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Séance en hémicycle du 25 novembre 2008 à 21h30

Résumé de la séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (nos 1209, 1267) et du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France (nos 1208 rectifié, 1267)

La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

J'ai reçu de Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement, sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

La parole est à M. Patrick Bloche.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, la question préalable que je défends au nom du groupe SRC vise à vous convaincre que ce projet de loi n'est qu'une illusion d'optique. Il n'est en effet rien d'autre qu'une belle histoire qu'on nous répète à l'envi depuis près d'un an, dans l'espoir de nous faire accroire que, comme dans un conte de fées, la magie ferait, à partir de peu, surgir quelque chose de grand. Le Président de la République et son gouvernement nous disent en effet vouloir moderniser le service public de l'audiovisuel ; ils nous disent vouloir lui offrir des ressources pérennes en le soustrayant aux aléas des ressources publicitaires. Mais ce que l'on nous raconte n'est pas ce qui est, ce que l'on nous promet n'est en rien ce qui sera.

Quand on nous dit réforme du financement, il faut comprendre assèchement des ressources ; quand on nous dit modernisation, il faut comprendre désorganisation ou, pis encore, démantèlement du service public de l'audiovisuel ; quand enfin le Premier ministre lui-même parle de grand projet culturel, il faut comprendre qu'une entreprise déterminée de régression menace le pluralisme et la diversité, en un mot la démocratie.

La télévision et la radio occupent en effet une place centrale dans le quotidien, nous relient au monde, nous apportent la connaissance. Elles offrent des modèles d'éducation et un accès facile à la culture et au divertissement. Le dire, c'est reconnaître combien les médias conditionnement le bon fonctionnement de nos institutions et, dès lors, combien il faut faire preuve de précautions avant d'agir dans ce domaine qui est un fondement de notre modèle démocratique. Le dire, c'est rappeler aussi que, depuis 25 ans, le paysage audiovisuel français, dans une logique concurrentielle, s'est structuré autour de deux pôles, l'un public et l'autre privé luttant plus ou moins à armes égales.

Au nom d'une prétendue adaptation de ce paysage audiovisuel, ce que s'apprêtent à faire le Président de la République et le Gouvernement, c'est à rompre cet équilibre…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

…en rendant les groupes audiovisuels privés toujours plus puissants et en fragilisant encore davantage l'audiovisuel public.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Que deviendra en effet ce quatrième pouvoir qu'on attribue aux médias si le secteur audiovisuel privé, déjà aux mains des maîtres de forges des temps modernes, qui vivent des commandes de l'État et dans l'intimité du pouvoir, est servi de la sorte, et si dans le même mouvement, l'audiovisuel public est durablement affaibli ? Les médias ne forment un quatrième pouvoir aux côtés des trois autres que s'ils peuvent porter librement, hors de toute contrainte, un jugement sur ces derniers et ainsi influer sur leurs actions.

Il est bon de rappeler la sagesse d'un ancien Président de la République. Tirant le bilan de la loi qu'il avait fait voter six ans auparavant avec l'aide de Georges Fillioud, son ministre de la communication, François Mitterrand, dans une célèbre lettre aux Français lors de la campagne présidentielle de 1988, écrivait que Montesquieu, à distance, pourrait se réjouir de ce qu'un quatrième pouvoir ait rejoint les trois autres et donné à sa théorie de la séparation des pouvoirs l'ultime hommage de notre siècle.

Or, dans ce projet, on ignore à l'évidence l'attachement que les Français ont exprimé à différentes reprises pour le service public de l'audiovisuel et pour le pluralisme qu'il garantit. Non seulement ce texte place l'audiovisuel public sous dépendance politique, mais également sous dépendance budgétaire : il s'agit dans les deux cas de le placer sous contrainte. Comment ne pas voir que le premier objectif visé par le projet n'est pas la belle télévision publique que l'on nous promet pour demain, mais la mise à l'abri d'urgence du secteur audiovisuel privé. Personne ne s'y est trompé, à commencer par les marchés financiers. Ainsi, le 8 avril dernier, après que le Président de la République a annoncé, durant ses voeux à la presse, la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, les cours de Bourse de TF1 et M6 se sont envolés : à la corbeille, on a su apprécier à sa juste valeur le plan de sauvetage ainsi mis en oeuvre. On a maintenant l'habitude de ces plans de sauvetage lancés par le Président de la République et par son gouvernement pour pallier les défaillances du privé en puisant dans les ressources du public.

A cet égard, la suppression partielle de la publicité, à partir du 1er janvier prochain, sur les chaînes de France Télévisions, constitue incontestablement un transfert de revenus vers le privé. Le manque à gagner annuel est estimé à 450 millions d'euros. Pour compenser cette baisse des revenus publicitaires – qui s'est d'ailleurs déjà fait sentir en 2008 – est prévue la création de deux taxes, l'une de 3 % sur le chiffre d'affaires publicitaire des chaînes privées et l'autre de 0,9 % sur le montant des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers aux opérateurs de télécommunications et aux fournisseurs d'accès à internet.

Ce mécanisme de compensation est critiquable à plus d'un titre, et notamment parce qu'il repose sur trop de variables aléatoires.

En effet, la compensation pour les années 2009, 2010 et 2011, c'est-à-dire jusqu'à la suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques lors de l'arrêt complet de la diffusion hertzienne analogique, ne prend pas en compte les baisses de revenus publicitaires des chaînes publiques durant cette période transitoire. La forte valorisation des espaces publicitaires après 20 heures va permettre aux chaînes privées de pratiquer des politiques commerciales agressives pour les vendre. De ce fait, le marché publicitaire avant 20 heures sera moins profitable et, mécaniquement, les revenus publicitaires des chaînes publiques diminueront bien plus que ce que l'on nous annonce.

D'autre part, la taxe de 3 % ne s'appliquera qu'aux chaînes réalisant un chiffre d'affaires publicitaire supérieur à onze millions d'euros. Déjà, des voix se sont élevées du côté des chaînes privées – notamment les chaînes d'information – pour demander un traitement différencié en fonction de la nature des programmes diffusés.

La troisième variable aléatoire concerne la taxe de 0,9 % versée par les opérateurs de télécommunication et les fournisseurs d'accès à internet. Selon le discours officiel, il s'agirait, au moment où le marché de la publicité subit le contrecoup de la récession économique, de sécuriser les ressources du secteur public en mettant en place un financement pérenne attaché à un secteur d'activité dynamique. C'est au mieux de la légèreté, plus certainement une fuite en avant, car un secteur économique peut être dynamique aujourd'hui et ne plus l'être demain. L'Internet ne fait pas exception comme on l'a vu lors de l'éclatement de la bulle des valeurs technologiques entre 2000 et 2001. De plus, le texte reste flou sur les revenus qui ne seront pas pris en compte dans le chiffre d'affaires des opérateurs de télécommunications, d'où très certainement un moindre rendement de cette taxe.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Ces compensations si incertaines semblent pourtant – quelle surprise ! – démesurées aux yeux de certains. Deux amendements ont en effet été votés en commission spéciale, qui remettent en cause le niveau de la taxation des chaînes privées et des opérateurs de télécommunications.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Ces amendements demandent que soit baissée de moitié, jusqu'en 2012, la taxe sur les recettes publicitaires des chaînes privées et que la taxe de 0,9 % sur le chiffre d'affaires des opérateurs de télécommunications soit remplacée par une taxe progressive comprise entre 0,5 % et 0,9 %.

Ainsi, les masques sont tombés avant même que la loi ne soit votée : c'est l'asphyxie programmée du secteur audiovisuel public qu'on nous demande d'entériner !

En outre, le produit de ces deux taxes, que le Gouvernement a créées avec la frénésie qui le caractérise pour augmenter les prélèvements obligatoires au mépris des promesses du candidat Sarkozy, n'est pas affecté directement à l'audiovisuel public mais versé au budget de l'Etat ; à charge pour lui d'attribuer a posteriori ces sommes. Les ressources destinées à l'audiovisuel public ne sont donc en rien garanties et, chaque année, il faudra veiller à ce qu'elles soient affectées conformément aux engagements que prend le Gouvernement d'aujourd'hui.

Deux taxes incertaines et une redevance audiovisuelle insuffisante : telles sont les ressources qui doivent permettre à la télévision publique de devenir ce « grand outil de culture populaire » que la majorité appelle de ses voeux. La référence, en filigrane, semble être la BBC, au côté de laquelle l'audiovisuel public français devrait figurer au titre de grand média international. C'est aller un peu vite en besogne...

Le montant de la redevance perçue en France, soit près de 2 milliards d'euros, assure les deux tiers des ressources de France Télévisions, mais demeure deux fois inférieur au montant perçu en Grande-Bretagne. Grave erreur de gouvernance, que l'opposition a dénoncée lors de chaque débat budgétaire et dont nous payons le prix aujourd'hui : la redevance n'a pas été réévaluée depuis 2002. Quant à son indexation sur l'évolution du coût de la vie, elle ne permet pas de répondre au problème du sous-financement chronique, et déjà ancien, de l'audiovisuel public.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Certains socialistes ont pourtant proposé la suppression de la redevance !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Il faut être conscient de la réalité suivante : si l'on veut faire une BBC à la française – et il s'agit bien avec ce projet de loi de nous vendre une telle ambition –, il faut nécessairement dégager des ressources très supérieures à celles prévues actuellement. Un décalage criant, je devrais dire inquiétant, existe, de fait, entre les objectifs annoncés et les ressources envisagées. Le Gouvernement prétend vouloir, avec ce projet de loi, faire plus qu'une nouvelle réforme. Il s'agirait de procéder à une refondation permettant « d'inventer la télévision de service public du xxie siècle ». Mais de qui se moque-t-on, sinon de nos concitoyens, c'est-à-dire des téléspectateurs, et de ceux qui font quotidiennement le service public de la télévision, à savoir les 11 000 salariés de France Télévisions ? La vérité doit être dite haut et fort : le compte n'y est pas, le compte n'y sera jamais !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Monsieur Herbillon, dès 2009, première année d'application de la loi, réussir à boucler le budget de l'audiovisuel public relèvera de l'impossible et le compte n'y sera pas.

En année pleine on peut estimer, en prenant comme référence l'année 2007, que les revenus publicitaires de France Télévisions sont de l'ordre de 800 millions d'euros, soit un tiers de son financement. En 2009, la suppression de la publicité après 20 heures devrait être compensée à hauteur de 450 millions d'euros. Pour retrouver un budget de fonctionnement équivalent, France Télévisions devra donc dégager, avant 20 heures, des revenus publicitaires de l'ordre de 350 millions d'euros. Excusez du peu ! La politique tarifaire des télévisions privées entraînant une baisse des tarifs des écrans publicitaires, cet objectif semble d'ores et déjà parfaitement inatteignable.

En conséquence, les ressources de France Télévisions baisseront, alors même que le groupe fera face à des coûts supplémentaires puisque le budget 2009 devra, par exemple, prendre en compte le financement des nouveaux programmes qui auront vocation à occuper le temps libéré par la publicité. Ce budget devra également intégrer les coûts relatifs au renforcement de la stratégie éditoriale visant à proposer un nombre croissant – nous dit-on – de programmes à vocation culturelle à des heures de grande écoute. France Télévisions devra également poursuivre son effort d'investissement en faveur de la création audiovisuelle française et européenne, puisque, à croire le Gouvernement, c'est ce qui lui est demandé. À ces investissements s'ajouteront ceux nécessaires à la diffusion des contenus sur les différents supports numériques, communément dénommée « diversification ».

On peut, dès aujourd'hui, estimer à au moins 100 millions d'euros, peut être même 200 ou 300 millions, la somme qui manquera à France Télévisions pour boucler son budget en 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Dans quel état sera donc la télévision publique quand il s'agira, en 2012, de supprimer totalement la publicité sur les chaînes du service public ? Mais existera-t-il encore, dans trois ans, une télévision publique digne de ce nom en France ?

Aussi, évoquer avec insistance, comme le fait la majorité, un projet pour une « télévision publique du xxie siècle » relève purement et simplement de la supercherie. Cela est d'autant plus flagrant que la vision de la télévision publique proposée par cette réforme est tout bonnement datée. Avec la nomination et, plus grave encore, la révocation du président de France Télévisions par décret présidentiel, la majorité a mis en marche la machine à remonter le temps. Cela explique sans doute l'insistance du Gouvernement à qualifier cette pseudo-réforme d'« historique ». Vous nous proposez, en effet, de revenir sur les acquis libérateurs et démocratiques de 1981 : en un mot, de repasser de la lumière à l'ombre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Décidément, vous êtes trop modéré, monsieur Bloche.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Avec la suppression de la publicité, on revient – hasard du calendrier –, à la situation d'avant 1968, puisque la première publicité a été diffusée à la télévision cette année-là.

Quel est donc cet âge d'or de la télévision publique, mythifié par le Président de la République lui-même, avec lequel vous voulez renouer par la promotion d'automatismes aussi nostalgiques que ringards ? Une télévision libérée de l'audimat devrait ainsi inévitablement garantir la production d'émissions de qualité. Il s'agit pourtant d'une erreur « historique » de penser qu'une bonne télévision doit nécessairement être dépourvue de publicité. Il est possible de faire une très bonne télévision avec de la publicité, de même qu'il existe une très mauvaise télévision sans publicité. En matière de programmes, la suppression de la publicité n'est en aucun cas une garantie de qualité.

Aux yeux du Gouvernement et de sa majorité, il faudrait soustraire la télévision à la logique de l'audimat, dans laquelle l'enserre le recours à la publicité. Mais faut-il nécessairement partager un tel diagnostic ? Faut-il à ce point craindre les mauvais choix des téléspectateurs ? Nous ne le pensons vraiment pas. La performance en termes d'audimat et la qualité des programmes ne sont pas antinomiques, loin de là. Avec de bonnes émissions, audacieuses et de qualité, alliant information, connaissance et divertissement, l'audience sera au rendez-vous.

Pour offrir des émissions de qualité, qui répondent pleinement aux attentes des téléspectateurs ; pour faire que la culture puisse véritablement, selon la formule de l'exposé des motifs du projet de loi, « irriguer les grilles des programmes et se partager aux heures de grande écoute avec le souci de s'adresser à tous », il faut y consacrer les moyens nécessaires. Pourtant, dans ce texte, le Gouvernement dresse, jusqu'à l'ivresse, une liste de belles intentions en se payant le luxe de ne pas sortir un centime d'euro de sa poche : quel culot ! Pour que l'audiovisuel public remplisse pleinement les missions que le projet de loi lui fixe, il faudrait le doter d'un financement pérenne – ce qui est loin d'être le cas –, et d'une organisation qui assure son efficacité.

Or la réorganisation des chaînes publiques en un « média global » ne va pas dans ce sens – c'est le moins que l'on puisse dire. En effet, la transformation du groupe France Télévisions en une entreprise unique par fusion-absorption des chaînes éditrices France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO va bouleverser les structures et les métiers de la télévision publique et la fragiliser durablement. Cette opération n'a pas uniquement un caractère juridique, elle vise aussi à créer des synergies. En d'autres termes, elle consiste à réaliser des économies d'échelle par la mise en commun d'un certain nombre de métiers. L'identité et la spécificité des chaînes sont donc en jeu – si tant est qu'on puisse encore parler de chaînes et que ces dernières ne soient pas déjà devenues des marques.

Cette mise en commun des structures pose une question fondamentale en matière de pluralisme et d'information. En effet, il est indispensable que le service public de la télévision ne parle pas d'une seule voix, et qu'en son sein, il puisse donner l'exemple, en faisant place à la diversité des points de vue et des opinions.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Mais c'est déjà le cas : arrêtez de vous faire peur !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Monsieur Herbillon, comment ne pas craindre que la création de « média global » n'aboutisse à une uniformisation de l'information,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

…comme viennent d'ailleurs de le suggérer deux députés du groupe UMP, qui demandaient bruyamment, il y a quelques heures, de supprimer, purement et simplement, le journal national de France 3 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

La majorité nous dit vouloir faire de l'audiovisuel public un acteur de taille au côté des autres acteurs mondiaux de l'audiovisuel et, à l'entendre, le secteur public aurait toutes les vertus. Dès lors, on comprend mal le choix, dans ce projet de loi, de remettre en cause le caractère public de Radio France International au profit d'une société de l'audiovisuel extérieur de la France, ouverte aux capitaux privés. Cette intégration de RFI au sein d'AEF s'accompagne de la fermeture programmée de la plupart des filiales de RFI à l'étranger. Bravo pour le rayonnement international de la France ! Avec cette fusion-absorption de RFI, une ambition publique, et même politique, s'éteint d'ores et déjà complètement.

Nous sommes censés, ici même, prendre définitivement acte du fait que la France ne souhaite pas que la conduite de son audiovisuel extérieur se fasse via une société publique. Il faudrait lui préférer une structure holding, à l'organisation d'ailleurs confuse, appelée « Audiovisuel extérieur de la France », financée exclusivement par l'argent public, mêlant toutefois intérêts publics et intérêts privés, ambition culturelle et loi du marché. Paradoxalement, un tel mélange se situe à l'exact opposé de la formule que le Gouvernement prétend défendre pour l'audiovisuel public national.

Chers collègues de la majorité, après tant de mauvaises nouvelles pour l'audiovisuel public, comment ne pas vous révéler les très bonnes surprises qui attendent les chaînes privées.

TFl et M6 en ont rêvé : Sarkozy l'a fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Et dire que l'action de TF1 ne remonte même pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Au-delà du véritable effet d'aubaine que constitue le transfert des recettes publicitaires des chaînes publiques vers le secteur privé – en fait, il s'agit là de l'objet même de la réforme –, le projet de loi prévoit d'autres dispositions taillées sur mesure pour les télévisions privées.

Tout d'abord, une seconde coupure publicitaire sera autorisée dans les films et les oeuvres audiovisuelles. TFl et M6 la réclamaient, à cor et à cri, depuis de nombreuses années. Une fois encore, ils en ont rêvé, et Sarkozy l'a fait !

Ensuite, le déplafonnement de la durée de la publicité pour les chaînes privées permettra passer de six à neuf minutes par heure. Le passage de l'heure « glissante » à l'heure « d'horloge » rendra possible des « tunnels » de publicité pouvant aller jusqu'à dix-huit minutes !

Ainsi, pendant que l'on veut nous endormir avec la « télévision publique du xxie siècle », les chaînes privées se taillent la part du lion et se mettent en ordre de bataille pour affronter les défis qui attendent l'audiovisuel dans les années à venir.

Alors que le paysage audiovisuel français se diversifie avec la montée en puissance de la TNT, alors qu'internet devient le premier des médias, un mauvais coup est porté, au plus mauvais moment, à l'audiovisuel public. Car la suite de cette triste histoire que la majorité a décidé d'écrire, on peut la raconter dès maintenant. Les missions que les belles paroles ministérielles nous annoncent, jamais la télévision publique ne sera en mesure de les accomplir. Le Gouvernement prépare en fait une petite télévision publique sans souffle car sans ressources.

Bientôt, cette télévision…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

…deviendra secondaire par rapport aux télévisions privées, n'ayant pas la force d'affronter ces dernières.

Une mission impossible est en effet confiée à la télévision publique, et cela finira mal. Nous assisterons, dans les prochaines années, à « la démonstration » implacable que la télévision publique n'est pas en mesure de répondre aux attentes. Il faudra donc de nouveau la réformer, encore plus profondément, puis restructurer et annoncer la fin de certaines de nos chaînes publiques.

Avec ce projet de loi le Gouvernement ne va pas jusqu'au bout de son propos. Nous craignons en effet que bientôt, l'État ne s'allège d'une partie de sa télévision publique afin de la « recentrer sur ses missions », formule pudique pour dire, précisément, qu'elle aura de moins en moins de missions. Voilà ce que le Gouvernement ne souhaite pas nous dire aujourd'hui ! En revanche, le président d'une grande chaîne privée, devenu porte-parole autodésigné du Gouvernement, s'est acquitté de cette mission, en déclarant, le 23 octobre dernier, sur le site internet du journal Le Monde qu'il y avait « trop de chaînes publiques ». Il en sait visiblement déjà plus que nous, chers collègues, quant aux destinées des chaînes de France Télévisions.

Une logique lourde est donc aujourd'hui à l'oeuvre. Elle vise à démanteler le service public de l'audiovisuel. Madame la ministre, votre tâche est de nous vendre une belle histoire sans toutefois nous en dire la fin.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Or, nul besoin d'être un grand scénariste pour envisager l'issue funeste du conte de fées que vous avez la charge de nous raconter.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Sachez que nous entendons rester éveillés. Nous sommes déterminés à défendre la télévision publique. Et pour qu'elle soit grande et belle, nous sommes, pour notre part, prêts à envisager de mettre en oeuvre les moyens vraiment nécessaires.

L'avenir sombre de la télévision publique que nous vous révélons aujourd'hui, certains le nommeront « politique-fiction ». Mais nous savons, pour notre part, que ce sera bien la réalité de la télévision publique de demain si ce projet de loi est voté.

Le courage – oui, le courage, chers collègues de la majorité –, c'est de refuser d'être les fossoyeurs de la télévision publique. Ce qui est historique, ce n'est pas le projet de loi qui nous est proposé, mais c'est la responsabilité qui serait la vôtre si vous l'adoptiez. C'est pourquoi j'invite notre assemblée à voter la question préalable du groupe socialiste, radical et citoyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Michel Herbillon, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présentation que M. Bloche a faite du projet de loi est tellement caricaturale qu'il me paraît nécessaire de remettre celui-ci en perspective.

Du reste, lorsqu'on examine les différentes propositions socialistes concernant l'audiovisuel, on a le tournis. Ces propositions ont d'ailleurs été parfaitement résumées par un ancien ministre du gouvernement Jospin, soutenu par nos collègues du groupe socialiste : je veux parler de Claude Allègre (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce n'est vraiment pas charitable de tirer sur une ambulance !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

…qui a déclaré : « À télévision publique, argent public ; à télévision privée, argent privé. » Ce slogan était celui de la gauche ; c'était un objectif du gouvernement Jospin. Pourtant, il a suffi que Sarkozy en reprenne l'idée pour que cela provoque un tollé.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Dois-je rappeler que, dans son projet, la candidate à l'élection présidentielle que vous avez soutenue, chers collègues socialistes, Ségolène Royal, proposait, comme nous le faisons, de taxer la publicité sur les chaînes privées ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Quant à la redevance, un collègue du groupe socialiste, et non des moindres, puisqu'il s'agit de l'actuel président de la commission des finances, a proposé de la supprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Par ailleurs, ce sont Mme Tasca et Mme Trautmann qui, lorsqu'elles appartenaient au gouvernement socialiste, ont, les premières, proposé de réduire le temps de publicité sur les chaînes publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce n'est plus de la politique, c'est de l'archéologie !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Comment ne pas avoir le tournis face à tant de propositions contradictoires, dont certaines se trouvent d'ailleurs dans notre texte ? Si vous faites une présentation si caricaturale de celui-ci, c'est parce que, pris dans vos difficultés, vous tentez de trouver une bouffée d'oxygène en critiquant le projet du Gouvernement.

Actuellement, la télévision publique est essentiellement financée par la publicité et par la redevance. Elle court donc deux lièvres à la fois : d'un côté, l'audience à tout prix ; de l'autre, l'exigence de qualité liée aux missions de service public. France Télévisions réussit à proposer des programmes remarquables, qui sont aussi des succès d'audience. Mais, bien souvent, ce grand écart rend la situation très difficile.

Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a voulu clarifier les choses en libérant la télévision publique de la tyrannie de l'audimat. L'audience doit désormais cesser d'être une obsession de court terme pour devenir une véritable ambition.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Il s'agit, en s'appuyant sur ce qui existe déjà grâce aux équipes de France Télévisions,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

…d'inventer une nouvelle télévision publique de qualité, exigeante sans être élitiste, populaire, qui fédère tous les publics et marque encore davantage sa différence avec les chaînes privées.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Cette réforme est une reconnaissance de la place très importante que peut jouer la télévision publique dans la transmission de la culture, du savoir, des valeurs. Elle permettra par exemple de prendre le temps d'aborder de grandes thématiques trop souvent oubliées – et nous sommes nombreux à l'avoir dit, sur tous les bancs –, comme l'Europe, l'environnement, le développement durable, la science et la politique.

Cette réforme est l'occasion de réinventer un nouveau modèle global de télévision publique, en abordant tous les sujets : les contenus et le financement bien sûr, mais aussi le développement, l'organisation et la gouvernance de France Télévisions.

Ces missions sont déclinées en détail dans le nouveau cahier des charges, dont nous avons eu connaissance. Il répond de manière concrète à la question suivante : qu'attend-on aujourd'hui du service public audiovisuel ? Le nouveau cahier des charges porte donc des ambitions très précises, notamment en matière de culture, d'information et de promotion de la citoyenneté française et européenne.

Vos critiques sont tout à fait infondées et c'est pourquoi, monsieur Bloche, le groupe UMP votera contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons que soutenir la question préalable qu'a défendue M. Bloche. Je regrette du reste que, pour éviter d'évoquer l'économie de ce projet, M. Herbillon se soit acharné à chercher des propositions formulées par les uns ou les autres. La réalité, c'est que le texte instituera une triple dépendance : politique, économique et éditoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Une dépendance politique d'abord, puisque le président de France Télévisions sera nommé par le Président de la République, au nom du pragmatisme, lequel est devenu une espèce de sésame pour le Président de la République, sa majorité et son gouvernement. Puisque le CSA n'est pas indépendant, nous dit-on, autant que le président de France Télévisions soit nommé directement par le Président de la République. Au nom du pragmatisme, on institue le fait du prince ! Mais si le CSA n'est pas indépendant, pourquoi ne pas réformer cet outil de régulation et trouver un système qui permette de garantir son indépendance ? La proposition du Gouvernement est une régression démocratique et, avec mes collègues de gauche, nous saisirons le Conseil constitutionnel sur ce point.

Et que l'on ne vienne pas nous dire que le futur président pourra être indépendant : le fait qu'il soit nommé en conseil des ministres et que son mandat soit aligné sur celui du Président de la République crée entre ces deux personnages un lien consubstantiel qui annule effectivement toute indépendance.

Ce texte institue ensuite une dépendance économique. Lors de l'examen de la loi de 2000 sur l'audiovisuel, nous avons été, c'est vrai, un certain nombre à demander la suppression de la publicité sur la télévision publique. Mais il s'agissait pour nous de renforcer cet élément constitutif de la démocratie qu'est une télévision de service public, laquelle doit garantir l'indépendance, le pluralisme et la connaissance. Au lieu de cela, on brade, on rétrécit le service public et on fait des cadeaux à ses amis (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), en acceptant finalement l'idée selon laquelle la télévision n'est qu'un outil qui permet de « vendre du temps de cerveau disponible », comme l'a dit l'ex-PDG de TF1. Car le financement du service public audiovisuel est en dessous de tout !

On vient nous expliquer que cette loi était urgente, qu'il fallait sauver le service public, menacé par la dictature de l'audimat. Mais savez-vous que la réforme de la BBC, qui a donné naissance au BBC Trust, l'un des plus grands services publics audiovisuels de l'Union européenne, a abouti en 2007 après, non pas neuf ou dix mois de non-concertation, mais après quatre ans de discussion et pas moins de vingt-six séminaires gouvernementaux, auxquels ont été associés les téléspectateurs ? Aujourd'hui, la BBC peut être citée en exemple. J'ajoute que la redevance et la taxe prélevée sur le chiffre d'affaires du secteur privé sont bien plus élevées au Royaume-Uni qu'en France.

Ces quelques éléments de réflexion, que nous aurons l'occasion de détailler à la tribune, conduisent le groupe de la Gauche démocrate et républicaine à soutenir avec force la question préalable défendue par Patrick Bloche. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à Mme Valérie Fourneyron, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Fourneyron

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les députés socialistes voteront des deux mains la question préalable brillamment défendue par Patrick Bloche, car ce texte représente une grave menace pour l'indépendance du service public de l'audiovisuel et pour la qualité du paysage audiovisuel français.

Comment pouvons-nous accepter que l'on plume ainsi France Télévisions des garanties d'indépendance les plus fondamentales pour mieux goudronner ensuite le service public de l'audiovisuel dans un bloc de contraintes qui le privent de fait de toute liberté ? Comment pouvons-nous accepter que l'on asphyxie ainsi les chaînes publiques politiquement, financièrement et humainement, pour multiplier ensuite les cadeaux aux chaînes privées, voire aux chaînes amies ? Comment pouvons-nous entériner un texte qui condamne France télévisions et l'audiovisuel public pour mieux satisfaire les desiderata de leurs concurrents privés ?

Par cette prétendue réforme qui ressemble fort à une régression, le Gouvernement met sciemment en danger la qualité de la communication audiovisuelle, principal vecteur d'information dans notre pays et, à ce titre, pilier de notre démocratie. Supprimer la publicité sur les chaînes publiques revient à substituer à une prétendue dépendance de la publicité ou de l'audimat une dépendance politique, financière et éditoriale qui est insupportable. Quant à l'argument selon lequel la suppression de la publicité serait un gage de qualité des programmes, il n'est pas valable : il suffit de regarder de l'autre côté de la Manche, où sévit la « Trash TV », pour s'en apercevoir.

Nous sommes apparemment tous d'accord sur l'enjeu de cette réforme. Il s'agit de trouver des financements stables et pérennes à la hauteur de l'ambition que nous avons pour l'audiovisuel public. Mais en privant France Télévisions de 450 millions de recettes, plus 350 millions sur les programmes, vous êtes obligés de financer cette entreprise par le produit de deux taxes. La première sera prélevée sur les FAI, mais nous savons qu'elle sera payée en réalité par les abonnés.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Fourneyron

La seconde, qui sera prélevée sur les recettes publicitaires supplémentaires des chaînes privées, les députés de la majorité n'ont cessé de vouloir la réduire. Trois cent cinquante millions de recettes publicitaires avant vingt heures : comment ne pas croire que TF1 et M6 casseront leurs prix sur les heures creuses et que France télévisions sera obligée de suivre ? Non, le compte n'y sera pas !

Non seulement vous multipliez les contraintes imposées à l'audiovisuel public, mais ce projet de loi accède à toutes les revendications des chaînes privées : la seconde coupure publicitaire, la libéralisation du placement des produits, le passage de l'heure glissante à l'heure horloge. Quelle générosité envers TF1, M6 et consorts ! Le summum est atteint par cet amendement UMP qui engage fermement France Télévisions à meubler ses grilles entre vingt heures trente et vingt et une heures par des émissions portant sur de grands thèmes de société. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe SRC - Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Il ne faudrait surtout pas que les chaînes publiques, en lançant leurs programmes de première partie de soirée à vingt heures trente, marchent sur les plates-bandes de leurs homologues privées ! Ce texte, madame la ministre, suscite des inquiétudes légitimes sur l'avenir de France Télévisions en tant qu'entreprise unique, sur ses capacités de développement avec des moyens restreints, sur l'identité de France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO, sur le sort qui sera réservé aux directions régionales et nationales de France 3 et à leurs journaux télévisés, sur l'avenir des personnels.

La liste des professionnels du secteur qui ont désavoué cette réforme s'allonge de jour en jour : producteurs, scénaristes, qui avaient participé aux travaux de la commission Copé avec espoir et enthousiasme…

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Fourneyron

…ne retrouvent pas aujourd'hui le fruit de leur travail, ils se sentent trompés.

Les députés socialistes voteront cette question préalable avec conviction pour ne pas se faire complices des fossoyeurs de l'audiovisuel public. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Sur le vote de la question préalable, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour expliquer le vote du groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Si l'on met en perspective le parcours qu'a connu ce projet, on ne peut pas dire que cela ait été un long fleuve tranquille ! Cela a commencé par une annonce du projet en fanfare – une annonce pour le moins surprenante, puisque des personnalités éminentes ont ainsi pris connaissance du projet en séance. Cela s'est poursuivi avec un travail de fond effectué par la commission Copé qui, au début, a fait preuve de talent et d'ouverture. Malheureusement, il est survenu en cours de route une cassure au sujet du financement.

J'ai été sensible au fait que Jean-François Copé affirme faire de l'approbation de ce texte par les centristes un défi lancé à lui-même. Nous aussi, centristes, avons un message à lui faire passer : nous pensons qu'il souffre d'une pathologie – heureusement curable –, consistant en une allergie névrotique à la redevance. Je propose qu'il débute le traitement de sa maladie en se posant une simple question : si Balladur, le personnel de France Télévisions, les producteurs, et maintenant ses alliés centristes, s'accordent à considérer qu'il y a un petit problème de calendrier en ce qui concerne la suppression de la publicité, est-il absolument exclu qu'ils aient raison ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est mal connaître Jean-François Copé que de le croire capable de se poser ce genre de question !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Puisque nous nous demandons si ce texte doit être renvoyé en commission, reconnaissons, madame la ministre, que quelques études d'impact nous font actuellement défaut.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Mon cher collègue, je vous rappelle que nous en sommes à la question préalable, et non au renvoi en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Vous avez tout à fait raison, monsieur le président.

Nombre d'interrogations restent à ce jour sans réponse. On peut ainsi se demander quel impact l'amendement de nos collègues de l'UMP sur les taxes aura sur la structure du financement. La même question se pose au sujet de l'amendement du groupe du Nouveau Centre sur la progressivité de la taxe sur les opérateurs de télécommunications. Pour nous permettre de mener des débats sereins, madame la ministre, il conviendra que vous nous précisiez ce qu'il en est du nouveau bouclage financier de cette opération.

Le groupe Nouveau Centre tient à affirmer deux choses. Premièrement, nous estimons que supprimer la publicité dès maintenant revient à commettre une énorme erreur de calendrier. Deuxièmement, il nous semble qu'en tout état de cause nous devrions pouvoir débattre au sujet d'un financement lisible de cette réforme. Tant que nous n'obtiendrons pas de réponses claires sur ces deux points, nous nous abstiendrons de prendre position. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la question préalable.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 155

Nombre de suffrages exprimés 152

Majorité absolue 77

Pour l'adoption 57

Contre 95

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Question préalable

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement, sur le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public.

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi organique concernant la nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public, que nous examinons en urgence, est un leurre, un hold-up législatif sur la télévision, une régression politique majeure.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Ce pas de plus vers la concentration des pouvoirs dans les mains d'un seul homme, le Président de la République, est un mauvais coup contre la démocratie.

Le leurre est à l'évidence à la racine de ce projet de loi rabougri. Il s'agit en effet de concentrer l'attention de l'opinion et des parlementaires sur une disposition, somme toute secondaire, d'un projet de nature politique et économique tout entier décrit dans le projet de loi n° 1209 sur le nouveau service public de la télévision. On fait ainsi d'une pierre deux coups : on parle de l'accessoire – la nomination d'un président – pour cacher l'essentiel, à savoir la destruction programmée du service public, en supprimant une partie de son financement, sans compensation réelle et pérenne. Demain, le président de cette nouvelle « voix de la France », nommé sur ordre de l'Élysée, ne sera à la tête que d'un ersatz de service public réduit à la portion congrue et devenu un grand corps malade.

Dans quelques mois ou quelques années, on nous annoncera que France 2 ou France 3 ne sont plus rentables et qu'il faut se séparer rapidement d'une chaîne de service public, pourquoi pas en reprenant l'inénarrable notion de « mieux-disant culturel », qui avait servi, comme on s'en souvient, à brader TF1 en 1986 au profit de Francis Bouygues. Aujourd'hui, Martin Bouygues peut ainsi continuer, dans la sérénité, l'oeuvre de son père : la marchandisation de la télévision et la colonisation de l'imaginaire des Français. C'est cela, un leurre : le détournement de l'attention de l'opinion publique vers un sujet mineur. Car la télévision, ce n'est pas un président nommé, désigné ou élu qui la fait tourner, mais un personnel qualifié, une structure, un financement, une programmation répondant aux missions d'éducation, de culture, d'information et de divertissement. Alors que les Français passent en moyenne trois heures trente par jour devant leur poste de télévision, n'est-il pas primordial qu'en retour ce média leur propose des réflexions plurielles, des regards personnels, des découvertes ? N'est-il pas nécessaire que demeure préservé des puissances d'argent et de la tutelle politique un secteur qui doit être un facteur de cohésion, d'intégration sociale et qui garantisse une réelle démocratie ? Cela suppose – et c'est d'ailleurs le seul enjeu de ce texte – une véritable indépendance du service public de l'audiovisuel. Seule cette indépendance peut apporter aux citoyens l'expression de la diversité de points de vue sur la société à laquelle ils appartiennent. Le leurre consiste donc à concentrer le débat parlementaire sur l'unique question du contrôle par l'exécutif de l'information en lieu et place du véritable enjeu de la loi, le financement de l'audiovisuel public.

De ce point de vue, le leurre a bien fonctionné. Dès le 26 juin, oubliant et humiliant la commission Copé, qui préconisait une autre solution, le Président de la République a focalisé l'attention des médias sur cette nouvelle proposition. Cela lui a permis de faire oublier la faiblesse de la compensation du manque à gagner résultant de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, ainsi que les cadeaux à répétition accordés aux chaînes privées par le biais du club des parlementaires sur l'avenir de l'audiovisuel, dont le président est l'un des porteurs d'eau du Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

La presse et la classe politique ont commenté à loisir cette mesure, en la découplant des attaques contre le service public. Ils ont glosé sur l'éventuelle démission ou sur la révocation avant terme de M. Patrick de Carolis ; ils ont parié sur les personnalités éventuellement appelées à le remplacer. Le piège s'est refermé. Il fallait empêcher le débat sur l'enjeu que constitue le bradage – si ce n'est l'existence même – du service public, et affaiblir la mobilisation de ceux qui s'opposent à ce pillage du bien commun.

Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que nous assistons à un tel scénario. La classe politique tout entière fait grand cas de la télévision lorsque son temps de parole lui semble menacé, mais ne s'intéresse pas beaucoup à ce que regardent les téléspectateurs. Le quotidien de la télévision, c'est sa banalité, devenue le patrimoine et, souvent, le sens commun de millions de personnes. Il est bien plus facile de réduire les questions sociales et politiques que devrait poser la télévision à l'injuste décompte du temps de parole des partis politiques, du Gouvernement et du Président, que de s'attaquer à cette nouvelle dictature de l'esprit fondée sur l'uniformité et le mercantilisme. Comme le Président l'a compris, il est plus facile de faire passer la loi sur la télévision publique en l'assimilant à une simple querelle entre la gauche et la droite pour le contrôle de l'information que d'ouvrir un débat sur le fond : une grande démocratie peut-elle se passer d'une télévision soustraite à la domination de l'argent roi et de l'audimat ? Ou préférons nous livrer les Français à l'entreprise de décervelage symbolisée par la célèbre expression de Patrick Le Lay sur le « temps de cerveau disponible » ?

La seconde tromperie de cette loi organique tient au double hold-up réalisé sur la télévision publique, un vrai tour de passe-passe parlementaire qui prend prétexte du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution obligeant le législateur à se mettre en conformité avec la procédure prévue par la loi fondamentale. La mesure a été annoncée en juin, au cours d'un cocktail qui présentait les conclusions de la commission Copé : c'est à cette occasion que le président du CSA a appris que son institution ne servait plus à rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Depuis, celui-ci pousse le masochisme jusqu'à aller expliquer à la radio, comme il l'a fait ce matin sur RTL, que jamais l'indépendance n'a été aussi bien garantie que depuis qu'il a été exécuté. On n'avait jamais vu la victime d'un coup de poignard dans le dos témoigner une telle reconnaissance à l'égard de son assassin !

En juillet, lors du Congrès de Versailles, a été introduit le principe de cette nomination dans la Constitution, alors que l'on aurait pu voter – vous en conviendrez, madame la ministre – la pérennité du service public et la garantie pour tous d'accéder aux médias. Le résultat est qu'aujourd'hui, on nous fait voter aux forceps la loi organique instituant le nouveau majordome audiovisuel du Président. Nicolas Sarkozy structure son pouvoir selon le modèle monarchique. En faisant inscrire simultanément ces deux projets de loi, il révèle le double sens de son projet, pour ne pas dire la double peine subie par la télévision et les téléspectateurs.

Avec le projet de loi sur la réforme du financement de la télévision publique, nous assistons à la montée en puissance de l'affairisme ; avec la discussion sur cet article unique, nous voyons le triomphe de l'étatisme audiovisuel. En 2008, près de cinquante ans après le gaullisme, voilà que les deux mamelles de la télévision sont désormais l'étatisme et l'affairisme ! Il fallait sans doute que la question de la télévision soit importante aux yeux du Président, pour que cette loi dont l'urgence est contestée par ses amis – M. Balladur – et par ses alliés – le Nouveau Centre – soit traitée à ce rythme. Quelle urgence, au moment où la crise mondiale frappe de plein fouet notre pays, y avait-il à démanteler le service public de la télévision en le privant de ses ressources, alors que l'on renfloue par milliards des banquiers imprévoyants ?

Pour le Président, l'urgence consiste visiblement à remercier d'abord ceux qui l'ont fait roi, les Bouygues, Bolloré, Lagardère et compagnie, qui ont aidé à l'ascension du maire de Neuilly.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

Nous sommes en démocratie ! Ce sont les électeurs qui l'ont fait roi, et personne d'autre !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Il fallait payer en cash dès le début du quinquennat. Pendant que ses copains se goinfrent du gâteau publicitaire pour transformer la télévision en parts de cerveau disponibles, Nicolas Sarkozy devient le Napoléon de la télévision d'État en soumettant les chaînes du service public au bon plaisir de son service privé. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Il nommera, et pourra donc révoquer comme bon lui semble, le directeur de la télévision, de la radio, de l'audiovisuel extérieur. Dans ce dernier cas, d'ailleurs, le verrouillage a déjà commencé puisqu'une grande journaliste, épouse du ministre des affaires étrangères, officie sans que personne ne conteste cette confusion des genres.

On nous explique que le CSA et le Parlement pourront dire leur mot et contrôler les conditions de nomination et de révocation. Foutaises ! Surtout, lorsque l'on sait comment sont nommés les membres du CSA et quand on mesure le courage des membres de cette majorité pour s'opposer aux décisions de leur maître. Il y avait pourtant d'autres manières d'envisager le modèle de gouvernance dont nous parle la commission Copé dans son rapport. Par exemple, le SNJ demande que le président soit nommé et révoqué par son conseil d'administration, comme cela existe à la BBC ou dans d'autres pays européens.

En Allemagne et en Belgique, ce sont des commissions pluralistes qui nomment, au consensus des professionnels reconnus. Depuis le 1er janvier 2007, la direction de la BBC est assurée par un conseil de douze membres, le trust, émanant des milieux professionnels, et nommés par la Reine et non par le Premier ministre. Le directeur général de la BBC est nommé par le BBC Trust et n'a donc aucune liaison avec le pouvoir politique. Le BBC Trust définit les grandes orientations, réglementaires et stratégiques, de l'information et des programmes appliquées par le directeur qui assume la responsabilité de la ligne éditoriale et la responsabilité budgétaire dans le cadre d'une direction de dix membres. Mais la France n'est pas l'Angleterre. Nous n'avons pas de reine, mais un monarque républicain qui ne croit pas à la séparation des pouvoirs. Louis XI avait inventé le monopole d'État de la Poste. Nicolas Sarkozy, qui souhaite la privatiser, invente le monopole de l'esprit et de l'imaginaire. N'est pas Louis XI qui veut !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

La troisième tare de la loi organique que nous examinons aujourd'hui, c'est bien évidemment la concentration de la communication audiovisuelle dans les mains de Nicolas Sarkozy. C'est en cela que votre projet de loi, madame la ministre, est une véritable régression. François Mitterrand avait voulu, du moins dans les textes, couper « le cordon ombilical » identifiant la télévision publique à une télévision d'État. Que le CSA ne soit pas le garant d'une réelle indépendance par rapport au pouvoir politique ne signifiait pas pour autant, ipso facto, que le retour au contrôle direct par l'Élysée était la seule voie à suivre.

Votre réforme rompt avec le principe fondamental de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression politiques et socioculturels, qui a conduit à l'instauration de la Haute autorité en 1982, dont le CSA est aujourd'hui l'héritier. Au lieu de continuer dans le sens du pluralisme, cinquante ans après les débuts de la Ve République, vous renouez avec le pire de l'étatisme audiovisuel.

C'est en effet une ordonnance du 4 février 1959 qui a créé la RTF comme entité séparée de l'État, sous forme d'établissement public, mais clairement mis sous la coupe réglée de l'État. Le monopole du service public devient alors un monopole politique au profit du pouvoir du général de Gaulle. Cet établissement public est directement placé sous l'autorité du ministre de l'information, et son directeur général est nommé par décret en conseil des ministres, sans précision relative à la durée de son mandat. Souvenons-nous d'Alain Peyrefitte, ministre de l'information de l'époque, qui était régulièrement invité dans le journal de vingt heures présenté alors par Léon Zitrone. Nous ne sommes pas loin de cette période que l'on croyait complètement révolue.

Alors que l'actuel Président de la République opère – paraît-il – une rupture dans tous les domaines avec la tradition gaulliste, il renoue ici avec le pire de cette période, c'est-à-dire la subordination de la télévision au pouvoir politique. En créant un domaine réservé de l'audiovisuel, il génère une soumission, une autocensure, et une télévision d'influence qui deviendra un contre-modèle et la risée de l'étranger. Il le fait dans la pire des situations : la mise en concurrence déloyale avec ses amis du privé. Cette mise en coupe réglée de France Télévisions et la vente à la découpe du service public, c'est du berlusconisme sans Berlusconi.

Notre « télé-président », fidèle à son modèle italien, ne cherche pas seulement à contrôler la télévision publique : il veut aussi la régenter jusqu'au détail de sa programmation. Son projet est simple : contrôler un service public démonétisé et soutenir le développement de la concentration de quelques grands groupes privés. Ce n'est rien d'autre que du populisme industriel au bénéfice de quelques amis.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

C'est d'abord, l'information qui est dans la ligne de mire du pouvoir. Avec 137 éditions, soit environ 50 heures d'information par jour, journaux et magazines de France Télévisions couvrent l'information. C'est l'indépendance des rédactions qui est à la base de la crédibilité des journalistes du service public. En refusant tout financement pérenne et en fondant les sociétés actuelles en une entreprise unique, nous assistons à une mise sous tutelle, parachevée par la nomination du président de France Télévisions en conseil des ministres.

Cette confiscation de la démocratie doit être dénoncée comme telle. Car le projet de Nicolas Sarkozy n'est pas simplement de faire de l'information télévisée un magazine de publi-reportage à sa gloire personnelle – c'est déjà pratiquement fait, d'ailleurs. Il s'agit plutôt d'intégrer l'information à son agenda médiatique, en illustrant les faits divers et les questions de société par des mises en scène émotionelles et en imposant son propre récit, jour après jour, aux Français.

Avec TF1, Jacques Chirac avait surfé sur l'insécurité, lors de la présidentielle de 2002. Lorsqu'il était ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy utilisait le moindre fait divers pour produire des lois à sa convenance. Depuis qu'il est Président de la République, cette pratique continue de plus belle. Le consensus télévisuel précédera sans doute l'élection de 2012. L'idéal de Nicolas Sarkozy serait-il une information émasculée, doublée d'un prêt-à-penser et d'une langue de bois à toute épreuve ?

Nous refusons pour notre part cette anesthésie progressive de la population et nous appelons tous ceux qui la refusent aussi à mener le combat, avec les journalistes et les personnels de France Télévisions, pour une information honnête, complète et pluraliste.

Ce n'est pas seulement l'information du journal télévisé qui est en question, ni le remplacement d'un journaliste qui lui a mal répondu par un autre, non, le télé-président exige plus, beaucoup plus : il veut influencer l'ensemble de la programmation. Le divertissement l'intéresse autant que l'information. Il a un avis sur tout et le fait savoir : les jeux, les talk shows, les séries, doivent être sous contrôle. Après « la dictature de l'audimat » que nous avons été les premiers à dénoncer, le Président s'apprête à imposer « la tyrannie de l'émotion », couplée à celle du conformisme d'État.

Sans vouloir effleurer l'autre projet discuté dans cet hémicycle, je vous demande toutefois d'être attentifs à cet extraordinaire exposé des motifs qui nous apprend que la première émission de la soirée débutera dès le 5 janvier 2009 sur les chaînes de France Télévisions, vers 20 heures 35, ce qui permettra une véritable deuxième partie de soirée commençant autour de 22 heures l5 et même une troisième partie de soirée démarrant vers 23 heures 30.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

On y apprend aussi que les chaînes de France Télévisions devront « adapter leur programmation en fonction des rythmes scolaires » et que les programmes jeunesse « contribueront au bon développement de l'enfant en l'aidant à grandir et à se construire ».

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Ses programmes éducatifs « concerneront aussi bien l'éducation à l'image que l'éducation à la bonne alimentation ». Cet inventaire à la Prévert nous laisse pantois. Est-ce au législateur, au ministre, au Président, de donner de telles instructions, alors qu'il brade la création en lui enlevant la liberté de choix, au moyen du guichet unique et par le rabotage de ses crédits ? Ce cahier des charges est du domaine du CSA, pas des politiques. Ou alors, la nomination des présidents des sociétés du service public cache une reprise en main dirigée depuis un cabinet noir, au centre duquel on trouve un homme qui se prend à la fois pour le directeur des programmes, le directeur de l'information et le directeur des ressources humaines, un homme qui veut tout régenter depuis son palais de l'Élysée.

Il l'a déjà fait d'ailleurs, par exemple, en faisant nommer un de ses collaborateurs à la direction de TF1, en intervenant selon son bon plaisir pour commenter la prestation de tel ou tel animateur ou journaliste, en exigeant la tête de celui-là, la mutation de celui-ci... Devons-nous accepter ces manquements à la règle républicaine, à l'indépendance des rédactions et des directions des chaînes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Nous devons combattre ce projet de mainmise sur la télévision publique et inscrire dans la loi la charte de déontologie proposée par les journalistes de France Télévisions. J'en appelle à tous les républicains et à tous les démocrates présents dans cette assemblée : il faut refuser cette agression contre le secteur public de l'audiovisuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Refuser la désignation du président de France Télévisions par le Président de la République, c'est donc se battre contre la confusion entre les pouvoirs exécutif, financier et médiatique. Dans une démocratie moderne, l'indépendance des médias est une condition de liberté de choix des citoyens, de l'égalité politique, de la fraternité, pour que le modèle social proposé ne soit pas réduit aux séries américaines bas de gamme.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Lorsque, le 24 juillet 2008, les députés de l'opposition ont déposé une proposition de résolution à l'Assemblée nationale demandant une commission d'enquête parlementaire sur l'indépendance des médias – presse, radio, télévision – face au pouvoir économique, c'est cet aspect de la question qu'ils ont voulu soulever.

Nous ne disposons pas de véritable dispositif anti-concentration des médias. Celui issu de la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication n'est qu'un cache-sexe et, aujourd'hui, nous constatons avec beaucoup d'inquiétude la proximité croissante des médias et du pouvoir, qui favorise les groupes privés de ses amis du Fouquet's, au détriment du pluralisme et de l'indépendance. Ce système anticoncentration ne concerne pas les groupes dépendant des commandes publiques de l'État. Pourtant, le rapport rendu public par Mme Giazzi semble vouloir remettre aussi en cause ce dispositif.

Toutes les réformes annoncées vont dans le même sens : suppression du droit d'auteur des journalistes, affaiblissement des ressources de France Télévisions, renforcement des ressources des chaînes privées par un assouplissement de leur régime publicitaire. La vague d'amendements des députés de la majorité, notamment ceux qui baissent radicalement les taxes prélevées sur la publicité des chaînes privées et des opérateurs de télécommunications est plus qu'inquiétante. Elle s'inscrit dans cette logique du renforcement de la mafia de l'audiovisuel. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Eh oui ! Car le Président de la République, en lançant son coup politicien du 8 janvier 2008 et en annonçant la fin de la publicité comme s'il voulait piéger la gauche n'est pas allé se renseigner auprès de M. Minc. Il a tout simplement ouvert le Livre blanc de TF1 que lui avait envoyé son ami Martin Bouygues, fin 2007. Comme vous pourrez le constater en lisant les amendements présentés par un certain nombre de nos collègues de la majorité – ou l'article d'un journal paraissant le mercredi –, ces amendements reprennent à la virgule près les propositions qui figuraient dans le Livre blanc.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Ce dont M. Bouygues a rêvé, M. Sarkozy l'a fait ! Il va même plus loin avec votre aimable complicité, chers collègues.

Nous n'étions pas hostiles par principe à la suppression de la publicité sur les chaînes publiques. Mais ce que nous voyons se faire sous nos yeux n'a plus rien à voir ni avec l'amélioration de la qualité des programmes ni avec la fin de la dictature de l'audimat. Nous sommes confrontés à la volonté délibérée d'affaiblir la télévision publique, de la placer sous la tutelle du pouvoir politique. La suppression de la publicité cache les privilèges accordés à TFl et à M6 : la seconde coupure publicitaire, le passage de six à neuf minutes de publicité par heure, le passage à l'heure d'horloge, le placement de produits dans les téléfilms, etc. Le défoulement des députés de la majorité lors de la commission spéciale montre qu'ils ont, pour une partie d'entre eux, décidé de sonner l'hallali contre France Télévisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Il s'agit d'appliquer une directive européenne !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur Herbillon, vous devriez regarder un petit peu au-delà des frontières de notre pays : vous verriez que d'autres pays ne sont pas allés aussi loin. Il ne s'agit en réalité pour le Président de la République que de faire des cadeaux à ceux qui l'ont aidé à accéder à la plus haute marche du pouvoir !

Face au consensus de la majorité qui refuse l'augmentation de la redevance et l'augmentation des taxes sur les recettes publicitaires des chaînes privées, la survie de la télévision publique est en jeu. On gave les chaînes privées pour mieux assécher le service public. Voilà la logique de ces deux lois scélérates. Elles font penser à ces mesures à répétition de M. Bush, qui n'en finissait plus d'abreuver les groupes liés au pétrole et à l'armement, pendant qu'il détruisait méthodiquement le financement des mesures sociales et les libertés civiles. Jusqu'où irez vous donc, messieurs, pour défendre vos mandants et vos obligés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Benoist Apparu

Mais comment osez-vous dire des choses pareilles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Non seulement l'émergence de grands groupes privés, voulue par le Président, ne garantit en aucun cas un « mieux-disant », mais elle balaie de manière désinvolte l'idée, entérinée par la convention de l'Unesco sur la diversité culturelle, que la pensée et la culture ne sont pas des biens comme les autres.

Les usagers, les citoyens ont payé durant des décennies le développement sur tout le territoire national de réseaux qui appartiennent maintenant à des marchands d'armes et de béton. Aujourd'hui, un homme veut finir le travail de dépossession des citoyens, en alliant le monopole politique au monopole de l'argent.

Ce coup d'État médiatico-politique collera longtemps, j'en suis sûr, à la peau de son auteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

La création de cette télévision d'exception est illégitime. Elle pervertit un peu plus l'esprit civique. Elle confisque au peuple la maîtrise de son destin. Sous le sarkozysme, la télévision est devenue un élément du pouvoir absolu, qui ne peut vivre sans son miroir. Cette double loi sur la télévision, c'est la fusion d'un pouvoir monarchique avec une oligarchie économique. L'un et l'autre se renforcent, s'échangent des services, et deviennent une sorte de conglomérat médiacratique. Nous ne sommes plus à l'ère de la connivence mais à celle de l'inceste. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Meunier

Vous devriez avoir honte de tenir de tels propos !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Non seulement nous n'avons pas honte, non seulement nous sommes fiers de défendre à la tribune de cette assemblée un certain nombre de valeurs, mais nous vous plaignons d'être une bande de godillots au service d'un président qui est en train de tuer le service public ! Votre responsabilité est historique, car vous tuez un élément fondateur de la démocratie ; mais vous le paierez cher, beaucoup plus cher que vous ne le pensez ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Les deux lois sur l'audiovisuel – nous le démontrerons – signent la fin de la communication libre telle que définie dans la loi sur la communication audiovisuelle de 1982. L'actionnaire unique, incarné par Nicolas Sarkozy, est une forfaiture, un retour au despotisme éclairé de l'Ancien régime. Le seul actionnaire unique, c'est le téléspectateur, car la télévision est l'affaire de tous et la propriété de personne. C'est pourquoi, avec cette question préalable, je vous demande instamment de défendre la République en défendant la télévision publique, et de défendre la démocratie en refusant au président le droit de démanteler ce qui reste du service public et de le soumettre au nouveau monopole des puissances financières.

Comme le disait Victor Hugo, le 11 septembre 1848, devant cette même assemblée, à propos de la liberté de la presse : « Il est bon de poser les principes : car les principes posés dessinent les situations. […] Le principe de la liberté de la presse n'est pas moins essentiel, n'est pas moins sacré que le principe du suffrage universel. Ce sont les deux côtés du même fait. Ces deux principes s'appellent et se complètent mutuellement. La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c'est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l'une, c'est attenter à l'autre. » Et Hugo concluait ainsi : « Messieurs, vous avez le plus beau de tous les titres pour être les amis de la liberté de la presse, c'est que vous êtes les élus du suffrage universel. » Soyons fidèles à ces paroles du grand républicain et défendons la liberté de la télévision, la presse audiovisuelle d'aujourd'hui contre les monopoles de l'argent et de l'État. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Nous en venons aux explications de vote sur cette seconde question préalable.

La parole est à Mme Françoise de Panafieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise de Panafieu

Je vous conseille d'être un peu moins pédant, monsieur Brard !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise de Panafieu

En vous écoutant, monsieur Mamère, nous pensions tous, je crois, que tout ce qui est excessif est insignifiant !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise de Panafieu

Une fois de plus, vous vous êtes laissé aller à l'exercice que vous préférez : le procès systématique d'intention, qui confine trop souvent à la diffamation. Je n'y répondrai pas car cela ne mérite aucune réponse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise de Panafieu

Je voudrais plutôt rappeler que ce projet de loi est une adaptation nécessaire, et qui a trop tardé.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise de Panafieu

Elle a été voulue, c'est vrai, par le Président de la République ; elle consiste à spécifier le mode de financement des différentes chaînes de télévision, et, ce faisant, à souligner leurs rôles respectifs.

Le service public doit être moins dépendant de la contrainte quotidienne de l'audience, et il doit viser – c'est vrai – un objectif de qualité qui n'est pas, pour autant, l'ennemi d'une télévision populaire, et qui ne la réserve pas à des publics restreints. Eh oui ! Une télévision de qualité, c'est une télévision qui allie information, programmes culturels, magazines éducatifs, émissions politiques et ouverture sur le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

C'est ce que vous voulez tuer ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise de Panafieu

Ce n'est pas un crime, ce n'est pas une agression que de l'affirmer ici ; c'est même une obligation !

Je voudrais aussi rappeler que la télévision est faite plus pour ceux qui la regardent que pour ceux qui la font. Notre but est de faire une télévision pour les citoyens et non pour les consommateurs. Il faut s'intéresser à tous les publics – aux ménagères bien sûr, chères aux annonceurs et aux publicitaires, mais pas seulement : il nous faut proposer une vraie diversité et ainsi donner un vrai choix à tous les publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise de Panafieu

Pour nous, chacun a droit à la télévision qu'il attend : c'est la seule chose qui nous importe. Monsieur Mamère, nous considérons vos injures et vos insultes avec mépris. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Sur le vote de la question préalable, je suis saisi par le groupe de la gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Le groupe Nouveau Centre – nous l'avons déjà dit et nous le répéterons – s'intéresse à la suppression de la publicité en pleine période de récession et au caractère exotique, disons, du financement des chaînes publiques. Les nominations et révocations des présidents de ces chaînes auraient sans doute mérité davantage de sérénité et de durée, mais là n'est pas pour nous le problème central.

Ce qui nous trouble, c'est la confusion du projet du Gouvernement. Que voulez-vous donc faire de l'audiovisuel public ? On peut faire une comparaison avec les autres secteurs industriels, où la France, son Gouvernement, son Parlement, sont fiers des services publics et des entreprises publiques. C'est la théorie des champions européens : avec EDF, avec Areva, avec France Télécom, nous essayons d'avoir des entreprises publiques fortes, capables de rivaliser au niveau européen. Mais que voulons-nous faire de France Télévisions ?

C'est une bonne question et j'ai été frappé par la judicieuse image employée par M. Didier Mathus : voulons-nous faire un gros Arte, coincé par un financement précaire, qui intéressera de moins en moins de gens, ou bien voulons-nous faire un véritable champion européen comme dans les autres secteurs industriels, avec un financement légitime, pérenne, visible, et qui serait capable d'affronter à armes égales les autres groupes privés de l'audiovisuel, qu'ils soient français ou européens ? Je crois que voilà la question centrale.

Le groupe Nouveau Centre est attaché à l'idée d'un groupe puissant, à égalité avec les groupes privés de l'audiovisuel ; nous essaierons de nous en expliquer durant la discussion. S'agissant de la motion, nous ne la voterons pas, car les questions qu'elles soulèvent ne sont pas au coeur de ce que nous considérons être les problèmes posés par ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le Gouvernement devrait écouter les députés – rendez-vous compte, même M. Dionis du Séjour se met à tenir des propos qui sont pour lui assez radicaux !

M. Noël Mamère a cité Léon Zitrone. Nous nous rappelons tous le fonctionnement de l'ORTF de jadis, ainsi que le rapport pervers entre le pouvoir politique et ceux qui en étaient devenus les porte-voix. Nous nous rappelons Léon Zitrone qui, entre Vincennes, Longchamp et les interviews des personnels politiques, était un affidé du pouvoir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il y a des témoins de l'époque, que la commission aurait dû auditionner : je pense à Danièle Brem, par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il faut bien réfléchir avant de prendre une disposition liberticide. Nous assistons à une sorte de poutinisation du pouvoir : en intervenant sur ce sujet, le Président de la République est à nouveau hors de ses compétences, précisément définies par l'article 5 de notre Constitution. Mais il veut concentrer dans ses mains tous les pouvoirs !

La connaissance de l'histoire récente de notre continent devrait pourtant le faire réfléchir. Il est des pays où il y avait un parti-État : on n'en est pas loin aujourd'hui. Or il faut toujours lire l'histoire avec l'esprit critique, surtout quand on l'a fréquentée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le monopole des moyens de communication a-t-il empêché les régimes de s'effondrer ? Bien sûr que non, car le bâillon n'incite qu'à l'esprit de résistance et de révolte, surtout dans notre pays, qui est le pays des Jacques, celui où l'esprit de révolution plonge ses racines jusqu'au Moyen âge – ce n'est pas parce que vous voulez tout contrôler que vous empêcherez notre peuple de réfléchir ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Madame Albanel, vous qui m'avez soutenu dans la défense du cinéma d'art et d'essai contre les marchands du temple, est-ce bien vous qui prêtez la main à ce forfait contre les libertés dans notre pays ? Est-ce bien vous qui vous apprêtez à passer la corde au cou au service public ? Car vous dites que les financements sont garantis, mais vous ajoutez mezza voce qu'ils le sont pendant trois ans. Ensuite, c'est le vide – le vide qui se crée quand on enlève le tabouret des futurs pendus. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Eh non, cela ne vous plaît pas qu'on vous tende le miroir où vous contemplez votre portrait ! (Mêmes mouvements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Chers collègues de l'UMP, il y en a parmi vous qui n'ont pas un esprit de laquais (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), il y en a parmi vous dont la fibre patriotique vibre et qui sont fidèles à nos traditions. Rappelez-vous Beaumarchais : refusez la loi du bâillon ! Levez-vous, comme vos prédécesseurs se sont levés quand il l'a fallu, pour défendre notre pays ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Écoutez ce qu'a dit Noël Mamère au nom de notre groupe : il faut s'opposer à l'uniformité de la pensée et refuser de considérer que la pensée et la création peuvent être des marchandises.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je termine, monsieur le président, en disant à Mme la ministre et à nos collègues : Balladur et Copé eux-mêmes sont humiliés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Quel dommage d'avoir arrêté M. Brard dans une envolée aussi juste que lyrique ! Je regrette, eu égard aux moments historiques auxquels nous assistons parfois dans cet hémicycle, que l'on ait interrompu une telle intervention. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais je suis persuadé qu'il la reprendra.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Monsieur Roy, si vous le voulez, M. Brard peut faire l'explication de vote du groupe SRC à votre place !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Je m'adresserai d'abord à Mme de Panafieu. J'ai été très heurté par les propos qu'elle a tenus lors de son explication de vote (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), lorsqu'elle a dit qu'elle ne répondrait pas aux injures de M. Mamère. Or celui-ci n'a pas été injurieux, il a simplement défendu la démocratie et la liberté. Je rappelle que les révolutionnaires de 1789 défendaient la liberté de la presse, et donc de la communication. M. Mamère était parfaitement dans son rôle et j'avoue être choqué qu'un républicain, un démocrate, après avoir parlé à la tribune de l'Assemblée, se soit vu infliger une fin de non-recevoir méprisante, qui en dit long sur la volonté du Gouvernement de bâillonner la démocratie et l'information dans notre pays.

Je m'adresse maintenant à Mme la ministre. Quand on a la charge du ministère de la culture, on doit s'intéresser à la passion, à l'art, à la connaissance, et non à la disparition programmée d'un service public. Quand sonnera l'heure du bilan – que je vous souhaite la plus lointaine possible –, vous porterez un lourd passif. Vous aurez été la ministre qui aura tué le service public (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) en défendant une loi à laquelle, j'en suis persuadé, vous ne croyez pas vous-même, tant elle vous a été imposée par hasard, sans que vous en ayez eu connaissance ou débattu au préalable. Nous ne sommes pas dans le cas de la réforme de la BBC, qui a été longuement préparée, mais dans le cadre d'un diktat présidentiel.

Si le Président de la République était parmi nous, je lui en parlerais. Je l'ai croisé à midi, à Valenciennes, dans mon arrondissement. Le Président veut faire un nouveau coup de force. Les bras m'en sont tombés quand j'ai appris qu'il voulait à nouveau, comme cela a été le cas il y a de nombreuses années – mais nous avions alors réussi à nous tirer de ce mauvais pas – pouvoir nommer et révoquer les présidents du service public de la télévision.

Tous les démocrates du monde vous le diront, c'est une atteinte terrible à la démocratie et au droit à l'information. C'est aussi accepter que les deux seuls pouvoirs qui géreront les services publics soient le pouvoir financier, avec les groupes privés, et le pouvoir individuel, bonapartiste, du Président. Le Président qui dirige déjà, grâce à ses amis, le privé, veut maintenant tout diriger. Ce sera pratique pour préparer l'élection de 2012 !

Toutes ces raisons nous conduisent à voter cette belle question préalable, défendue avec conviction, coeur et talent, par Noël Mamère, que j'assure de mon soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la question préalable.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 151

Nombre de suffrages exprimés 151

Majorité absolue 76

Pour l'adoption 39

Contre 112

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons en urgence à partir d'aujourd'hui inspire aux députés du Nouveau Centre des analyses et des positions contrastées.

En effet, ce texte comprend deux parties fondamentales. La première concerne la restructuration de France Télévisions, la seconde la suppression de la publicité sur France Télévisions et son financement.

Le groupe Nouveau Contre tient à saluer ici les travaux de la commission, présidée avec talent et ouverture par Jean-François Copé. Ceux-ci ont été sérieux, approfondis et d'excellente qualité, du moins jusqu'à ce que nous abordions la question du financement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Parmi les réflexions engagées par la commission Copé, les députés du Nouveau Centre soutiennent la transformation de France Télévisions en entreprise unique et sa réorganisation pour devenir un véritable média global. Ne nous y trompons pas : cette évolution sera longue et difficile car elle représente un changement majeur pour l'ensemble des personnels du groupe. Il faudra agir avec beaucoup de respect pour ces professionnels, mais le lancement de ce chantier est aujourd'hui urgent. C'est d'ailleurs la seule partie du texte de loi qui présente un véritable caractère d'urgence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

En effet, l'organisation en entreprise unique permettra de dégager d'importantes économies de gestion – 140 millions d'euros par an, à terme, selon l'évaluation de la commission Copé –, ce qui va dans le sens de la rationalisation de la dépense publique.

Mais, surtout, cette nouvelle organisation donnera les moyens à France Télévisions d'être vraiment dans la compétition que se livrent les groupes de médias audiovisuels les plus organisés – comme la BBC ou Bertelsmann –, plutôt que continuer à « partir au front en pantalon rouge », avec une holding qui ne maîtrise pas grand-chose et des chaînes qui partent dans tous les sens.

Bref, il s'agit d'une réforme souhaitable. Jusqu'ici, tout va bien… Cela étant, l'important, c'est la chute, ou plutôt l'atterrissage. Car le texte aborde ensuite les rivages dangereux de la suppression de la publicité et le financement de cette décision. Et là, le bateau tangue…

Le groupe Nouveau Centre tient à exprimer son désaccord profond…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

…avec le mécanisme de financement de la suppression de la publicité envisagé dans ce projet de loi.

Entendons-nous bien : l'idée de la suppression de la publicité sur la télévision publique est une bonne idée en soi. À défaut de revendiquer d'avoir été les premiers à la promouvoir, nous la soutenons au moins depuis 2002. J'ai ici le programme électoral de l'UDF datant de la campagne présidentielle de 2002 et contenant la proposition de supprimer la publicité.

Cependant, il était bien précisé : « à condition qu'elle soit financée par la hausse de la redevance ». Je cite encore : « remplacer les ressources publicitaires par une recette non affectée serait démagogique et inopportun ; démagogique, car le citoyen aurait le sentiment de ne pas payer directement, inopportun, dans la mesure où le service public de l'audiovisuel serait soumis aux arbitrages budgétaires ou aux changements de priorités gouvernementales ».

Chers collègues, j'exprime aujourd'hui ce que les centristes exprimaient déjà en 2002, et je l'ai exprimé à nouveau en juin 2008 dans le cadre de ma contribution personnelle au rapport de la commission Copé. Il s'agit de l'annexe 8, que je cite : « je défends avec courage et conviction un financement de l'arrêt de la publicité par l'augmentation de la redevance ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Voilà pour notre position de fond.

Reste, et c'est essentiel, la question de l'opportunité et la question du calendrier.

Je m'adresse un instant à mes collègues de la majorité présidentielle. Je sais les limites de l'influence d'un obscur député du Nouveau Centre sur leurs convictions…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

…mais peut-être, cher Benoist Apparu, prêteront-ils une oreille plus attentive à Édouard Balladur, peu suspect d'anti-sarkozysme ou à Dominique de Villepin, puisqu'ils ont tenu les mêmes propos. Que dit Édouard Balladur, le dimanche 13 octobre ? Je ne saurais l'imiter, mais vous pouvez mettre le ton : « Ne pourrait-on pas, à titre provisoire, suspendre la suppression de la publicité sur les chaînes publiques de télévision, ce qui dispenserait l'État de les aider ? »

Mes chers amis de la majorité, permettez-moi de vous poser encore une question : si Édouard Balladur et, pour ceux qui ne l'aiment pas, Dominique de Villepin, si l'ensemble des professionnels de la production, le personnel de France Télévisions et, éventuellement, vos alliés centristes, si tous vous disent doucement que vous êtes en train de faire une erreur majeure de calendrier…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

…n'êtes-vous pas tentés de vous poser la question de savoir s'ils ont raison ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

La suppression de la publicité en janvier 2008 était déjà discutable, pour un État dont le budget affichait un déficit prévisionnel de 42 milliards d'euros. Mais c'est une faute de persévérer en septembre 2008, alors que la prévision de déficit est de 52 milliards d'euros !

Que diable allons-nous faire dans cette galère, qui consiste à supprimer 800 millions d'euros de recettes marchandes par an, soit le tiers des recettes de France Télévisions, et à les remplacer par de l'argent public ? Chers amis de la majorité présidentielle, où sont nos convictions fiscales dans cette affaire ? Car, une fois que nous serons embarqués dans cette galère, il nous faudra boire le calice jusqu'à la lie, et nous aurons le choix entre la peste et le choléra. La peste, avec l'accroissement de notre déficit budgétaire, déjà abyssal ; et le choléra, avec l'accroissement de nos prélèvements obligatoires, que ce soit par la redevance ou par les impôts exotiques imaginés par les auteurs de ce projet de loi.

Mes amis, le Nouveau Centre vous appelle à vous ressaisir, à vous réveiller et à adopter la seule position de sagesse, celle d'Édouard Balladur : le report de cette suppression à la fin de la crise économique, qui est aujourd'hui devant nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Seriez-vous inquiets à l'idée de faire cela, peut-être parce que le projet vient directement du Président de la République ? Eh bien, rassurez-vous, personne ne viendra frapper à la porte de vos permanences pour réclamer la suppression de la publicité sur France Télévisions ! La réalité, c'est que cette bonne réforme peut attendre, que les Français se sont organisés et sont vaccinés pour vivre avec la publicité télévisuelle. Le bon choix est donc de nous concentrer maintenant sur l'essentiel de cette réforme, c'est-à-dire la restructuration de France Télévisions, et de reporter au début de l'année 2012 la suppression de la publicité, si les conditions économiques et budgétaires du pays le permettent.

Mais si, par malheur et à contresens, vous décidiez, vous, le groupe UMP, de supprimer la publicité maintenant, au pire moment, alors, au moins, faites-le bien ! Faites-le en affectant à France Télévisions un financement pérenne et légitime !

Ce projet de loi et l'arrivée de la télévision numérique terrestre nous offrent une occasion historique de mettre en oeuvre une hausse raisonnable et progressive de la redevance audiovisuelle. Celle-ci s'impose partout comme étant l'impôt le plus légitime pour compenser la perte de ressources publicitaires de France Télévisions. Mais d'où vient cette allergie obsessionnelle et névrotique à la redevance, alors qu'elle s'impose partout dans les pays européens ? Aujourd'hui, la redevance s'élève en France à 116 euros par an. C'est la moins chère en Europe après l'Italie, la moyenne européenne étant supérieure de 45 euros. Elle coûte 60 euros de moins qu'en Angleterre et 100 euros de moins qu'en Allemagne, pour des services audiovisuels de même nature.

L'élargissement de son assiette aux personnes qui reçoivent la télévision par un autre biais qu'un téléviseur s'imposera. Nous avons déposé un amendement sur ce sujet. Un ordinateur connecté à Internet, avec une offre incluant les services télévisuels, représente 20 à 30 millions d'euros supplémentaires. Voilà des solutions bien plus légitimes que celles qui nous sont proposées aujourd'hui !

Car enfin, l'instauration de deux nouvelles taxes pour financer la suppression de la publicité est un contresens social et économique majeur. Le choix a été fait, dans le projet de loi, d'instituer deux nouvelles taxes pour compenser la suppression de la publicité sur France Télévisions. Or ces taxes n'ont pas de raison d'être,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

…d'abord et avant tout parce qu'elles ne sont pas affectées. Il existe donc un risque majeur pour les sociétés financées par ce type de taxes : l'histoire budgétaire a déjà prouvé qu'une taxe ayant un objet bien défini – en l'occurrence, la compensation de la suppression de la publicité – est souvent amenée à augmenter et à se détourner de son objet initial pour se perdre dans le puits sans fond du budget de l'État.

Le meilleur exemple – je le dis aux jeunes députés qui n'ont pas vécu cette époque – est celui de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat. Sur les 600 millions d'euros perçus au titre de la TACA, seuls 80 petits millions d'euros sont affectés au Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

…tandis que 520 millions d'euros vont aux puissants fonds du budget de l'État ! Qui vous dit que cela ne se terminera pas ainsi avec les deux taxes non affectées que vous créez ?

Cela devrait amener à beaucoup de prudence ceux qui parlent d'un « cadeau à l'audiovisuel public » ! Aujourd'hui, madame la ministre, vous êtes la garante de la loi de finances pour 2009 et nous vous faisons confiance. Mais, pour demain, honnêtement – les yeux dans les yeux – que d'interrogations et que de précarités créez-vous là !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Je ne la mets pas en cause puisque je viens de lui dire que je lui faisais confiance pour 2009. Mais, mes amis, et surtout, vous, monsieur Herbillon, qui êtes un parlementaire chevronné, pensez à la TACA !

Ces taxes n'ont, de plus, pas de raison d'être parce que leur constitutionnalité est douteuse. Cette affaire ne se terminera pas au Parlement. Vous savez qu'elle aura une suite devant le Conseil constitutionnel !

Ces taxes sont discriminatoires, car elles créent une rupture d'égalité entre les sociétés assujetties, arbitrairement isolées, et les autres. De plus – et c'est tout de même le pompon – l'assiette retenue est le chiffre d'affaires ! Or on s'est toujours référé à la valeur contributive. D'où vient cette assiette au parfum anticonstitutionnel ?

Ces taxes, enfin, n'ont pas de raison d'être parce qu'elles sont illégitimes. Illégitime, la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision ! L'affirmation selon laquelle elle trouverait sa justification dans le report des recettes publicitaires à la suite de l'arrêt progressif de la publicité sur France Télévisions ne résiste pas à l'analyse, d'abord parce que la publicité s'oriente aujourd'hui non vers les chaînes traditionnelles de télévision, mais vers les chaînes de la TNT et le monde de l'Internet curieusement absent de votre assiette fiscale ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

…ensuite parce que la crise économique a provoqué une contraction du marché publicitaire qui atteindra en premier les chaînes privées traditionnelles.

Dans un tel contexte, imaginer de financer la télévision publique par une taxe sur des recettes publicitaires qui seront de plus en plus dures à obtenir est à la limite de l'étrange, madame la ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Ce faisant, vous avez même réussi le tour de force politique de déclencher la colère des responsables des chaînes privées, qui devaient être les grands bénéficiaires de ce projet de loi !

Illégitime également la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques. Taxer ces opérateurs pour financer l'audiovisuel public est injustifié au regard de l'activité de ces sociétés qui sont, de par leur chiffre d'affaires, étrangères à l'économie de la télévision. Quels rapports y a-t-il entre la téléphonie fixe et la télévision publique ? Aucun ! Quels rapports y a-t-il entre les services voix GSM, l'essentiel des services de votre téléphone portable, et la télévision publique ? Aucun ! Quels rapports peut-on établir entre les services SMS et la télévision publique ? Aucun ! On pourrait décliner longtemps cette liste...

La vérité, c'est qu'une infime partie du chiffre d'affaires des télécoms est concernée par les images de la télévision publique : l'offre triple play et bientôt la télévision mobile personnelle.

Le travail de notre assemblée – et nous verrons bien si vous êtes ou non totalement crispés sur le projet – doit être au minimum de resserrer l'assiette de cette taxe autour de l'activité directement concernée par la télévision : ce sera le sens profond de l'ensemble des amendements des centristes.

Ces taxes sont, enfin, antiéconomiques. La taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision privées déshabille les chaînes privées pour habiller le service public. Elle crée une situation de concurrence inédite et malsaine où le travail en milieu concurrentiel des chaînes privées alimente directement le secteur de l'audiovisuel public.

La taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques aura un effet directement négatif sur notre économie. Ce secteur d'activité est déjà lourdement taxé et sollicité : de nombreuses contraintes législatives ou réglementaires y accroissent périodiquement la charge d'investissement et les dépenses d'exploitation.

Entendons-nous bien : le groupe Nouveau Centre n'est pas opposé par principe à la taxation de ce secteur, mais le moins qu'on puisse dire, c'est que le Gouvernement n'a pas donné ici une vision d'ensemble à la hauteur des enjeux. N'aurait-il pas été plus légitime de mobiliser les capacités contributives des opérateurs pour financer le plan France numérique 2012 et le déploiement du très haut débit en France ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Dans quelques jours, nous allons aborder, madame la ministre, le projet de loi « Création et Internet », texte autrement plus dur et plus structurel pour la société française. Ne pensez-vous pas qu'il aurait été plus opportun de mobiliser ce secteur pour cette ambition ?

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Or la taxe envisagée de 0, 9 % du chiffre d'affaires est déjà fortement pénalisante. Si, par malheur, vous l'adoptez, que restera-t-il pour réaliser les objectifs ambitieux du plan France numérique 2012 et pour mettre positivement en oeuvre la loi « Création et Internet » ?

L'instauration de cette taxe aura donc comme double conséquence de ralentir les investissements des opérateurs et de répercuter tout ou partie de la taxe sur le consommateur final.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Les deux objectifs majeurs de l'économie nationale – hausse du pouvoir d'achat et relance de la croissance – se trouvent finalement contredits par l'instauration de ces taxes.

Pour ces différentes raisons, les députés du groupe Nouveau Centre sont déterminés à s'opposer à leur instauration.

Tout à l'heure, j'en appelais au magistère d'Édouard Balladur, pour que nous ayons le bon sens de reporter la suppression de la publicité à l'après 2012 ; j'en appelle maintenant au bon sens de chacun de mes collègues de la majorité présidentielle, à Gilles Carrez, rapporteur général, aux commissaires des finances, garants de la légitimité de l'impôt, pour leur demander instamment de ne pas commettre cette faute.

Si une majorité d'entre nous persistait malgré tout dans cette direction, il apparaîtrait alors clairement que le mobile profond de cette solution, qui a de si lourds désavantages, est à chercher du côté de la politique. La réalité, c'est que le Gouvernement voulait trouver une assiette large, dynamique permettant une taxation indolore pour les ménages. Cette logique électoraliste aurait prévalu sur d'autres logiques plus solides économiquement.

Depuis le début de la législature, le Nouveau Centre a apporté un soutien permanent, constructif et loyal à la majorité présidentielle. Mais, en face d'une réforme ni prioritaire ni urgente, les députés de notre groupe réaffirment leur opposition au calendrier de cette suppression et au financement envisagé.

Si notre analyse des différentes parties du projet de loi est contrastée, notre opposition sur ce point central du projet de loi prédomine aujourd'hui. Tout au long des débats, nous vous proposerons des amendements pour corriger les défauts structurels de ce texte. Notre vote final dépendra du sort qui leur sera réservé. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la réforme de l'audiovisuel public qui nous est aujourd'hui présentée est une réforme historique qui fera date parce qu'elle va ouvrir une nouvelle ère pour la télévision publique, que ce soit en termes de financement, de programmation ou de gouvernance. En ce sens, cette réforme va refonder, réinventer le service public de l'audiovisuel.

Ce qui doit nous guider dans ce projet, c'est, premièrement, la volonté de donner les moyens à France Télévisions de s'adapter à la révolution numérique en cours et à ses conséquences. C'est, deuxièmement, le choix politique, assumé et revendiqué, de créer les conditions pour offrir une vraie télévision de service public, c'est-à-dire une télévision où la culture, la création, l'innovation, les débats de société, la diversité auront davantage de place qu'aujourd'hui.

Cette réforme fera également date dans sa genèse. Elle a bien sûr été voulue et engagée par le Président de la République. En annonçant, le 8 janvier dernier, sa volonté de supprimer la publicité sur les chaînes de service public, il a lancé avec la détermination qu'on lui connaît le processus de réforme.

Je souhaite également souligner le travail accompli par la Commission pour la nouvelle télévision publique placée sous l'autorité de Jean-François Copé. Cette commission, très diverse dans sa composition, alliant parlementaires et professionnels du secteur, ainsi qu'un ensemble de personnalités dont l'expérience a été précieuse, a constitué un modèle original de réflexion puis de proposition.

Au final, un très grand nombre des propositions issues des travaux de cette commission se retrouve dans le projet de réforme. C'est, à mes yeux, une expérience inédite et réussie de travail parlementaire en amont, de réflexion partagée avec les professionnels et de coproduction législative avec vous, madame la ministre de la culture.

Sur le fond, la réforme fera naturellement date par le choix fondamental de supprimer la publicité sur les chaînes publiques. Le service public de l'audiovisuel sera désormais libéré du diktat de l'audimat. L'audience devient une ambition et non une obsession : c'est là vraiment le coeur de cette mesure. La suppression de la publicité vise à ouvrir de nouveaux champs pour réinventer une télévision publique de qualité, exigeante dans ses choix tout en étant populaire, une télévision originale et fédératrice qui, parce qu'elle remplira sa mission de service public, parce qu'elle sera plus libre, plus audacieuse, attirera et fidélisera le public.

J'ajoute que le fait que la première partie de soirée débute dès vingt heures trente et la seconde partie de soirée à vingt-deux heures quinze permettra aux téléspectateurs d'avoir accès plus tôt à des programmes de qualité.

Ne pas s'associer à cette réforme ambitieuse, c'est ne plus avoir confiance dans le service public et dans ce qu'il peut apporter de différent du secteur privé.

Je dois vous dire que j'ai été assez surpris par la polémique née de l'annonce de la suppression de la publicité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

J'espérais sincèrement que ce choix, voulu par le Président de la République, ferait consensus. Je ne résiste pas à citer la phrase de Claude Allègre, ancien ministre de Lionel Jospin, qui rappelait et dénonçait très justement dans un article publié en juillet dernier par un hebdomadaire bien connu la chose suivante : « À télévision publique argent public, à télévision privée argent privé. Ce slogan était celui de la gauche et un objectif du gouvernement Jospin. Mais il suffit que Sarkozy reprenne l'idée pour que cela provoque un tollé ! »

Il est surprenant d'entendre aujourd'hui nos collègues de gauche, en particulier ceux du groupe socialiste, dénoncer une mesure pour laquelle ils ont si longtemps milité. Il est paradoxal de les entendre défendre l'idée que le service public de l'audiovisuel et son indépendance seront mieux garantis si son financement est assuré en bonne partie par le marché. Vous avouerez que c'est à n'y rien comprendre. C'est à en perdre son latin ! Mais après tout, libre à vous, chers collègues de gauche, d'assumer vos incohérences !

Là où, je l'espère, nous pourrons nous retrouver, c'est bien sûr sur le fait que la télévision publique ne doit pas être sous-financée. C'est pour nous tous une exigence.

Dans un contexte où l'on perçoit de plus en plus que le marché publicitaire n'est pas une manne inépuisable et où les publicitaires se tournent chaque jour davantage vers les chaînes de la TNT ou vers de nouveaux médias, comme Internet, je crois que c'est rendre service à l'audiovisuel public que de le débarrasser des aléas du marché. Cela suppose naturellement que le financement public soit à la hauteur des besoins et soit garanti. C'est une évidence. C'est bien pour cela que l'État s'est engagé à compenser totalement le manque à gagner que la Commission Copé a évalué à ce stade à 450 millions d'euros,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

…en s'appuyant sur les résultats de France Télévisions en 2007.

L'indexation de la redevance sur l'évolution de l'inflation et la création de deux taxes qui ne pénalisent pas l'usager : l'une sur le chiffre d'affaires des fournisseurs d'accès à Internet et des opérateurs de télécommunication, l'autre sur les recettes publicitaires des chaînes privées de télévision – mesure, je le rappelle, qui faisait partie intégrante du projet socialiste de Mme Royal lors de la dernière campagne pour les présidentielle – doivent garantir un financement pérenne de l'audiovisuel public.

Il me paraît tout à fait légitime que les chaînes privées soient mises à contribution. Bénéficiant doublement de la réforme par le report de la publicité de France Télévisions et par l'autorisation d'une seconde coupure publicitaire, il est normal qu'elles contribuent au financement du secteur public, tout comme les fournisseurs d'accès à Internet ou les opérateurs de télécommunications, qui sont de nouveaux acteurs de télévision et qui profitent des développements technologiques de l'audiovisuel.

Mais garantir l'avenir de l'audiovisuel public ne doit pas aboutir non plus, dans le contexte économique difficile que nous connaissons et du fait de l'effondrement du marché publicitaire, à l'asphyxie des chaînes privées. Ce serait absurde. Un amendement vise ainsi à moduler la taxation des recettes publicitaires des chaînes privées entre 1,5 et 3 %, cher collègue rapporteur, en partant du principe, premièrement, que le montant de la taxe ne peut excéder la moitié de l'accroissement du chiffre d'affaires et, deuxièmement, que l'État compense la perte de recettes, ce que vous avez très clairement confirmé, madame la ministre, dans la réponse que vous avez apportée à la question que je vous ai posée cet après-midi sur ce sujet précis.

Mes chers collègues, il est certain que la suppression progressive de la publicité à partir du 5 janvier prochain est un changement profond. Il faudra donc rester vigilant quant à l'évolution des ressources du secteur public.

C'est pourquoi il me paraît important que, d'ici à la suppression définitive en 2012, soient instaurés un certain nombre de rendez-vous pour évaluer l'impact de la suppression de la publicité et des nouvelles taxes. C'est une précaution utile qui montre la volonté très claire du Parlement de garantir à l'audiovisuel public les moyens budgétaires nécessaires. J'ai proposé avec d'autres collègues un amendement en ce sens, qui a été voté en commission. Il me semble important que ces différentes clauses de rendez-vous soient définitivement adoptées par notre assemblée pour permettre un suivi du nouveau dispositif et des corrections éventuelles.

La réforme que nous examinons fera date également parce qu'elle va profondément moderniser le secteur public de la communication audiovisuelle.

Chacun mesure – et les échanges que nous avons eus au sein de la commission Copé ont été extrêmement éclairants – combien il est urgent que le secteur public audiovisuel s'adapte à la révolution numérique en cours. Le paysage audiovisuel est en pleine mutation, du fait de la multiplication de l'offre audiovisuelle mais aussi des moyens de réception et des acteurs du secteur, ce qui concourt à modifier profondément les équilibres économiques. Face à ces bouleversements en marche, la télévision publique, compte tenu de son modèle actuel, risquerait d'être bousculée, affaiblie et mise en danger. C'est pourquoi il est urgent de réorganiser le groupe France Télévisions pour le renforcer et de revoir ses modes de gouvernance.

L'organisation en entreprise unique de l'actuelle holding regroupant toutes les antennes publiques, est à ce titre essentielle. Que ce soit en termes de direction, de stratégie, de mutualisation des métiers ou de gains de productivité, cette nouvelle structure d'entreprise sera en effet un atout déterminant pour l'avenir du groupe. Elle doit lui permettre, en particulier, de s'adapter au développement rapide des nouvelles technologies audiovisuelles pour faire de France Télévisions un média global. Le service public doit pouvoir diffuser sur tous les supports, sur Internet, sur la télévision mobile.

Dans ce nouveau schéma d'organisation qui renforce l'intégration et la mutualisation des moyens, il est aussi indispensable, comme le prévoit le projet de loi, de donner une identité plus forte à chaque chaîne du groupe.

Je tiens également à saluer les mesures contenues dans le projet de loi qui poursuivent la réorganisation engagée depuis de longs mois de l'audiovisuel extérieur de la France. Sa nouvelle structuration devrait enfin lui donner plus de lisibilité et contribuer efficacement à l'émergence d'une vraie puissance médiatique au service de la francophonie, que nous sommes nombreux à appeler de nos voeux depuis longtemps.

Pour terminer, je souhaiterais aborder la question de la nomination des présidents des différents groupes de l'audiovisuel public par décret. Certains s'offusquent de cette disposition en fustigeant un retour à la télé d'État. Je crois que, sur un tel sujet, il faut raison garder et ne pas caricaturer.

D'abord, le processus de nomination retenu répondra aux mêmes règles que pour les autres entreprises du secteur public. En outre, compte tenu des enjeux de ce type de nomination, le projet sera encadré fortement par deux dispositions : d'une part, il faudra obtenir un avis conforme du CSA et, d'autre part, il faudra recueillir l'avis des commissions des affaires culturelles du Sénat et de l'Assemblée nationale.

Objectivement, je crois qu'en matière de nomination des présidents des sociétés publiques, nous allons par ces mesures gagner en transparence et mettre fin à un système de nomination hypocrite. À qui pourrez-vous faire croire en effet, mes chers collègues, que les Présidents de la République successifs ne se sont jamais sentis concernés par la nomination des présidents des sociétés du service public ?

Aujourd'hui, le choix et la responsabilité du choix seront publics et le Parlement, et donc l'opposition, pourra exprimer son avis. Je ne crois pas que la démocratie perde au change. Bien au contraire.

La réforme que nous examinons aujourd'hui est une réforme globale. Elle forme un tout cohérent qui doit permettre à l'audiovisuel public d'entrer dans une nouvelle ère où l'exigence de la qualité, l'importance donnée à la création, l'adaptation du service public à l'évolution technologique seront les priorités de l'action.

Cette réforme marque une vraie ambition pour le service public de l'audiovisuel. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP lui apportera tout son soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

À l'origine de ce projet, madame la ministre, nous aurions aimé discerner une volonté éclairée d'aider aux mutations nécessaires de l'audiovisuel français, nous aurions apprécié une recherche de nouveaux développements, pour le public comme pour le privé, pour les télévisions comme pour les nouveaux médias. Au sein du groupe socialiste, en effet, nous ne nions ni les évolutions nécessaires ni la crise réelle du secteur audiovisuel.

À la place d'une entreprise authentique de réforme, nous avons vu apparaître à la fois l'horreur politique et l'erreur économique, et je souhaite rappeler ce soir pourquoi votre projet mérite cette double et implacable condamnation.

Commençons par l'horreur politique.

Je ne veux pas faire l'impasse sur l'inquiétante dérive, le formidable retour en arrière sur le chemin de nos libertés collectives que constituent ce texte, sa genèse et sa chronologie.

Dérive politique quand l'arbitraire du monarque impose, et vous impose aussi, avec brutalité une décision inspirée par un club d'amis influents qui a pris dans la République une part prépondérante.

Dérive politique quand une commission d'un nouveau type, indéterminé, installée d'abord à l'Élysée, est dirigée par le président du groupe majoritaire à l'Assemblée nationale, fait sans précédent sur des questions comme l'audiovisuel, un président qui n'ignore pas que, sur la route du pouvoir, une influence patiemment construite sur le secteur audiovisuel est une arme puissante.

Cette commission, les socialistes ont dû la quitter tant le simulacre devenait manifeste.

Cette commission, que présidait Jean-François Copé, a servi ensuite d'alibi, vous le savez mieux que personne, monsieur le rapporteur, pour boucler un travail législatif mené à la hussarde, en quelques jours, au sein de la commission spéciale constituée à l'Assemblée. C'est ainsi que s'incarne la prétendue coproduction législative.

Je me demande d'ailleurs ce soir, devant les bancs désertés de l'UMP, où est donc ce M. Copé, qui a été le chef d'orchestre de la réforme mais qui, apparemment, n'assume dans l'hémicycle ni la parole, ni la partition, et encore moins le rôle qui lui était dévolu par le Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Cette commission a servi de paravent au texte définitif, tricoté et détricoté par des amendements snipers, nouvelle catégorie de frappe chirurgicale sur la télé publique, qui vit en quelque sorte le martyre de saint Sébastien. Dans Le Monde d'hier, du reste, huit membres éminents de la Commission Copé viennent de crier à la trahison tant ses travaux, qui n'étaient pas parfaits, sont dénaturés par les amendements de l'UMP.

L'horreur politique s'illustre encore par un climat d'ingérence permanente, celle du Président, la vôtre, celle de quelques parlementaires, monsieur Lefebvre, habitués de l'intimidation sur les agences de presse, les rédactions et les chaînes.

On retrouve autour de ce texte et des pratiques actuelles de l'UMP l'odeur incommodante des années de plomb de l'ORTF, celles d'Alain Peyrefitte dans les années 60, celles de Michel Poniatowski dans les années 70. On voit ainsi arriver au fil des amendements la tentation, ici de supprimer le journal national de France 3, là de fusionner les chaînes parlementaires, comme s'il y avait au fond trop d'information, trop de débat, peut-être trop de politique et sans doute trop d'impertinence.

Le comble a été atteint avec les conditions de nomination et de révocation du président de France Télévisions.

Il y a là, madame la ministre, l'abandon d'un lent progrès démocratique, lent mais continu, marqué par l'émancipation des médias, des radios, des télévisions, vers plus de liberté, pour la presse écrite également. Depuis la Libération, à chaque étape, gouvernements et majorités ont considéré que les entreprises de la presse et des médias réclamaient un statut protecteur et que les médias publics n'étaient pas des entreprises publiques comme les autres. La première loi sur les médias dans la France du XXIe siècle renonce à ce parfum de liberté, imparfaite sans doute, forcément inachevée, mais tellement essentielle.

Pour conduire cette politique choquante et dangereuse, Nicolas Sarkozy a pratiqué l'une de ces fausses transgressions qui lui tiennent lieu de tactique : la suppression de la publicité comme piratage des idées de la gauche, comme si, pour la gauche, le premier critère d'une bonne télévision était la présence ou non de la publicité.

Non, pour nous, la jauge d'une bonne télévision, c'est la liberté, celle dont le nom s'écrit grâce à l'indépendance des rédactions, au non-conformisme des esprits, au professionnalisme des journalistes, en un mot, grâce au pluralisme des médias.

En nommant lui-même le président de France Télévisions, Nicolas Sarkozy a cédé avec gourmandise à la tentation monarchique. En s'octroyant le pouvoir de le révoquer comme un valet, il dispose d'un pouvoir de sanction permanent, comme un lacet passé autour du cou.

Voilà pour l'horreur politique.

Il y a aussi l'erreur économique, et je voudrais brièvement énoncer les trois fautes, il y en a sans doute d'autres, qui vont déstabiliser la télévision publique et de nombreux médias privés.

La première, la principale peut-être, c'est l'insécurité budgétaire.

Je veux d'abord viser cette pseudo-clause de sauvegarde qui figure à l'article 18. En refusant de donner à la compensation, nécessaire après la suppression de la publicité, un caractère intégral et de faire figurer ce terme dans le texte comme nous l'avons demandé en commission, le Gouvernement et la majorité, réduite ce soir à moins de députés qu'il n'y a de doigts à une main, signent un nouveau meurtre parfait, l'étranglement budgétaire en différé. On a l'apparence de la justice mais la réalité de la précarité budgétaire. On rejoue la partie chaque année dans un dialogue qui verra les patrons des chaînes publiques aller mendier à Bercy, sans doute en échange de nombreuses contreparties, l'allocation budgétaire de l'année qui suit.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Merci, monsieur Roy.

Deuxième faute, l'imprévision devant les chocs qui transforment l'économie de l'audiovisuel : l'arrivée des opérateurs de télécommunications avec leur force financière, la TNT, le passage au numérique mais, peut-être plus radicalement encore, le paysage des médias dans la civilisation numérique, la place croissante de l'Internet, des réseaux numériques pour la diffusion, et surtout la transformation des usages culturels, moins verticaux et moins passifs, plus sélectifs et plus diversifiés.

Voilà ce qu'aurait pu être en effet le défi du média global dans cette réforme, voilà la transformation, la révolution que vous avez effleurées sans les voir, voilà les choix que vous ne faites pas, les diversifications que vous ne financez pas, et voilà pourquoi ce texte est tout simplement ringard.

Tout à l'heure, Jean Dionis du Séjour, avec lequel je suis souvent en désaccord, avait bien raison de dire qu'il y a un total anachronisme, et donc une vraie ringardise, à aller chercher dans la nouvelle économie de quoi financer l'audiovisuel public.

Alors que nous discuterons dans quelques semaines, si vous persistez dans cette autre erreur funeste, d'un texte bizarrement intitulé « Internet et création », nous aurons l'occasion de vous dire que nous avions les moyens de soutenir la création, ce que vous refusez.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

La troisième faute, je la vois dans la déstabilisation tous azimuts des médias : dans l'assèchement de la création, l'instabilité pour les annonceurs, l'inquiétude des radios… Le personnel de France Télévisions était aujourd'hui dans la rue. Nous y étions, à Paris, en région, outre-mer, Martine Aubry y était, (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP)…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

…pour réagir et résister à la déstabilisation des équipes de France Télévisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Pour toutes ces raisons, nous allons pied à pied dénoncer votre aveuglement, article après article, amendement après amendement. N'attendez des socialistes aucune concession sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Il faut éclairer l'aveuglement du Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues – chers car peu nombreux ; tout ce qui est rare est cher ! –, je serai très direct : ce texte ne nous convient pas car il ne répond aux attentes ni des salariés ni des téléspectateurs, compte tenu, qui plus est, de l'ampleur annoncée de la réforme, M. Copé ayant même parlé de réforme « historique ». À nos yeux, elle relève de la grande braderie plus que d'autre chose : une grande braderie pour mieux préparer l'enterrement du service public audiovisuel.

C'est d'autant plus regrettable qu'avec plus de trois heures de consommation quotidienne en moyenne, la télévision peut être considérée comme la première pratique « culturelle » des Français. Cette réforme aurait dû nous permettre de rappeler à quel point la télévision joue un rôle majeur dans le façonnement des esprits et des imaginaires de nos contemporains. Un espace médiatique démocratique digne de ce nom passe aussi et surtout par un service public audiovisuel fort ; il est inadmissible que vous le bradiez au profit des télévisions privées.

Permettez-moi un bref rappel historique. Après le démantèlement de l'ORTF en 1974, la télévision publique française n'a eu de cesse de se perdre, cruellement, au rythme des réformes politiques entreprises par la droite. Plus particulièrement, la loi de 1986, par laquelle Jacques Chirac créa les conditions pour que des empires télévisuels se constituent et se consolident – M. Léotard allait même jusqu'à parler, à l'époque, « d'un service public mort, d'un astre qui brille encore mais qui est mort » –, consacra l'entrée définitive du monde audiovisuel dans une logique libérale. Cela dura jusqu'en 2000, date à laquelle les missions de service public furent redéfinies dans le cadre de contrats d'objectifs et de moyens.

Ce rappel permet de mettre en lumière la présente loi, qui s'inscrit dans la lignée des réformes successives. Entre dérives financières, dérives de la programmation et prédominance du discours technologique, la télévision publique a, chaque fois, perdu un peu de son identité. Même si l'argument technologique doit être pris en considération, les mutations engendrées par la technologie étant importantes, il est fallacieux dans la mesure où il se confond toujours avec un discours marketing et politico-managérial inaudible.

L'annonce tonitruante du Président de la République s'inscrit très directement dans cette logique. Cette proposition phare de supprimer la publicité, pour attrayante qu'elle soit de prime abord, est un leurre politique. Car si elle n'est pas accompagnée de compensations financières à la hauteur, il y va très directement de l'existence même de la télévision publique et de la création. C'est tout l'équilibre de la politique audiovisuelle – laquelle a tout autant besoin d'acteurs audiovisuels forts que d'un soutien affirmé à ses créateurs – qui se trouve fragilisé et remis en cause. Le service public joue un rôle essentiel dans la diversité et le dynamisme de la création de fictions, de documentaires, d'animations et de spectacles vivants.

Quelques mois après la publication du Livre blanc de TF1, alors que le marché publicitaire, et en particulier celui de la télévision, ne cesse de décroître, la suppression de cette part importante de revenus pour France Télévisions n'a qu'un seul objet : répondre aux intérêts des télévisions privées, bien plus que de favoriser le service public audiovisuel dans sa capacité de production et de diffusion. Et ce en sacrifiant cet outil qui, même au milieu des centaines de chaînes qui dessinent notre paysage audiovisuel, parvient encore à faire montre d'innovation, de diversité culturelle et artistique, de programmation audacieuse, bien plus, en tout cas, que de nombreuses chaînes privées aux exigences financières intransigeantes, incapables de se remettre en question, de se réinventer, de se confronter au réel autrement qu'en termes de rentabilité immédiate et d'audimat.

J'évoquerai brièvement la question de la nomination des PDG par le Président de la République. Même si cette nouvelle attribution en dit long sur la conscience démocratique de notre Président, elle n'est en réalité que l'arbre qui cache la forêt. Cette mesure masque en effet la réelle réforme de ce projet de loi, qui n'est autre que l'asphyxie de France Télévisions pour mieux la voir mourir. De la même façon, lors de la réforme des institutions, avant l'été, beaucoup s'étaient trop longtemps concentrés sur la question de la venue du Président de la République devant le Parlement. Ces deux dispositions ébranlent certes des piliers de notre démocratie – la séparation des pouvoirs et l'indépendance des médias –, ce qui est extrêmement grave, mais ce qui se cache derrière est plus pernicieux encore.

Madame la ministre, si je devais résumer votre projet en deux mots, je reprendrais ceux de mon collègue sénateur Jack Ralite : étatisme et affairisme. Tout est dit. Ce violent mélange de genres décrit à la perfection la logique de ce que vous donnez à lire : étatisme, car le contrôle de l'État devient presque totalitaire et met sous tutelle le premier média audiovisuel public français ; affairisme, car cette mesure ne fait que répondre aux appétits de grands groupes privés.

Personne, sur ces bancs ou à France Télévisions, ne conteste la nécessité d'une réforme. Mais pas de cette manière, et en aucune façon pour répondre aux seules injonctions du Président qui, dans l'unique but de faire une grande annonce politique lors des voeux à la presse et par égard pour ses amis financiers, a décidé, sans prévenir, impunément et contrairement à toutes les attentes, de supprimer la publicité sur France Télévisions ! Pourquoi imposer la fin avant de réfléchir aux moyens indispensables à l'autonomie de ce média public ? Pourquoi mettre la charrue avant les boeufs ?

Bien sur, nous avons quelques idées quant aux motivations profondes, entre autres grâce aux sorties saisissantes de certains députés, sénateurs ou porte-parole de votre gouvernement qui en disent long sur leurs attentes. Des attentes en totale contradiction avec votre discours et vos promesses. Des attentes qui n'ont malheureusement rien à voir avec le développement dynamique « d'une nouvelle télévision publique qui porte avec encore plus de force sa belle mission de service public », pour reprendre l'exposé des motifs.

Ce dernier affirme plus loin que « seul un financement public, garanti et pérenne, permettra à France Télévisions d'assumer son identité, sa différence ». Très bien ! Mais alors écrivez-le et faites-nous une proposition concrète visant à encadrer de manière normative cette compensation financière. Reprenez par exemple un de nos amendements refusé au titre de l'article 40, qui seul pourrait nous assurer que cette compensation n'est pas une illusion.

Nous ne pouvons nous contenter de cet obscur alinéa 13 de l'article 18 : « La mise en oeuvre de l'alinéa qui précède donne lieu à une compensation financière de l'État. » Où est l'intégralité de la compensation ? Sur quelles bases sera-t-elle être évaluée ? Comment vous engagez-vous à tenir cette promesse du Président d'une compensation sur la base de « l'euro par l'euro » ?

La question est d'autant plus importante que les quelques solutions qui avaient été dessinées dans le projet de loi ordinaire sont, après passage en commission, réduites à peau de chagrin. Et les amendements qui ne cessent de nous arriver n'ont d'autre but que d'achever la télévision publique.

Je vous invite à regarder du côté de nos voisins, puisque c'est souvent ce que vous faites. La BBC, ARD, ZDF, et même la RAI, sont financées par les contribuables, ce qui permet un financement pérenne et dynamique, et ce sont des sociétés détachées, dans leur organisation comme dans leur fonctionnement, du pouvoir politique en place. Et permettez-moi de vous rappeler que, même au pire moment des privatisations entreprises en Grande-Bretagne par Mme Thatcher, il n'a jamais été question de toucher à la BBC, ni dans sa structure ni dans son financement. Peut-être devrions-nous retenir cette leçon.

Si ce texte passe en l'état, les PDG de France Télévisions, de Radio France et de la future société nationale en charge de l'audiovisuel extérieur de la France – AEF – seront nommés et, si telle est sa volonté, révoqués par le Président de la République, devenu omnipotent. Comme cette mesure ne semblait pas suffire, le projet y ajoute encore la possibilité de changer de contrat d'objectifs et de moyens au fur et à mesure que valseront les PDG. Enfin, pour parfaire le cadre idyllique de leur travail, ces derniers devront composer avec des conseils d'administration ouverts plus que de raison aux personnalités extérieures, avec un budget totalement dépendant du contexte politique et financier.

Tout converge dans votre projet de loi, article après article, pour que notre télévision publique devienne une réelle télévision d'État qui, en perdant son autonomie financière, perdra le peu d'indépendance politique qui lui resterait après la décision totalement rétrograde de la nomination présidentielle.

Je ne parle même pas de la future société nationale en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, qui, au prétexte de mutualiser les moyens de TV5, de France 24 et de RFI, va voir fondre ses moyens, donc ses missions et ses effectifs. Vous allez sacrifier l'humain et le matériel, et dégrader une image de la France déjà bien entamée par les fermetures successives de nos centres culturels ou la réduction de leurs moyens. Si la fusion de ces trois entités audiovisuelles doit suivre l'évolution de France 24, nous voilà bien mal partis ! Nous sommes, là encore, très loin du modèle de la BBC, si souvent cité en exemple.

La seule question est de savoir comment répondre aux injonctions de qualité et d'audimat quand les caisses sont vides, quand rien ne permet à une entreprise de garder le cap en termes d'objectifs et de moyens. Il ne faudra pas compter sur la révision générale des politiques publiques, qui ne manquera pas d'avoir des effets nocifs sur France Télévisions, Radio France et RFI. C'est d'ailleurs ce que semble prévoir notre collègue Frédéric Lefebvre qui, à plusieurs reprises et notamment hier, a affirmé compter sur le départ volontaire de plus 900 personnes.

Or le service public audiovisuel devrait être conçu comme un élément de régulation du paysage audiovisuel global, un garde-fou indispensable pour l'ensemble des acteurs : journalistes, producteurs, intermittents.

Ne leurrons personne. Ce projet de loi ne doit pas être sorti de son contexte. Il est en effet présenté au lendemain du lancement des états généraux de la presse depuis le perron de l'Élysée, donnant le la au contrôle des médias. Il est précédé de la renégociation, très opaque, des décrets Tasca réglementant le financement de la production audiovisuelle par les chaînes, et sera suivi du très contesté projet de loi sur Internet et les droits d'auteur.

L'étau se resserre sur l'information plurielle et l'indépendance des médias, entre des journalistes de plus en plus pressés par une logique purement économique rendant quasi impossible leur travail d'investigation et la disparition à terme de structures publiques. Ne perdons pas de vue que l'audiovisuel public est la dernière barrière pour éviter que les investisseurs privés ne fassent entendre que ce qu'ils veulent.

Alors, madame la ministre, je m'interroge – un peu naïvement, je vous l'accorde. À qui profite le crime ? Qui est le grand bénéficiaire de cette braderie ? Certainement pas France Télévisions, ni les téléspectateurs, encore moins la démocratie. Il suffit de voir comment ont été balayés nos amendements pour comprendre que le débat qui s'ouvre risque de n'être qu'une mascarade. Les dés sont pipés. Les débats ont eu lieu ailleurs, dans les bureaux de l'Élysée, peut-être dans ceux de TF1, peut-être parfois rue de Valois, mais de plus en plus loin de l'enceinte parlementaire.

Vous pourriez nous prouver le contraire, madame la ministre, et nous n'attendons que cela ! Nous vous présenterons, via nos amendements, des propositions qui sont, je le crois, recevables si vous êtes dans une démarche constructive et favorable au service public de la télévision. Elles tiennent compte d'une concertation assez large et répondent en partie aux revendications des salariés qui étaient aujourd'hui dans la rue, mais aussi aux préoccupations des directeurs de France Télévisions, qui ne savent pas de quoi demain sera fait. Elles défendent en outre les intérêts des auteurs et des producteurs, qui se sont exprimés hier dans une tribune publiée par un grand quotidien du soir. Il y va aussi de la prise en considération des intérêts des salariés de France Télévisions et de RFI par l'assurance de la continuité de leurs conventions collectives.

Nous reviendrons, durant le débat, à la suppression de la publicité en proposant de la moduler sur plusieurs années, de manière plus sereine et moins abrupte pour que France Télévisions dispose de ressources financières pérennes et dynamiques. Nous proposerons d'étendre la taxe sur les produits engendrés par la publicité en y assujettissant tous ces produits, exceptés ceux de la presse écrite, des télévisions publiques et du cinéma. Nous préconiserons aussi d'encadrer plus précisément et de manière plus contraignante les modalités de compensation financière par l'État afin que l'annonce par le Président de la République d'une compensation à l'euro près soit consacrée dans la loi et ne reste pas du strict domaine de la promesse – on a en effet déjà vu ce que de telles annonces pouvaient donner.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

J'ai encore droit à quarante-cinq secondes, monsieur le président !

Madame la ministre, permettez-moi de vous le dire très directement : il y a bien longtemps que nous avons cessé de croire aux promesses de votre gouvernement, comme d'ailleurs à celles du précédent.

Enfin, compte tenu de notre refus total de voir le Président de la République devenir le grand ordonnateur de la télévision publique, nous vous proposerons un processus de nomination démocratique en lien avec nos pouvoirs, à nous, parlementaires, qui sommes censés les avoir vus s'accroître.

Voilà, madame la ministre, dans les grandes lignes, les propositions que nous présenterons. Nous défendrons tout au long de ce débat l'intérêt d'un service public de l'audiovisuel indépendant, autonome politiquement et financièrement, ayant les moyens de promouvoir des programmes de qualité pour l'ensemble de nos concitoyens.

Quinze minutes pile, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur de la commission spéciale, je prends la parole avec l'envie de clarifier certaines choses parce qu'on a tellement entendu de contrevérités, de mensonges, parfois de bêtises, sur ce projet et ses conséquences…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Et je crains que nous n'ayons pas fini d'en entendre, monsieur Lefebvre !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Cela commence tellement mal que ça ne peut que finir mal – en tout cas pour vous, mes chers collègues. Je suppose que vous êtes inquiets. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Tout d'abord, puisque vous vous en êtes offusqué, monsieur Paul, je vais éclaircir le point suivant : pourquoi ai-je déposé un amendement tendant à la fusion des chaînes parlementaires ? À partir du moment où la décision est prise de réformer la télévision publique…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

…et où, à la demande de la direction de France Télévisions – je pense à Patrick de Carolis et à Patrice Duhamel –,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Que vous avez insultés, traînés dans la boue !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

…le Gouvernement, dont je salue la décision, transforme le groupe en entreprise unique, cela signifie que le service public devra faire des efforts. Il va falloir mener des réformes qui auraient dû être faites depuis bien longtemps, dont chacun reconnaît la nécessité, mais qui n'ont pas été réalisées par manque de courage. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dès lors, je pense qu'il est indispensable d'envoyer un signe montrant que nous, dans cette assemblée, nous avons décidé d'accomplir les mêmes efforts.

Si j'ai évoqué la fusion des chaînes parlementaires, c'est à la fois pour des raisons économiques et pour des raisons de qualité des programmes.

S'agissant des raisons économiques, j'entends dire parfois que la solution – elle est défendable – serait d'établir deux canaux. Mais, mes chers collègues, j'attire votre attention sur le fait que deux canaux coûteraient au moins 10 à 12 millions d'euros supplémentaires, et ce à un moment où on répète aux Français qu'il faut faire des économies. La fusion, elle, permettrait une économie d'un million d'euros.

En termes de qualité des programmes, je souligne que le statu quo n'est de toute façon pas acceptable. Il ne s'agit pas de limiter l'offre d'info sur les chaînes parlementaires, bien au contraire. Mais mettez-vous de temps en temps à la place des téléspectateurs, des Français qui regardent le petit écran, monsieur Paul : …

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

…il y a une très bonne émission, Ça vous regarde – que vous avez faite comme moi –, qui invite Valérie Boyer, à vingt heures trente, pour parler de l'obésité, ce qui permet un débat passionnant ; mais quand, à l'émission suivante, Bouge la France, à vingt et une heures trente, vous avez encore comme invité Valérie Boyer pour parler du même sujet, le téléspectateur se dit que quelque chose ne va pas. Et il a raison. Nous sommes aussi là pour lui apporter une réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Télérama, ce serait un peu trop subtil pour lui !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Cela étant, je respecte le travail de notre collègue Catherine Vautrin, qui est en train de conduire des auditions sur la situation des chaînes parlementaires, et chacun de nous peut se faire auditionner sur ce sujet important, mais je trouve qu'il est essentiel, à travers cette proposition de fusion, d'envoyer un signe aux services publics alors que nous les enjoignons de fournir des efforts et de se réorganiser. Nous ne sommes pas isolés. Nous nous inscrivons dans un paysage.

J'en viens justement au paysage audiovisuel. Personne ne fait cette réforme par plaisir.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Si Mme Albanel a décidé, avec courage, de s'y attaquer, si le Président de la République a tracé cette route, quelle en est la raison, à votre avis ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

C'est parce que Nicolas Sarkozy ne savait pas quoi annoncer ce jour-là !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

C'est parce que nous sommes devant une situation qu'il faut avoir le courage d'affronter en face. Dans notre pays, le modèle, c'est la gratuité des chaînes. Mais, dans ce cas, il y a bien quelqu'un qui paie : c'est la publicité. Or le même volume de publicité, qui finançait cinq chaînes, en finance aujourd'hui 200. Il ne faut pas raconter n'importe quoi aux Français en essayant de leur faire croire qu'on peut continuer comme ça sans rien changer alors qu'il y a, en plus, de la perte de valeur pour les entreprises qui participent au financement de la création. À cet égard, Christine Albanel a raison de rappeler que tant le service public que les chaînes privées participent à son financement. Écoutez de temps en temps les créateurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

On les écoute, et on constate qu'ils sont inquiets !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Écoutez, par exemple, Pascal Regard vous expliquer, avec tant de talent que certains députés de l'opposition ont repris ses propositions par voie d'amendement, que le financement de la création, c'est évidemment le service public, mais aussi les chaînes privées.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Il faut défendre, il faut sauver le service public pour plusieurs raisons, notamment parce qu'il est le garant du pluralisme. L'information passe aujourd'hui surtout par le service public parce que c'est là que se trouvent les lieux de débat. Je regrette qu'à TF1, M6 et dans beaucoup d'autres chaînes privées, il n'y ait pas aujourd'hui de débat, que la politique n'y ait pas sa place en dehors des périodes électorales, mais c'est la réalité.

Deuxième raison de sauver le service public : la diversité de la création. Le Gouvernement a rappelé que le financement de la création est assuré par les chaînes publiques et par les chaînes privées, mais sa diversité, on la doit au service public. S'il n'existait pas, nous n'aurions pas les documentaires ni les films en costumes. On sait parfaitement à qui nous les devons, et c'est une des raisons pour lesquelles l'État a raison de garantir au service public la compensation de la suppression de la publicité.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Vous pourriez travailler un peu plus là-dessus !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Ces deux textes recouvrent en réalité trois réformes.

La première porte sur le financement. Dieu sait si on a entendu des âneries à ce sujet, toujours le même disque d'ailleurs, sans jamais que ses opposants se posent la vraie question : si on avait laissé la situation actuelle perdurer sans rien changer, le service public aurait-il été en mesure d'affronter la réalité d'aujourd'hui ? La réponse, c'est qu'il en aurait été incapable. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : avant le 8 janvier, alors que Nicolas Sarkozy n'avait pas encore dit un mot sur la suppression de la publicité, le dispositif Horizon, tentative audacieuse pour décorréler la publicité de l'audience – avec des systèmes d'enchères assez innovants –, a conduit les principaux annonceurs de France Télévisions à partir. La publicité sur France télévisions a chuté cinq fois plus vite que sur les chaînes privées. Et vous voudriez que le Gouvernement reste les bras ballants, comme vous savez si bien le faire, et laisse le service public, à la fin de l'année, présenter un manque à gagner de l'ordre de 100 millions à 150 millions d'euros ? Quant à moi, je rends hommage à ce gouvernement…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

…d'avoir le courage de rechercher des solutions pour ne pas laisser la télévision publique prisonnière d'une érosion publicitaire en voie de devenir une chute, car, après, c'est la création qui aurait morflé, c'est l'info qui aurait manqué de financements. Il fallait donc prendre la décision de réformer le mode de financement.

De même, j'entends l'opposition dire partout que l'amendement de notre excellent rapporteur relatif à la taxe de 3 % viserait à la diviser par deux, voire à la supprimer, alors que vous savez parfaitement que c'est faux. La taxe demeure fixée à 3 %. Christian Kert a seulement proposé à notre commission d'établir un minimum de 1,5 %, l'objectif étant d'atteindre le seuil de 3 %, mais en tenant compte des réalités. Je défends cette disposition intelligente qui permettra d'adapter le système de compensation à la situation économique. Taxer les gens sur ce qu'ils n'ont pas touché, il n'y a que vous pour proposer cela ! Il est normal que les transferts attendus de publicité soient taxés : c'est la proposition du Président de la République, reprise dans le projet de loi. Mais si la crise économique passe par là et que les transferts ne se font pas, il est tout de même normal de ne pas taxer un secteur sur l'argent qu'il n'a pas perçu. Faire croire aux personnels de France Télévisions que l'argent n'ira pas à la société, c'est leur mentir.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Mais il n'y a aucune sécurité sur ce point, monsieur Lefebvre !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Vous savez parfaitement que l'État s'est engagé à compenser, à l'euro près, les 450 millions de pertes de recettes publicitaires. Il y a une signature de l'État. Pourquoi faire croire le contraire ? Cela me rappelle le pataquès que vous avez fait à propos de la soi-disant retraite à soixante-dix ans : quand a été votée une réforme qui maintient le principe de la retraite à soixante ans et repousse la mise à la retraite d'office, par le patron, de soixante-cinq ans à soixante-dix ans, vous avez tous répété : « C'est la retraite à soixante-dix ans ! ».

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Vous êtes en train de refaire la même chose lorsque vous prétendez que les comptes n'y sont pas, alors que vous savez parfaitement que l'argent sera au rendez-vous.

La seconde réforme porte sur la gouvernance. On a droit à un concert de bêtises sur le thème : « C'est une régression, c'est le retour de l'ORTF » alors que vous savez bien, parce que vous êtes honnêtes – en tout cas entre vous –, que le texte prévoit l'avis conforme du CSA. Le mot « conforme » a un sens pour les juristes : le Président de la République ou le Premier ministre ne pourront pas nommer le président de France Télévisions sans l'accord du CSA.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Bien que sûr que cela change tout, monsieur Mathus. De plus, nous pourrons nous prononcer démocratiquement, dans notre hémicycle, sur cette nomination. Jusque-là, la pratique était différente et vous en étiez des spécialistes : de grandes leçons données sur le devant de la scène et, dans les couloirs, les tripatouillages pour nommer les uns ou les autres aux postes de direction des chaînes de télévision. Les gens qui donnent des leçons alors qu'ils étaient les plus hypocrites, qu'ils nommaient qui ils voulaient dans les chaînes de télévision, à la tête du CSA et ailleurs, ils peuvent se les garder !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

La haine est mauvaise conseillère, monsieur Lefebvre !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Maintenant, les choses vont devenir transparentes : cela se passera devant les Français, il y aura des débats publics et l'opposition pourra prendre la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Voilà ce que je voulais apporter dans ce débat, monsieur le président, car, malheureusement, on assiste à une discussion pleine de contrevérités accumulées par les uns et par les autres en permanence, ce qui suscite une vraie inquiétude. Je ne nie pas, moi, l'inquiétude des personnels de France télévisions. À force d'entendre toutes ces contrevérités, il est normal qu'ils soient inquiets. J'ajoute que, dans le monde audiovisuel, bien au-delà du service public, il y a aussi une inquiétude parce que, pendant trop longtemps, on a développé encore et toujours les tuyaux – c'est votre obsession, monsieur Paul – en oubliant l'essentiel, les contenus et les programmes : c'est ce qu'attendent les Français, c'est cela qui les intéresse.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement, sur le fondement de l'article 58.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Tout d'abord, je m'étonne du ton presque haineux sur lequel M. Lefebvre a développé son argumentation, comme si ce ton en renforçait la qualité.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Surtout, je fais ce rappel au règlement pour demander au Gouvernement et au rapporteur si la deuxième victime de la loi Albanel, après France Télévisions bien sûr, ne sera pas une de nos chaînes parlementaires. La question se pose puisque M. Lefebvre vient d'ajouter au texte une dimension nouvelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Monsieur Paul, vous n'êtes plus dans le cadre d'un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Mais si, monsieur le président ! Je m'étonne que l'éventualité de la fusion des chaînes parlementaires surgisse au cours de la discussion générale : monsieur le rapporteur, madame la ministre, quelle vengeance poursuivez-vous contre nos deux chaînes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Votre intervention ne porte pas sur le déroulement de la séance, mais sur le fond. Elle est donc hors de propos. Vous aurez largement l'occasion de vous exprimer sur les points que vous souhaitez sans qu'il soit besoin de faire un rappel au règlement qui n'en est pas un.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons eu à examiner plusieurs textes qui relèvent d'une même philosophie, ou plutôt d'un même esprit néo-conservateur : protection des sources des journalistes, loi sur les archives, et maintenant réforme du service public audiovisuel. À chaque fois, on retrouve la même méthode pernicieuse, les mêmes arguments : faire croire à un progrès, afficher de grands principes et de belles intentions, et scander de grands mots pour mieux sabrer, assassiner les libertés publiques, la liberté de la presse et le pluralisme, qui sont les pierres angulaires de toute société démocratique. Je devrais aussi citer les attaques de Frédéric Lefebvre contre l'AFP…

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Pourtant, si le personnel de France Télévisions était dans la rue aujourd'hui pour manifester son inquiétude, c'était aussi à cause des déclarations de Frédéric Lefebvre à propos d'un plan social qu'il juge nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

C'est un pyromane, M. Lefebvre ! Il a des allumettes dans toutes les poches !

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Actuellement, l'audiovisuel public fait l'objet d'attaques inouïes de la part du Président de la République, du Gouvernement et de ses séides, jusque sur nos bancs. On ampute le financement pour faire coucher le service public audiovisuel dans un lit de Procuste.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

On change les règles de nomination en prétextant la réforme constitutionnelle pour suspendre une épée de Damoclès au-dessus de la tête du futur président de France Télévisions. Pourtant, la réforme constitutionnelle que vous avez votée…

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

…visait à encadrer le pouvoir de nomination qui revenait auparavant au seul Président de la République. À présent, vous utilisez cette réforme dans un sens exactement contraire, puisque vous remplacez la nomination par le CSA par un choix arbitraire, monarchique, du seul Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

De cette manière, on attaque évidemment l'indépendance du service public audiovisuel, mais on en profite aussi – et ce n'est pas anodin – pour faire de mirifiques cadeaux aux chaînes amies du Président, celles qui ont contribué à son élection, celles dont les patrons étaient là lors de la fameuse nuit du Fouquet's…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

C'est la faute originelle. M. Lefebvre n'était pas au Fouquet's et il l'a beaucoup regretté !

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

…mais la gueule de bois du lendemain sera pour nos concitoyens, pour les professionnels et pour les libertés publiques.

Le processus engagé a été marqué par ce qui, de prime abord, a pu apparaître comme une impréparation, habillée a posteriori par les oripeaux de la Commission Copé. L'annonce brutale du 8 janvier, qui avait plongé la majorité dans l'affolement, nous est désormais présentée comme un exemple de coproduction législative par le président du groupe majoritaire.

En fait d'innovation législative, c'est d'une coproduction avec les lobbyistes de TF1 qu'il faudrait parler. En effet, nous savons désormais d'où vient cette réforme : elle était écrite, non pas dans le programme de l'UMP, mais dans le Livre blanc rédigé par TF1 quelque temps avant l'annonce fracassante du 8 janvier par le Président de la République. La seule mesure de compensation – la taxe sur les recettes publicitaires des chaînes privées qui devait rapporter 80 millions d'euros – a été dépouillée de sa portée.

Un article à paraître demain dans Le Canard Enchaîné montre bien qu'un rapport, commandé à un cabinet…

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

…par l'association des chaînes privées regroupant Canal+, M6, TF1, a été envoyé mi-octobre à nos collègues de la majorité. Dans ce rapport, on lit : « Une nouvelle taxe de 3 % sur le chiffre d'affaires des chaînes privées accentuerait la détérioration probable de leurs comptes. Le projet de la nouvelle taxe, déjà intégrée par les marchés financiers, a directement contribué à hauteur de 760 millions d'euros à la destruction de valeur pour les actionnaires de ces groupes. »

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Visiblement, cela vous a fait pleurer des larmes de crocodiles, alors que le bénéfice net de TF1 atteignait 228 millions d'euros en 2007, en hausse de 14,6 %.

Ce même document, faxé par le groupe TF1 lui-même, semble avoir inspiré assez directement l'amendement présenté par notre rapporteur…

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

…qui vise à ramener cette taxe à un seuil de 1,5 % puisque, selon Le Canard Enchaîné, ce rapport de TF1 suggère « d'aménager la taxe sur les chaînes privées pour tenir compte de la réalité de la récession que le marché publicitaire va traverser dans les prochaines années ». Et il propose, « pour éviter que la taxe ne devienne confiscatoire et ne déstabilise gravement l'économie de ce marché en récession, de la plafonner à 50 % de l'accroissement constaté du chiffre d'affaires. »

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Voilà le poids des lobbies à l'Assemblée nationale, voilà le grand dessein que vous nourrissez pour le service public audiovisuel ! La Bourse ne s'y est pas trompée puisque le cours de TF1 a monté de 8,8 % le jour de l'annonce de cet amendement.

Le dispositif présenté aujourd'hui n'a pas pour seul dessein d'affaiblir la télévision publique, il veut aussi laisser le champ libre aux opérateurs privés, qui l'ont réclamé comme une bouée de sauvetage à accrocher sur le carénage de leur yacht pour compenser des choix stratégiques hasardeux. C'est de là que venait l'annonce inopinée du Président de la République, alors que personne ne réclamait la suppression de la publicité sur France Télévisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Où étaient les mouvements sociaux ? Où étaient les manifestations de téléspectateurs qui auraient réclamé cette suppression ? C'est aujourd'hui que les manifestants sont dans la rue pour défendre la qualité du service public audiovisuel.

Depuis cette annonce, les déclarations se succèdent, chacun y allant de sa recette, mais toujours au profit des chaînes amies – les TF1, M6, Bouygues, Bolloré, Bertelsmann : hausse du volume horaire de publicité, deuxième coupure de publicité dans les films au seul bénéfice des chaînes privées généralistes, constitution d'une entreprise unique portant en germe la standardisation des programmes, appel surréaliste d'un porte-parole de l'UMP à un plan social, et bien sûr nomination et révocation du président de France Télévisions par le pouvoir exécutif. La révocation est prévue pour manquement grave, avons-nous entendu en commission spéciale. Mais que sera ce manquement grave ? Un journaliste par trop impertinent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Un reportage qui montrera la réalité que vivent nos concitoyens au quotidien, l'ampleur des méfaits de la politique économique de ce gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Ou bien un journal télévisé qui n'aura pas assez vanté les mérites du Président de la République ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Un reportage sur l'amitié entre Ségolène Royal et Martine Aubry !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Parce qu'entre Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, c'est l'amour !

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

On le sait, le Président de la République a la mémoire longue. Il avait déjà menacé France 3 de représailles pendant la campagne présidentielle sur le mode : « Je me souviendrai de vous ! » Visiblement, il s'en est souvenu : comme par hasard, aujourd'hui deux députés réclament la fin de la rédaction de France 3, faisant ainsi tomber tous les faux nez. C'est bien France 3 que vous avez en ligne de mire, si je peux me permettre ce jeu de mots. C'est bien la rédaction de France 3 qui est le poil à gratter de la politique propagandiste de ce gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Tout cela, ce sont de nouvelles illustrations de cette volonté de contrôle total – au besoin par l'intimidation, l'appauvrissement, la mise sous le joug de la précarité budgétaire – du pouvoir sarkozyste sur les médias.

Que dire de la proposition de quelques députés – sans doute encore dûment diligentés – de remplacer la publicité entre vingt heures et vingt et une heures par des émissions destinées à l'édification morale de nos concitoyens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Ils veulent nous chanter la messe tous les jours !

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Il faudrait en rire si ce n'était à en pleurer ! Pourquoi ne pas diffuser en boucle les publicités que l'on nous sert désormais sur l'action gouvernementale et ses mérites ? Ce n'est même plus l'ORTF, mais Télé Moscou avec la constitution d'un homme nouveau sarkozyste ! C'est cela l'objectif de votre future télévision publique !

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

C'est surtout sans doute, madame la ministre, la meilleure façon de rabattre sur les chaînes privées les téléspectateurs du service public.

Toutes ces atteintes sont loin d'être symboliques. Elles entament la liberté de la presse, la pluralité de l'information, la qualité du service public. Nous sommes bien loin de l'exemple de la BBC ; cette loi semble plutôt trouver sa source en Italie…

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

…tant nous assistons à une « berlusconisation » de notre télévision.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

C'est Mitterrand qui avait donné La Cinq à Berlusconi ! On va rouvrir la boîte à souvenirs !

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Contrairement à toutes les déclarations d'intention, cette réforme risque de mettre à mal l'une des missions essentielles de l'audiovisuel public : être le socle de la création. Si l'avenir du service public audiovisuel et la recomposition du paysage des médias en France méritent un débat ouvert, ce « paquet audiovisuel » qui aura sans doute la même postérité que votre « paquet fiscal » consacre une régression sans pareil pour la démocratie. Il risque de ruiner des décennies d'efforts visant à garantir l'indépendance des médias et le pluralisme de l'information. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Didier Mathus, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Sûrement pressé, le président de la commission spéciale nous a quittés vers dix-huit heures trente, dès la fin de son intervention, et il n'a plus reparu dans cet hémicycle. Pourtant, j'avais cru comprendre que sa volonté obstinée de présider cette commission avait même provoqué quelques remous au sein de l'UMP. On peut imaginer qu'il en avait vraiment envie ! Je suis un peu surpris de ne pas l'avoir vu réapparaître de toute cette soirée, marquée par des interventions importantes et des motions de procédure. Est-ce que nous le reverrons ? Est-ce qu'il reviendra parmi nous ? Il nous manque : c'est tout de même le président de la commission ! Une petite suspension de séance lui laissant le temps de venir nous rejoindre me semblerait judicieuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La suspension est de droit ; je vous accorde cinq minutes.

Rappel au règlement

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mercredi 26 novembre 2008 à zéro heure vingt-cinq, est reprise à zéro heure trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La séance est reprise.

La parole est à Mme Françoise de Panafieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise de Panafieu

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la réforme de l'audiovisuel public qui nous est proposée est d'une grande ambition et d'une grande portée.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise de Panafieu

Notre mission consiste à fixer le cadre de l'audiovisuel public et de l'ensemble du paysage audiovisuel. Vaste défi, car ce monde évolue très vite comme nous le constatons depuis le vote de la précédente loi. Acte fort, compte tenu de l'importance de ce média qui concerne à la fois l'information, la culture, le divertissement et l'ouverture sur le monde.

De quoi parlons-nous ? Nous parlons…

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise de Panafieu

…d'une réforme voulue par le Président de la République, qui consiste à spécifier le mode de financement des différentes chaînes de télévision, et ce faisant à souligner leurs rôles respectifs. À la télévision publique revient un rôle d'exemplarité et de référence, avec un financement essentiellement d'origine publique, à travers la redevance et la subvention de l'État. Les télévisions commerciales disposent de ressources provenant de la publicité et elles contribuent au financement de la télévision publique. Les télévisions payantes sont financées par des abonnements et de la publicité ; les souscripteurs payent pour leurs programmes préférés, notamment le sport et le cinéma.

Cette clarification répond à une nécessité, mais elle pose également des questions pour l'avenir.

Elle répond à une nécessité, parce que le cadre législatif n'avait pas évolué depuis plusieurs années, alors que l'activité audiovisuelle est l'une de celles qui évoluent le plus vite dans notre société ; parce que le mode de financement proposé a pour but de permettre au service public d'être moins dépendant de la contrainte quotidienne de l'audience et de viser un objectif de qualité, lequel n'est ni contraire à une télévision populaire, ni synonyme d'une télévision réservée à des publics restreints. Une télévision de qualité est une télévision qui allie information, programmes culturels, magazines éducatifs, émissions politiques et ouverture sur le monde : c'est ce que réalise si bien la BBC en Angleterre.

Pour atteindre de tels objectifs, il faudra réformer la gouvernance et les structures. Mais cette réforme devra répondre aux questions que nous nous posons dans l'environnement particulier de l'audiovisuel. Il n'est pas besoin d'insister sur la situation économique actuelle, qui affecte la télévision comme les autres domaines. Il suffit de rappeler que les mutations intervenues ces dernières années se prolongeront : je pense notamment à la perte relative d'audience des grandes chaînes au profit des chaînes de la TNT et à l'apparition continue de nouvelles formes de concurrence avec l'Internet.

Les télévisions, pour survivre, doivent devenir des entreprises multimédia en nouant des partenariats avec de nouveaux acteurs, en se réinventant constamment. Le projet de loi dont nous discutons tire les conséquences des évolutions récentes. Il doit en même temps permettre à l'audiovisuel, notamment public, de s'adapter aux évolutions futures.

Tel est le souci qui a guidé notre travail en commission et qui nous a conduits à déposer certains amendements dont nous allons débattre. Oui, les chaînes de télévision, publiques et privées, sont solidaires les unes des autres, dans le succès comme dans l'échec : elles se stimulent plus qu'elles ne se concurrencent réellement. Il faut néanmoins que les chaînes publiques soient différentes des privées. Les unes et les autres auront d'autant plus à gagner qu'elles offriront au téléspectateur le choix le plus large, avec une approche différenciée. Le consommateur existe, et les chaînes commerciales vérifient régulièrement l'audience des « ménagères », ces femmes âgées de moins de cinquante ans qui font les courses. Mais il ne faut pas non plus oublier le citoyen spectateur, qui demande une autre approche. La télévision n'est pas faite pour ceux qui la font mais pour ceux qui la regardent : ne l'oublions jamais.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise de Panafieu

Vous en avez enfoncé d'autres !

Voilà donc une réforme nécessaire. Révolution numérique, concurrence accrue : autant de faits qui demandaient une redéfinition du paysage et la construction d'un média télévisuel global et cohérent.

Faire la télévision pour les citoyens et pas seulement pour les consommateurs ; s'intéresser à tous les publics, et pas seulement à ces ménagères chères aux annonceurs et aux publicitaires ; offrir une vraie diversité et un vrai choix à tous les publics, et pas seulement aux cibles de masse : autant de buts à atteindre au terme de nos débats.

Qui dit réforme, madame la ministre, dit courage. Cela fait vingt ans que tout le monde tourne autour du pot et que personne n'ose aborder le sujet. Sous l'impulsion du Président de la République, vous vous êtes résolument engagée. Pour notre part, nous sommes prêts à un vrai débat, au terme duquel nous aurons créé un service public audiovisuel de qualité, aux structures rénovées et doté d'un financement pérennisé, n'en déplaise à ceux qui voteront contre le texte.

Rappel au règlement

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Patrick Bloche, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Fondé, monsieur le président, sur l'article 58, alinéa premier.

Je souhaite, dans les cinq minutes qui me sont imparties, revenir sur ce que nous avons vécu avant l'examen de ces deux textes en séance publique. Les membres de la commission spéciale peuvent témoigner que Jean-François Copé a joué un rôle essentiel. On dit d'ailleurs que, suite à l'annonce brutale de la suppression de la publicité sur France Télévisions par le Président de la République au cours des voeux à la presse le 8 janvier dernier, M. Copé était allé trouver celui-ci pour s'inquiéter du financement pérenne de l'audiovisuel public. Bref, à l'époque, il ne « sentait » pas ce projet et s'en était ouvert au Président de la République, lequel, selon la petite histoire, lui aurait refilé la « patate chaude ». C'est ainsi qu'est née la commission Copé.

Nous avons été trois socialistes à y participer et, à un moment, à la quitter afin d'alerter l'opinion publique sur le fait que le financement pérenne n'était pas assuré, même en tenant compte des préconisations de la commission. Dès le printemps dernier, nous avions dit que le compte n'y était pas, ce qui se vérifie aujourd'hui, de sorte que la télévision publique est menacée à très court terme.

M. Copé s'est trouvé en situation de responsabilité lorsque a été décidée, tout aussi inopinément, la création d'une commission spéciale. On voit mal, d'ailleurs, à quoi elle a servi puisque, en l'absence du président Copé, le rapporteur, que nous saluons pour son engagement personnel, s'est souvent trouvé bien seul pour auditionner certains acteurs de l'audiovisuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Les socialistes n'étaient pas souvent là non plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Alors que le Gouvernement nous a habitués à la procédure d'urgence, qu'il applique encore aux présents textes, j'observe que la commission saisie n'a rien eu de spécial : nous aurions très bien pu travailler au sein de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Mais peu importe.

Depuis le début, M. Copé est un peu le fil rouge du projet relatif à l'audiovisuel public.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Pour l'opposition parlementaire que nous sommes, son absence dans l'hémicycle nuit considérablement aux débats, car il est un témoin privilégié de la gestation du projet.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

C'est pourquoi il nous paraît essentiel et même urgent que Jean-François Copé, qui n'a pas été revu dans notre hémicycle depuis dix-huit heures trente, nous rejoigne.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Si nous faisons le procès politique, et seulement politique, de ces mauvais textes,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

…nous avons besoin de la présence de M. Copé comme témoin assisté.

Voilà pourquoi, monsieur le président, nous vous demandons une nouvelle suspension de séance, à moins que, dans votre sagesse, vous ne décidiez de remettre à demain la suite de la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Vous n'êtes pas mandaté par votre groupe, monsieur Bloche, pour demander une suspension de séance : c'est M. Mathus qui l'est. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

J'ai beaucoup pensé à vous aujourd'hui, madame la ministre. En ces lendemains de Toussaint, quel effet cela fait-il, me suis-je demandé, d'endosser le rôle de fossoyeur du service public audiovisuel français ?

Revenons un instant sur cette aberration démocratique que constitue la nomination et la révocation du président de France Télévisions par décision – caprice, devrais-je dire – présidentielle : elle nous fait honte auprès de nos voisins européens et de tous ceux qui ont tenté d'assurer l'indépendance de l'information et de la création audiovisuelles. Certes, Michel Boyon, avec son sens de l'humour coutumier, dit que l'on parle trop de cette mesure, que le CSA est indépendant et que les deux textes sont de nouvelles chances pour la télévision publique. Il est vrai qu'il s'est illustré par ses services rendus à M. Raffarin, l'homme de la « positive attitude ».

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Que vous soyez l'actrice de cet affaissement de la démocratie, madame la ministre, me laisse songeuse.

Je me suis aussi demandé ce que vous pouviez ressentir en acceptant de priver de moyens l'audiovisuel public, brutalement dans un premier temps, puis durablement ; en demandant à France Télévisions, dont les recettes publicitaires ont chuté comme celles de tous ses concurrents, de retrouver un équilibre financier en 2010, alors que l'État lui-même y a renoncé. Que ressent-on lorsque l'on prive l'audiovisuel public, et à travers lui l'audiovisuel dans son ensemble, de ses moyens de financer une création de qualité, de sa capacité d'émulation et d'innovation ? Quel effet cela vous fait-il à vous, femme de culture, qui avez réfléchi à ces questions, de mettre à bas cet édifice fragile mais vertueux et spécifique à notre pays ? Qu'espériez-vous des travaux de la Commission Copé ? D'ailleurs, où est donc ce dernier ?

Monsieur le président, dois-je poursuivre mon intervention en l'absence du président de la commission spéciale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Les travaux de cette commission auraient pu être l'occasion de réfléchir au concept même de création audiovisuelle, que l'on limite trop souvent à la seule fiction. Or, quand l'audiovisuel public se porte bien, le privé est obligé de faire des efforts d'innovation : de ce cercle vertueux, il n'a pas été question au sein de la commission Copé, non plus que dans les textes soumis à notre examen.

On ne voit pas davantage en quoi l'audiovisuel public est à ce point dépendant de la publicité qu'il faudrait la supprimer, a fortiori entre vingt heures et six heures du matin. La Commission Copé aurait ainsi pu réfléchir à une disparition progressive, étalée sur quatre ou cinq ans, en commençant par les heures où les enfants regardent la télévision.

M. Lefebvre,…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

…qui nous parle tant de la loi sur l'obésité, aurait pu suggérer lui-même que l'on supprime la publicité de tous les nombreux – et souvent bons – programmes pour enfants diffusés sur les chaînes publiques, et notamment la publicité pour les produits sucrés et les barres chocolatées. Hélas, il n'en a rien été.

J'ai beaucoup pensé à vous, madame la ministre, car je suis convaincue que vous avez été heureuse de vous occuper de Versailles, cette part magnifique de notre patrimoine qui porte un message universel. De même, je ne doute pas que vous ayez réfléchi au message universel que porteront demain vos actions d'aujourd'hui, lors de votre nomination à la tête de ce ministère – qui vous a certainement comblée. Les artistes s'interrogent sur les images, les informations, les rythmes de notre société. Ce texte aurait pu leur ouvrir de nouvelles pistes – y compris à ceux d'entre eux qui sont les plus critiques de l'ère de l'image omniprésente.

J'ai beaucoup pensé à vous ; et je me suis dit que, sans doute, les scrupules vous avaient étouffée davantage que M. Lefebvre, dont je ne parviens pas à discerner s'il est « M. Toujours Plus » ou « M. Toujours Moins ».

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

La semaine dernière à la même heure, lors du débat sur les niches fiscales, il offrait toujours plus de cadeaux fiscaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

L'ensemble de l'Assemblée tentait de plafonner les niches, tandis que M. Lefebvre défendait consciencieusement des amendements visant à en déplafonner certaines, pour multiplier les cadeaux fiscaux offerts aux plus fortunés.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Défendre des amendements : voilà le métier de M. Lefebvre !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Cette semaine, il est le « M. Toujours Plus » de plans sociaux et de licenciements à France Télévisions. Rien ne l'arrête : la Chaîne Parlementaire et Public Sénat sont désormais dans son collimateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Hélas, M. Lefebvre est parti. Peut-être, monsieur le président, devrais-je interrompre mon intervention pour attendre son retour, ainsi que celui de M. Copé...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Ce n'est plus un discours, mais un avis de recherche !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

J'ai beaucoup pensé à vous, madame la ministre. À vous entendre aujourd'hui défendre ce projet de loi, je me suis rappelé cette phrase de Paul Valéry…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

… que vous avez si bien illustrée aujourd'hui : « Rien n'est vrai que ce qu'on ne dit pas. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Didier Mathus, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Nous sommes inquiets : voici près de six heures que M. Copé a disparu.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Est-il séquestré par les salariés de France 3 Île-de-France dans sa bonne ville de Meaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

En effet, ils sont très en colère. L'inquiétude est donc de mise, surtout après avoir entendu M. Lefebvre, qui voyait des ennemis partout. Peut-être a-t-il raison : même les paranoïaques ont des ennemis, écrivait Oscar Wilde.

Quoi qu'il en soit, la disparition de M. Copé nous inquiète. Nous demandons donc une suspension de séance, de sorte que vous puissiez, monsieur le président, vous enquérir de son sort, tant il nous manque cruellement – même si M. Herbillon le remplace avec dignité et talent.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je vais vous donner satisfaction en levant la séance après avoir donné la parole à M. Riester, qui n'exige pas, lui, la présence de M. Copé. Voilà qui vous donnera le loisir de le chercher toute la nuit, ou même d'en rêver ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant réforme de l'audiovisuel public n'est ni plus ni moins que la grande réforme attendue depuis de nombreuses années par le paysage audiovisuel. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il est le fruit du travail considérable accompli pendant plusieurs mois par la Commission sur l'avenir de l'audiovisuel public…

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Et pendant quelques secondes par le Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Cette commission, disais-je, présidée par Jean-François Copé et à laquelle j'ai eu l'honneur de participer, a accompli un remarquable travail, de même que vos services, madame la ministre, ainsi que la commission spéciale et notre rapporteur, M. Kert.

Tout d'abord, ce texte répond à une ancienne préoccupation de la majorité : moderniser le fonctionnement de France Télévisions. C'est ce que permettra la transformation de ce groupe, qui compte 49 sociétés indépendantes, en une entreprise unique. Cette nouvelle organisation entraînera des gains de productivité et de nouvelles synergies de fonctionnement, qu'il s'agisse de matériels, de régies ou de moyens – le tout au service de la multiplication des programmes de qualité.

Le regroupement des forces vives de France Télévisions est une réponse adaptée au défi du média global et de la révolution numérique, qui s'étend aujourd'hui à tous les supports – télévision classique, Internet, téléphonie mobile et même, bientôt, télévision mobile personnelle. Ainsi, France Télévisions pourra proposer ses programmes par le biais de l'ensemble de ces canaux de diffusion, et mieux les coordonner.

Ensuite, cette réforme répond aux besoins d'un paysage audiovisuel globalement sous-financé, et ce alors que le marché publicitaire est en net ralentissement. Pouvons-nous consentir à rester les bras croisés face à une situation de financement qui menace la création, sape la qualité des programmes et repousse les nécessaires investissements en matière de nouvelles technologies ? Non, là comme ailleurs, il fallait agir.

En l'occurrence, la solution suppose la suppression de la publicité sur le service public audiovisuel. Nos amis socialistes ne nous contrediront pas, eux qui, voici quelques mois encore, invoquaient la nécessité de libérer le service public de la tyrannie de l'audience. Or, libérer France Télévisions de la pression de l'audimat, c'est revenir à sa mission première : informer, éduquer et divertir. C'est affirmer avec conviction que la nouvelle télévision publique doit être au service de tous les publics. C'est faire preuve d'audace en prévoyant une première partie de soirée à 20 heures 30, puis une deuxième à partir de 22 heures 15. C'est multiplier les moments de commentaires et de décryptage d'événements sportifs, diversifier les formats, les créations, l'innovation. In fine, c'est le téléspectateur qui bénéficiera de ces avancées !

Certains débattent pour savoir si l'argent libéré par la suppression de la publicité sur France Télévisions aura un effet bénéfique pour les autres acteurs du paysage audiovisuel. J'en suis convaincu, en particulier pour les chaînes de la TNT ! Nous avons là une occasion unique de poursuivre leur développement : chaque jour, leur audimat montre à quel point leur place dans notre paysage audiovisuel est croissante. En outre, nous devons saisir cette chance historique pour coupler la réforme avec le passage de la télévision au tout numérique, processus qui débutera à Coulommiers le 4 février prochain.

Les effets bénéfiques de l'assouplissement du marché de la publicité sont évidents. Tout d'abord, la suppression de la publicité sur les chaînes publiques sera progressive : le 5 janvier prochain, elle ne s'appliquera qu'après 20 heures et sera généralisée en 2012 seulement. Ensuite, l'instauration d'une seconde coupure publicitaire sur les chaînes privées augmentera leurs revenus et leur permettra de diffuser davantage d'oeuvres cinématographiques, plutôt que des séries américaines rediffusées à plusieurs reprises. Je suis certain que M. Rogemont sera sensible à cet argument.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Enfin, l'augmentation du volume horaire de la publicité et le passage de l'heure glissante à l'heure d'horloge permettront d'assouplir le marché de la publicité et, partant, d'accroître les revenus des chaînes concernées.

En clair, cette réforme ne concerne pas seulement la télévision publique. Elle est bien plus ambitieuse : elle tend à bâtir un paysage audiovisuel moderne et adapté aux défis de la révolution numérique. C'est en ce sens, cher Michel Herbillon, que la réforme est historique : elle est globale et profonde. Un simple examen des articles du projet de loi le prouve : c'est l'ensemble du secteur audiovisuel qui est concerné, y compris l'audiovisuel extérieur, ou encore le Centre national de la cinématographie.

Enfin, grâce à l'engagement de l'État, pour lequel nous vous remercions de nouveau, madame la ministre, le financement de France Télévisions sera bel et bien assuré. Cessons les procès d'intention : j'entends dire ici ou là, sur les bancs de la gauche, que la redevance est le seul mode de financement légitime de l'audiovisuel public.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Et pour cause : elle est plus légitime que la création de nouvelles taxes !

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Soyons pragmatiques : la crise actuelle fragilise de nombreux ménages. Dans un tel contexte, une hausse de la redevance serait inopportune et nos concitoyens la refuseraient.

Il est bien plus légitime de solliciter la participation, par le biais d'une taxe très faible, des opérateurs de télécommunications, secteur ultrabénéficiaire et qui diffuse des contenus produits par le service public pour se développer – je pense en particulier aux offres triple play, ou encore à d'autres développements constatés chez France Télécom ou Orange.

Quant à l'instauration d'une taxe sur les chaînes privées, j'y suis très favorable, de même qu'à l'amendement tendant à la moduler en fonction des recettes constatées.

De grâce, n'oublions jamais que les recettes publicitaires ne sont pas des financements garantis ! Au contraire, ce texte garantit celui du service public.

Nombreux sont ceux qui ont promis cette réforme ou qui l'ont espérée. Nous la concrétisons aujourd'hui. Elle est à la mesure de notre ambition – une ambition pour la nouvelle télévision publique et pour le paysage audiovisuel français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je constate que plusieurs députés du groupe socialiste, dont M. Mathus, nous ont déjà quittés, sans doute pour partir à la recherche de M. Copé. Ils souhaitaient à cette fin une simple suspension. En levant maintenant la séance, je vais leur donner toute la nuit pour venir à bout de leur tâche. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Prochaine séance, mercredi 26 novembre à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Discussion sur le rapport de la commission mixte paritaire du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;

Suite de la discussion du projet de loi relatif au nouveau service public de la télévision et du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 26 novembre 2008, à une heure.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma