moins élevé que prévu.

Ce bon résultat, pour finir, nous le devons à l'effort consenti par l'ensemble des acteurs de la dépense publique. Au cours de l'année écoulée, ceux-ci ont produit un effort remarquable, qui est l'une des principales sources de ces bons résultats : le taux de croissance des dépenses publiques en 2010 a été historiquement faible – 0,6 % en volume, contre une moyenne de 2,3 % sur la période 2002-2008. Ce chiffre illustre la réalité de la politique du Gouvernement en termes de maîtrise des dépenses dans toutes leurs sources : l'État, la sécurité sociale et les collectivités territoriales.

En 2010, vous le savez, nous avons tenu notre engagement de maîtrise des dépenses de l'État. Nous respectons strictement le plafond autorisé et la norme de dépense. Cette norme a été construite sur une base de progression strictement limitée à l'inflation.

Le plafond de dépenses a été élaboré en se fondant sur une prévision d'inflation de 1,2 % pour 2010. En 2010, l'inflation a atteint 1,5 %, mais le plafond est resté inchangé. Cela représente rétrospectivement une moindre dépense d'environ 1 milliard d'euros.

Par ailleurs, l'effort collectif réalisé en 2010 se traduit par une meilleure maîtrise des dépenses sociales, et en particulier, des dépenses d'assurance maladie. Pour la première fois depuis 1997, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie a été tenu. Il était fixé à 3 % en 2010 et a été établi à 2,9 % pour 2011.

Les collectivités locales ont également participé à cet effort global d'une manière non négligeable, via la modération de leurs investissements. Je rappelle toutefois que le Gouvernement, dans le gel des dotations de l'État aux collectivités locales, avait sorti de cette enveloppe le fonds de compensation de la TVA, ce qui permettait de maintenir, à un niveau choisi par les collectivités locales, le degré d'investissement, et donc le degré de retour de la part de l'État en termes de dotations.

En ce qui concerne les recettes budgétaires, cet exercice est marqué par leur progression – une progression de plus de 16 % par rapport à 2009. La dépense s'établit à 352,5 milliards d'euros, hors programme d'investissements d'avenir et plan de relance de l'économie, pour un plafond fixé en loi de finances initiale à 352,6 milliards d'euros.

Au total, pour la cinquième année consécutive, la Cour des comptes a certifié les comptes de l'État – M. Mariton y a fait allusion – en émettant un avis favorable assorti de sept réserves. C'est mieux qu'en 2009 – année où, je le rappelle, neuf réserves avaient été émises – et cela témoigne des progrès accomplis en matière de transparence et de qualité des comptes publics.

La période 2011-2014 sera marquée par la poursuite de notre stratégie économique, une stratégie qui associe la maîtrise stricte et durable de la dépense publique à un ensemble de réformes responsables et porteuses de croissance.

Le Gouvernement sera au rendez-vous des engagements qu'il a pris devant vous et qui sont inscrits dans la loi de programmation des finances publiques. Une nouvelle fois, je veux le réaffirmer avec force, nous ramènerons le déficit public au seuil de 3 % en 2013, c'est-à-dire au niveau de déficit que nous avions juste avant la crise. Pour y parvenir, à l'automne dernier, nous nous étions fixé un calendrier clair : un déficit public ramené à 6 % du PIB en 2011, 4,6 % en 2012, et enfin 3 % en 2013.

Compte tenu du déficit moins important que prévu cette année et du sérieux avec lequel nous avons préparé, avec vous, les textes financiers pour 2011, nous sommes d'ores et déjà en mesure de réviser favorablement notre prévision pour cette année : nous tablons à présent sur un déficit public de 5,7 % de notre richesse nationale à la fin de l'année 2011. Là aussi, nous sommes en avance sur le temps de passage que nous avions développé dans la loi de programmation des finances publiques.

Pour l'année 2012, néanmoins, nous maintiendrons notre objectif de déficit public à 4,6 % du PIB. Les bons résultats obtenus en matière de réduction des déficits viennent compenser l'impact de la légère révision à la baisse de l'hypothèse de croissance pour 2012, qui passe de 2,5 % dans la loi de programmation à 2,25 % dans le programme de stabilité soumis à la Commission européenne – que nous avons examiné ensemble au printemps dernier.

Nous nous sommes engagés devant la représentation nationale à tenir nos engagements jusqu'en 2013. Ils seront tenus ; le Gouvernement agira avec responsabilité, en suivant une voie équilibrée entre le rythme de réduction des déficits publics et l'effort exigé des Français, qui est déjà considérable. C'est un juste et subtil équilibre qu'il convient de préserver.

Notre préoccupation principale est de ne pas briser un cycle de croissance encore convalescent, parce qu'en définitive la reprise de l'activité est la meilleure réponse à apporter aux populations les plus fragiles et les plus exposées à la crise. Nous demeurons donc en ligne avec les engagements de moyen terme que nous avons pris dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques.

Le projet de loi de finances pour 2012 sera élaboré en respectant strictement le budget triennal 2011-2013, dont il constitue la deuxième annuité.

Avant même d'aborder son contenu, je voudrais souligner que le projet de loi de finances pour 2012 reflète un véritable changement de nos méthodes de travail, pour une meilleure maîtrise de la dépense publique.

D'ores et déjà, les plafonds arrêtés pour 2012 montrent que le budget pluriannuel est respecté : il ne s'agit pas d'un engagement en l'air, et encore moins d'une programmation indicative. C'est le reflet de la responsabilité du Gouvernement en matière de finances publiques, qui est traduit dans la loi de finances en 2012, comme c'était déjà le cas en 2011. Ainsi, à ce stade, les objectifs de dépense globaux ont été respectés, de même que les plafonds par mission. Les ajustements opérés sont limités.

Cet engagement n'est pas anodin, dans la mesure où le budget 2012 contribue de manière conséquente au redressement de nos finances publiques. C'est vraiment une étape essentielle que la réussite de ce budget 2012. Il a en effet été élaboré dans le respect de la double norme de dépense, dont vous me permettrez de rappeler les grandes lignes.

D'une part, une stabilisation en euros courants des crédits budgétaires et des prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne et des collectivités locales est fixée pour 2012 à 275,6 milliards d'euros, c'est-à-dire le même montant qu'en 2011.

D'autre part, une augmentation annuelle des crédits, qui sera toujours au maximum égale à l'inflation sur le périmètre de la norme élargie, et qui inclut donc les charges héritées du passé, est fixée pour 2012 à 363,3 milliards d'euros, soit le même montant que dans la loi de finances initiale pour 2011, augmenté d'une inflation prévisionnelle de 1,75 %.

Comme chaque année, nous nous engageons à respecter ces deux normes, ce qui signifie que c'est la plus contraignante des deux qui nous sert de référence lors de la construction du budget.

En outre, le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux se poursuivra en 2012. Cela se traduira par 30 400 suppressions de postes en 2012, soit un effort comparable aux années précédentes. Mais pour la première fois, monsieur le rapporteur général, grâce aux efforts de réduction d'effectifs et au gel du point de la fonction publique, les dépenses de personnel de l'État baisseront en valeur, de près de 250 millions d'euros. Nous nous trouvons donc à un tournant historique, et il faut le souligner.

L'objectif triennal de réduction des dépenses de fonctionnement et d'intervention de 10 % sur trois ans se traduira par un effort global de 2,5 % en 2012, après un effort de 5 % en 2011.

Enfin, comme en 2011, les concours de l'État aux collectivités locales seront stabilisés en valeur. Cette mesure concerne l'ensemble des concours, à l'exception du fonds de compensation de la TVA, dont la dynamique est autonome, pour préserver le choix d'investissement des collectivités territoriales, quelles qu'elles soient.

Avec la progressive montée en charge de la réforme des retraites, les dépenses des autres administrations de sécurité sociale seront également contenues. Si on la corrige des revalorisations, la dynamique des prestations vieillesse devrait significativement ralentir au cours des prochaines années : celle-ci sera de +1,8 % en moyenne annuelle sur la période 2012-2014, contre +2,8 % en 2010 et 2011.

Enfin, en ce qui concerne les recettes, je vous rappelle les engagements du Gouvernement, qui demeurent intangibles : pas d'augmentation généralisée des impôts ; une réforme de la fiscalité du patrimoine qui sera neutre pour les recettes fiscales de l'État pour l'ensemble de la période ; la poursuite de la suppression de certaines niches fiscales dont la justification initiale a disparu ou s'est fortement amoindrie ; enfin, une évolution des recettes qui traduit la reprise de l'activité.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, les éléments de la stratégie que nous souhaitons poursuivre pour l'examen du projet de loi de finances pour 2012. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, au début de ce débat d'orientation des finances publiques, convenons au moins de la méthode : définissons ou tentons de définir ce que sera le contexte, c'est-à-dire la croissance, et la nature autant que le volume des recettes pour les administrations publiques, avant d'examiner ensemble ce que pourraient être effectivement les dépenses que l'État devra consentir.

S'agissant du contexte, il est inutile de débattre plus avant sur la croissance elle-même. Initialement, les pouvoirs publics, en France, avaient jugé que la croissance, en 2012 et ultérieurement, serait de 2,5 %. Pour 2012, tant la Commission que le FMI ou l'OCDE parient sur une croissance de 1,9 %, 2 % ou 2,1 %. Dans un élan qui n'est pas vraiment révolutionnaire – je veux parler de l'habitude qui consiste à couper la poire en deux –, Mme Lagarde a estimé que la croissance ne serait ni de 2 % ni de 2,5 %, mais de 2,25 %. Restons-en à cette prédiction, en espérant qu'elle se réalise, même si beaucoup, ici ou là, doutent de son effectivité.

L'élasticité des recettes par rapport à la croissance est peut-être un sujet plus délicat qui mérite que nous allions plus avant. En effet, dans le document qui nous a été fourni, on n'envisage pas une élasticité de 1, ce qui est la tendance sur le long terme, mais une élasticité supérieure des recettes à la croissance, de 1,15 en particulier pour 2012 et 2013.

On peut mettre en doute cette élasticité, même si, objectivement, la chose peut se défendre, puisqu'en sortie de crise une forme de rebond pourrait se produire. Convenons toutefois que ce rebond semble tarder alors même que l'on nous a annoncé la sortie de crise, et l'on voit mal comment 2012 et les années ultérieures permettraient d'espérer des recettes bénéficiant d'une élasticité supérieure à celle constatée sur le très long terme. Il va donc falloir en rabattre sur ces recettes, c'est-à-dire sur le taux de prélèvements obligatoires, qui augmentera moins que celui annoncé, mais aussi sur le niveau des recettes espéré, c'est-à-dire sur les conditions de l'équilibre budgétaire et financier.

Au-delà de ce contexte, nous savons d'ores et déjà, puisque la loi fut votée, que 3 milliards de recettes supplémentaires sont nécessaires ; 2 milliards ont été définis ; reste à définir 1 milliard de recettes, étant entendu que 3 milliards de plus seront encore nécessaires, dont nous ignorons tout.

Bref, pour avoir quelque crédibilité, nous devons trouver pour notre trajectoire des finances publiques au moins 4 milliards de recettes dans les années qui viennent. Cette crédibilité est tout à fait indispensable. En effet, les objectifs ont été fixés pour la France au nom de ses autorités légitimes, à savoir 5,7 % de déficit public cette année, 4,6 % en 2012, 3 % l'année suivante et 2 % en 2014. On approuve ou non ces objectifs, mais c'est la parole de la France qui est engagée. L'année prochaine, il reviendra aux autorités que le peuple aura choisies de respecter ces objectifs, donc de ne pas se comporter comme les autorités françaises en 2007, lesquelles sont revenues sur la parole de la France. Je ne crois pas que ce soit de bonne méthode. Même si les décisions sont prises par des responsables ne pratiquant pas la politique que l'on peut espérer, c'est moins leur décision que celle de la France qu'il s'agirait alors de mettre en oeuvre.

Vous devez, au nom de cette crédibilité essentielle, monsieur le ministre, préciser ce que seront ces 4 milliards d'euros de recettes supplémentaires. J'ai entendu tout à l'heure notre collègue Hervé Mariton expliquer qu'il ne voyait de salut que dans la maîtrise de la dépense publique, mais elle sera difficile à réaliser, du moins avec l'ampleur espérée par certains. En effet, la croissance de la dépense publique est de 2,3 % l'an depuis une dizaine d'années. On nous annonce désormais une croissance de 0,6 %. C'est donc un effort de 25 à 30 milliards d'euros qu'il s'agit de consentir, étant entendu que s'ajoute à cette maîtrise de la dépense l'augmentation inéluctable des taux d'intérêt, que l'on peut chiffrer entre 3 à 5 milliards d'euros l'an, naturellement à financer en sus des efforts que nous consentons déjà. Aucun document n'indique aujourd'hui ce que sera la maîtrise de la dépense permettant de parvenir à un tel volume d'économies, même si je constate que certains croient toujours cela possible, imaginant que les solutions seront données ultérieurement à la représentation nationale et plus généralement à nos concitoyens dans le débat électoral qui s'annonce. Attendons pour voir !

Je manifeste toutefois pour ma part le plus grand scepticisme quant à la réalité des économies qui pourraient ainsi être réalisées, des économies toutefois peut-être nécessaires, surtout si l'on prend conscience de l'ensemble des dépenses dans lesquelles notre pays s'est déjà engagé. Vous en avez évoqué une sur laquelle je reviendrai, monsieur Mariton. Il en est d'autres, tels les partenariats public-privé, qui coûteront beaucoup plus cher que ce qui avait été imaginé sans que l'on parvienne au demeurant, à chiffrer ce « beaucoup plus cher », seule une indication de tendance étant communiquée dans les documents officiels. Il est, par conséquent, impossible de savoir à combien s'élèvera ce « beaucoup plus cher », ce qui peut d'ailleurs sembler surprenant alors que nous examinons les intentions du Gouvernement en termes d'objectifs budgétaires et financiers.

Ma seconde inquiétude porte sur le schéma national des infrastructures terrestres. M. Mariton, rapporteur spécial, a produit sur ce sujet un rapport tout à fait intéressant et que personne n'a contesté. Dans les trente années qui viennent, il est donc prévu de dépenser 130 années de budget de l'AFIT. Sur ces 130 années, trente sont assurées. Il ne manque finalement qu'un siècle de recettes pour réaliser ce à quoi le Gouvernement s'est engagé. Les chiffres sont ronds, donc faciles à retenir, mais considérables. M. Mariton a précisé avec raison qu'il reste à financer un certain nombre de projets non pas en centaines de millions, mais en dizaines de milliards. D'ici à 2014, vous avez, me semble-t-il, chiffré, monsieur le rapporteur spécial, à 24 milliards d'euros ce qui restera à réaliser, car juridiquement engagé. J'imagine que cette dépense n'entre pas dans la norme de dépenses que nous a présentée M. le ministre, mais les chiffres sont néanmoins élevés.

Il faut y ajouter les dépenses du ministère de la défense, lesquelles sont gagées par des recettes dont on connaît la nature – la vente d'un patrimoine immobilier – à hauteur d'un peu moins de 3 milliards d'euros. Constatons que, depuis quelques années, le ministère de la défense nous annonce tous les ans pouvoir réaliser une partie de son patrimoine immobilier, ce qu'il ne fait pas, contraignant à des décrets d'avance et à des transferts de crédits pour maintenir notre effort en ce domaine. Nous savons que la France est engagée sur plusieurs théâtres extérieurs avec un coût pour l'État de plus en plus important chaque année – n'est-ce pas, cher collègue Bouvard ? – tout en étant de moins en moins prévu en tant que tel dans la loi de finances initiale.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

De mieux en mieux prévu, même si ce n'est pas suffisant !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

De mieux en mieux prévu ? J'en accepte l'augure. Convenez néanmoins que gager ces dépenses sur la vente d'un patrimoine immobilier à hauteur de près de 3 milliards d'euros par an me paraît audacieux au vu des résultats des dernières années. Nous pouvons être d'accord au moins sur ce constat !

Le partenariat public-privé coûtera beaucoup plus cher que prévu. Les infrastructures de transport terrestre, dont l'impasse budgétaire est déjà évidente, se révèlent particulièrement conséquentes. Les dépenses militaires gagées sur la vente d'actifs immobiliers ne sont pas réalisées jusqu'alors et l'on voit mal comment elles pourraient l'être brutalement. Il demeure une incertitude considérable sur le matériel lui-même. En effet, si la firme Dassault ne parvient pas à vendre à tel ou tel pays étranger ses avions Rafale, l'État devra contractuellement en acheter onze pour un peu moins d'un milliard d'euros. Le mécanisme est d'ailleurs assez étrange puisqu'une telle acquisition n'aura pas pour but de répondre à des missions de défense nationale mais simplement, si je comprends bien, de souscrire à des contrats de nature commerciale passés par une firme jusqu'à présent encore privée. Nous trouverons peut-être à employer ces onze avions de combat Rafale, mais nous devrons certainement en payer le prix. La dette sommeille au sein de l'Établissement public de financement et de restructuration. Elle s'élevait à 4,4 milliards fin 2010. Nous savons qu'il faudra l'acquitter au plus tard en 2014.

Ainsi, entre les Rafale, l'EPFR, les partenariats public-privé, les dépenses militaires non financées et les infrastructures de transport, c'est par dizaines de milliards que les impasses budgétaires peuvent être évaluées à l'occasion de ce débat d'orientation budgétaire. Ces dizaines de milliards s'ajoutent aux économies que vous vous êtes engagés à réaliser et dont on voit d'ores et déjà mal comment elles pourront l'être, toutes choses égales par ailleurs.

C'est donc sous des augures assez sombres que ce débat d'orientation budgétaire se tient, mais il est le dernier de la législature et je comprends qu'il ne déclenchera pas la même passion que les précédents. Des précisions auront été apportées par les uns et par les autres, chacun avec sa méthode et son vocabulaire, mais toutes portant sur le même sujet. Nous finirons par avoir à nouveau ces rendez-vous, mes chers collègues. Accordons-nous au moins sur ce point et formons le voeu que notre pays aura trouvé les moyens de répondre aux objectifs fixés qui engagent la parole de la France et qui doivent la conduire à apprendre la maîtrise d'elle-même pour que sa voix continue à porter dans le concert des nations. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Ce débat d'orientation budgétaire a ceci de particulier qu'il se déroule pour la première fois alors que s'achève la procédure dite du « semestre européen ». Nous devons donc assurer une convergence dans nos débats internes et par rapport au programme de stabilité qui vient d'être accepté par le Conseil européen. Nous sommes à l'heure des choix. Nous sentons bien, en effet, qu'après le redressement indéniable – nous avons parlé cet après-midi de l'exécution du budget de 2010 – et les bonnes perspectives pour 2011, nous devons absolument atteindre l'objectif fixé pour 2012, à savoir la réduction supplémentaire du déficit à 4,6 points du PIB. Je le dis d'emblée, et vous en êtes conscient, monsieur le ministre, cet objectif sera probablement encore plus difficile à atteindre que celui qui est en voie de l'être en 2011, à savoir la réduction du déficit à 5,7 points du PIB.

Évoquons un instant l'exécution pour 2011. Nous devons insister sur ce point, monsieur le ministre : grâce à la politique que vous menez fermement, il est indéniable que nous maîtrisons les dépenses. Nous avons opéré une inflexion sur leur rythme d'évolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Nous ne sommes d'ailleurs absolument pas dans la situation de nombre de pays autour de nous, tel le Royaume-Uni – et je ne parle pas du Portugal, par exemple –, où il convient de réduire la dépense publique en valeur. Mais, depuis une quinzaine d'années, nos dépenses publiques ont augmenté chaque année d'environ 4 %, c'est-à-dire de 30 à 40 milliards d'euros sur un périmètre de 1 000 milliards de dépenses. Pour la première fois, le rythme s'infléchit et nous avoisinons aujourd'hui 20 à 25 milliards sur l'ensemble des dépenses de l'État, de la sécurité sociale et des comptes locaux. Comment cela s'est-il réalisé ?

S'agissant de l'État, qui supporte une bonne partie de l'effort, les dépenses sont maîtrisées, même si elles ne le sont pas encore en valeur pour le personnel, en dépit du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Si je vous ai bien compris, monsieur le ministre, pour la première fois, l'année prochaine, la masse salariale va légèrement refluer en valeur, de 200 millions d'euros. Ce sera historique et nous attendons tous avec impatience ce moment !

Nous avons également réussi à stabiliser les dépenses d'intervention dans le budget de l'État. Il s'agit de l'ensemble des guichets sociaux : aides au logement, AME, AAH, pour lesquels nous constations une dérive de l'ordre de 2 milliards d'euros par an. Aujourd'hui, nous notons une véritable inflexion.

Mais nous obtenons également une stabilisation des dépenses dans le budget de l'État grâce à l'effort demandé aux collectivités locales, lesquelles répondent présent. Sur les simples dotations de l'État, qui représentent une enveloppe d'environ 60 milliards d'euros, le gel en valeur permet une économie par rapport aux tendances des années précédentes de l'ordre de 800 millions d'euros. Vous voyez que c'est important.

Je l'ai précisé cet après-midi, donc je serai bref sur ce point, nous avons observé, dans l'exécution du budget 2010 certaines fragilités. Les dépenses concernent toujours les mêmes missions – la solidarité, le travail et l'emploi – et sont supérieures aux prévisions. Dès cette année, les dépenses liées aux intérêts de la dette progressent énormément. L'an dernier, nous avons observé une diminution par rapport à la prévision de 2,5 milliards. Cette année, il est pratiquement inévitable que les intérêts de la dette progressent d'environ 4 à 5 milliards d'euros, puisque nous passerons probablement de 40 milliards en exécution 2010 à 45 milliards en 2011, alors que nous empruntons dans les meilleures conditions.

Cela vient d'être évoqué par le président de la commission des finances, il demeure actuellement quelques incertitudes quant à l'exécution du budget de 2011. En effet, des dépenses sont nouvelles. Le président a peut-être pensé donner une liste exhaustive, mais il a oublié – et il n'aurait pas dû ! – les 460 millions d'euros dus à l'amende sur les frégates de Taïwan, mauvaise nouvelle d'une nuit que nous avons passée ensemble voici une dizaine de jours ! À cela s'ajoutent évidemment le plan pour l'emploi, le coût des OPEX et celui de toutes les aides que nous devrons apporter à l'agriculture du fait de la sécheresse. Monsieur le ministre, vous allez devoir faire preuve d'une grande fermeté à l'égard d'un certain nombre de vos collègues du Gouvernement, parce que je ne vois pas comment on pourra s'en tenir à l'enveloppe très dure du zéro valeur pour tout ce qui n'est pas dette et pensions, et du zéro volume dette et pensions comprises. Excusez-moi, monsieur Brard de jargonner, mais cela me permet d'être plus rapide.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Non ! Pas de concession lorsqu'il s'agit de la langue ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Nous devons également nous interroger sur un certain nombre de dépenses masquées. Le président Cahuzac en a évoqué certaines mais il ne les a pas toutes citées. La question des opérateurs m'inquiète et préoccupe à juste titre Michel Bouvard depuis longtemps. M. Diefenbacher et M. Launay ont réalisé récemment un excellent rapport sur la CSPE. Elle progresse à toute vitesse et nous serons assez rapidement à 3 ou 4 milliards. Qui va l'assurer ?

On a évoqué l'AFIT il y a un instant. Il faudra probablement trouver des dotations budgétaires en attendant la taxe poids lourds, quoique sa mise en place semble s'être accélérée depuis quelques heures à la suite d'une décision du Conseil d'État.

L'année 2012 sera difficile. Supposons, monsieur le ministre, que nous soyons à 5,7 points de PIB de déficit en 2011. Si nous pouvions être encore un peu en deçà, ce serait plus facile. Passer de 5,7 à 4,6 points, soit 1,1 point de moins, ce qui représente 22 milliards d'euros, sera tout de même extrêmement difficile. Avec une croissance de 2 %, ce qui paraît être une prévision assez raisonnable, nous devrions pouvoir couvrir avec les recettes spontanées environ 0,4 point. Reste donc à gagner 0,7 point, en dépenses et en recettes, avec une répartition d'environ 60-40.

Pour les dépenses, il y a des mesures fortes, je le reconnais, avec notamment l'objectif de réduire de 10 % les dépenses d'intervention : stabilisation des dépenses de guichet, réduction des dépenses d'intervention discrétionnaires de 13 %. Il y aura aussi une légère diminution de la masse salariale. Cela dit, lorsque, ce qui est la fonction du rapporteur général, je fais des additions, tel un comptable, il manque 2 milliards, qu'il faut absolument trouver du côté des dépenses.

Du côté des recettes, il ne s'agit pas évidemment de proposer quelque augmentation d'impôt que ce soit. Vous observerez d'ailleurs que, sur la législature, la pression fiscale n'a absolument pas augmenté. S'il y a eu des réformes fiscales, elles ont toutes été dans un sens, celui d'une plus grande justice et d'une plus grande compétitivité de nos entreprises, mais, en matière de dépenses fiscales, nous devons mieux faire.

Le président Cahuzac parlait à l'instant de 3 milliards.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Compte tenu de ce que nous avons déjà voté en loi de finances, nous en sommes à 2. Pour le Gouvernement, c'est 2 plus 1, donc 3. Pour nous, c'est 2 plus 1, plus 3. Il y a environ 75 milliards de dépenses fiscales et 40 milliards de dépenses sociales. Si nous ne trouvons pas 3 milliards sur un périmètre de 100 milliards, c'est que nous manquons vraiment d'imagination. Il est très important d'arriver à ces 5 milliards de marge de sécurité supplémentaire pour atteindre l'objectif de 4,6 %.

Il y a une étape essentielle, ce sont les 3 % de déficit en 2013, ce qui représente 60 milliards d'euros. Pour stabiliser la dette, ce qu'on appelle le solde stabilisant, il faut au moins descendre à 3 % du PIB. Si nous restons au-dessus, l'effet boule-de-neige continue et, alors que nous aurons franchi la zone dangereuse des 85 % de PIB, nous risquons de voir notre endettement continuer de croître, ce que nous devons éviter par tous les moyens. C'est une question de souveraineté nationale, c'est indispensable pour conserver la confiance de nos créanciers, cela concerne aussi notre rapport avec l'Allemagne. Nous devons et c'est notre force, continuer à cheminer de conserve avec nos amis allemands. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat d'orientation budgétaire se déroule alors que les bons chiffres de la croissance au premier trimestre 2011 confirment que la France sort de la crise qui a secoué l'ensemble des économies des pays développés.

Cette croissance plus soutenue, qui nous place parmi les bons élèves européens, est corroborée par les données de la dernière commission des comptes de la sécurité sociale, selon lesquelles les soldes pour 2011 seront améliorés de près de 16 % par rapport à ceux du PLFSS de 2011. Pour la première fois depuis 2006, le déficit recule de près de 5 milliards d'euros par rapport à l'exercice précédent. La masse salariale devrait croître de plus de 3,2 % cette année, signe que la croissance profite à l'emploi, avec la création de 103 000 emplois au premier trimestre, comme aux salariés, avec une augmentation du salaire moyen de 0,6 %.

Autre bonne nouvelle, l'ONDAM a été respecté en 2010, pour la première fois depuis 1997, et tout devra être fait pour qu'il en soit de même cette année.

De plus, s'inversera enfin en 2011 une tendance redoutable pour nos finances sociales : la croissance des recettes, de 4,8 %, sera supérieure à celle des dépenses, limitée à 3,2 %, ce qui est un préalable indispensable au retour à l'équilibre.

Toutefois, ces bonnes nouvelles, qui sont autant d'encouragements à persévérer sur la voie de la rigueur et à aller plus loin dans le redressement indispensable de l'ensemble de nos finances publiques, ne doivent pas cacher que nos comptes sociaux restent largement déficitaires, de 23,6 milliards d'euros. Ce qui reste préoccupant, c'est qu'au terme du programme de stabilité en 2014, le déficit du régime général et du FSV ne baisserait que de 3 milliards, à 20,4 milliards d'euros. Cette décroissance douce donne le sentiment qu'à défaut de décisions structurantes plus vigoureuses l'horizon d'un retour à l'équilibre est encore trop lointain pour être crédible. La Cour des comptes le situe d'ailleurs quelque part entre 2020 et 2027, avec des hypothèses de croissance de 3,5 % par an de la masse salariale et un ONDAM stabilisé à 2,8 % chaque année.

Nous savons que les prestations sociales sont des dépenses courantes. Pourtant, la perspective d'un transfert de charges à la dette ne semble guère nous effrayer. Ainsi, ce sont déjà à nouveau au moins 35 milliards d'euros supplémentaires qu'il faudra recycler fin 2014 dans la dette de la CADES, et le scénario de la Cour des comptes à l'horizon 2020 de 117 milliards d'euros de déficit cumulés en dépit d'hypothèses de croissance idéalisées devrait nous interpeller et nous pousser à nous engager plus vigoureusement sur le chemin des réformes structurelles.

Elles devront concerner l'assurance maladie, dont le financement par la dette constitue l'équivalent de quatre semaines de soins courants. À défaut d'accroître en permanence les recettes de la branche maladie, pouvons-nous durablement soutenir une croissance de l'ONDAM à 2,8 % ? Une telle évolution est-elle soutenable ? Un débat au fond devra être engagé pour trancher, et c'est d'autant plus important que la somme de 167,1 milliards d'euros pour 2011 correspondra en fait à une croissance de 3,1 % de l'ONDAM au lieu des 2,9 % annoncés. Compte tenu des bons résultats de 2010, il y aura à peu près 330 millions de plus à dépenser.

On peut craindre aussi l'impact d'une année électorale comme 2012. Il y a naturellement des risques de dérapage des dépenses de santé en raison des discussions conventionnelles, surtout quand sont évoquées des évolutions d'honoraires médicaux en total décalage avec l'état de nos finances sociales. J'ai cru entendre parler de 15 000 euros, je vous laisse juge de l'intérêt d'une telle proposition.

Si l'on se réfère aux difficultés pour boucler le plan annuel d'économies pour construire un ONDAM à 2,9 %, il ne suffira pas de s'en remettre aux priorités de gestion du risque fixées aux ARS pour tenir les objectifs de dépenses. J'aimerais savoir quelles autres pistes seront explorées pour rendre plus efficace un système de soins dont on peut encore améliorer les performances sans remettre en cause l'accès à des soins de qualité pour tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Du côté de la branche vieillesse, la réforme courageuse que nous avons mise en oeuvre pour garantir la pérennité des retraites est en marche et conduira progressivement à l'amélioration de la situation financière de cette branche. Les efforts demandés, qui sont bien moindres chez nous que chez tous nos voisins européens, étaient nécessaires, et les premiers résultats sont déjà tangibles, avec une baisse du nombre de départs à la retraite de près de 100 000, et justifient les efforts demandés.

Le retour à l'équilibre de la branche famille reste très lent et tout aussi incertain que celui de la branche maladie. Seuls des choix courageux permettront de concrétiser les économies possibles sans remettre en cause le socle de notre politique familiale. En renforçant l'équité socio-fiscale, on pourrait réaliser entre 1,5 et 2,6 milliards d'euros d'économies, pour accélérer le retour à l'équilibre de la branche.

Devant la difficulté de concrétiser de véritables économies structurelles, qui restent incontournables pour asseoir durablement une situation financière plus saine de nos comptes sociaux, je reste persuadé qu'il faudra trouver de nouvelles ressources. Des efforts supplémentaires devront être consentis par les Français s'ils veulent continuer à bénéficier d'une solidarité active tout au long de la vie.

À cet égard, la promesse d'un engagement collectif croissant en faveur d'une meilleure prise en charge de la perte d'autonomie ne saurait être payée à crédit grâce à un cinquième risque de déficit et d'endettement au détriment des générations futures. Je tenais à le préciser dans ce débat d'orientation budgétaire puisque nous aurons à discuter de cette question à l'automne.

Pour conjurer le risque de déficits durables jusqu'au-delà de 2020, il faudra à l'évidence s'attaquer plus vigoureusement encore aux niches fiscales et sociales et, surtout, monsieur le ministre, éviter d'en créer d'autres. Le retour de la croissance et de la création d'emplois pourrait permettre d'engager progressivement un abaissement du seuil d'exonération des charges sociales jusqu'à 1,4 SMIC, contre 1,6 actuellement, comme je l'avais proposé dans un rapport souvent cité. Il n'est pas question de renoncer à ces exonérations en période de crise, mais, quand la croissance sera de retour, cela pourra être envisageable.

S'agissant des recettes, dans sa récente recommandation relative au « programme de réforme de la France pour 2011 », la Commission européenne souligne la nécessité « d'accroître l'efficacité du système fiscal en déplaçant la charge fiscale du travail vers l'environnement et la consommation et en mettant en oeuvre la réduction du nombre et du coût des exonérations fiscales et sociales ».

À cet égard, je continue de plaider en faveur de la mise en place d'une « TVA compétitivité », qui éviterait de faire peser la charge de la protection sociale sur le travail et les exportations, mais c'est un autre débat que l'actualité nous commande de différer.

Pourtant, la question du coût du travail, notamment pour les entreprises confrontées à la concurrence européenne, n'est pas anodine. Ainsi, parce que nous n'avons pas pris clairement conscience du poids croissant de notre protection sociale sur le coût du travail, nous avons perdu durant la dernière décennie l'avantage compétitif de douze points que nous avions sur notre voisin allemand. De fait, nous avons aujourd'hui avec l'Allemagne les coûts salariaux les plus élevés d'Europe dans le secteur de l'industrie, mais nous sommes plus chers que les Allemands dans le secteur des services. Si nous voulons retrouver des marges de compétitivité, ce n'est bien sûr pas sur le salaire net qu'il faudra les prendre, mais bien à travers notre capacité collective de moderniser notre protection sociale afin d'en assurer un financement moins pénalisant pour le travail et la compétitivité du « site France ».

Aussi, 2012 ne peut pas être une année perdue car sacrifiée sur l'autel du calendrier politique. Nous devons poursuivre les réformes, comme nous le demande le Président de la République, amplifier notre effort d'assainissement des finances publiques, comme nous y invite la Commission européenne, et approfondir notre réflexion sur la seule vraie innovation sociale qui devrait s'imposer à nous comme un devoir moral, retrouver vite un équilibre structurel durable de nos finances sociales, seule garantie d'une solidarité durable que nous pouvons offrir aux Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. François de Rugy, premier orateur inscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le ministre, mes chers collègues, après la loi de finances rectificative, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale, la loi de règlement des comptes, et avant l'examen en deuxième lecture, demain, du projet de loi relatif à l'équilibre des finances publiques – la réforme de la Constitution que vous essayez de mener à bien –, nous débattons ce soir de l'orientation des finances publiques.

Nous arrivons au dernier débat d'orientation budgétaire et nous débattrons à l'automne du dernier projet de budget de cette législature. Le moment est donc venu de tirer un premier bilan et de se pencher sur les résultats de votre politique budgétaire et fiscale.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que vous ne reculez pas devant les formules d'autosatisfaction. Ainsi, en commission, monsieur le ministre, vous n'avez pas hésité à déclarer : « Le Gouvernement a fait les bons choix en matière de finances publiques. » Cela prêterait à sourire si la situation n'était pas aussi catastrophique, comme elle ne l'a jamais été depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le déficit a culminé en 2010 à 148,8 milliards d'euros, soit 7,1 % du produit intérieur brut, contre 5,8 % dans la zone euro en dehors de la France et 3,3 % en Allemagne. Ces comparaisons montrent qu'il n'y a pas de fatalité ni de bouc émissaire tout trouvé avec la crise puisque nos partenaires européens ont connu la même situation. Le déficit structurel, c'est-à-dire non lié aux conséquences de la crise, est de plus de 100 milliards d'euros et imputable pour plus de 70 milliards aux allégements fiscaux successifs.

Ce que nous disons depuis quatre ans, depuis le débat sur le paquet fiscal de juillet 2007, adopté juste après les élections présidentielle et législatives, se vérifie malheureusement avec le recul de ces quatre ans de mandat : vos cadeaux fiscaux, ciblés de surcroît sur les plus hauts revenus et les plus gros patrimoines, ne sont pas financés. Votre politique budgétaire et fiscale réussit ce tour de force de combiner injustice fiscale, donc injustice sociale, et irresponsabilité budgétaire. En effet, vos cadeaux fiscaux, tels que le bouclier fiscal hier, l'allégement de l'impôt de solidarité sur la fortune aujourd'hui, sont accordés à crédit, en faisant grimper le déficit et exploser la dette.

Du coup, ce qui devait arriver arrive : la charge de la dette devient un des premiers postes de dépenses de l'État et continue d'augmenter à un rythme beaucoup plus élevé que toutes les autres dépenses : plus 7,7 % en 2010, par exemple.

La dette, qui représentera près de 1 800 milliards en 2012, a non seulement dépassé tous les records mais atteint en plus la cote d'alerte. En commission des finances, Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, a insisté sur ce point, dans un consensus avec le président de la commission et le rapporteur général : la dette, en dépassant les 80 % du produit intérieur brut – elle sera sans doute à plus de 82 % en 2011 –, atteint un niveau insoutenable. Passés ces sommets, elle remet en cause notre souveraineté même et risque non seulement d'ôter toute marge de manoeuvre aux gouvernements futurs mais aussi d'étouffer notre économie. Ce n'est pas de la politique-fiction, c'est ce que subit le Japon, par exemple, depuis les années 1990 et l'explosion de sa dette.

Je note que le Gouvernement s'enorgueillit souvent, comme la majorité, d'obtenir, pour l'instant, une bonne appréciation des agences de notation. Or chacun sait que ces notations sont très fluctuantes. La situation de la Grèce, et plus encore celle de l'Irlande et de l'Espagne, montre à quel point tout cela est fragile : n'oublions pas qu'avant la crise, l'Irlande, l'Espagne ou même la Grande-Bretagne étaient citées en exemple par les responsables politiques de votre sensibilité.

Au-delà des agences de notation, tout le monde sait que le niveau des taux est aujourd'hui à un plancher. Il est très bas et c'est tant mieux, mais du coup il faut être réaliste et prévoyant : ces taux ne peuvent que remonter dans les années qui viennent.

La situation de la Grèce montre par ailleurs qu'en augmentant la dette, un pays se met dans les mains des marchés financiers. Et lorsque la situation devient trop critique, il ne reste plus comme choix que l'augmentation massive des impôts, qui étoufferait immédiatement le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité des entreprises, ou alors la brusque baisse des dépenses, ce qui ne peut qu'entraîner des dégâts sociaux considérables et sans doute aussi une récession économique.

C'est pourquoi les écologistes plaident depuis toujours pour la limitation de la dette. S'il est logique que celle-ci augmente en période de crise, les périodes de reprise devraient servir au désendettement. Et surtout l'emprunt, donc la dette, ne devrait servir qu'à financer des investissements durables qui engendrent à leur tour des économies ou des recettes futures. Il faudrait donc passer les investissements de l'État au crible des critères de l'utilité sociale et de l'efficacité écologique. C'est en ce sens que nous avions plaidé pour la fusion du plan de relance et du Grenelle de l'environnement. Il faut cesser de financer par l'endettement des dépenses de fonctionnement, des investissements contraires aux objectifs de développement durable ou des cadeaux fiscaux, comme vous le faites depuis quatre ans.

Ce débat d'orientation des finances publiques devrait être l'occasion d'un débat sur les nécessaires réformes fiscales qui permettraient de remettre de la justice dans notre système fiscal complètement mité par les nombreux cadeaux fiscaux que vous avez faits aux plus riches et les niches fiscales que vous avez continué à développer, notamment avec la réforme de la taxe professionnelle et la baisse de la TVA sur la restauration.

Cependant, vous êtes littéralement incurables puisque, avec l'allègement de l'impôt de solidarité sur la fortune, vous êtes encore en train de faire un cadeau fiscal. Nous en sommes donc naturellement conduits à penser qu'il faut attendre 2012 et une alternance pour que nous ayons enfin une politique budgétaire et fiscale qui soit responsable et durable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le diagnostic est dur mais réaliste : en dépit des coups de klaxon de la Cour des comptes depuis des années, et malgré des efforts incontestables de la part du Gouvernement, nos finances publiques vont dans le mur – un mur qui se rapproche à grande vitesse –, à moins que nous ne redressions et ne durcissions la politique actuellement menée.

Le dernier rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques est à ce titre alarmant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Vous continuez pourtant à soutenir le Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

À long terme, alors que les perspectives démographiques françaises sont plus favorables que celles des autres pays européens, notamment de l'Allemagne, la situation de nos finances publiques est moins soutenable, en raison du déficit structurel actuel.

Tout d'abord, monsieur le ministre, les hypothèses de croissance retenues par le Gouvernement sont-elles réalistes ou trop optimistes ? Je ne cesse de le dire, et j'ai même quelques débats à ce sujet avec le Président de la République,…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

…les chiffres sur lesquels reposent nos lois de finances ne sont pas raisonnables.

J'ajoute que, pour la première fois, dans le cadre du semestre européen, la Commission a exprimé une position dubitative sur le programme de stabilité français. Il ne lui a pas échappé que les données françaises reposent sur un cumul d'hypothèses plus favorables par rapport au consensus de la place.

Lorsqu'on analyse les quatre éléments de la composante finale, peut-on penser qu'il est possible de passer assez rapidement de 1,4 ou 1,5 %, ce qui a été la situation avant la crise, à 2,25 %, voire 2,5 % ? Monsieur le ministre, je me tue à le répéter : ce n'est pas réaliste !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Cela vous intéresse aussi, cher collègue ! Si vous arrivez un jour au pouvoir, vous aurez les mêmes problèmes.

Premièrement, en matière de balance commerciale, la dégradation de la compétitivité des entreprises françaises nous a coûté 0,4 ou 0,5 point par an, sur les six dernières années.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Si la situation s'est améliorée depuis la crise, cette amélioration est tout à fait temporaire. Le Gouvernement estime à moins 0,1 % l'impact de la perte de compétitivité, ce qui est le taux le plus faible sur l'année 2011.

Pouvons-nous espérer faire comme l'Allemagne, qui, à l'inverse de la France, a plus 0,5 % de croissance, dû à la compétitivité de sa balance commerciale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Aucun élément ne permet de prévoir un redressement si rapide.

Deuxièmement, il est incontestable que l'investissement se redresse, et c'est une bonne chose, mais il part de très bas car il a chuté fortement pendant deux ans. L'effet de retard d'investissement pèsera donc sur les années à venir. Quant à la consommation, elle tient, mais modestement, et les hypothèses assez réalistes du Gouvernement sur l'évolution du revenu des ménages n'augurent pas une croissance forte de la consommation.

Un mot sur le stock. Je suis toujours très prudent au sujet du déstockage et du restockage. Comme je l'ai dit à Mme Lagarde, le Gouvernement s'est trop rapidement félicité de la croissance d'un point au premier trimestre de l'année 2011, car les sept dixièmes de ce point ne sont que de la reconstitution de stocks. C'est un phénomène tout à fait temporaire, dû au fait que les entreprises ont beaucoup déstocké, en serrant les boulons, car elles connaissaient des difficultés de financement. Par conséquent, nous n'aurons pas plusieurs trimestres de suite comme cela.

En outre, tout le monde sait que les estimations, à la hausse comme à la baisse, sur la reconstitution des stocks ou le déstockage ne sont absolument pas fiables. Les comptes trimestriels de l'INSEE sur les stocks, comparés a posteriori avec la réalité, se trompent parfois même de signe ! Soyons donc prudents. Tendanciellement, nous sommes entre 1,2 et 1,4 %, ce qui est à peu près la poursuite de la croissance passée.

Au Nouveau Centre, nous avons toujours préconisé de retenir une hypothèse de croissance réaliste, 1,4 %, 1,5 % ou 1,6 %. C'est ce que suggèrent la plupart des économistes. Et si nous faisons plus, tant mieux, nous réduirons plus rapidement le déficit budgétaire.

Ma deuxième remarque porte sur le déficit structurel. J'ai été étonné que notre rapporteur général n'ait pas développé davantage ce point à la tribune, comme dans son rapport. Nous avons un vrai problème, le rapport du rapporteur général comme celui de la Cour des comptes le montrent, c'est que nous ne réduisons pas de manière significative notre déficit structurel. C'est grave car la France ne peut supporter un taux de déficit de l'ensemble de ses finances publiques supérieur à 1,5 % ou à la rigueur 1,8 %. Pourquoi ?

Aucune personne sensée ne défendra la thèse que nos finances sociales peuvent être financées à crédit. Il faut que le bloc social soit équilibré : ce devrait être la position unanime de l'Assemblée nationale. Les finances locales sont quant à elles presque à l'équilibre car de nombreuses collectivités ont réduit leurs investissements ; nous n'avons donc pas d'inquiétude à avoir de ce côté-là. Le seul problème consiste à réduire plus rapidement le déficit du budget de l'État. Or, si nous admettons la règle d'or, c'est-à-dire l'interdiction de financer à crédit les dépenses de fonctionnement, cela signifie, le budget de l'État ne comptant qu'une vingtaine de milliards d'investissement, qu'il ne faut pas que l'ensemble des finances publiques dépasse ces quelque vingt ou vingt-cinq milliards de déficit, c'est-à-dire 1 ou 1,2 %.

L'objectif de 3 % a été fixé à une époque où la croissance était plus élevée et où les taux d'intérêt étaient très différents de ceux que nous connaissons, et que nous connaîtrons, car le débat sur la hausse des taux d'intérêt n'est pas de savoir si elle aura lieu mais jusqu'où ces taux vont monter !

Les réformes structurelles mises en oeuvre, que nous avons toujours appelées de nos voeux et soutenues, ne sont pas encore allées assez loin. Je le dis à la gauche : soyez-en bien conscients, il faut davantage de réformes structurelles, autrement le pays ne pourra pas redresser ses finances publiques. Au lieu de toujours critiquer et de toujours vouloir contrer le Gouvernement, vous devriez lui demander d'aller plus loin !

Troisième point : les recettes. Monsieur le ministre, nous vous disons depuis plusieurs années qu'il faut réduire de 8 à 10 milliards le bloc des dépenses fiscales et des niches sociales. D'après le rapport du rapporteur général et votre propre rapport, la somme en approche les 115 milliards. Il serait donc tout à fait possible de la réduire de 7 à 9 milliards. Nous avons proposé des mesures en ce sens. Pour les niches sociales, par exemple, serait-il dramatique d'abaisser le plafond, comme le proposent les amendements que nous déposons depuis plusieurs années ? Ayons le courage de le faire ! Pour les niches fiscales, si l'on progresse, c'est lentement, à coups de 2 ou 3 milliards. Il faut à peu près doubler cette somme, ainsi que l'ont dit beaucoup d'orateurs. À moins de 8 à 10 milliards d'efforts cumulatifs annuels, on n'arrivera pas à un redressement significatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Concernant les dépenses, nous avons toujours soutenu le Gouvernement dans la recherche d'économies plus importantes. Mais, monsieur le ministre, je le dis depuis plusieurs années au nom de mon groupe, l'objectif de stabilisation, en euros courants, de l'ensemble des dépenses de l'État, hors dette et hors pensions, est insuffisant, car lorsqu'on réintègre, d'une part, l'augmentation des intérêts de la dette – effet stock plus effet taux – et, d'autre part, le déficit croissant du régime de pensions de l'État, on obtient des hausses de l'ordre 1,5 à 1,8 % par an. Il faut absolument que la règle de stabilité en euros courants que vous avez fixée intègre les intérêts de la dette et les dépenses de pensions, sinon on ne peut pas redresser les finances publiques.

Vous avez pris une mesure courageuse de gestion de la fonction publique en bloquant le point d'indice, ce qui n'est pas si simple. À cet égard, nos collègues de gauche devraient être plus prudents dans la critique du Gouvernement, car eux aussi l'ont fait en leur temps. Les 700 millions annuels d'économies en matière d'effectifs sont théoriquement redistribués pour moitié aux primes des fonctionnaires et pour moitié en réduction. Le problème, c'est que les évaluations de la Cour des comptes montrent qu'il n'en est rien. On est plutôt à deux tiers un tiers. Et une seule mesure comme la réduction de la TVA dans la restauration mange totalement les économies pour presque dix ans.

Ce que nous recommandons depuis toujours au Gouvernement, c'est de tenir sur le point d'indice et de ne pas excéder de plus d'un quart des économies la restitution au titre de la majoration des primes des fonctionnaires. Et il faut aussi s'attaquer au GVT. Monsieur le ministre, quelles que soient les demandes de vos collègues, bloquez tous les décrets et arrêtés de mesures catégorielles. Annoncez, dans le cadre de la loi de finances, qu'il n'y aura plus de mesures catégorielles : on ne peut plus ! Quant aux avancements de grade et d'échelon, ils ne sont pas automatiques, contrairement à ce que disent certains. Monsieur le ministre, lorsque vos technocrates vous opposeront cet argument, dites-leur qu'en tant que maire de Troyes, vous savez qu'on peut bloquer ou réduire très fortement le GVT par de simples actes réglementaires, en augmentant les durées minimales et maximales de passage d'échelon et de grade. Vous seriez le premier ministre des finances à réussir à faire baisser sensiblement la masse salariale. Tous les autres l'ont dit, mais aucun ne l'a véritablement fait.

En matière de comptes sociaux, de vrais efforts ont été fournis. Mais il ne suffit plus de stabiliser le déficit, il faut maintenant le réduire en prenant des mesures supplémentaires. M. Bur en a évoqué quelques-unes, notamment sur les niches sociales.

Je terminerai par un petit mot sur la situation de l'endettement. On parle uniquement de l'endettement direct, qui continue à augmenter et qui atteint 82,3 % du PIB. Mais selon le rapport du rapporteur général, au titre des engagements hors bilan, qui sont de quasi-dettes, le futur déficit actualisé sera de 490 milliards supplémentaires pour les retraites des seuls fonctionnaires de l'État et de 203 milliards pour les régimes spéciaux. Si l'on ajoute ces deux dettes, on n'en est plus à 1 600 milliards de dette mais à presque 2 300 milliards, soit grosso modo 110 % du PIB.

Il faut utiliser davantage ces arguments pour montrer qu'il est indispensable d'aller plus loin que ce qui a été fait jusqu'à présent en matière de durcissement de la politique budgétaire. Si on ne le fait pas, notre situation ne sera pas rétablie en 2013-2014 et nous risquons, nous aussi, de nous retrouver dans celle de la Grèce. Sachez, monsieur le ministre, que vous trouverez toujours auprès du Nouveau Centre des encouragements pour accentuer vos efforts de redressement des finances publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat d'orientation budgétaire, le dernier de la législature, intervient dans un environnement européen singulièrement différent de celui de l'année dernière. Tout le monde a bien compris maintenant, à commencer par les Français, que l'excès de déficit pouvait durablement menacer le niveau de vie et entraîner des drames économiques. On est loin de l'ironie qu'affichaient certains quand le Premier ministre, au début de la législature, attirait l'attention sur les risques de l'excès d'endettement. Il est donc de notre responsabilité, de la responsabilité du Gouvernement, de tout mettre en oeuvre pour réduire les déficits, pour préserver la notation de notre pays, non pas pour faire plaisir aux agences de notation mais pour éviter que ne s'envole le coût de la dette, pour préserver la souveraineté monétaire et pour éviter que ne pèse une charge écrasante sur les générations futures.

Comment réduire le déficit alors que le coût de la dette s'accroît de 4 à 5 milliards en 2011 et que la remontée inéluctable des taux d'intérêt, quelles que soient les améliorations apportées à la gestion de la dette par l'agence France Trésor, les fera peser davantage dans les années à venir ? J'examinerai trois domaines où il me semble souhaitable de soutenir des mesures prioritaires.

D'abord, la masse salariale, qui est un enjeu fondamental. Durant vingt-cinq ans, aucune conséquence en termes de personnels n'a été tirée de la décentralisation, les effectifs de l'État continuant de croître alors même qu'il transférait des pans entiers de ses compétences. Selon l'Observatoire de la fonction publique, les effectifs de l'État ont connu un accroissement de 14 % de 1980 à 2007, suivi d'une stabilisation, mais pas encore de réduction assez sensible pour avoir un effet sur l'accroissement de la masse salariale. En conséquence, en 2010, la masse salariale de l'État atteignait 82,1 milliards, soit 31 % des dépenses hors pensions et intérêts de la dette, et 22 % de ses dépenses totales. À cette problématique s'ajoute celle des pensions dont la progression, extrêmement dynamique, s'explique essentiellement par l'envolée des pensions civiles et par l'accroissement des flux de retraités. Le nombre des pensionnés civils a ainsi augmenté de près de 25 % en dix ans. Parallèlement, le montant des pensions versées est passé de 35,4 milliards en 2005 à 48,3 milliards en 2011, soit une augmentation de près de 33 % et 13,10 % de l'ensemble des dépenses. Encore ce dernier montant aurait-il été plus élevé sans la prise en compte des effets de la réforme des retraites.

Ces chiffres illustrent bien la nécessité impérieuse de la poursuite et de l'accentuation, par des réformes structurelles, de nos efforts de maîtrise des effectifs. Sans cela, nous serions tenus de rogner plus encore sur ce qu'il reste des dépenses d'investissement, qui sont les seules vraies dépenses d'avenir. Je ne peux donc que souscrire à l'objectif de 30 400 emplois non renouvelés annoncé pour 2012. Encore faut-il que les conditions qui les accompagnent n'en annulent pas le bénéfice pour l'État, ce qu'ont montré les rapports successifs de la Cour des comptes et du rapporteur général. Il semblerait qu'en 2012, enfin, ces mesures, conjuguées au gel du point d'indice, permettent une réduction de 250 millions de la masse salariale de l'État, ce qui constituerait une première historique depuis trente ans. Cela doit nous inciter à être particulièrement vigilants sur la gestion par chaque ministère des clauses de restitution et des éventuels transferts d'emplois en direction des opérateurs.

Parallèlement, mais je ne les développerai pas, les réformes structurelles entamées ces dernières années doivent, bien entendu, être maintenues et prolongées. Dès l'an prochain, la réforme des retraites devrait porter ses premiers fruits budgétaires. De son côté, la révision générale des politiques publiques doit être poursuivie, en améliorant autant que faire se peut la coordination avec les autres réformes de l'État, ce qui n'a pas toujours été le cas, et sans toutefois annihiler la responsabilité des gestionnaires de programmes telle que l'a souhaitée la loi organique sur les lois de finances.

Si les dépenses doivent être tenues, les recettes doivent être maintenues. Cela suppose, comme nous y incite depuis des années le rapporteur général, de mettre fin au mitage des recettes. Les orientations qui nous ont été présentées maintiennent l'effort en ce sens de maîtrise et de réduction des dépenses fiscales. Elles devraient décroître en 2012 de l'ordre de 6 milliards – 3 milliards par la montée en puissance des réductions décidées l'an dernier, 3 milliards par des mesures nouvelles.

Peut-être cet effort devrait-il être accru, comme le propose le rapporteur général. Mais son efficacité fiscale et économique dépendra des conditions dans lesquelles il est mené. L'an dernier, le Gouvernement a opté pour la méthode empirique du rabot, mais il paraît évident qu'elle ne pourra être reconduite sous peine de nuire gravement à l'efficacité de plusieurs des dispositifs de défiscalisation. Une analyse plus fine, poste par poste, est nécessaire. Nous savons que l'inspection générale des finances a été diligentée pour auditer les différentes dépenses fiscales, et vous nous avez annoncé, monsieur le ministre, des arbitrages pour la mi-septembre. Nous souhaiterions, je le dis encore une fois, que le Parlement soit associé à ce travail d'évaluation. S'il faut fermer des niches fiscales, encore faut-il définir lesquelles et s'intéresser à l'incidence économique ou sociale que pourrait avoir ce type de mesure. On connaît, en effet, l'élasticité très forte de certains secteurs fiscaux, qu'a illustrée l'effondrement de la construction des résidences avec services – EHPAD et autres – après que le dispositif Scellier eut été adopté sans que des mesures spécifiques soient prises pour ce secteur. Pourriez-vous, par ailleurs, nous indiquer comment l'inspection des finances travaille et si son rapport sera mis à la disposition des parlementaires, notamment des rapporteurs spéciaux, pour que nous puissions formuler nous-mêmes des propositions ?

Vous nous avez dit votre volonté de ne pas augmenter les impôts. Je la comprends parfaitement et peux la partager. Je pense néanmoins que nous ne devons pas, lors de l'examen de la loi de finances, faire l'économie du débat sur la tranche marginale de l'impôt sur le revenu. De même, il me semblerait souhaitable que soit évoquée la problématique de l'impôt sur les sociétés. Nous ne pouvons pas constater, comme l'a fait Christine Lagarde, les différences très fortes existant entre le taux général de l'impôt sur les sociétés et celui qui est réellement appliqué aux entreprises selon leur dimension : PME, entreprises intermédiaires ou grands groupes, sans en tirer un certain nombre d'enseignements.

D'autant que lorsqu'on évoque l'impôt sur les sociétés, il faut aussi parler des niches fiscales qui lui sont liées. Je pense notamment au bénéfice mondial, dont la Cour des comptes a souligné l'effet d'aubaine qu'il procurait à certains grands groupes sans aucune justification économique et sans risque avéré de délocalisation.

Le dernier point que j'évoquerai concerne les opérateurs. L'effort de maîtrise des dépenses doit toucher tous les segments et démembrements de l'État, ce qui veut dire que les initiatives prises vis-à-vis des autorités indépendantes sont les bienvenues. Cette démarche est engagée depuis 2010. La circulaire du 26 mars du Premier ministre a imposé aux opérateurs les mêmes efforts que ceux que l'État s'impose à lui-même : 1,5 % de gains de productivité, 10 % de réduction des coûts de fonctionnement. Parallèlement, l'État a exigé d'eux la signature de contrats d'objectifs et de performance. Pouvez-vous nous indiquer si, à l'occasion de la loi de finances pour 2012, l'ensemble des opérateurs de l'État auront souscrit un contrat d'objectifs et de performance avec le Gouvernement ? Cet effort est en effet nécessaire et doit être poursuivi, d'autant que, dans de nombreux cas, les marges sont importantes.

Tout à l'heure, il a été question des dettes hors bilan. Je ne reviendrai pas sur la dette des opérateurs puisqu'il leur est désormais interdit de s'endetter ; je m'en tiendrai aux garanties d'emprunt que, de manière curieuse, certains d'entre eux peuvent accorder, alors que leur solvabilité ne tient qu'à leur adossement à l'État. Je pense par exemple à Réseau ferré de France.

Monsieur le ministre, vous avez, bien évidemment, notre soutien pour tout ce qui pourra être fait afin de réduire la dépense et maîtriser l'endettement. Cela suppose, comme l'a rappelé le Premier ministre, que notre pays ne marque pas de pause dans les réformes, y compris à l'approche des échéances électorales. Nous ne pouvons nous payer ce luxe au moment où les observateurs étrangers nous regardent et où les taux d'intérêt nous menacent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collèges, comme l'an dernier, notre hémicycle a entendu le Gouvernement exposer que l'état des finances publiques était malheureusement très dégradé, que tout cela ne relevait pas de sa responsabilité mais que, grâce à la politique rigoureuse menée et aux efforts entrepris, nous étions sur le chemin de la rédemption.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Il faut pourtant se remémorer le constat que dressait le président de la Cour des comptes pour mesurer que cela ne correspond pas à la réalité de ce que nous traversons. Je parle de la rédemption ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Mon but n'est pas de feindre de croire que le Gouvernement n'a pas pris conscience des graves problèmes budgétaires que connaît la France ni de dresser un tableau noir de nos finances publiques pour le simple plaisir d'un affrontement politicien. Mais en matière budgétaire, comme en d'autres, il faut des actes et, à la lumière des résultats largement insuffisants de cette politique, les perspectives que vous tracez ne nous paraissent ni crédibles, ni de nature à nous permettre de retrouver un potentiel de croissance suffisant et une situation budgétaire assainie.

Certes, ce débat, à quelques encablures de l'élection présidentielle, devra se poursuivre sur d'autres tréteaux et dans d'autres enceintes. Il a quelque chose d'un peu décalé ce soir, ce qui explique sans doute l'inattention d'une bonne partie de l'auditoire.

L'examen de la situation des finances publiques ne nous a pas permis de constater une amélioration sensible, dont pourtant le Gouvernement se prévaut.

Je l'ai dit tout à l'heure, la situation des finances publiques de la France est parmi les plus dégradées d'Europe. Beaucoup de nos voisins, l'Allemagne, la Belgique, l'Italie, connaissent des soldes budgétaires nettement plus à leur avantage. Un peu plus loin de nous, la Suède est même récemment parvenue à l'équilibre, signe que, contrairement aux obsessions du Gouvernement, un haut niveau de prestations sociales n'est pas contradictoire avec une croissance élevée et une saine gestion des finances publiques.

On pourrait aussi s'étonner qu'après deux ans de rigueur, le Gouvernement se présente avec un déficit structurel de 5 % du PIB, encore croissant en 2010. Comment se fait-il, monsieur le ministre, alors que vous avez gelé le salaire des fonctionnaires, fermé des classes, laissé la politique de la ville en jachère, mis en difficulté l'éducation nationale et de nouveau le service public,…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Que je sois aussi populaire ?...

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

…que la situation budgétaire ne soit pas meilleure, quelle que soit votre popularité personnelle ?

Il y a tout de même un paradoxe. En 2010, la rigueur était partout, sauf dans les comptes publics. La vérité est simple : les efforts demandés aux Français sont immédiatement annulés par des réductions d'impôts non financées. Comme l'a indiqué la Cour des comptes, l'abaissement de la TVA sur la restauration à 5,5 % équivaut à huit années de remplacement d'un fonctionnaire sur deux. La seule réforme de l'ISF coûte plus au budget de l'État que le gel du point d'indice de la fonction publique ne lui rapporte. Et je ne parle pas des réformes encore plus coûteuses et moins financées, comme celle de la taxe professionnelle ou la réduction d'impôt sur les heures supplémentaires.

De fait, aujourd'hui, la dette croît deux fois plus vite qu'à l'époque où le Premier ministre s'estimait à la tête d'un État en faillite.

Le Gouvernement a réussi, comme le souligne la Cour des comptes, à dissimuler une partie de cette hausse par des mesures de trésorerie. Néanmoins, la dette devrait poursuivre sa marche et flirter dangereusement avec les 90 % du PIB, alors même que la France, contrairement à ses partenaires européens, notamment l'Allemagne, n'a pas été obligée de recourir à l'emprunt pour renflouer les banques.

Cette situation n'est donc pas soutenable. Pour stabiliser notre dette dans les années à venir, il faudrait que le déficit structurel soit réduit de 3,8 points de PIB, ce qui fait près de 80 milliards d'euros. En outre, ce fardeau de la dette constitue une véritable épée de Damoclès. Du fait du coût annuel du service de la dette, toute dégradation de la situation de l'un de nos partenaires européens, toute hausse des taux d'intérêt augmenterait immanquablement le poids du service de la dette, qui représente déjà plus de 15 % des dépenses inscrites au budget de l'État. Que ferons-nous donc si, au cours de l'année prochaine, du fait d'une hausse des taux, nos charges d'intérêts s'accroissent de plusieurs milliards d'euros ?

Il est de la responsabilité du Gouvernement de mettre en oeuvre une politique qui place la France à l'abri de ce risque. Personne, ni à droite, ni à gauche, ne peut se satisfaire de cette situation qui, si elle n'est pas maîtrisée, appellera évidemment des ajustements dont souffriront tous les Français.

Malheureusement, la politique que vous proposez n'est pas à la hauteur de ces enjeux. Monsieur le ministre, vous vous engagez, dans la stratégie pluriannuelle des finances publique, à réduire le déficit à 5,5 % fin 2011, 4,6 % en 2012 et 3 % en 2013. Mais, pas plus que les années précédentes, cette trajectoire de nos finances publiques ne sera atteinte. En effet, les perspectives que vous proposez sont fragiles parce qu'elles reposent sur des perspectives de croissance assez irréalistes : d'excellentes rentrées fiscales et une élasticité supérieure à un, ce qui serait inédit. Elles supposent aussi que nous conservions des taux d'intérêt bas, ce qui apparaît de moins en moins réaliste à l'heure de la fragilisation de l'ensemble de la zone euro et à l'heure où la Commission et le FMI s'inquiètent de la situation de la France.

Ces perspectives sont fragiles également parce qu'aucun des paramètres qui permettraient de réduire le déficit structurel ne correspond à une politique à la hauteur des enjeux. En effet, tous les gouvernements européens qui ont été confrontés au même problème ont mis en place des politiques reposant sur le même triptyque : la réduction des dépenses publiques, la hausse des prélèvements et l'augmentation du niveau de la croissance potentielle.

La seule politique de réduction des dépenses publiques que vous mettez en avant concerne la suppression de 30 000 postes de fonctionnaires. Il n'y a aucune gloire à appliquer cette politique de cost killing qui atteint aujourd'hui ses limites, en particulier à l'éducation nationale, où la situation est si critique que le Président de la République lui-même s'est cru obligé de déclarer la semaine dernière - nous aimerions croire à ses promesses - que les suppressions de postes seraient suspendues en 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Si l'éducation nationale ne peut plus faire face, la police et la gendarmerie s'inquiètent aussi. D'ailleurs, vous l'aviez souligné, monsieur le ministre, lorsque vous siégiez encore sur ces bancs.

La Cour des comptes note que les mesures proposées dans le nouveau volet de la RGPP ne se traduiront, pour aucune d'entre elles, par des économies significatives.

S'agissant de la politique fiscale, nous ne savons plus vraiment où nous en sommes. Vous indiquez que vous allez réduire les niches, mais vous vous gardez d'indiquer lesquelles alors que, là aussi, une action de grande ampleur serait nécessaire. Surtout, vous avez poursuivi les mesures discrétionnaires de réduction d'impôts, comme la désastreuse réforme de l'ISF.

S'agissant de la croissance potentielle de la France, on peinerait à dire ce que vous envisagez. En effet, vous ne proposez pas grand-chose, ou si peu, sur la recherche et sur l'éducation, si ce n'est des fermetures de classes, rien sur l'industrie, rien sur l'activité, rien pour la jeunesse. Or une politique de cost killing saupoudrée de cadeaux fiscaux n'a jamais fait une politique de croissance durable. En tout cas, ce n'est pas une politique à la hauteur des difficultés budgétaires que traverse la France.

Puisque nous parlons de 2012, année de l'élection présidentielle, il faudrait fixer d'autres perspectives pour la France. Les choix budgétaires devraient être faits pour récompenser, non les grandes fortunes acquises, mais la création de richesses et la croissance potentielle, les politiques de formation, d'éducation et de recherche, qui sont les véritables investissements d'avenir. La politique industrielle mérite mieux qu'un saupoudrage inefficace. Quant à nos quartiers urbains en difficulté, ils méritent, eux aussi, une grande politique qui permettra à la jeunesse, aujourd'hui délaissée, de mettre son énergie au service du pays.

Il faudra également doter la France d'une fiscalité compétitive et juste, c'est-à-dire, sans augmenter la pression fiscale globale, une fiscalité assise sur des assiettes larges avec des taux modérés et progressifs, une fiscalité rénovée reposant sur le socle fondamental de l'impôt sur le revenu, unique et progressif, et sur un impôt sur les sociétés à l'assiette élargie – je rejoins en cela Michel Bouvard – qui limiterait les possibilités d'optimisation fiscale et ne pèserait plus seulement sur les PME, qui taxerait davantage les revenus désinvestis ou distribués que ceux qui restent dans l'entreprise.

La fiscalité environnementale doit être digne de ce nom. La Cour des comptes a noté que, si la France était à la hauteur de ses partenaires européens en la matière, c'est près de 10 milliards d'euros de produit supplémentaire que nous pourrions dégager.

Enfin, la situation appelle une mise à contribution des Français les plus aisés. C'est une mesure de justice, de lutte contre les inégalités, dont il n'a jamais été prouvé qu'elles étaient un facteur de croissance. Le Gouvernement devrait d'ores et déjà renoncer à sa réforme de l'ISF…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Elle est votée !

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

…et affecter les 2 milliards qu'il y consacre à la réduction du déficit.

Il faudrait enfin poursuivre l'effort de réduction des coûts, mais en agissant sur les structures administratives aujourd'hui trop coûteuses et trop nombreuses. La grande réforme de l'administration du territoire et des finances locales reste à venir.

En conclusion, monsieur le ministre, je veux vous rappeler que depuis 1981 la gauche et la droite ont chacune gouverné quinze ans. Lorsque la gauche était au pouvoir, la moyenne des déficits publics était de 2,4 %. Elle était de 4,2 % lorsque la droite était au pouvoir. Et même si l'on met de côté les deux années exceptionnellement mauvaises dues à la crise, le solde budgétaire moyen de la droite s'établit à 3,7 % du PIB. Nous n'avons donc aucune leçon de bonne gestion budgétaire à recevoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

Si ! C'est vous qui avez commencé les déficits en 1981 !

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

En phase malheureusement avec ce tropisme, vous nous présentez aujourd'hui des perspectives budgétaires qui demeurent inquiétantes parce que loin de l'activisme feint en haut lieu. Malgré l'urgence de la situation, votre majorité a choisi de temporiser, d'attendre. Il est temps de rétablir ces vérités vis-à-vis des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Madame Filippetti, je suis heureux d'intervenir après vous pour pouvoir dire que, heureusement, le pire n'est jamais sûr. Quand on entend le projet fiscal dont vous venez de développer les grandes lignes, on se dit que si, par malheur, les Français vous faisaient confiance l'an prochain, ce serait impôts supplémentaires, impôts supplémentaires, impôts supplémentaires pour des catégories que vous avez additionnées les unes aux autres en fixant des définitions dont je crains qu'elles ne soient extrêmement larges.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Vous nous avez appelés à la rédemption. Cela me fait penser au conseiller d'Ivan le Terrible, chez Pavel Lounguine, auquel le prêtre à qui il demande de le sauver rappelle que, pour sauver l'autre, il faut d'abord se sauver soi-même.

Aussi auriez-vous intérêt, madame Filippetti, à sauver d'abord votre projet de réforme fiscale et à faire en sorte que l'addition que vous proposez aux Français soit moins redoutable à la fois par son ampleur et par le nombre de ceux qu'elle concernerait, qu'il s'agisse de la fiscalité des sociétés ou de celle de l'environnement, sans compter l'impôt sur le revenu.

Au-delà du caractère paisible du présent débat, il convient de ne pas oublier le contexte dans lequel il se déroule, celui de la préparation du dernier budget de la législature. Il est donc normal d'engager la discussion sur l'avenir de la fiscalité : vous l'avez fait à votre manière, et vos projets sont très inquiétants. Michel Bouvard, de son côté, a tracé certaines pistes et l'on peut, ainsi que l'a précisé le ministre, ne pas être favorable à l'augmentation de la fiscalité tout en reconnaissant la nécessité de certaines réformes. Telle fut notre attitude à propos de l'impôt de solidarité sur la fortune et de la réforme, il y a deux ans, de la taxe professionnelle.

Méfiez-vous, mes chers collègues : vous semblez croire, parce que vous l'avez proclamé il y a quelques semaines, que certains projets fiscaux seraient devenus des vérités révélées. La presse a publié ces derniers jours un graphique de l'impôt sur le revenu en Allemagne où il apparaissait qu'à partir d'un certain seuil l'impôt sur le revenu n'est plus progressif parce que l'on n'a pas créé un nombre infini de tranches. Quand vous atteignez des revenus très supérieurs à la dernière tranche, l'impôt finit par être proportionnel.

Ce n'est pas parce que certains ont donné de la voix dans leurs démonstrations qu'elles n'étaient pas médiocres, ce n'est pas parce qu'il en a été beaucoup question qu'elles devraient devenir vérités et orientations pour notre politique fiscale, tout au moins je le souhaite.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, Michel Bouvard a soulevé quelques questions légitimes. Le ministre lui-même a évoqué à plusieurs reprises un prélèvement sur les revenus exceptionnels, ce qui, pour reprendre sa formule, vaut mieux qu'un prélèvement exceptionnel sur un champ trop vaste de revenus, car quand on se met à faire preuve d'inventivité fiscale, on sait où l'aventure commence mais on ignore comment elle se terminera.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Foin d'immobilisme : il faut constamment améliorer la fiscalité par respect pour la démocratie et nos concitoyens. Nous ne devons pas nous sentir pour autant autorisés à tracer les pistes tragiques que vous semblez avoir à l'esprit aujourd'hui.

Monsieur le ministre, le débat d'orientation budgétaire est organisé après la réponse que la commission a donnée au programme de stabilité. Au-delà des données dont nous disposons, et qui rappellent judicieusement l'impact de la RGPP, toujours perfectible mais qui a le mérite d'exister, je ne suis pas sûr que le Gouvernement ait répondu très précisément, en tout cas à la représentation nationale, à certaines questions que pose la commission.

De quelle manière allez-vous répondre – la commission a établi en la matière un diagnostic opportun – à l'excessive segmentation du marché du travail ? Si des mesures ont été prises ces dernières années, la commission a repéré une difficulté structurelle en France. L'évolution du service public de l'emploi et la question des entretiens individuels d'embauche sont importantes, de même que l'efficacité du système fiscal et, après le rapport Attali d'il y a quelques années, qu'en est-il des décisions susceptibles de faire tomber certaines restrictions excessives à l'activité, qui handicapent la croissance ?

En outre, le présent débat est largement consacré aux efforts budgétaires. Si vous y revenez dans les documents mis à notre disposition, Michel Bouvard a néanmoins eu raison de rappeler que, comme nous l'avons évoqué tout à l'heure au cours de l'examen du projet de loi de règlement des comptes, nous ne sommes pas dupes de certaines commodités de présentation qui apparaissent de ci de là pour maîtriser la valeur de l'évolution de la dépense et nous restons attentifs aux risques de dérapage de l'endettement des opérateurs. Je serai même, sur le sujet, plus sévère que Michel Bouvard : le problème n'est pas que RFF ne peut apporter de garanties d'emprunts parce qu'il est adossé à l'État, mais que ces garanties d'emprunt sont interdites par la loi de 1997 !

Un débat d'orientation des finances publiques, c'est donc déjà un débat sur la fiscalité mais il est bon d'affirmer clairement dès à présent que notre projet fiscal n'est pas le même que celui du parti socialiste et de très loin. Nos concitoyens, qui n'en demeurent pas moins contribuables, doivent l'entendre. Un débat d'orientation budgétaire, ce sont aussi des perspectives de réformes structurelles et il reste, en France, beaucoup à faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd'hui même, lors de sa conférence de presse, Nicolas Sarkozy a fustigé les socialistes qui, s'ils revenaient au pouvoir, feraient « exploser la dette ».

En se félicitant de sa gestion des déficits publics, et avec l'objectif de maintenir le triple A des agences de notation – qui, pour certaines, conditionnent l'attribution de cette note par le désengagement de l'État au profit de l'endettement privé –, le Président de la République a encore une fois versé dans l'autosatisfaction.

Le débat d'orientation des finances publiques va donc être un moyen de mettre cette affirmation en perspective avec la réalité, laquelle est différemment appréciée suivant que les éléments sont fournis par le Gouvernement ou, par exemple, par la Cour des comptes, qui a récemment publié son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques.

Ce débat sera aussi pour notre groupe le moyen d'évoquer l'efficacité et l'esprit des mesures prises par l'actuelle majorité dans le domaine social. Et c'est au nom de nos collègues socialistes membres de la commission des affaires sociales que je m'exprime.

Je prendrai un premier exemple, celui de la dépendance, que nous préférons pour notre part appeler la perte d'autonomie.

Les parlementaires socialistes nommés au sein des groupes de travail gouvernementaux sur la dépendance ne souscrivent pas, je tiens à le rappeler, aux rapports présentés à la ministre des solidarités le 21 juin. Ils ne souhaitent en aucun cas donner quitus au Gouvernement sur des scénarios présentés comme s'ils étaient issus de la concertation, mais en réalité approuvés par les seuls députés de la majorité,…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

…et versés au débat public pour servir de « ballons d'essai » dans l'opinion. J'ai assisté, monsieur le président Méhaignerie, avec Marie-Anne Montchamp, à une réunion sur la dépendance dans ma circonscription et j'ai pu constater ce qu'il en était.

Quoi qu'en disent le Gouvernement et Mme Bachelot, la feuille de route de la droite est déjà écrite. Ce qui nous est proposé est une solution minimaliste, qui ne répond pas aux besoins des personnes en perte d'autonomie, ni aujourd'hui ni d'ici à 2040. En revanche, vous mettez en place un système de financement progressif par la personne elle-même, en fonction de ses moyens et non de ses besoins. On évoque le grand âge mais les handicapés sont oubliés.

La montagne du « chantier de la dépendance » a accouché d'une souris. De ces nombreuses et longues réunions ne sont sorties que des propositions de replâtrage à moyens constants et sans prise en compte globale et transversale de la problématique de la perte d'autonomie. Comment pourrait-il en être autrement alors que les sources de financement restent inchangées et que le Gouvernement se refuse à mettre en place un système fondé sur une véritable solidarité nationale ?

Les parlementaires socialistes réaffirment leur volonté politique de répondre aux besoins immédiats et, à terme, d'accompagnement et de prise en charge par un projet de réforme ambitieux, global et pérenne qui inscrira le risque de perte d'autonomie dans le cadre d'une sécurité sociale digne du XXIe siècle, au même titre que le risque de maladie ou de perte de revenus.

La branche retraite constitue un autre exemple. En portant l'âge de l'ouverture des droits à la retraite de soixante à soixante-deux ans, l'âge de l'annulation de la décote de soixante-cinq à soixante-sept ans, vous allez générer un surplus budgétaire de 7 milliards d'euros en 2013 et de 19 milliards en 2020. Ce n'est pas assez pour régler durablement le problème puisque vous avez déjà fixé un rendez-vous en 2013, mais c'est déjà suffisant pour mettre en difficulté des centaines de milliers de travailleurs touchés par votre réforme.

Je ne fais d'ailleurs que reprendre les arguments de la Cour des comptes, qui précise que le scénario sur lequel se fonde la réforme « peut être considéré comme optimiste ». En cas de scénario plus défavorable, le Conseil d'orientation des retraites estimait à plus de 3,8 milliards d'euros les besoins supplémentaires en 2020. L'Association des régimes de retraite complémentaire et l'Association générale des institutions de retraite des cadres pourraient réévaluer leurs projections ; le solde des régimes complémentaires pourrait être dégradé de 2,5 milliards d'euros en 2020. Ou encore le « recul de l'âge minimal de départ à la retraite pourrait avoir un impact sur des dépenses sociales autres que les retraites : allocations chômage, RSA, pensions d'invalidité ».

Pour étayer mon propos, j'évoquerai le non-renouvellement récent de l'allocation équivalent retraite. Alors que le Premier ministre s'était engagé à mettre en place « un système équivalent, pérenne pour les travailleurs les plus âgés », le Gouvernement n'engage aucune action en faveur des 30 000 personnes remplissant les conditions d'accès à l'allocation équivalent retraite. Je regrette que Xavier Bertrand, la semaine dernière, n'ait pas répondu précisément à notre question. Pourquoi un tel silence quand le chômage des plus de cinquante ans a augmenté de plus de 14 % en un an ?

Vous repoussez l'âge du départ à la retraite sous le prétexte que l'espérance de vie augmente, mais vous le faites sans prévoir une politique dynamique de l'emploi pour les plus de cinquante ans : vous préparez l'avènement d'une génération de retraités pauvres.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Poids des mesures sur les seuls individus, efficacité budgétaire plus que relative : vos réformes sont loin d'être aussi brillantes que l'a annoncé le Président de la République.

La situation de la branche maladie est identique. La Cour des comptes estime qu'au rythme actuel le solde de la branche ne sera à l'équilibre qu'en 2027 – ce n'est pas demain –…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

…avec un déficit cumulé de 75 milliards d'euros à partir de 2012.

Que fait le Gouvernement pour arriver à un si brillant résultat ? Il fait porter le poids de la réduction de la dette sur les seuls individus, en n'hésitant pas non plus à le transférer sur les générations futures.

Ainsi, la mise en avant de l'ONDAM comme unique outil du retour à l'équilibre montre une conception radicalement différente de celle développée, par exemple, et je sais qu'à chaque fois cela vous fait mal et provoque des cris dans vos rangs,…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

…entre 1997 et 2002. À cette époque, le gouvernement de Lionel Jospin n'avait certes pas respecté l'ONDAM mais il avait ramené les comptes du régime général à l'équilibre tout en accroissant considérablement la qualité des services rendus, notamment grâce à la couverture médicale universelle, qui a permis à plus de deux millions de nos concitoyens de bénéficier du droit commun.

Aujourd'hui, le respect de l'ONDAM se fait au prix d'un délabrement considérable de l'accès aux soins, symbolisé notamment par les forfaits, franchises et dépassements d'honoraires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Ce sont les vrais chiffres, monsieur Bur.

Comment notre pays peut-il accepter que 20 à 30 % des personnes vivant sur son territoire, dont les bénéficiaires de l'AME, renoncent à des soins pour des raisons financières ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

N'oublions pas que les renoncements d'aujourd'hui engendreront les plus grosses dépenses de demain, unanimement redoutées par des institutions, me semble-t-il, objectives, comme l'Institut de recherches et de documentation en économie de la santé, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, l'inspection générale des finances ou l'inspection générale de l'administration territoriale.

Il s'agit bien là d'une gestion à la petite semaine.

Dernier exemple en date : le décret publié hier, 26 juin, au Journal officiel, qui retire de la liste des affections de longue durée des personnes souffrant d'hypertension artérielle sévère, mesure qui n'est hélas que la suite du retrait de la même liste des personnes ayant eu un cancer depuis plus de cinq ans, considérées par le Gouvernement comme guéries. On sait bien que la réalité peut être tout autre. Ce décret, le Gouvernement l'a fait paraître durant le week-end de la manière la plus sournoise, qui caractérise bien les méthodes de la majorité.

J'en viens aux gels de dépenses destinés à maintenir l'ONDAM. En 2010, on a gelé 625 millions d'euros, dont environ 525 millions destinés aux établissements de santé. Démarche curieuse alors que ces mêmes établissements ont besoin d'argent pour fonctionner. Pour 2011, 530 millions d'euros ont été mis en réserve, dont 400 millions sur les établissements de santé – le mot « hôpital » ayant disparu de la loi – et 30 millions sur le fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins, qui s'ajoutent aux 60 millions d'euros déjà disparus à l'occasion du précédent PLFSS. Je m'étonne qu'on fasse ainsi disparaître 90 millions d'euros de l'enveloppe de ce fonds quand on veut mettre en place des réseaux de santé.

Contrairement à vos affirmations, vous reportez une partie des déficits sur la CADES et, de fait, sur les générations futures, qui, au vu de la politique de l'emploi des jeunes que vous menez, auront de grandes difficultés à payer ces dettes. Ainsi, comme le souligne la Cour des comptes, 10,3 milliards d'euros ont été transférés à la CADES dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Monsieur le président, mes chers collègues, nous en avons assez de cette politique en trompe-l'oeil.

En s'appuyant sur des prévisions macro-économiques toujours optimistes, en niant la difficulté dans laquelle la zone euro risque de se maintenir pendant de nombreux mois, le Gouvernement ne fait que poursuivre son travail de sape de nos services publics.

Si la question de la gestion de la dette doit indéniablement être au centre de nos débats, la réponse ne doit pas se situer autour du « moins d'État », comme le fait le Gouvernement, mais plutôt vers le « mieux d'État », comme les socialistes le proposent.

Ainsi que le rappelle la Cour des comptes, il existe quantité de niches qui grèvent considérablement le budget de l'État. Je n'y reviendrai pas.

Pour conclure, permettez-moi de partager avec vous une anecdote, qui, au fond, n'est pas aussi anecdotique que cela. Lors de l'une de ses dernières auditions devant la commission des affaires sociales, à la fin de l'année 2009, le président Séguin se tourna vers les députés de l'actuelle majorité pour les avertir : « Vous ne pourrez plus longtemps dire que c'est la faute des autres. »

Effectivement, en persévérant de la sorte, chers collègues de la majorité, ce triple A des agences de notation, vous le méritez certainement, mais en changeant les critères : A comme abaissement du pouvoir d'achat, A comme abandon des laissés-pour-compte de la crise, A comme aide à l'enrichissement des plus riches. Ce triple A, vous le méritez, car il symbolise bien le fil conducteur de votre politique !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi du débat d'orientation budgétaire, c'est, en principe, de développer des interrogations plus profondes et d'affirmer des objectifs plus forts.

D'abord, la nécessité de réduire rapidement nos déficits fait, c'est évident, consensus. Tant que nous n'aurons pas ramené nos déficits à 2,5 ou 3 % du PIB, notre endettement continuera à progresser. Or, même si nous ne souffrons pas, à la différence de certains de nos partenaires, d'une dette privée excessive, le niveau de la dette publique entre désormais dans une zone où les emballements, les dérapages peuvent s'accélérer et échapper à notre contrôle.

Le vrai débat est donc de savoir quels outils privilégier pour réduire le déficit. Vous privilégiez l'action sur la dépense publique, certes nécessaire, mais dont nous voyons bien que ses effets sont parfois trop brutaux pour ne pas déstabiliser des secteurs entiers de l'activité publique et sociale, et en même temps trop lents pour espérer un rétablissement rapide et significatif de nos comptes.

Que vous le vouliez ou non, il est urgent de faire appel à la recette publique et d'aller au-delà de la remise en cause progressive d'un certain nombre de niches fiscales. C'est une question d'efficacité et c'est une question de justice.

Il faudrait, comme l'a souligné le récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, que l'impôt sur le revenu soit refondé pour qu'il retrouve sa fonction redistributive et pour qu'il procure davantage que 2,6 % des ressources publiques.

Il faudrait que l'impôt sur les sociétés soit payé de la même façon par toutes les entreprises, qu'il s'agisse des grands groupes, qui s'y soustraient par la consolidation, ou des PME, qui ne profitent pas des mêmes possibilités.

Il faudrait que l'on se souvienne que la directive européenne sur la TVA permet deux taux minorés, et non pas un seul, et qu'il serait raisonnable, pour certaines activités, d'introduire un taux intermédiaire moins pénalisant pour les finances publiques.

Il faudrait que nous menions une action significative contre les juridictions non coopératives, au sein de l'Union européenne – où en est la révision de la directive épargne ? –, mais aussi hors de l'Union européenne, pour que la sortie abusive de la plupart des États concernés des listes de l'OCDE soit dénoncée et corrigée rigoureusement, notamment à la suite de l'examen par les pairs à l'OCDE et au GAFI.

Il faudrait, dans le financement de la protection sociale comme dans celui des dépenses de l'État, un meilleur équilibre entre revenus du patrimoine et revenus du travail.

Il faudrait, enfin, que nous respections les engagements communs au sein de l'Union européenne. Comme l'a rappelé le rapporteur général, le débat d'orientation budgétaire ne peut pas se dérouler de façon totalement distincte de la procédure du semestre européen et du programme de stabilité. Même si certaines observations, notamment quant à notre capacité d'atteindre l'équilibre structurel des finances publiques durant la période de programmation, ne nous sont pas agréables, elles n'en constituent pas moins un élément du débat et, à mon sens, un engagement supplémentaire pour aller plus loin dans la mobilisation, même transitoire, de la ressource publique.

Au-delà, ce sont les questions de la mutualisation des moyens, notamment autour des investissements d'avenir et de la solidarité avec nos partenaires, qui se trouvent posées. Je souhaite que cette part de débat soit, à l'avenir, plus ouverte.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais vous parler, cela ne vous étonnera pas, des outre-mer et de la défiscalisation.

À l'heure où s'ouvre ce débat d'orientation budgétaire, les incertitudes, les inquiétudes même, sont nombreuses. En effet, la crise de la dette souveraine qui affecte la Grèce, le durcissement observé dans la position des agences de notation à l'égard de plusieurs États de la zone euro et le taux de notre endettement public, plus de 85 %, rendent impérative la poursuite de notre travail de maîtrise de la dépense publique. La priorité est donc bien à la résorption des déséquilibres budgétaires. Au regard des contraintes financières qui pèsent sur nos administrations publiques, les préconisations du rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques, largement fondées sur le rapport Champsaur-Cotis, sont doubles : premièrement, maîtrise des dépenses budgétaires, avec une application de la norme zéro volume, dans sa version élargie, à l'ensemble des administrations ; deuxièmement, réduction des dépenses fiscales et des niches sociales.

C'est sur ce second point, et notamment sur la question des dépenses fiscales destinées à soutenir le développement économique des outre-mer, que je souhaiterais m'arrêter un instant.

L'effort de maîtrise est, je le répète, indispensable. J'avais déjà, l'année passée, lors de l'examen du projet de loi de finances initial pour 2011, insisté sur la nécessité d'impliquer l'ensemble des acteurs, et notamment d'assurer la solidarité des outre-mer dans la démarche des autorités publiques pour réduire nos déficits publics.

Cependant, lorsque je lis, dans le rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques, que « le Gouvernement proposera un programme ambitieux d'économies sur les niches fiscales et sociales », il me semble important de vous alerter sur les risques attachés à une réduction trop brutale, trop transversale, des niches fiscales et sociales, notamment, et principalement, dans les outre-mer.

En effet, le recours à l'instrument de la défiscalisation pour favoriser le développement des outre-mer a une vraie justification : il prend acte de la situation objective des économies ultra-marines, qui sont, vous n'êtes pas sans le savoir, monsieur l'ancien ministre de l'outre-mer, des économies sous-capitalisées et peu attractives pour les investisseurs.

Au regard de ces contraintes propres aux outre-mer, l'État avait fait le choix, en 2003, sous l'impulsion du Président Chirac, de fonder dans une large mesure le soutien au développement économique des outre-mer sur la défiscalisation. Ce choix supposait et impliquait une stabilité du cadre fiscal offert aux outre-mer. Un engagement formel, affirmé, portait sur une durée de quinze ans, soit jusqu'au 31 décembre 2017.

C'est ainsi que, lors de l'examen en séance publique du projet de loi de programme pour l'outre-mer, le 5 juin 2003, Brigitte Girardin, alors ministre de l'outre-mer, à qui vous avez succédé, monsieur le ministre, avait affirmé ceci : « Il faut le rappeler de la façon la plus claire : aucun investissement ne peut se réaliser outre-mer sans défiscalisation. […] Nous voulons stabiliser le cadre du dispositif. Sa durée de validité de quinze ans permettra aux investisseurs d'avoir la visibilité nécessaire pour réaliser leurs projets, sans craindre, chaque année, une remise en cause, comme lorsque ce dispositif était inclus dans la loi de finances. Si l'on veut rétablir un climat de confiance outre-mer, il faut impérativement conjuguer durée et stabilité. »

Vous-même, monsieur le ministre, en votre qualité de ministre du budget, aviez affirmé lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2011, le 9 septembre dernier, que toucher à la défiscalisation des investissements productifs outre-mer serait « un désastre économique pour ces territoires et nous avons pris des engagements vis-à-vis des outre-mer qui ne seront pas remis en cause ».

Or force est de constater que la défiscalisation des investissements productifs dans les outre-mer a subi des modifications conséquentes depuis 2007. Je les rappelle brièvement.

Loi de finances pour 2009 : plafonnement global des niches, mais également plafonnement spécifique à certaines mesures, dont la défiscalisation outre-mer ;

LODEOM, au printemps 2009 : baisse du seuil d'agrément, réduction de la base éligible, réorientation de la défiscalisation ;

Loi de finances pour 2010 : abaissement du plafonnement global.

Loi de finances pour 2011 : suppression de la possibilité de défiscaliser les investissements réalisés dans le secteur photovoltaïque, et surtout, coup de rabot de 10 % sur certaines niches fiscales, dont la défiscalisation outre-mer – à l'exclusion, je le reconnais, du logement social.

De telles modifications du cadre fiscal renforcent l'incertitude de l'environnement économique ultra-marin. Elles dégradent la confiance des investisseurs, et par conséquent le taux d'investissement, alors que les économies des outre-mer sont, vous le savez, plus exposées et plus fragiles que l'économie métropolitaine.

Pourtant, j'ai fait partie des parlementaires qui ont défendu la nécessité pour les outre-mer d'être solidaires de l'effort demandé à la nation.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

Merci de le reconnaître.

Le véritable débat, pour 2012, n'est donc pas de savoir si l'on veut demander un nouvel effort, en matière de défiscalisation, à l'outre-mer. Il est de savoir si l'on veut casser ce dispositif de défiscalisation ou si, au contraire, on veut le maintenir.

Ainsi, il me semble essentiel, dans la perspective du projet de loi de finances pour 2012, que le Gouvernement procède à une approche niche par niche, et non à une approche transversale, laquelle n'est pas adaptée à la prise en compte des spécificités des économies des outre-mer.

Aller plus loin en matière de renforcement du plafonnement, d'augmentation du coup de rabot, ou encore de réduction du seuil d'agrément, équivaudrait à supprimer la défiscalisation outre-mer.

Je sais, monsieur le ministre, la grande attention que vous portez aux outre-mer. C'est la raison pour laquelle je vous fais confiance, dans le cadre de la préparation de la prochaine loi de finances, pour porter une attention toute particulière à ce moyen important de développement des économies ultramarines. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me bornerai à quelques remarques générales, avant d'évoquer notre stratégie économique, puisque, au fond, un débat d'orientation budgétaire est l'occasion de confronter des stratégies pour réduire les déficits et retrouver la croissance.

S'agissant de la croissance, vous avez finalement choisi, entre la prévision de 2 % de la Commission et votre hypothèse initiale de 2,5 %, un juste milieu. La Cour des comptes souligne que la prudence voudrait que vous en restiez à la croissance potentielle, à moyen terme, alors même que vous avez toujours affiché 2,5 % de croissance. Après tout, on peut faire une croissance supérieure à la croissance potentielle. On peut même le faire pendant plusieurs années. La preuve en est que nous, nous l'avons fait.

Mais cela suppose une politique spécifique. Et je trouve que l'histoire ne plaide guère en votre faveur. Car j'ai vainement recherché quand la droite avait fait une croissance de 2,5 % au cours des vingt dernières années. Cela n'est jamais arrivé. Peut-être le fera-t-elle un jour.

Quoi qu'il en soit, il faudra expliquer comment on peut faire 2,5 % de croissance alors que les prévisions de la plupart des instituts, y compris les institutions internationales, tournent en moyenne autour de 1,9 % à moyen terme. J'aurai l'occasion d'y revenir.

Ma deuxième remarque concerne le déficit. La réduction des déficits en 2011 repose très largement sur des mesures ponctuelles et non reconductibles. Autrement dit, on est loin, en termes structurels, de la réduction affichée dans la programmation pluriannuelle. Cela augure mal de la situation que trouvera le gouvernement qui sera nommé en 2012, et ce même s'il est probable que le déficit de 2011 ne sera pas trop éloigné des prévisions. Vous pourrez toujours, monsieur le ministre, vous vanter d'une réduction historique en termes budgétaires, puisque vous avez inclus dans le déficit de 2010 les 34 milliards du grand emprunt, qui ne sont pas un vrai déficit. En effet, il n'y a qu'un milliard de dépenses correspondantes. Ainsi, même si vous ne réduisez pas le déficit, en termes budgétaires, il se réduira de ce montant, du fait de la disparition de cette dépense, déjà comptabilisée dans l'année 2010.

Mais la suite est beaucoup plus difficile. Comme nous le rappelle la Cour des comptes, si l'on conserve une élasticité des recettes à la croissance égale à un, ce qui est raisonnable une fois de retour à une situation économique normale, le déficit en 2013 sera réduit non à 3 % mais à 3,5 % du PIB. C'est dire que si, pour le plus grand malheur des Français, vous restiez au pouvoir, il n'est pas évident que votre politique permette d'atteindre les 3 % en 2013 comme vous l'affichez.

Ma troisième remarque concerne les propos du Président de la République ce matin. Je l'ai entendu dire : ceux qui auront l'idée de revenir sur le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, de revenir sur la réforme des retraites ou de refuser une règle d'or obligeant tous les gouvernements à prévoir un budget en équilibre, ceux-là provoqueront à terme l'explosion de la dette et l'explosion des déficits.

Excusez-moi, mes chers collègues, mais l'explosion de la dette et l'explosion des déficits, c'est vous ! C'est vous depuis dix ans, et surtout depuis cinq ans. Il faut un sacré culot au président qui a laissé exploser la dette et les déficits dans une proportion jamais connue depuis 1945 pour s'exprimer ainsi. Et vous savez très bien qu'autant pour les déficits que pour la dette, la crise n'y est pas pour grand-chose. En 2010, sur 140 milliards d'euros de déficit, 100 milliards sont dus au déficit structurel, et seulement 40 à la crise.

La dette a doublé en dix ans, de 2002 à 2012, passant de 900 à 1 800 milliards d'euros. Cette augmentation de 900 milliards est survenue à hauteur de 360 milliards sous la présidence de Jacques Chirac et de 560 milliards sous celle de Nicolas Sarkozy. Même si l'on retire 100 milliards d'euros dus à la crise, chiffre qui résulte du cumul du déficit de crise tel qu'il est mesuré par la plupart des institutions sur les trois années durant lesquelles nous nous sommes éloignés de la croissance potentielle, même en retirant ces 100 milliards, les années Sarkozy resteront celles d'une augmentation historique de la dette.

Monsieur le ministre, je vous ai entendu évoquer l'objectif de 2 % de déficit en 2014. Nous sommes là encore dans l'incantation car, en trente ans, depuis le gouvernement de Raymond Barre qui avait des finances à l'équilibre, jamais un gouvernement de droite n'est parvenu à faire passer le déficit au-dessous de 2 %. Cela est arrivé plusieurs années mais ce n'était pas vous qui étiez au pouvoir, c'était nous. Il faut parfois rappeler les vérités statistiques, elles ne s'effacent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

Nous en avons d'autres, des vérités à vous rappeler !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

L'histoire montre qu'aucun grand pays n'a réduit significativement les déficits par des politiques d'austérité. Et ce n'est pas par la multiplication des politiques d'austérité telle qu'elle se produit en Europe que l'on arrivera à le faire. Cela suppose, autant au niveau national qu'au niveau européen, un dosage subtil des politiques économiques, qui manque cruellement aujourd'hui.

Notre situation est très particulière. Nous connaissons à la fois, depuis la crise, un effondrement de la demande que traduit un taux d'utilisation des capacités de production inférieur au taux normal de près de dix points, huit points en 2012. Nous avons donc un excès d'offre à court terme, mais en même temps, un déficit d'offre compétitive, puisque notre pays enregistre une cinquantaine de milliards de déficit extérieur depuis 2003. Il faut donc une politique à la fois capable de créer de la demande et du pouvoir d'achat à court terme, et de muscler notre économie à moyen terme, tout en réduisant les déficits. A cet effet, il faut agir sur trois leviers : la demande à court terme, l'offre à long terme et la sélectivité budgétaire.

Il faut augmenter les recettes. M. de Courson disait tout à l'heure qu'il était nécessaire de retenir ses amendements sur les niches fiscales, ou au moins de plafonner celles-ci plus fortement. Je rappelle que le groupe socialiste n'a cessé de proposer des amendements en ce sens, tous issus du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires. Il y a là une mine d'informations qui nous indiquent que tous ces dispositifs s'annulent souvent les uns les autres en termes d'efficacité économique, et méritent d'être réformés, pas nécessairement supprimés, mais au moins adaptés. Simplement, en piochant dans cette mine, nous pouvons réduire les déficits de façon importante, sans nuire à l'activité économique. C'est ce que nous proposons.

La seule façon de résoudre la question de la demande à court terme, c'est de créer des emplois. Le cycle économique de la France est identique à celui de l'Europe : nous avons les mêmes phases hautes, les mêmes points bas ; nous sommes simplement parfois un peu au-dessus ou en dessous. La différence tient à notre capacité de créer des emplois. Si, dans la période de 1997 à 2002, la croissance était plus forte que dans le reste de l'Europe, 3.2 % au lieu de 2,6 %, c'est parce que la création d'emplois était importante. Cela reste vrai et c'est cela que nous ferons.

Il ne faut donc pas une politique d'austérité comme vous le préconisez, mais une politique qui agisse sur les trois leviers que j'ai indiqués, comme nous l'avions fait dans une situation beaucoup moins grave de nos finances publiques entre 1997 et 2002.

Le Président de la République tente de faire oublier la situation dramatique de nos finances publiques par une opération politicienne qui consiste à prétendre inscrire dans la Constitution des règles que votre majorité a violées tous les jours et que la droite n'a jamais appliquées depuis trente ans. Mais ce n'est ni avec des incantations, ni avec des opérations politiciennes que l'on réduit les déficits. C'est par le courage et la volonté politique. Cette volonté politique a singulièrement manqué à votre majorité depuis 2002 – en matière de réduction des déficits, les faits sont terriblement parlants – et elle a aussi manqué à ce gouvernement depuis 2007. Mais nos concitoyens ont compris que, sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres, le changement qui s'impose est tout simplement un changement de majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Notre collègue Pierre-Alain Muet m'a suggéré une introduction : le paradoxe de voir le ministre du budget que vous êtes, monsieur Baroin, et le Gouvernement que vous représentez, attaqués pour avoir laissé se développer le déficit et la dette, alors que c'est sans doute le premier gouvernement depuis trente ans qui a inscrit à son programme dès 2007, avec le Président de la République, la volonté de lutter contre les déficits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, le lancement de la révision générale des politiques publiques, manifestent une volonté très claire de lutter contre les déficits et contre la dette.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

En revanche, je me souviens que ceux qui ont inauguré les déficits et la dette à larges flots étaient majoritaires en 1981. Monsieur Muet, vous n'avez pas cité 1981, mais c'est alors que tout a démarré, et très fort !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Allons donc ! L'histoire est écrite, il suffit de la lire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Il y a une deuxième période que vous avez oubliée, c'est la période de 1997 à 2002. Nous connaissions la plus formidable croissance économique depuis très longtemps. Vous n'en avez rien tiré ! Vous avez au contraire dépensé à tour de bras tout ce qui entrait dans les caisses, et vous avez embauché des dizaines de milliers de fonctionnaires que nous avons gardés à cause de leur statut.

Par deux fois, vous avez donc largement creusé la dette et le déficit, et vous n'êtes pas du tout en mesure de venir nous donner des leçons, d'autant que vous oubliez une seule chose : nous avons eu à traverser la pire crise que le monde ait connue depuis 1929. Reconnaissez que ça n'a pas été facile !

Je n'ai rien entendu de véritablement significatif dans vos propositions. Vous ne voulez pas diminuer la dépense, mais vous ne dites pas du tout comment vous allez augmenter les recettes. Néanmoins, si on lit le projet socialiste, on comprend que cela risque de faire très mal au contribuable, quel qu'il soit, et notamment au contribuable moyen, parce que c'est celui-là qui sera obligé de payer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Cela étant, monsieur le ministre, notre problème, et le rapporteur général en est également bien conscient, c'est que nous sommes drogués à la dépense publique. Nous confondons en permanence l'efficacité de l'action publique avec le montant des crédits que l'on y investit. La révision générale des politiques publiques partait donc d'une très bonne idée qui consistait à s'interroger sur chaque politique et à vérifier qu'elle était efficiente au regard des moyens que l'on y dédiait.

Il faudra, dans l'avenir, aller beaucoup plus loin. Il faudra dépasser ce processus, qui est resté relativement administratif, pour se lancer dans une réflexion politique de fond : ayons le courage de nous interroger sur l'éducation nationale ! L'éducation nationale nous coûte beaucoup d'argent : est-ce que les résultats que nous obtenons au profit de nos enfants sont à la hauteur de l'investissement considérable financé par la nation ? Poser la question n'est jamais très apprécié, cela donne l'impression que l'on critique les acteurs de l'éducation nationale, mais je m'interroge simplement sur l'efficacité de cette politique.

De même, nous investissons 35 milliards d'euros d'argent public dans le logement social, et l'on entend tous les jours parler de crise du logement. Il faudrait avoir le courage de mettre un jour sur la table l'ensemble de ces politiques pour en mesurer l'efficience, et je suis persuadé que l'on arriverait à découvrir que l'on peut faire mieux avec beaucoup moins. Encore faut-il en convaincre nos compatriotes : c'est une action de persuasion et de dialogue qui relève de notre responsabilité politique. J'espère, monsieur le ministre, que vous aurez l'occasion de poursuivre cette action. D'ici là, je vous souhaite bon courage et bonne chance.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Vandewalle

Je voudrais poser quelques jalons pour l'avenir car, en matière fiscale et sociale, il nous faut poursuivre les réformes structurelles qui s'imposent pour dynamiser l'économie, améliorer le pouvoir d'achat des salariés et faire reculer le chômage.

La multiplication des remèdes homéopathiques aggrave de jour en jour la complexité de notre système de protection sociale, avec des résultats modestes loin des effets escomptés, et je m'inscris ici dans la durée. C'est pourquoi je suis de ceux qui souhaitent la création d'une TVA sociale, ou d'un autre dispositif fiscal permettant d'alléger les charges pesant sur le travail et les entreprises, afin de stimuler la croissance. Beaucoup d'experts nous y invitent ; par exemple la Cour des comptes, dans son récent comparatif France-Allemagne.

Ceux qui travaillent se plaignent avec raison de la faiblesse de leur pouvoir d'achat. J'ai été maire très longtemps, et l'on voit bien ce que gagne le personnel communal. Vu le prix du logement en région parisienne, ce n'est pas facile. Nos salaires nets sont trop faibles alors que le coût du travail est le même qu'en Allemagne. Pourquoi ? Parce que les augmentations de salaire ont été amputées par des prélèvements sociaux très élevés qui pénalisent le pouvoir d'achat des salariés, mais aussi l'investissement et la compétitivité de nos entreprises, les ressorts de l'avenir.

Vous en doutez ? Mais alors pourquoi avoir commencé à diminuer les charges sur les bas salaires et pourquoi la question se pose-t-elle aujourd'hui avec acuité pour les salariés agricoles ?

Il faut traiter le mal à la racine pour revenir dans le cercle vertueux de la croissance. Comment ?

D'abord en supprimant les charges salariales pour relever les salaires nets, dynamiser la consommation et donc l'emploi.

Ensuite, en les remplaçant par une sorte de TVA sociale qui aurait l'avantage d'élargir l'assiette et, par un réglage fin et indispensable, d'améliorer mécaniquement le pouvoir d'achat des salariés. Par la même occasion, on valoriserait le travail salarié par rapport aux autres sources de revenus.

Enfin, en réduisant les transferts sociaux massifs, qui coûtent très cher sans pour autant réduire la pauvreté. Il faudrait mieux les cibler sur ceux qui en ont vraiment besoin. Le RSA illustre l'absurdité d'un système où il faut des aides sociales pour les travailleurs « pauvres » – triste expression ! – alors que le travail devrait être synonyme de dignité sociale et d'épanouissement.

Mais ce n'est pas tout : le transfert des charges patronales du secteur concurrentiel, notamment familiales, avec les précautions nécessaires pour s'assurer que ce transfert ne serve pas seulement à augmenter les bénéfices, permettrait d'améliorer la compétitivité des produits fabriqués en France et de les mettre sur un pied d'égalité avec les produits importés. On stimulerait la production nationale, comme la création d'emplois, et on élargirait l'assiette des cotisations sociales, ce qui permettrait d'en réduire le poids et d'entrer dans un cercle vertueux.

L'amélioration de la rentabilité des entreprises encouragerait le développement de l'innovation et de l'investissement, deux facteurs à l'origine du décrochage industriel de la France par rapport à l'Allemagne depuis dix ans.

Bref, nous mettons la charrue avant les boeufs depuis des décennies avec les maigres résultats que l'on connaît sur la croissance et l'emploi, alors qu'il faudrait, selon la Cour des comptes, améliorer « la compétitivité par l'allégement de la taxation du travail et des coûts de production des entreprises ».

Quant à trouver des recettes nouvelles, la lutte contre la fraude fiscale et sociale reste une des meilleures pistes, comme l'illustre le récent rapport de notre collègue Dominique Tian. Tout cela, vous le savez, monsieur le ministre. C'est pourquoi j'espère que vous continuerez d'avancer avec courage et audace dans la voie des réformes en profondeur nécessaires pour restaurer la confiance des Français. Cela permettrait aussi de simplifier notre système fiscal et social, dont la complexité et les modifications incessantes pèsent sur les performances des entreprises, la confiance et le comportement des Français.

Monsieur le ministre, les Français nous ont élus pour faire des réformes structurelles. Faisons-les ! Vous pouvez compter sur mon soutien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai écouté attentivement Jean-François Mancel, qui voulait nous apprendre à faire mieux avec beaucoup moins, et je pensais qu'il s'adressait aux patrons et actionnaires du CAC 40. Mais je n'ai finalement pas l'impression que c'était son propos.

Les budgets se suivent et se ressemblent. À ceci près que celui qui nous est annoncé pour 2012 sera le premier depuis le lancement, en janvier dernier, du nouveau cycle de gouvernance économique adopté par la Commission européenne. Un nouveau cycle placé sous le signe de l'austérité et de la fuite en avant dans la concurrence fiscale et sociale au nom d'une compétitivité érigée en finalité ultime, indépendamment de toute référence à l'intérêt général et à la progression du niveau de vie de nos concitoyens, faisant dire à Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, que cette compétitivité et cette concurrence tournaient au délire.

Priorité est une nouvelle fois accordée à la stagnation, voire à la réduction des salaires, à la flexibilisation du marché du travail, à la réduction du périmètre de la protection sociale et aux coupes sombres dans les dépenses publiques.

Vos orientations budgétaires traduisent une nouvelle fois le zèle avec lequel vous persistez à faire de la création de valeurs pour l'actionnaire l'unique boussole. Après avoir accordé 2 milliards d'euros de baisse d'impôts à ces rentiers, vous vous préparez à supprimer cette année 30 000 nouveaux postes de fonctionnaires, dont 14 000 dans l'éducation nationale, après 16 000 suppressions cette année et 15 000 l'année précédente.

Vous refusez de voir que ce qui pèse aujourd'hui sur nos sociétés, ce sont les coûts financiers – ceux de la spéculation, des taux de profit, de la rente.

Au nom de cette rigueur appliquée à géométrie variable au profit des plus favorisés, vous allez reconduire le gel des salaires dans la fonction publique, qui va permettre de payer la moitié des 2 milliards d'euros de cadeaux aux assujettis à l'ISF, d'opérer des coupes sombres dans les crédits de ministères clefs : l'enseignement scolaire verra ses moyens reculer de 25,63 %, la mission « Emploi » de 12,18 %, de même pour la sécurité, l'économie, les médias, etc.

Mais vous êtes beaucoup plus prompts à tailler dans les dépenses utiles qu'à remettre en cause les cadeaux fiscaux au coût faramineux consentis, au fil des ans, au rythme de douze nouvelles niches fiscales par an depuis 2005. Vous aurez été les champions de l'appauvrissement de l'État. Dans ces circonstances, vous ne tiendrez évidemment pas l'engagement de réduction de déficit à 4,6 % du PIB en 2012, plusieurs orateurs l'ont indiqué.

Des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent pour dénoncer les effets de vos politiques d'austérité. Dans son rapport annuel sur la situation sociale dans le monde, l'ONU estime que ces politiques menacent la reprise économique : « Les gouvernements doivent réagir avec prudence aux pressions en faveur de la consolidation budgétaire et de l'adoption de mesures d'austérité s'ils ne veulent pas risquer d'interrompre le redressement de leur économie. »

Le président de l'université de Columbia aux États-Unis, Jeffrey Saxe, vient de déclarer qu'il fallait arrêter de s'en prendre aux services publics et qu'il était indispensable d'augmenter les impôts des plus riches, de supprimer les paradis fiscaux entre autres.

Pour redresser nos finances publiques, nous ne devons pas nous engager dans la voie de l'austérité, mais dans celle de la refonte globale de notre fiscalité. Un véritable tournant économique, fiscal et social doit être pris. Si nous n'inversons pas l'ordre des valeurs, faisant passer les êtres humains, la formation, l'innovation, les salaires, l'emploi, l'industrie avant la rente, la spéculation, les paradis fiscaux, nous irons dans le mur.

Il n'est pas acceptable que les PME soient aujourd'hui plus taxées que les grandes entreprises, que les 1 % de Français les plus fortunés acquittent un taux moyen d'imposition réel de 18 % par le jeu des niches fiscales, au lieu de 40 %.

Nous avons proposé de financer notre régime de retraite par une modulation des cotisations sociales en fonction de l'orientation des bénéfices réalisés et formulé une proposition identique concernant l'impôt sur les sociétés.

L'autre priorité est bien sûr la suppression des niches fiscales et sociales. Les systèmes d'exonération ont fait leur temps. Privilégier les prêts à taux bonifié en direction des entreprises et particulièrement des PME, dès lors qu'elles soutiennent l'investissement productif et l'emploi, c'est le sens de notre proposition de création d'un pôle public financier.

Il faut aujourd'hui desserrer l'étau d'un monde financier qui n'a que faire de l'intérêt général, remédier aux effets désastreux des mécanismes spéculatifs qui siphonnent la création de richesses. L'État doit affirmer sa légitimité démocratique face aux intérêts particuliers.

Vous avez fait le choix de la docilité à l'égard des marchés financiers. Vos recettes conduisent l'ensemble des pays européens dans le mur. C'est une raison suffisante pour exprimer une fois de plus notre défiance à l'égard d'orientations qui vont marquer un nouveau recul social dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Aujourd'hui, mardi 28 juin à à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 28 juin 2011, à zéro heure trente-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma