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Commission des affaires étrangères

Séance du 9 novembre 2010 à 16h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • colombie
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  • santos
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  • États-unis

La séance

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Audition de Mme Maria Angela Holguin Cuellar, ministre des affaires étrangères de Colombie La séance est ouverte à seize heures trente.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Madame la ministre, soyez la bienvenue. Je sais que Paris ne vous est pas inconnu puisque vous y avez effectué une partie de vos études. Vous êtes d'ailleurs restée attachée à notre pays et parlez très bien le français.

Diplomate de formation, vous avez été ambassadrice de Colombie auprès des Nations Unies, à New York, avant d'être appelée au cabinet du vice-président de l'époque, l'actuel président Santos, dont vous êtes une des proches. C'est donc logiquement que vous avez accédé à la tête de la diplomatie colombienne.

Les relations entre nos deux pays sont bonnes et soutenues, notamment au plan politique, et de nombreux entretiens entre chefs d'État ont eu lieu ces dernières années, avec le président Alvaro Uribe et maintenant avec le président Juan Manuel Santos. Nos relations économiques et nos échanges commerciaux sont également dynamiques.

Nous aimerions aborder avec vous, en premier lieu, la question de la sécurité intérieure, liée à la lutte contre les FARC – les Forces armées révolutionnaires de Colombie. Sur le plan intérieur, des succès significatifs ont été remportés par les autorités colombiennes. Comment définiriez-vous la situation actuelle, quelques semaines après la mort, fin septembre, de Mono Jojoy, le chef militaire des FARC, tué lors d'une opération militaire ?

La question des FARC affecte aussi les relations de votre pays et de ses voisins, notamment le Venezuela, avec lequel, en juillet dernier, les relations diplomatiques ont même été suspendues. Celles-ci ont été rétablies depuis lors. Comment la Colombie conçoit-elle désormais ses relations avec ses voisins d'Amérique du Sud ? L'ex-président Uribe estimait que le dossier des FARC exigeait de « faire la guerre à l'intérieur comme à l'extérieur ». Aujourd'hui, la question ne paraît pas faire obstacle à la politique d'ouverture régionale souhaitée par le président Santos.

Quelles grandes options diplomatiques le président Santos entend-il défendre au long de son mandat ? Comment la Colombie, qui deviendra, en 2011, membre du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies, compte-t-elle renforcer sa place sur la scène internationale ?

Enfin, comment voyez-vous l'évolution des relations de votre pays avec l'Europe et plus particulièrement avec la France ?

PermalienMaria Angela Holguin Cuellar, ministre des relations extérieures de la République de Colombie

Je vous remercie beaucoup de cette invitation. La France est un peu mon deuxième pays. J'y ai vécu plusieurs années, et je considérais comme ma mère la dame chez qui je vivais lorsque j'étais étudiante, à tel point que, par la suite, pendant vingt ans, jusqu'à son décès, je lui rendais visite chaque année pendant quelques jours. Venir en France est toujours un plaisir pour moi, et j'aime beaucoup votre langue.

Vous m'avez interrogée, monsieur le président, sur les relations de la Colombie avec ses voisins. Je connais bien le Venezuela et le président Hugo Chavez, ayant été ambassadrice à Caracas entre 2002 et 2004. L'enjeu principal est d'entretenir de bonnes relations avec nos voisins d'Amérique Latine. Le président Uribe, ces huit dernières années, a consacré tous ses efforts aux questions de sécurité et nous avons alors rencontré de ce fait des problèmes avec certains pays voisins, mais nous souhaitons tourner la page. Nous voulons désormais nous rapprocher et coopérer. La sécurité n'en reste pas moins un enjeu essentiel pour notre pays : sans sécurité, la prospérité est condamnée à rester « instable », comme l'a dit le président Santos.

Dès son arrivée au pouvoir, il a établi le contact avec le gouvernement vénézuélien en vue d'un dialogue et d'une coopération en matière de sécurité. Une première réunion s'est tenue à Santa Marta, deux jours après l'investiture du président. Cela n'a pas été aisé car le président Santos, avant son élection, parlait souvent du président Chavez dans des termes critiques, et le président Chavez avait déclaré que la victoire de M. Santos rendrait la situation très compliquée, voire ferait peser un risque de guerre avec le Venezuela.

J'ai finalement eu de bonnes conversations avec mon homologue vénézuélien. Ma tâche a été facilitée par l'ex-président argentin, Nestor Kirchner. Depuis deux ans, je vivais en effet en Argentine, où j'ai ouvert le bureau local de la banque de développement CAF, la Corporacion Andina de Fomento, tandis que Nestor Kirchner était devenu le secrétaire général de l'UNASUR – l'Union des nations sud-américaines –, et manifestait la volonté de jeter des ponts entre la Colombie et le Venezuela. Il nous a beaucoup aidés pour les premiers rapprochements, en expliquant à M. Chavez que les FARC posaient un problème de drogue, susceptible de toucher aussi le Venezuela et nécessitant un dialogue.

À Santa Marta, nos deux présidents ont beaucoup parlé de la sécurité et des FARC, 70 % des conversations ont même porté sur ce thème. Puis ils ont eu à Caracas, il y a huit jours, une deuxième réunion. Nous vivons une phase de construction de la confiance et nous ne sommes pas triomphalistes mais optimistes. Les relations entre la Colombie et le Venezuela ont toujours été compliquées – cela ne date pas de la présidence de M. Chavez – car la frontière est très vivante. L'important est que nous soyons déjà parvenus à mettre sur pied des mécanismes de coopération en matière de sécurité et de lutte contre la drogue, sans oublier les questions ayant trait au commerce et aux infrastructures.

S'agissant de l'Équateur, mon prédécesseur avait accompli de gros efforts pour restaurer des relations normales. Entre nos deux pays, tout fonctionne désormais, même si nous n'avons toujours pas échangé d'ambassadeurs. Les Équatoriens réclament au préalable des informations précises à propos de la conception et du déroulement de l'opération Phénix, au cours de laquelle Raul Reyes est mort, notamment pour savoir si les Américains étaient impliqués. Je me rendrai en Équateur la semaine prochaine et une commission est chargée d'examiner les sujets sensibles. Il y a un mois, lorsque le président Rafael Correa a traversé des difficultés, le président Santos s'est immédiatement rendu en Argentine pour une réunion de l'UNASUR : nous avons soutenu la démocratie en Équateur, et c'est un point important pour la confiance. Néanmoins, lorsque l'opération Phénix a été menée, le président Santos était ministre de la défense ; si nos relations se sont bien améliorées, la confiance doit donc encore être consolidée.

Ce rapprochement avec nos voisins a été apprécié dans le reste de l'Amérique latine. Un mois après l'investiture du président, nous sommes allés au Brésil et les relations avec Lula sont excellentes, nous avons de nombreux projets, beaucoup plus qu'au cours de la période précédente. Pour Lula, il est compliqué de faire l'arbitre entre deux pays avec lesquels le Brésil est limitrophe. Nous nous sommes aussi beaucoup rapprochés de l'Argentine, comme je l'ai dit grâce à Nestor Kirchner.

Nous voulons avoir des relations normales avec les pays de la région et nous croyons que nous pouvons constituer un pont entre l'Amérique Centrale et l'Amérique du Sud. Avec la création de l'UNASUR, c'est comme si l'Amérique Latine était coupée en deux : le Mexique et l'Amérique Centrale d'un côté, l'Amérique du Sud de l'autre. Or nous nous situons à la charnière entre l'une et l'autre. Peut-être savez-vous que les pays du MERCOSUR refusent de reconnaître le président du Honduras Porfirio Lobo, ce qui empêche le pays de siéger à l'Organisation des États américains (OEA). Nous aidons le Honduras à faire reconnaître que son président a été élu démocratiquement, afin de lever l'instabilité actuelle.

Si nous voulons entretenir de bonnes relations de coopération, nous ne cherchons pas pour autant à convaincre les États membres de l'ALBA – l'Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique – et ils ne nous convaincront pas non plus. Nos options économiques et politiques sont différentes, chacun en est conscient, mais cela ne nous empêche pas de pouvoir coopérer. Je crois que la transparence et l'honnêteté paieront.

Avec les États-Unis, qui nous ont apporté leur soutien dans la guerre contre les narcotrafiquants, nos relations restent excellentes. Il y a quelques semaines, le numéro deux du secrétariat d'État, M. James Steinberg, nous a rendu visite. Le traité de commerce n'est pas encore sur le bureau du Sénat, et nous ne sommes pas sûrs que le gouvernement américain soit décidé à le présenter dans les mois à venir. De toute façon, nous ne souhaitons pas limiter nos relations au commerce et à la défense. Nous avons donc étendu l'agenda aux questions d'énergie car nous avons désormais la capacité de vendre de l'énergie dans la région. Nous voulons travailler en coopération avec les États-Unis et nous pensons que nous pouvons beaucoup apporter. Il en va de même pour les sciences et technologies ou les droits humains. Pour la première fois, une grande réunion a été organisée en Colombie, en présence de nombreux fonctionnaires venant des États-Unis, pour parler d'autres sujets que le commerce et la défense. Si nous continuons à développer nos relations avec nos voisins, nous serons en mesure d'avoir un rôle accru dans la région.

L'Europe à présent. Le président Santos, après son élection, a visité quatre pays européens : la France, l'Espagne, la Grande-Bretagne et l'Allemagne. Après huit ans de lutte pour la sécurité, la Colombie est devenue un autre pays, elle s'est complètement transformée, elle est aujourd'hui relancée économiquement. Grâce à la sécurité retrouvée, nous avons découvert des puits de pétrole et, en un an, nous comptons faire passer la production de 400 000 à 1 million de barils par jour. Nous nous demandions toujours comment le Venezuela faisait pour extraire tant de pétrole alors que la Colombie, pays limitrophe, ne produisait rien. C'est la même chose, d'ailleurs, pour le secteur minier : grâce à la sécurité, nous avons pu avancer dans les domaines de l'extraction d'or ou de charbon.

En Europe, nous avons des partenaires privilégiés. Depuis une dizaine d'années, nous sommes extrêmement proches de l'Allemagne, très engagée dans plusieurs secteurs de l'économie colombienne. Nous travaillons aussi de manière très soutenue et dans divers domaines avec la Grande-Bretagne et la France. Notre relation avec la France a été longtemps hypothéquée par la question du kidnapping d'Ingrid Betancourt. Nous voudrions tourner la page et nous investir sur d'autres dossiers. Hier, avec votre ministre Bernard Kouchner et M. Jean-David Levitte, nous avons envisagé les dossiers sur lesquels nous pourrions travailler ensemble à l'avenir. Dans le domaine agricole, par exemple : grâce à la sécurité retrouvée, il devient possible de cultiver de nouvelles terres, et vous pourriez nous apporter une grande aide, ou encore dans les domaines de l'éducation, des sciences et technologies.

La Colombie vient d'être élue au Conseil de sécurité de l'ONU pour les années 2011 et 2012. Nous pouvons apporter notre expérience en matière de conflits, à nos voisins d'Amérique Latine et des Caraïbes. La situation en Haïti est très compliquée, vous le savez. Je m'y suis déplacée deux fois, il y a deux mois. Le président Santos s'y est rendu aussi. Nous nous sentons particulièrement concernés car Haïti n'est qu'à une heure de la ville colombienne de Barranquilla. Les Haïtiens manquent de tout, les institutions font défaut, nous ne pouvons pas les laisser dans cette situation. Les opérations de paix des Nations Unies coûtent 600 millions de dollars par an : elles pourraient être converties en opérations de développement. Ce sera l'une des positions que nous défendrons au Conseil de sécurité et nous y travaillerons avec la France.

S'agissant du commerce extérieur, nous avons perdu le marché vénézuélien : nos exportations y sont tombées de 7 milliards de dollars à 1,5 milliard par an. Même si de bonnes relations sont restaurées, il nous sera très difficile de revenir en arrière car le Venezuela s'est organisé différemment, et il achète désormais ailleurs. De toute façon, on ne doit pas mettre tous ses oeufs dans le même panier, et nous regardons aujourd'hui vers l'Asie, même si plusieurs pays latino-américains, à commencer par le Pérou, le Chili et le Mexique, y sont déjà implantés. Nous allons ouvrir quelques bureaux commerciaux, nous discutons avec le Chili en vue d'ouvrir des bureaux communs. L'enjeu consiste à trouver des marchés pour nos exportations car nous ne pouvons pas rester à attendre l'adoption du traité avec les États-Unis. Les Républicains nous ont beaucoup aidés par le passé mais nous sommes tributaires de la politique intérieure des États-Unis.

Le moment est venu de regarder dans d'autres directions. Heureusement, nous pouvons nous appuyer sur les secteurs pétrolier et minier, qui ont pris un poids très important. Nous envisageons un développement commercial en Asie et un approfondissement de la coopération avec l'Europe dans les domaines où nous avons besoin d'aide. Notre lien avec les États-Unis reste cependant essentiel.

Le trafic de drogue est un problème quotidien en Amérique Centrale et dans les Caraïbes, comme en Afrique du Nord, du reste. Avec les pays de cette partie de l'Amérique Latine, coincée entre la Colombie et le Mexique, nous conduisons une coopération très poussée contre la criminalité car ils ne disposent pas de la même puissance économique que nous pour y faire face, et il est de notre responsabilité de les y aider.

De même, nous commençons à aider l'Afrique du Nord, surtout la Mauritanie, le Sénégal, la Sierra Leone et la Guinée Bissau, en les faisant bénéficier de l'expertise que nous possédons malheureusement dans ce domaine. En matière d'investigations comme d'interventions policières ou aériennes, nos spécialistes sont très compétents. Pour nous, c'est une façon de poursuivre la lutte que nous menons depuis si longtemps contre la drogue.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Merci Madame la ministre pour cet exposé très complet. Je vous propose de répondre à présent à quelques questions.

PermalienPhoto de Marie-Louise Fort

Quel regard portez-vous sur la situation des chrétiens d'Orient, notamment après la tragédie survenue en Irak la semaine passée ?

En sa qualité de future membre non permanent du Conseil de sécurité, comment la Colombie considère-t-elle l'initiative prise par le président Lula, avec M. Erdogan, vis-à-vis de l'Iran ?

Enfin, comment le peuple colombien a-t-il reçu la publication du livre d'Ingrid Betancourt ?

PermalienPhoto de Robert Lecou

La France et la Colombie sont à la fois lointaines et proches. La Colombie est baignée par les eaux de l'océan Atlantique, comme la France, mais aussi par celles de l'océan Pacifique. Si l'essentiel du pays est situé dans l'hémisphère Nord, il possède aussi des régions au sud de l'équateur. Quelle image la France a-t-elle auprès des Colombiens ? Comment voyez-vous vos relations avec l'Europe ? Celle-ci a-t-elle une existence pour vous ?

PermalienMaria Angela Holguin Cuellar, ministre des relations extérieures de la République de Colombie

Vos questions sont délicates, madame Fort, surtout celle concernant l'Iran : nous avons mesuré lorsque nous défendions notre candidature au Conseil de sécurité, combien le sujet est sensible. Sur ce dossier, nous travaillons en amont avec des membres du Conseil de sécurité afin d'être prêts en janvier. Nous sommes déterminés à examiner ce problème mondial au fond car il ne faudrait pas qu'il devienne un enjeu régional. L'UNASUR doit jouer un rôle. Nous avons parlé de ce sujet, hier, avec le gouvernement français et nous avons eu des échanges avec les Américains, les Britanniques et les Russes. Nous verrons comment la situation évolue l'année prochaine.

Je reviens sur la question que m'a posée tout à l'heure M. le président Poniatowski à propos des FARC et de la mort de Jojoy. Il était le chef militaire des FARC, sa figure la plus sanguinaire, celui qui a fait le plus de mal au pays ; peut-être vous souvenez-vous d'une photo sur laquelle il apparaissait, devant une sorte de camp de concentration, avec des gardes. Le jour même de l'opération au cours de laquelle Jojoy a été tué, en septembre, la popularité du président a grimpé de 10 %, à l'instar de celle d'Uribe, le jour de la libération d'Ingrid Betancourt. Ce sont des moments importants pour les Colombiens car ils sentent que leur pays va enfin parvenir à vivre en paix. C'est aussi un message pour les FARC : où qu'elles se trouvent, elles ne peuvent échapper aux forces armées colombiennes, qui disposent désormais d'une grande capacité de renseignement et de puissance. D'ailleurs, depuis l'opération de septembre, nombre de leurs membres se rendent à la justice. Nous ne pouvons pas dire que le problème soit réglé, il demeure dans une partie du pays : vendredi, en Arauca, région frontalière avec le Venezuela, une personne a été kidnappée. Mais nous avons appelé le ministre de l'intérieur vénézuélien et, le soir même, la victime était relâchée. Pour les FARC, c'est aussi un message : leur situation se complique un peu dès lors que les pays voisins travaillent avec nous.

La question des chrétiens d'Irak est un problème complexe et un peu éloigné de notre réalité quotidienne, je le reconnais.

J'ignore si le livre d'Ingrid Betancourt se vend bien. Je vous avoue que je ne l'avais pas acheté mais M. Kouchner me l'a donné hier. Le phénomène Ingrid n'est pas perçu de la même façon en Colombie et en France. Les Colombiens ont senti qu'elle n'était pas reconnaissante de tout ce qu'a fait le gouvernement. Pire, en juin, elle a demandé une indemnisation à l'État. Elle est un peu sortie de l'actualité, mais elle passe de temps à temps à la télévision, lorsqu'elle donne une interview pour promouvoir son livre, à New York ou en Argentine. Malheureusement, l'image de la France, ces dernières années, a été associée surtout à Ingrid. Pour la France, cela semblait la seule façon de se rapprocher de la Colombie. L'ambassadeur aura beaucoup de travail pour tourner la page. Naguère, nos deux pays entretenaient des liens dans les domaines de la culture et de l'éducation ; aujourd'hui, on ne parle plus de la France qu'à propos de l'affaire Ingrid.

Même si c'est difficile à croire, les Colombiens se sentent très proches de l'Europe, ils ressentent toujours un attachement romantique vis-à-vis du continent où se trouvent leurs racines. C'est une question d'identité, nous ne venons pas des Etats-Unis ! Les relations d'amitié sont donc très fortes, mais nous avons l'impression que les Européens n'envisagent de relations avec l'Amérique Latine, singulièrement avec la Colombie, que pour parler de problèmes de droits de l'homme. Nous nous demandons s'il est possible de sortir de cette situation et de passer à un autre type de relations, d'autant que le président Santos est totalement engagé en faveur des droits humains. Quoi qu'il en soit, notre sentiment vis-à-vis de l'Europe reste très positif.

PermalienPhoto de Jacques Remiller

Le Venezuela n'est-il pas une zone de repli pour les FARC, voire une source d'aide dans le cadre de leur lutte contre l'État colombien ?

Pourriez-vous être plus précise à propos de la lutte contre les narcotrafiquants ?

PermalienPhoto de Jean-Michel Boucheron

D'après mes dernières informations, l'État colombien a refusé aux États-Unis des moyens qu'ils lui réclamaient pour lutter contre la drogue, notamment la possibilité de poser des avions sur certaines pistes et d'utiliser des radars pour détecter les avions des narcotrafiquants. Où en est ce dossier et quels sont les arguments de la Colombie ?

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Je serai très franc avec vous : en matière de lutte contre la production de drogue, le discours officiel de la Colombie paraît en décalage par rapport à la réalité du terrain. À l'inverse de ses déclarations, la Colombie s'accommoderait, semble-t-il, de la situation.

Alors que votre économie est la troisième d'Amérique Latine, pour quelle raison votre croissance est-elle très faible et votre taux de chômage aussi élevé ?

PermalienPhoto de Jacques Myard

Comment expliquez-vous que, dans certaines zones, notamment au Mexique, les narcotrafiquants aient pris le dessus sur l'État ? Dans cette région du monde, le niveau de coopération interétatique pour lutter contre le trafic de drogue est-il suffisant ?

PermalienMaria Angela Holguin Cuellar, ministre des relations extérieures de la République de Colombie

Monsieur Myard, je ne commenterai pas la situation du Mexique. Cependant, il y a deux semaines, à Carthagène, lors d'une réunion des pays d'Amérique Centrale et du Mexique, le président Calderon a signalé que 90 % des armes en circulation au Mexique ont été acquises légalement aux États-Unis.

Monsieur Roubaud, vous avez évoqué la production de drogue. Mais la consommation, en Europe et aux Etats-Unis, joue aussi un rôle dans la situation et nous ne voyons pas de politique forte pour la contrôler. Comme sur tous les marchés, tant que la demande est soutenue, la production suit. Du reste, même si vous n'y croyez pas, nous accomplissons beaucoup d'efforts pour essayer de réduire la production : nous continuons à procéder à des éradications manuelles et à des épandages aériens de glyphosate – sauf à la frontière équatorienne, compte tenu des problèmes que nous avons avec ce pays – car nous sommes convaincus de leur efficacité.

Nos ressources pétrolières viennent d'être découvertes, et il faudra un certain temps avant qu'elles soient pleinement exploitables. Nous espérons que cela arrivera fin 2011 et qu'il s'ensuivra une baisse du chômage. Du reste, le taux de chômage, depuis le mois d'août, est déjà tombé de 12 à 10 %, et le mouvement devrait se poursuivre. Nous consentons beaucoup d'efforts pour légaliser le travail et l'économie informelle. Nous cherchons, par toutes sortes d'interventions, à rendre le pays plus productif et à créer beaucoup d'emplois. Cela reste difficile car l'argent investi dans la sécurité représente quatre à cinq points du PIB, bien davantage que l'éducation et les programmes sociaux. Je ne viens pas vous réciter un conte de fée, le problème demeure, mais la sécurité du pays s'est beaucoup améliorée au cours des huit dernières années, avec pour résultat, l'année prochaine, le développement des secteurs du pétrole et des mines.

Monsieur Remiller, nous avons commencé à travailler avec nos voisins, en particulier le Venezuela, pour développer la coopération contre les narcotrafiquants, car la drogue transite par ces pays : celle qui arrive en Afrique du Nord passe par les Caraïbes, le Venezuela et le Nord du Brésil – où la situation est aussi très compliquée –, tout comme celle qui va aux États-Unis passe par l'Amérique Centrale. Nous travaillons très dur avec les armées et les appareils de sécurité de ces pays afin de les aider dans la lutte contre le trafic de drogues. Mais le marché est immense et, tant que la demande se maintient dans le monde entier, la solution n'est pas évidente pour les pays producteurs que sont la Colombie, le Pérou ou la Bolivie.

À propos du Venezuela, permettez-moi d'être prudente. Nous avons multiplié les efforts pour parvenir à de bonnes relations et nous continuerons dans cette voie. Une commission de sécurité communique au Venezuela toutes les informations détenues par la Colombie, qu'elles concernent les FARC, l'ALN ou les narcotrafiquants. Nous avons perçu des réactions positives : plusieurs gros narcotrafiquants ont été interpellés ces derniers mois.

Monsieur Boucheron, la Cour constitutionnelle colombienne a jugé inconstitutionnel l'accord relatif à la mise à disposition de bases aériennes signé par notre gouvernement avec les États-Unis, estimant qu'il avait valeur de traité international et devait par conséquent être examiné d'abord par le Sénat et le Congrès. Mais nous réfléchissons à la question avec les États-Unis car il n'est pas impossible que les traités en vigueur nous permettent de répondre à cette demande de coopération.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Au nom de tous mes collègues, je vous remercie d'avoir répondu aussi complètement et franchement à toutes nos questions. Vous serez toujours la bienvenue ici.

La séance est levée à dix-sept heures trente. ____